La tête dans les mains, Helios tentait de retrouver une respiration normale. Sa cape noire, ses vêtements sombres et son masque métallique étaient éparpillés sur le sol de sa chambre. Il les surplombait de toute sa fébrilité, ainsi assis sur son lit. Comment en était-il arrivé là ? L’aberration de la situation, le grotesque des évènements qui se jouaient devant lui l’entrainait dans une stupéfaction totale. Comment avait-il pu ainsi se retrouver comme ça ? Aussi brisé et apeuré que Sélénya lors de leur rencontre quelques années plus tôt ?! Pourtant il n’était pas aussi faible que la Poufsouffle. Il était trop imprenable, trop important, trop… Quoi ? Helios Carrow, le flamboyant n’était plus. Tout ce qu’il avait toujours jugé comme acquis, comme vrai et solide dans son existence disparaissait, telle de la poussière dans le vent.

Hennissant, l’étalon chevauchant au travers de l’orage

Helios Carrow avait toujours fait ce qu’il fallait pour rendre fière Meredith. Tout. Il avait eu un parcours quasi exemplaire à Poudlard, il s’était lancé dans des études supérieures prestigieuses, il avait même tenu tout une conversation et un dîner avec William Ombrage, c’était dire ! Helios envoya violemment voler le premier objet qui tomba sous sa main, un livre relié de « Tu seras un homme mon fils » du sorcier Kipling. Ironique. Rien que de penser à l’Ombrage, cela l’emplissait de colère et de dégoût. Tout ce qu’Helios avait fait pour rendre fière Meredith… Et elle le trahissait de la plus horrible et la plus définitive des façons avec cet homme. Cela faisait plus de dix jours que le blond tenait sa langue, qu’il n’avait pas confronté la Dame Carrow. Il n’arrivait ni à s’y résoudre ni à lui pardonner de lui avoir menti les yeux dans les yeux. Elle avait même convié Alexis Fawley pour boire un thé ! Comme si la situation avait été naturelle…. Rien ne l’était ! Elle lui avait menti en lui affirmant ce qu’il voulait entendre ! Elle n’avait même pas eu le courage de murmurer un autre nom que Phobos Asclépiades comme père. Qu’Helios avait été soulagé à ces dernières paroles. Mais quel idiot ! Comment avait-il pu être stupide à ce point pour la croire ?! Il n’était pas un Asclépiades ou un Lestrange comme il l’avait tellement espéré. Non, il était le fils de William Ombrage comme l’attestait le parchemin qu’il avait trouvé. Il était... Helios déglutit. Il n’arrivait pas à le dire. « Helios, tu es un sang-mêlé. »

Étouffant les cris des indignes du pouvoir,

Helios attrapa un coussin et hurla dedans. Il voulait s’abjurer, s’absoudre de cette infamie. Il n’était pas encore à terre. Il survivrait à cela. Personne ne le saurait jamais et il pourrait continuer sa vie comme il l’entendait. Pour le monde entier il serait encore et toujours le Sang-Pur Carrow et pour lui… Et bien, il s’en accommoderait. Il arriverait à l’accepter au fur et à mesure. Cela ne changeait rien à sa vie. Et puis Alexis était sang-mêlée et elle avait réussi. Alexis Fawley croyait en lui. Le Carrow serrait si fort ce foutu coussin que les jointures de ses doigts en devenaient blanches. Il ne s’effondrerait pas, pas quand tout ceux qui l’entouraient le voulaient. Il ne leur ferait pas ce plaisir. Il garderait la tête haute, emplie de toute l’arrogance et le pouvoir qu’il avait pour n’en rayonner que davantage. Jamais personne n’apprendrait son ascendance médiocre. Ce ne serait qu’un autre secret de famille comme il y en avait des centaines bien plus sombres et hideux.

Livre, aux Grands dans l’ombre, un espoir de courage.

