Dès l'instant où la porte de l'apothicairerie se referma derrière le dernier client de la journée, un grand sorcier portant une barbe particulièrement fournie, le sourire aimable de Hestia disparu. Tout en tournant doucement la tête pour étirer sa nuque, la sorcière laissa la lassitude prendre place sur ses traits. Quand elle avait commencé à chercher un stage auprès d’un potionniste, Hestia s’était douté qu’elle pourrait éventuellement avoir à faire à des clients. Elle avait espéré le contraire, elle savait que ce métier pouvait très bien se réaliser seul dans un laboratoire ou au sein du Ministère de la magie où aucun contact avec d’autres personnes que des collègues ne seraient nécessaires. Malheureusement ça n’avait pas été le cas du stage qu’elle avait trouvé. L’endroit possédait bel et un bien un laboratoire, avec un équipement qui la faisait mourir de jalousie, mais il possédait également une partie semblable à une boutique. Un petit espace qui donnait sur l’allée des embrumes ou des sorciers pouvaient venir passer des commandes et acheter des potions ou ingrédients de leurs choix. Justes quelques étagères contre les murs avec des produits, et un comptoir pour recevoir les sorciers, heureusement ce n’était pas le genre d’endroit qui donnait envie aux autres de s’attarder. Devoir traiter avec des clients n’était pas vraiment au goût de Hestia qui préférait de loin travailler seule sur ses potions, mais elle n’avait pas fait la fine bouche, elle avait besoin de ce stage. Non seulement pour ses études, mais également pour pouvoir mettre un peu d’argent de côté. Jusqu’à maintenant elle était logée et nourrie à Poudlard mais elle savait que cette situation prendrait fin pour l’été alors elle devait s’assurer d’avoir des Gallions de côté pour affronter les deux mois en dehors de l’école de magie. Elle avait bien été vider son compte en banque à Gringotts avant que ses parents ne décident de s’en charger eux même, mais elle préférait toucher le moins possible à cet argent. Maintenant qu’elle n’avait plus personne pour la supporter financièrement elle devait faire attention. Ce stage avait donc été une opportunité qu’elle s’était empressée de saisir et tant pis si ça voulait dire qu’elle devait parfois traiter avec des clients insupportables.

Heureusement il n’y avait pas que des mauvais côtés à ce stage. En fait quand Hestia oubliait qu’elle devait traiter avec d’autres personnes, elle ne lui trouvait même que des bons côtés. Déjà il lui donnait l’opportunité de se consacrer entièrement à sa passion sans être parasitée par d’autres sujets qui l’intéressaient moins. L’université c’était bien sympa mais ce qui l’intéressait elle c’était les potions, c’était à ça qu’elle voulait dédier son existence, dans ce domaine qu’elle voulait se faire un nom. Ce stage était l’opportunité parfaite. Elle pouvait passer des journées, le nez au dessus de son chaudron à travailler sur des mélanges complexes, ou les mains dans les ingrédients à imaginer comment elle pourrait les utiliser. Le tout sous la surveillance de sa maitresse de stage bien sûr, elle n’était pas -encore- en totale autonomie, mais c’était déjà ça. Et puis il fallait le dire, la sorcière, dont le nom de famille était Hargraves, qui l’accueillait était elle-même une pointure dans le domaine des potions alors là encore Hestia avait de la chance de pouvoir travailler à ses côtés. Lui arracher cette place de stagiaire n’avait pas été simple, la verte avait dû faire preuve de patience et de trésors l’argumentation mais elle avait fini par obtenir ce qu’elle désirait. Ca n’était pas simple tous les jours, et des fois même pas vraiment intéressant, mais Hestia avait appris à s’en contenter et à ne pas trop en demander. Elle n’était que stagiaire, ses études n’étaient pas encore terminées alors elle avait encore du chemin à parcourir. Le jour où elle parviendrait à travailler à son compte elle pourrait s’occuper comme elle le désirait mais pour le moment ce n’était pas le cas. Ce stage elle en avait besoin, aussi bien pour son compte en banque, que pour ses études, alors elle faisait des efforts. Oh elle râlait quand sa maitresse de stage l’envoyait gérer les clients alors que tout ce qu’elle demandait c’était faire des potions, mais elle le faisait quand même. Ça faisait partie du jeu. Et si Hestia avait toujours eu pour mauvaise habitude de jouer un peu en dehors des règles, lorsque ça concernait son avenir elle avait rapidement compris que le plus judicieux pour elle serait de se montrer raisonnable. Ce qu’elle faisait. Enfin, de son mieux.

A chaque fois qu’elle franchissait la porte de l’apothicairerie Hargraves, la Serpentarde savait qu’elle tenait son avenir entre ses mains. Il fallait l’avouer, Hestia voyait au-delà de ce simple stage, bien sûr il était important, mais elle avait un objectif plus important encore. Elle voulait qu’à la fin de l’année la sorcière qui l’avait accepté comme stagiaire la prenne comme employée pour l’été. Elle avait de l’ambition, elle n’avait pas été répartie chez les Serpentards pour rien, et cette apothicairerie rentrait parfaitement dans ses plans d’avenir. Alors elle faisait ce qu’il fallait pour que ça arrive. Elle se soumettait à toutes les épreuves que Hargraves lui présentait, elle répondait à ses questions, créait des potions sans rechigner et récitait des listes d’ingrédients apprises par cœur. Maintenant qu’elle avait coupé ses attaches avec sa famille elle n’avait plus le droit à l’erreur. Retourner chez les Carrow la tête basse était hors de question et même si la verte était entourée de sa sœur et ses amis, elle ne pouvait plus compter que sur elle-même et sur les opportunités qu’elle se créait pour s’assurer un futur. Alors quand Hargraves lui demandait quelque chose, elle le faisait sans -trop- râler. Aujourd’hui la sorcière avait dû s’absenter pour rencontrer un fournisseur d’ingrédients et lui avait demandé de gérer les clients qui pouvaient potentiellement arriver. C’était ainsi qu’elle s’était retrouvée à accueillir ce qui lui semblait être une foule de sorciers venant tous avec des demandes plus farfelues les unes que les autres. C’était comme si ils s’étaient tous donnés le mot, dès que l’un partait, un nouveau entrait. A chaque fois, Hestia caressait l’espoir de pouvoir retourner à ses chaudrons avant de devoir renoncer aussitôt lorsque la cloche qui ornait la porte d’entrée tintait. Ah ce carillon elle l’aurait bien détruit à coup de sortilèges, sa baguette la démangeait mais elle devait se montrer raisonnable. Ce stage elle y tenait alors elle prenait sur elle et retournait au comptoir accueillir les clients. Un sourire polit aux lèvres, mais avec l’envie intérieure de les étrangler.