Et si… Et si le sang n’était pas tout ? Une pensée dangereuse pour un Carrow entouré de mangemorts mais une lueur d’espoir pour un gamin à qui l’on n’avait eu de cesse de répéter qu’autre chose qu’un sang-pur n’était qu’un moins que rien. Peut-être… Peut-être Helios s’était-il fourvoyé ces dernières années ? Lorsque sa magie l’avait déserté après l’attaque du QG du Bood Circle, il avait cru sa vie finie. Il avait vu le mépris dans les yeux de tant de ses proches, amis ou familles. Pourtant Helios n’aurait pas dû être étonné. Il aurait réagi de la même manière. Ce monde était sans pitié, le moindre signe de faiblesse était fatal. Cependant, il avait survécu. Mais à quel prix ? Ses acquis et croyances solidement ancrées depuis vingt-et-une années avaient été ébranlés. D’abord par Amber. Cette fille… Il ne comprenait pas pourquoi ils étaient amis. Et pourtant Helios avait été là pour Amber et elle pour lui, à leurs façons Et puis il y avait eu Eirian. Bien que né-moldu, Eirian s’était montré digne d’intérêt. Mais cela Helios refusait de le voir. Car si son sang ne signifiait pas qu’il était supérieur alors il… « Mais Helios, tu n’es pas un Sang-Pur… » . Non effectivement, il n’avait plus son sang pour être respecté alors il n’avait plus rien… Si ce n’était… Sa carrière peut-être ?

Idolâtres factices et paix souillée de couards,

Être medicomage n’était pas son idée à la base. Il n’avait fait que suivre les conseils de Phobos et qu’est-ce qu’il avait bien fait. Il se sentait important, puissant d’avoir ainsi entre ses doigts la vie de quelqu’un. Peut-être serait-ce son escalier magique de secours pour atteindre les sommets ? Comme Phobos et comme Alexis. Il serait amené à aider ses camarades, aussi pénible cela pouvait l’être comme pour Owen et Kun… Le premier se délecterait de savoir qu’il n’était qu’un vulgaire sang-mêlé quant au second… Cela changeait tant de choses… Vraiment ? Il l’appréciait bien avant de découvrir les ascendances du Chang. Et pour Helios ? Devenait-il quelqu’un de différent ? Si oui, comment pourrait-il s’évader du carcan Carrow ?

Ô impies excluant le Phoenix émeraude,

Peut-être la réponse résidait-elle dans ses cousines. Thalia l’avait déjà trahi il y avait de ça plusieurs années. D’ailleurs Helios lui en voulait férocement depuis longtemps. Il était même allé jusqu’à pousser Thalia dans ses retranchements pour découvrir un secret embarrassant. Mais Hestia. Celle-ci l’avait soutenu. Par la barbe de Merlin, elle avait jusqu’à risqué sa vie en même temps qu’Helios pour l’aider. Hestia l’avait secondé dans la récupération de son foutu journal ! Mais… Alors que le jeune homme pensait toujours pouvoir compter sur la Serpentarde, la même Hestia l’avait laissé seul sur le champ de bataille. Elle lui avait planté un couteau dans le dos, comme Thalia, comme Meredith, comme tous ces foutus Carrow qui l’entouraient.

Soyez éblouis, rejetez la fraude.

Et alors Helios s’effondra véritablement. Toujours accroché à son coussin comme à une bouée de sauvetage, il coulait. Les larmes qui glissaient sur son visage n’étaient qu’un écho de la tempête dans laquelle il s’engouffrait et de l’eau salée qui se déversait dans ses poumons. Il ne tenait plus rien, il était à la dérive, brinquebalé comme un vulgaire bout de bois dans l’ouragan de ses sentiments, rien de plus qu’une poupée de chiffon. Plus de masque, plus de retenue, plus rien. Le grand Helios Carrow, fils héritier de la riche et puissante famille Carrow n’était finalement qu’un gamin effrayé à qui l’ont avait enlevé tous ses repères. Helios ne savait pas ce qu’il allait faire ou ce qu’il allait devenir. Il pleurait simplement, de tous ces ressentiments bien trop longtemps enfuis, de toutes ses barrières qu’il s’était construites pour tenir le coup, de tous ces attentes qu’on avait eu de lui et qu’il avait eu du monde. Plus rien ne faisait sens.

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Helios n’aurait su dire depuis combien de temps il était là, étendu mollement sur son lit. Des heures ? Des jours ? Darfin avait plusieurs fois toqué, c’est tout ce qu’il savait. Meredith aussi, il pensait. Ses yeux avaient arrêtés de déverser des larmes depuis quelques temps déjà, il n’en avait plus. Apathique, il fixait la fenêtre sur le côté de sa chambre sans esquiver ne serait-ce qu’un mouvement. En restant ainsi, peut-être que le monde l’oublierait. Peut-être qu’il pourrait disparaitre à jamais dans ce lit et que personne ne poserait jamais de question. Il n’était de toute façon pas encore assez connu pour cela. Il ne manquerait à personne, car personne ne l’appréciait. Il s’en fichait depuis si longtemps de ce que pouvait penser les autres…

Danseuse de l’espoir, miroitant le pouvoir,

S’il y avait bien des gens à qui il ne manquerait pas, ce serait bien ses camarades de terrain, voulues ou non. Par exemple Nymphéa, cette délurée qui pensait que le monde n’était que papillons et paillettes mais qui en même temps était prête à torturer un moldu. Ou Adèle, qui, maintenant qu’elle avait ses cours n’avait plus vraiment besoin de lui. Deux filles si différentes qui partageaient un point commun : une indifférence à le voir sombrer.