Ainsi elle ne fut pas mécontente de voir l’heure de fermeture de l’apothicairerie arriver et le dernier client de la journée quitter les lieux avec une dizaine de fioles dans les bras. Hestia n’était peut-être pas la vendeuse idéale mais au moins elle connaissait son sujet. Même si les lieux étaient fermés au public, ça ne signifiait pas pour autant que la journée de la Serpentarde était terminée, il lui restait encore au moins une heure sur place. Pour le coup, elle n’en n’était pas mécontente, elle avait enfin un peu de temps tranquille pour se concentrer sur les potions que Hargraves lui avait demandé de concocter. Ce n’était rien de bien compliqué cette fois mais Hestia s’en contentait, elle savait qu’avec le temps la sorcière lui confierait des tâches plus complexes. Elle avait hâte, mais elle s’efforçait de prendre son mal en patience. Pour se voir confier des tâches plus complexes, elle devait déjà exceller dans celles qu’elle avait à faire. Ce fut avec cette idée qu’elle alla enfin rejoindre le chaudron sur lequel elle travaillait dans le laboratoire situé dans l’arrière boutique. En plus du petit espace réservé à la clientèle, l’apothicairerie comportait toute une enfilade de pièces dédiées aux différentes activités de sa propriétaire. L’arrière boutique était consacrée aux potions en cours, des chaudrons de toutes tailles y étaient entreposés, chacun rempli d’un liquide différent. Après cette pièce venait la réserve où étaient stocké les fioles pleines qui attendaient d’être vendues aux sorciers ou amené à des acheteurs extérieurs. Puis l’espace suivant était réservé aux objets nécessaires à la fabrication de potions : fioles vides, ingrédients en tout genre, chaudrons neufs, un vrai petit paradis pour potionniste. Enfin, la dernière pièce -du moins que Hestia connaissait- était un second laboratoire plus sécurisé où Hargraves travaillait sur des potions beaucoup plus complexes et un peu plus dangereuses. Il y avait peut-être un débarras quelque part là dedans et Hestia avait entendu parler d’une porte qui donnait à l’extérieur mais elle n’en savait pas plus. Tout ce qui l’intéressait c’était la pièce où se trouvait son chaudron.

C’était là qu’elle se trouvait, le nez plongé dans son mélange depuis un bon quart d’heure déjà quand le carillon de la porte retentit de nouveau. Hestia fronça les sourcils, elle se souvenait avoir fermé la porte à clé derrière le dernier client. Et aux dernières nouvelles, sa maitresse de stage n’attendait pas de visite. « Hargraves c’est vous ? » Lança-t-elle à tout hasard depuis l’arrière boutique, rechignant à s’éloigner de son chaudron sans une bonne raison. Il lui semblait plutôt improbable que ce soit la sorcière qui ait franchi la porte, elle était la seule à pouvoir transplaner directement dans la boutique alors pourquoi aurait-elle choisi un autre moyen d’entrer ? En soit, ce n’était pas impossible, mais ça restait étrange. Prise d’un doute, Hestia recula de quelques pas pour jeter un coup d’œil de l’autre côté, mais de cette manière elle ne parvenait pas à voir la pièce dans son ensemble. « Il y a quelqu’un ? » Reprit-elle un peu plus fort pour se faire entendre. D’un geste de sa baguette, elle baissa le feu qui ronflait sous son chaudron et se dirigea vers l’avant de l’apothicairerie.

CODAGE PAR AMATIS

L’inattendue n’était pas exactement la chose que Hestia préférait voir dans son existence. Sans être une personne d’habitudes pour autant, elle n’était pas une grande fan des surprises de manière générale. Parce que souvent ça impliquait une réaction et des interactions qui lui étaient imposées et auxquelles elle ignorait si elle saurait répondre convenablement. Jouer un rôle était dans ses cordes, s’adapter aussi, mais elle préférait ne pas être prise au dépourvue. Alors quand elle avait compris que son stage lui demanderait de gérer des clients, elle n’avait pas été particulièrement ravie. Parce que chaque inconnu était un quelque chose d’inattendu qui lui tombait dessus sans qu’elle ne puisse s’y préparer. Oh, elle avait bien appris à jouer les caissières et conseillères, mais aucun client ne se ressemblait et certains étaient plus surprenants que d’autres. Et ce pas toujours dans le bon sens du terme. Bon, c’était même rarement le cas en fait. La Serpentarde faisait de son mieux, mais elle devait l’admettre, c’était une partie de son poste qui la faisait grincer des dents. Entre les clients qui venaient sans savoir ce qu’ils voulaient exactement. Ceux qui lui demandaient de leur décrire les potions dans les moindres détails. Ceux qui lui racontaient leur vie en s’imaginant que ça l’intéressait. Ceux qui savaient tout mieux qu’elle ou encore ceux qui ne l’écoutaient même pas, Hestia en avait vu de toutes les couleurs. La Serpentarde trouvait tout ça affreusement horripilant, mais elle n’avait pas le choix, elle ne voulait pas perdre son stage alors elle se devait de rester professionnelle, et si ce n’était souriante, au moins un minimum agréable. Pourtant il y avait de nombreuses fois où elle n’avait pas été mécontente de pouvoir ensuite se rendre sur le terrain de Quidditch pour aller taper sur des cognards. Taper sur les clients ça ne se faisait pas selon Hargraves, alors il fallait bien trouver une alternative.

De ce fait, la Serpentarde était toujours soulagée lorsque venait le moment de fermer l’apothicairerie. Cela voulait dire plus de clients à contenter, plus de plaintes à écouter et plus de réponses à donner. Il n’y avait plus qu’elle et les potions sur lesquelles elle travaillait. Bon, il y avait aussi Hargraves, sa maitresse de stage, mais les deux sorcières s’étaient habituées à la présence de l’autre et elles avaient appris à travailler ensemble, aussi cela ne gênait pas Hestia. En fait, elle avait même fini par trouver ça véritablement agréable. Jusqu’à maintenant la Serpentarde avait toujours travaillée seule sur ses potions. C’était seule qu’elle avait découvert sa passion et son don pour ce domaine et c’était seule qu’elle l’avait peaufiné. Il en était toujours aller ainsi, lorsqu’elle était enfant c’était sans personne qu’elle plongeait dans le bois derrière la maison familiale pour faire pousser ses plantes. Et désormais, quand elle se rendait dans les cachots de Poudlard pour travailler sur ses mélanges, c’était toujours en solitaire qu’elle le faisait. Elle avait toujours considéré son art comme quelque chose qui ne se partageait pas, sûrement parce qu’elle n’était encore jamais tombée sur quelqu’un qui égalait son niveau. Chez elle, Thalia l’avait soutenue et encouragée mais elle ne s’était pas assez intéressée aux potions pour véritablement suivre les avancées de sa cadette. Et à Poudlard, eh bien, il suffisait de dire qu’il y avait plus d’élèves qui faisaient fondre leurs chaudrons que Hestia ne pouvait le supporter. La solitude lui allait très bien, du moins jusqu’à ce qu’elle débute ce stage et que Hargraves lui fasse revoir son jugement. En travaillant avec la sorcière, elle avait découvert qu’il lui était possible de profiter de l’expertise d’une tierce personne. Si Hestia aimait toujours travailler seule, elle comprenait maintenant que ce n’était plus l’unique manière de faire.

C’était cependant le cas aujourd’hui, mais elle ne s’en plaignait pas, ce n’était quand même pas de sitôt que la verte allait se mettre à aimer être entourée. En cette fin d’après midi, Hargraves l’avait informée qu’elle partait rencontrer un fournisseur et qu’elle ne savait pas trop pour combien de temps elle en aurait. Hestia ne s’était pas formalisée de ce manque de précision, elle n’avait rien à dire à celle qui était sa patronne et puis elle ne disait jamais non à un peu de temps en solitaire, c’était un luxe qu’elle ne pouvait pas souvent s’accorder à Poudlard. Bien sûr, ce fut à ce moment précis que la clochette accrochée à la porte d’entrée tinta, indiquant qu’elle n’était plus seule dans les lieux. Hestia fronça les sourcils, elle était pourtant sûre d’avoir fermée la porte à clé et il était un peu tôt pour que Hargraves ne revienne. Par acquis de conscience, elle appela tout de même sa maitresse de stage. Il aurait été bien embêtant qu’elle ne lui tombe dessus parce qu’elle pensait qu’il s’agissait d’un intru. La Serpentarde n’avait jamais été confrontée à ce genre de situation mais elle savait que l’apothicairerie renfermait des potions complexes et parfois rares qui valaient un certain prix. Pour les voleurs qui s’y connaissaient dans le domaine des potions, ces lieux pouvaient être une vraie mine d’or. Alors quand personne ne lui répondit, Hestia ne pu empêcher la nervosité de la gagner. Avait-elle rêvé le bruit qu’elle avait entendu ? Au fond, ce n’était pas impossible, la journée avait été longue. Mais elle avait du mal à croire cette hypothèse. Au fond d’elle, quelque chose lui disait qu’elle n’était plus seule dans l’apothicairerie et soudainement elle en venait à regretter que Hargraves ait eu besoin de s’absenter. Après avoir lancé une nouvelle question, Hestia tendit l’oreille. Il lui sembla entendre un bruit lointain mais elle n’en n’était pas sûre. Par Merlin, qu’elle pouvait détester ce sentiment de doute qui s’infiltrait en elle. Décidant qu’elle ne pouvait rester ainsi éternellement, et encore moins laisser quelqu’un -s’il y avait bien quelqu’un- lui tomber dessus, la Serpentarde prit les devants. Ses doigts fermement agrippés à sa baguette, elle s’efforça d’ignorer son cœur qui s’était mis à battre un peu plus fort et s’engouffra dans l’enfilade de pièces pour rejoindre l’entrée.

Elle aurait aimé être capable de se convaincre qu’elle se trompait, qu’elle n’avait aucune raison de s’inquiéter et qu’elle se faisait tout simplement des films. Mais plus elle avançait dans les pièces, plus elle avait le sentiment que rien de tout ça n’était un tour de son esprit. Elle n’était pas seule, elle pouvait le sentir, c’était presque instinctif. Alors tout en avançant, elle maudissait Hargraves d’avoir apposé un sortilège anti-transplanage sur son apothicairerie. La Serpentarde n’eut cependant pas le temps d’aller bien loin. Elle n’avait fait que quelques pas quand elle tomba nez à nez avec une silhouette tout de noir vêtu. Lorsqu’elle leva les yeux et que ses prunelles ambrées rencontrèrent un masque en argent, son cœur s’affola dans sa poitrine. Le reste ne fut absolument pas réfléchi, son instinct pris le relai et elle ne chercha pas à le retenir. Son poing partit avec la vitesse de l’éclair, pas de réflexion, juste un réflexe de survie, et alla s’écraser en plein sur la mâchoire du mangemort. Pourquoi avait-elle usé de la force physique alors qu’elle tenait sa baguette, elle n’aurait su le dire. Ca aurait sûrement été mieux car la rencontre avec le masque du sorcier ne se fit pas sans heurt. Son poing se mit aussitôt à l’élancer mais elle ne prêta pas attention à la douleur. « Qui êtes vous ? » S’exclama-t-elle d’une voix rendue sifflante à cause de l’adrénaline qui pulsait dans ses veines. Elle fit un pas en arrière, brandissant cette fois sa baguette sur la silhouette qui s’était pliée sous l’impact. Un mangemort, ici, alors qu’elle se trouvait seule. Ses pensées se mirent à tourner dans son cerveau. Ce sorcier ne pouvait pas être là par hasard, ce n’était pas possible. Ce genre de coïncidence n’existait pas. « Qu’est-ce que vous me voulez ? » Demanda-t-elle d’une voix un peu plus forte pour tenter de se donner de l’assurance alors qu’au fond d’elle, elle cherchait déjà un moyen de se sortir de là vivante. Cela faisait des semaines qu’elle avait quitté la famille Carrow, si elle s’était dit que le silence de ses parents était d’abord dû au fait qu’ils devaient chercher un moyen de minimiser la honte qu’elle leur causait, elle savait aussi que les représailles n’allaient pas tarder. Ils pouvaient tenter de la récupérer, ou bien tenter de lui faire payer son affront. Au fond, elle ne savait pas ce qui était le pire. Mais apparemment aujourd’hui était le jour où elle obtenait une réponse à cette interrogation.