Apporte-moi, ô fine pluie d’or et d’argent

Il y avait aussi Alcyone lorsqu’ils avaient bu plus que de raison. Pour elle et pour beaucoup d’autres, Helios Carrow n’était qu’un arrogant stupide et inutile. C’était peut-être ces gens-là qu’ils appréciaient le plus, ces gens qui le détestaient. Car au moins, il n’y avait pas de faux semblant avec eux, on aurait même pu dire qu’il y avait une certaine constance. Cela en était presque triste. Pathétique même. Petit Helios qui n’était pas foutu de se faire des amis. Peut-être Amber ? Il n’osait même pas sortir de la bibliothèque en même temps qu’elle. La Rosier ? Vu la rentrée où il avait recroisé Maëlle, cette dernière ne devait plus se faire beaucoup d’illusion sur le connard qu’il était. Les Dimitrov ? Perdre son statut de sang-pur allait changer encore davantage ses liens avec l’aristocratie.

Nulles autres armes que ma croyance et mon devoir.

Ce qu’Helios décidait de faire à présent déterminerait le reste de sa vie. Fuir ? Rester et affronter ? Il n’y avait pas tant de choix que cela. Jetterait-il tous ses précédents efforts à s’élever vers le sommet de la société sorcière maintenant ? Alors qu’il avait enfin la possibilité de s’envoler. Qu’il soit un sang-mêlé... Il ne le dirait pas. Cela serait peut-être découvert un jour mais le plus tard possible, le mieux il se porterait. Il n’avait qu’à bruler ce foutu bout de papier. Entre temps, il avait encore le temps d’ajuster sa vision et ses croyances pour correspondre. Cela prendrait du temps mais… Et bien des gens comptaient sur lui. Le Carrow avait déjà commencé à poser des pions, que ce soit Will et ses ambitions ou même Nepentheo. Il ne pouvait pas tout abandonner maintenant. Helios se releva lentement. N’y avait-il pas une expression qui disait que le phoenix ne mourrait que pour revenir plus flamboyant ?

Abolit les forces des mortels ignorants

Helios Carrow n’était pas un sang-pur mais il restait un sorcier. Un sorcier puissant et à craindre. Un mangemort qui suivrait l’Augurey qui... Oh… Une réalisation vint le frapper. Elle-même n’était qu’une sang-mêlée, comme son père Voldemort. De nouveau, son existence était un reflet du Phoenix Émeraude. Peut-être était-ce l’univers lui donnant des indications ! William lui avait parlé d’un courant de pensée différent de celui que le jeune homme avait entendu toute sa vie et… William…. Helios ne lui pardonnerait pas aussi facilement. Le Carrow ne ferait que s’élever quand l’Ombrage, déjà au sommet n’aurait que la dégringolade de possible. La main du jeune homme se serra sur les draps en satin. Sa décision était prise.

Et magnifie la sombre envolée de la Mort.

Il y avait tant à faire encore. Devenir un grand medicomage. Se rapprocher de l’Augurey. Réduire les moldus en esclavage. Helios avait du pain sur la planche. Était—il prêt pour le défi ? Qu’avait-il à perdre ? Sa réputation ? Elle ne tenait plus qu’à un fil, menacé par le secret. Sa famille ? Déchirée, haïe et prête à le renier dès que ladite réputation serait réduite à néant. Son affection ? Il ne l’avait pas offert à quelqu’un depuis fort longtemps. Peut-être depuis Ezekiel et ce verre à Pré-au-Lard. Se détaillant dans le miroir, Helios se trouva éreinté. Il n’était plus que l’ombre de lui-même. Parfait. Une toile blanche sur laquelle il pourrait revêtir la personne qu’il voulait devenir. Plus incisif. Plus sûr de lui. Plus intraitable. Plus fort. Il serait tout cela à la fois. « Je suis prêt. »