CODAGE PAR AMATIS

Un mangemort devant elle, et Hestia se retrouvait le cœur au bord des lèvres et la peur accrochée au ventre. Pourtant ce n’était pas la première fois qu’elle se trouvait face à l’un de ces mages noirs, en fait, elle les avait côtoyés toute sa vie. Mieux, elle avait vécu avec l’un d’entre eux, dîné à sa table et conversé avec lui presque tous les jours de son existence. Son père était un mangemort, sa tante était une mangemort. La plupart des sorciers adultes qu’elle avait côtoyé de prêt ou de loin étaient des mangemorts. Il en allait ainsi lorsque l’on évoluait parmi les hautes sphères des sorciers de sang pur, les mages noirs se faisaient légion. Hestia n’avait jamais sourcillé à cette idée, elle ne l’appréciait pas, certes, mais il en allait ainsi et elle avait appris à faire avec. Elle savait quels idéaux ces sorciers prônaient, quels actes ils commettaient sous couvert d’un monde qui leur conviendrait davantage, elle ne les cautionnait pas, mais elle n’avait jamais eu son mot à dire. Alors elle faisait comme si elle ne savait rien, entretenait les conversations pendant les soirées mondaines et saluait ces sorciers comme si de rien n’était, comme si elle ne voyait pas le sang qui entachait leurs mains. Les mangemorts faisaient partie de son entourage, et même de sa famille, quel autre choix avait-elle ? Leurs actions la répugnaient mais jusqu’à présent aucun n’avait réellement inspiré la peur à Hestia. Parce qu’à chaque fois, ils se côtoyaient dans l’ambiance polie des soirées guindée, ou le calme des conversations qui animaient les dîners sans fin. La politesse et les manières étaient de mise, les piques se cachaient sous des compliments et les trahisons dans des regards, mais pas de violence. Jamais, ça aurait été bien trop vulgaire. Une fois leurs masques retirés, les mangemorts pouvaient presque passer pour des gens bien, des sorciers pleins de bonnes intentions. Quelle belle ironie.

Sauf que celui qui faisait face à Hestia le portait, son masque. Et la Serpentarde savait quelles promesses se cachaient derrière cette identité camouflée. Quelles menaces. Parce que s’en était une, elle n’en doutait pas un instant. Sinon pourquoi cette présence dans l’apothicairerie ? Pourquoi ce masque ? Pourquoi ce silence ? Hestia ne se faisait pas d’illusion, ça n’avait rien d’une visite amicale, ni d’une coïncidence. Pas après qu’elle ait tourné le dos à sa famille. Alors elle non plus, elle ne laissa rien au hasard. L’adrénaline s’était infiltrée dans ses veines et son instinct avait pris le relai, la poussant à envoyer son poing en plein dans le masque du mangemort. Après tout, l’attaque était la meilleure des défenses, n’est-ce pas ? C’est donc ce qu’elle fit, elle attaqua en premier, s’accordant l’effet de surprise et aussi la déclaration qu’elle ne se laisserait pas faire sans se battre. La peur était là, mais l’instinct de survie aussi. Pourtant, alors qu’elle était prête à user de sa baguette pour se défendre chèrement s’il le fallait, le mangemort parvint à la prendre au dépourvu. « Par la verrue de la Sorcière Borgne ! » Hestia fronça les sourcils. Cette voix, elle la connaissait. Oh, ça n’avait pas grand-chose d’étonnant, après tout elle en avait côtoyé plein des mangemorts auprès de ses parents, leurs voix, elle les avait déjà entendues. Mais celle là résonnait plus profondément en elle, ce n’était pas celle d’un semi-inconnu avec qui elle avait vaguement parlementé lors de quelques soirées ennuyantes. « Hestia, c’est moi Helios ! » Helios ? Non ! Et pourtant, cette voix ne mentait pas, Hestia la reconnaitrait entre toutes. Quelque peu désemparée, elle maintint sa baguette levée tandis que les mains du mangemort se levaient pour ôter son masque de métal. « Helios ?! » Répéta-t-elle alors que les traits de son cousin apparaissaient. A sa crainte dévorante vint s’ajouter l’incompréhension la plus totale. Son cousin, ici, mais surtout habillé de la sorte. Qu’est-ce ce que cela voulait dire au juste ?

Ils restèrent ainsi, à se fixer en silence. Hestia n’aurait su dire si cet instant dura une seconde ou une éternité. Le fait est, qu’elle était complètement paumée. L’appréhension lui enserrait toujours le cœur mais maintenant des questions par dizaines venaient lui embrouiller l’esprit. Helios en ce lieu, habillé de la sorte, oh non c’était encore moins le fruit du hasard. Mais ce n’était pas plus rassurant pour autant. Ça aurait dû l’être, après tout c’était son cousin en face d’elle, celui qui était toujours là pour elle, qui lui donnait le sentiment de la comprendre. Celui qu’elle connaissait depuis toujours. Pourtant, c’était soudainement infiniment plus compliqué que ça et soudainement elle en venait à se demander si elle connaissait réellement Helios Carrow. « Tu peux baisser ta baguette s‘il te plaît ? » Hestia baissa les yeux, sa baguette était toujours pointée sur Helios et si les doigts qui l'enserraient tremblaient, une petite voix dans sa tête lui soufflait de ne surtout pas la baisser. Si son cousin était venu affublé de son masque de mangemort, ce n'était pas un hasard. Ce qu'il se déroulait dans cette boutique, ce n'était pas la visite courtoise d’un membre de sa famille, mais bien la visite d'un mangemort. Et cousin ou pas, ça changeait tout. Hestia ne pouvait pas l'ignorer. « Ca dépend. » Souffla-t-elle finalement en relevant les yeux vers le blond. Elle baissa tout de même un peu sa baguette, suffisamment pour ne plus être une menace directe. Mais ses doigts la serraient toujours avec force, et elle savait qu’il en resterait ainsi tant qu’elle ne comprendrait pas mieux le jeu auquel jouait son cousin. Non mais franchement, il s’attendait à quelle autre réaction de sa part ? A débarquer dans une boutique fermée, alors que le soir tombait, et masqué. Ce coup de poing, cette méfiance, il les avait cherchés, mieux, il les avait provoqués, ça lui apprendrait, tiens.

Dans un froncement de sourcils, Hestia observa les émotions défiler sur le visage de son cousin. De la douleur, il était passé au malaise, et désormais c’était de la colère qui venait y prendre place. La Serpentarde se tendit machinalement. Helios était en colère ? Mais de quel droit ? C’était lui qui débarquait en conquérant, filant la frousse de sa vie à sa cousine, pourtant c’était lui qui était en colère ? Oh, non ça ne marchait pas ainsi. « Non mais Hestia ça va pas bien ?! » Nouveau froncement de sourcils chez la verte. De quoi parlait-il au juste ? Du vilain coup de poing -justifié- qu’elle venait de lui administrer ou d’autre chose ? Avec Hestia il y avait de nombreux sujets qui pouvaient s’appliquer à une telle question, elle en était consciente. Mais elle garda le silence, choisissant de laisser Helios élaborer son interrogation. De toute manière, elle était consciente que même si elle avait toujours eu son soutient, ce n’était pas pour autant qu’il encourageait tous ses choix de vie. Et ça devait encore moins être le cas des derniers qu’elle avait fait. Elle même arrivait encore à en douter par moment, alors elle n’osait imaginer ce que son cousin devait en penser. « Mais qu’est-ce que tu as foutu avec la famille ?! » Il parlait donc de sa décision de quitter l’environnement toxique qu’était sa famille. Enfin, ça n’avait pas vraiment été une décision de sa part, mise au pied du mur par son père, elle n’avait pas eu d’autre choix pour se protéger que de renoncer à tout ce qu’elle avait toujours connu. Meilleure ou pire décision de sa vie, il lui arrivait encore parfois de se poser la question, même si elle savait qu’elle ne ferait demi tour pour rien au monde. Néanmoins, la question de Helios ne lui donnait pas envie de lui partager ses craintes et ses doutes, l’accusation qui régnait dans ses mots faisait plutôt naître le ressentiment en elle. « Qu’est-ce que j’ai foutu ? Tu devrais plutôt demander ça à mes parents. Qu’est-ce que eux ont foutus pour en arriver là. » Rétorqua-t-elle d’une voix vibrante de frustration. Ainsi aux yeux de son cousin c’était elle la coupable. C’était de sa faute si elle en était arrivée là. Elle pinça les lèvres fasse à cette nouvelle injustice. Elle l’avait dit à Adèle, leur vie n’avait jamais été juste, mais c’était bien la première fois que Helios se montrait ainsi injuste envers elle. Et par Merlin, la morsure de la déception faisait mal.

Pourquoi devrait-ce obligatoirement être de sa faute ? Pourquoi est-ce que son cousin ne lui accordait-il pas le bénéfice du doute au lieu de l’accuser directement de la sorte ? A nouveau, elle était jugée et déclarée coupable sans même avoir l’occasion de se défendre. Sauf que cette fois c’était de son cousin que ça venait et qu’elle trouvait ça encore pire que lorsque ça venait de ses propres parents. Helios avait toujours été un soutien pour elle, mais et maintenant ? Était-ce toujours le cas ? Il avait toujours été plus à cheval qu’elle sur l’honneur de leur famille et sur toutes ces conneries de sang-pur dont on leur bourrait le crâne depuis la naissance, mais jusqu’à présent ça ne les avait jamais empêchés de se s’épauler. Elle ne lui en avait pas tenu rigueur tout comme il avait détourné le regard face à son comportement pas si parfait que ça à Poudlard. Hestia prit une profonde inspiration, comme pour se donner le courage d’affronter ce cousin qui comptait tant pour elle. Elle releva le menton pour croiser son regard, campée sur sa position, bien décidée à faire entendre sa voix. « Qu’est-ce qu’on t’a dit Helios ? Est-ce qu’au moins tu sais ce qu’il s’est vraiment passé ? » Parce que c’était là tout le problème, elle le savait. Helios n’avait eu qu’une version de l’histoire et Merlin savait quelles horreurs les parents de la verte avaient pu inventer à son sujet. Certainement que ça n’avait pas grand-chose à voir avec la scène qui s’était réellement déroulée dans le manoir familial, elle ne se faisait pas d’illusion. Au fond, Hestia n’avait pas vraiment envie de savoir ce que ses parents avaient pu dire d’elle depuis son départ, elle savait que ce ne serait que de nouvelles blessures gratuites dont elle ne pourrait se défaire. La réputation des Carrow était en jeu, alors autant blâmer leur stupide fille qui leur avait tourné le dos pour la simple raison qu’elle ne voulait pas être un pantin entre leurs mains. Mais elle devait en passer par là, ne serait-ce que pour rétablir la vérité auprès de son cousin. Alors face au regard scrutateur du Carrow, elle ne flancha pas.

Néanmoins, elle n’était pas la seule à devoir fournir des explications. Helios pouvait poser toutes les questions qu’il voulait, pester et la maudire autant qu’il voulait, Hestia n’oubliait pas que sa présence dans la boutique soulevait des questions. Et que son accoutrement de mangemort faisait naître des inquiétudes en elle. La Serpentarde craignait les réponses, mais elle savait qu’elle devait les obtenir. Les Carrow ne pouvaient décemment pas accepter son départ sans rien dire, sans rien faire. Leur fichu honneur était en jeu après tout et Hestia se doutait que la présence de son cousin n’y était pas étrangère. Mais ce n’était pas plus rassurant pour autant. « Et qu’est-ce que tu fais là ? Comme ça ? » demanda-t-elle en désignant de sa main libre le masque de mangemort qu’il tenait toujours à la mains. Il soulevait questionnement et appréhension, mais encore une fois elle n’avait pas d’autre choix que de les affronter. La seule chose qu’elle pouvait espérer, c’était qu’elle n’aurait pas à affronter son cousin. Tout sauf ça.

CODAGE PAR AMATIS

Rien n’était sans conséquences, Hestia en était consciente. Ses parents s’étaient assurés que son éducation ne laisse aucune place au doute : tout ce qu’elle pourra faire ou dire sera immanquablement analysé, décortiqué et utilisé, si possible contre elle. Alors elle savait qu’une décision aussi énorme que quitter définitivement les Carrow ne passerait pas sans répercussions. Les seuls doutes qu’elle pouvait encore nourrir à ce sujet étaient sur ce que sa famille allait faire exactement, et quand ils allaient décider de passer à l’action. Même si les mois avaient passés, la verte n’avait pas endormi sa méfiance pour autant. Son côté rancunier, elle ne le possédait pas par hasard, c’était un peu la marque de fabrique des Carrow. Ne rien laisser passer, ne rien oublier, ne rien pardonner. Ce qu’elle avait fait, elle savait que ses parents ne l’accepteraient pas aussi aisément. Il ne s’agissait pas seulement de son geste de rébellion ou qu’elle leur ait tenu tête, c’était qu’elle avait apporté la honte sur leur famille. Elle avait été leur dernière héritière, leur dernière chance. Après le départ de Thalia tout avait reposé sur elle, les attentes et les exigences et elle avait tout foutu en l’air. Son attitude ne pouvait pas rester impunie, elle le savait, ça n’avait été qu’une question de temps, et de méthode. La douce ou la forte ? Qu’est-ce que les Carrow allaient choisir pour cette fille ingrate qu’elle était ? Hestia le savait, sa famille n’avait pas peur d’avoir du sang sur les mains, en fait une petite voix désagréable lui soufflait que ça avait toujours été ainsi que les Carrow s’étaient le plus épanouis, en écrasant leurs ennemis. Etait-ce son statut désormais ? Celui d’ennemie de sa propre famille ? Peut-être bien, ou peut-être allaient-ils d’abord tenter de l’amadouer avant de se résigner à devoir l’écraser. Dans tous les cas, elle obtiendrait les réponses à ses questions ce soir.

Parce que c’était sûrement pour ça que Helios était là, non ? Vêtu de sa tenue de mangemort et arborant leur masque de métal. Sûrement avait-il été envoyé par leur famille pour lui faire entendre raison, ou lui faire regretter. Hestia avait toujours eu confiance en son cousin, mais c’était la première fois qu’elle avait le sentiment qu’ils ne se trouvaient plus du même côté de la barrière. Lui arborant tous les attributs du parfait sang pur et elle la gamine reniée. Elle aurait aimé pouvoir continuer de lui faire confiance en cet instant, en fait elle aurait tout donné pour ça, mais sa présence n’était pas un hasard. Pas ici, pas comme ça. Pas vêtu de la sorte. Il n’était pas là pour le plaisir de lui faire la conversation, alors quand il lui demanda de baisser sa baguette, elle n’obtempéra pas tout à fait. « Ça dépend de rien du tout. Baisse cette foutue baguette Hestia. » La Serpentarde le fixa un instant en silence. Il débarquait à la nuit tombée, sans s’annoncer et masqué, qui plus est, il ne pouvait pas s’étonner de susciter la méfiance chez elle. Ce n’était pas à lui de s’offusquer de tout ça. Néanmoins, Hestia fini par baisser sa baguette, les doigts toujours crispés dessus tellement cette situation la rongeait d’incompréhension et de nervosité. Elle tentait de se rappeler que son cousin avait toujours été de son côté, qu’il ne lui avait jamais souhaité le moindre mal. Mais avec tout ce qu’il se passait et avec ce foutu masque c’était terriblement difficile de faire la part des choses. Car si Helios avait toujours été présent à ses côtés, il était également particulièrement fidèle à leur famille. Il était un fier Carrow, bien plus qu’elle ne l’avait jamais été. Merlin seul savait de quel côté il allait se ranger et Hestia craignait de le découvrir.

Mais il fallait qu’elle sache, il fallait qu’elle comprenne. Les enjeux, ici, étaient bien plus importants que sa petite personne. Alors Helios avait beau l’accabler de reproches, elle ne se laissa pas démonter. Ce qu’elle avait foutu. Un air désabusé était passé sur ses traits, à quel point les Carrow avaient tordus la vérité pour la faire correspondre à une image qui ne viendrait pas entacher leur si précieuse réputation ? Tout mettre sur le dos de leur fille était tellement plus facile. Alors ce que Helios avait dû entendre, ça n’avait certainement pas beaucoup de rapport avec la réalité. Le changement que ses interrogations provoquèrent sur le Serpentard fut immédiat. « On m’a dit ce qu’on devait me dire Hestia ! Que t’avais trainé le nom de Carrow dans la boue sans te préoccuper une seule seconde de ce que cela pourrait faire à ta famille ! » Helios pouvait se draper dans toute la fierté qu’il voulait, Hestia ne recula pas. Elle voyait bien que son égo était froissé, il suffisait de voir la manière dont il s’était redressé, comme pour se faire plus imposant. Elle avait piqué la corde sensible, elle en prit aussitôt conscience, et ça ne voulait dire qu’une chose. « Donc tu ne sais rien. » Souffla-t-elle dans un soupir presque désolé. Elle s’en était douté. Ce qu’on devait lui dire. C’était clair comme de l’eau de roche. Pourquoi est-ce que les Carrow auraient pris le risque de se faire taper sur les doigts par les autres mangemorts ? Ou de risquer de voir Helios, leur dernier héritier, désapprouver leurs méthodes ? Oh non, dire la vérité n’avait certainement pas été une option pour eux. « Ils ne t’ont rien dit. Comme c’est pratique. » Reprit-elle amère. Ses parents n’étaient même pas capables d’assumer leurs actes. D’assumer leur échec. Ils avaient joué, ils avaient échoué, et pourtant c’était toujours Hestia la perdante dans toute cette histoire. Et à côté de tout ça, Helios était invité, non fortement incité plutôt, à la considérer comme la seule à blâmer. Celui qui contrôlait les informations, contrôlait la situation. La verte eut une moue dépitée. « C’est sûr qu’avouer qu’on a voulu mettre sa fille sous impero, ça fait pas très bon effet. Et encore moins d’avouer qu’elle a réussi à s’échapper. » Reprit-elle de ce même ton désabusé. Ainsi il avait les deux versions de l’histoire, ainsi il pourrait se faire sa propre opinion.

Au fond c’était peut-être aussi pour ça que la verte ne s’était pas tournée immédiatement vers son cousin. Quitter sa famille était peut-être la meilleure décision de sa vie, mais elle ne venait pas sans honte, celle de s’être fait bernée, celle d’y avoir cru pour rien. Celle de tourner de dos à un nom que son cousin chérissait. Ca ne changerait quelque chose entre eux que si Helios le décidait, et Hestia craignait que ce soit le cas. Il suffisait de le voir là, vêtu en mangemort. « Je suis venu… Vérifier que tu allais bien. La famille n’est pas vraiment satisfaite de comment les choses se sont… Terminées entre vous. » Le malaise d’Helios était subtil, mais bien présent. Les deux Carrow avaient été élevés de la même manière, Hestia savait lire en son cousin, elle ne pouvait pas tout décrypter mais elle pouvait au moins deviner quand il perdait de son assurance. Et là c’était le cas, son hésitation, sa manière d’esquiver ses questions, ça ne la trompait pas. « Et tu avais besoin d’être habillé en bon petit mangemort pour ça ? » Souligna-t-elle en haussant un sourcil. Une visite de courtoisie, elle aurait aimé y croire, mais elle savait qu’elle se mettrait la baguette dans l’œil et ça faisait longtemps qu’elle avait cessé d’être aussi naïve. Elle aurait voulu qu’il en soit autrement mais il était peut-être déjà trop tard. Elle soupira. « Je vais bien, Helios. Quant à la famille, tu n’auras qu’à leur dire que moi non plus je ne suis pas satisfaite dont la manière dont les choses se sont terminés. Mais ils ne peuvent s’en vouloir qu’à eux-mêmes. » Oh, ainsi ses parents n’étaient pas satisfaits de la façon dont les choses s’étaient terminées ? Quel euphémisme ! Leur fille, leur dernière fille, avait refusé d’obéir aux ordres. Pour la première fois depuis une éternité, peut-être depuis toujours, Hestia leur avait tenue tête, et quand son paternel avait été trop loin, elle avait refusé de détourner le regard. Oh, ils pouvaient être mécontents de la tournure de leur dernière entrevue, la verte n’en gardait pas non plus un très bon souvenir.

« Je suis aussi là pour te ramener à la raison et te demander de venir t’excuser platement auprès du patriarche. Ce sera un mauvais moment à passer mais ensuite tout redeviendra comme avant et avec la vieillesse, je suis sûr qu’il oubliera en plus d’ici deux semaines. » Hestia manqua de s’étouffer. Elle fixa son cousin, estomaquée, les yeux grands ouverts de surprise. Stop, stop, stop. Il allait beaucoup trop vite là, il croyait quoi ? Il ne s’était pas dit que si elle avait quitté sa famille c’était pour une bonne raison et non pas pour revenir deux mois plus tard la queue entre les jambes ? Il ne l’avait pas écouté quand elle lui avait dit que ses parents avaient tentés de la mettre sous impero ? « M’excuser ? Oh, par Merlin Helios, tu ne sais même pas de quoi tu parles ! » S’offusqua-t-elle. Et comment pourrait-il savoir au juste ? S’ils avaient tous deux reçus des éducations similaires, Helios avait bénéficié d’un aspect en plus auquel Hestia n’avait jamais eu le droit : l’amour de ses parents. Enfin de sa mère, en l’occurrence, mais ce n’était qu’un détail, Meredith avait pour son fils assez d’amour pour combler le manque d’un père. Là où lui avait été choyé et l’objet de toutes les attentions, Hestia s’était vu refusé tout ça. Alors s’il n’imaginait pas sa vie sans sa mère, la verte, elle, se disait qu’elle ne perdait pas grand-chose au final. Si Hestia ne pouvait pas comprendre son raisonnement et les espoirs qu’il nourrissait, l’inverse était également vrai. « J’ai été manipulée et utilisée pendant des années, le tout sans recevoir la moindre trace d’affection ou de fierté en retour. Et maintenant qu’on a tenté de faire de moi un pantin je devrais revenir et m’écraser devant des parents qui ne m’ont jamais rien donné ?! » Sa décision avait été prise à l’instant où son père avait levé sa baguette sur elle. Quelque chose s’était brisé alors qu’il prononçait le sortilège de l’imperium pour la forcer à agir à sa guise.

Hestia secoua doucement la tête, à la fois déterminée et peinée. Elle aurait aimé avoir autre chose à dire à Helios, mais ses parents avaient eu le geste de trop. « Ils m’ont montré qu’à leurs yeux je n’ai aucune valeur, je leur prouve que désormais c’est réciproque. » Sa voix s’était fait plus rauque, habitée par cette douleur qu’elle ne cessait de ressentir à chaque fois qu’elle repensait à ses espoirs détruits. « Rien ne redeviendra comme avant. C’est trop tard. » Elle avait voulu y croire, à l’idée qu’un jour sa famille serait plus aimante, elle avait eu tort. Ses parents, elle avait fait une croix dessus, cela faisait terriblement longtemps qu’elle aurait dû le faire. Il lui avait fallu du temps pour comprendre, mais maintenant sa décision était prise. Est-ce que Helios allait la comprendre ? La soutenir ? Rien n’était moins sûr, mais au moins il avait tous les éléments en sa possession, plus personne ne pourrait simplement rejeter la faute sur elle. Elle lui adressa un regard mi-désolé, mi-résigné. « Allez dépêchons, nous n’avons pas beaucoup de temps… » La verte fronça les sourcils. Un instant elle fut perdue, comment ça ils n’avaient pas beaucoup de temps ? Pourquoi au juste ? De nouveau ses prunelles tombèrent sur le masque du sorcier et la crainte lui tomba sur l’estomac. Aussitôt, Hestia sentit son cœur s’affoler dans sa poitrine. « Qu’est-ce qu’il se passe Helios ? Qu’est-ce que tu me caches ? » L’interrogea-t-elle avec une appréhension grandissante. Elle jeta un coup d’œil autour d’eux, dans cette enfilade de pièce où tout était si calme que ça pourrait presque passer pour une menace.

CODAGE PAR AMATIS

L’incrédulité qui se peignit un instant sur les traits de Helios ne fit que renforcer la conviction d’Hestia. Il ne s’agissait pas seulement du fait que ses parents n’avaient pas raconté la vérité quant à la scène qui avait causé le départ de la Serpentarde. Oh, elle s’était bien douté que ses géniteurs allaient taire ce sombre épisode. Même pour des mangemorts, tenter de mettre son héritière sous imperium ce n’était pas très bien vu, mais alors louper son coup et voir s’échapper son dernier enfant, c’était encore pire. Bien sûr que non les Carrow n’allaient pas tout raconter aux autres représentants mangemorts, ça donnerait une bien trop piètre image d’eux. Pas fichu de se faire obéir, pas fichu de lancer un sort, s’ils avouaient tout ça l’Augurey n’aurait pas manqué de se demander de quoi ils étaient capables au juste. Alors faire passer Hestia pour l’ingrate de la famille était beaucoup plus simple, beaucoup plus sûr. Et puis, puisqu’elle n’était pas là pour protester et rétablir la vérité, autant en profiter. Ce fut donc ce qu’elle s’empressa de faire lorsque son cousin l’accabla de reproches tous plus injustes les uns que les autres. Mais comment aurait-il pu faire autrement ? Il ne savait rien de ce qu’il s’était vraiment passé. Au fond, sa surprise n’étonnait pas réellement Hestia mais elle lui laissait un goût amer. Parce que ça montrait les différences qu’il y avait eu dans leurs éducations. Ils avaient été élevés dans deux branches d’une même famille, nourris aux mêmes idéaux, encouragés aux mêmes aspirations, on aurait pu croire que leurs existences auraient été semblables en tout point. Et pourtant, en cet instant la différence ne pourrait être plus flagrante. Alors qu’il semblait inconcevable pour Helios qu’un parent tente d’user de l’imperium sur l’un de ses enfants, Hestia en avait fait l’expérience.

Et si Hestia n’avait pas réellement été surprise de la facilité avec laquelle son propre père avait levé sa baguette sur elle, Helios semblait avoir bien plus de mal à se faire à cette idée. « Mais je… Enfin… C’est… Ce n’est pas possible. » La brune eut un rictus amer. Elle aurait aimé pouvoir en dire autant, avoir été autant frappé de stupeur que l’était son cousin en ce moment même après la scène qui s’était déroulé dans le manoir familial. Mais la vérité c’était qu’elle n’était pas étonnée. Oh, elle n’irait pas jusqu’à dire qu’elle s’y était attendu, loin de là en réalité. Mais elle avait toujours été consciente que son paternel possédait une facette terriblement sombre, qu’il était le genre de sorcier à ne reculer devant rien, devant aucun acte, pour obtenir ce qu’il désirait. Cette fois là, ça avait été l’obéissance de sa fille, alors il avait fait ce qu’il avait à faire. Aux yeux de Cyrus Carrow c’était aussi simple que ça. Ca n’avait été qu’une question de temps, Hestia s’en rendait compte désormais et bientôt ce serait au tour de Helios. « Si, ça l'est. Et au fond de toi tu le sais... » Souffla-t-elle. Ce n’était pas parce qu’il avait été élevé, non, choyé par Meredith que tous les Carrow avaient reçus le même traitement. Au fond, la tante de la Serpentarde n’était certainement pas plus recommandable, simplement elle avait appris à agir plus en finesse et discrétion. Après tout, la violence était inscrite en lettre de sang dans l’histoire de la famille Carrow, Amycus et Alecto en avaient été les exemples parfaits, les plus tristement célèbres, mais ils n’avaient été ni les premiers, ni les derniers. Même si désormais les membres de la famille passaient ce passé sous silence, chacun en était conscient, Helios ne pouvait pas prétendre l’ignorer. Alors non, les actes de Cyrus Carrow n’avaient rien d’impossibles, et il le savait parfaitement. Seulement, c’était infiniment plus simple de le nier.

Ce qu’ils ne pouvaient pas nier en revanche, c’était qu’en cet instant, ils n’avaient jamais été aussi différents ou même loin de leur complicité habituelle. Entre les cousins il y avait toujours eu du soutien et de l’attachement. Ni l’un, ni l’autre n’était particulièrement friands de geste affectueux, mais c’était en restant aux côtés l’un de l’autre qu’ils se prouvaient leur affection. Sauf que là, Hestia le voyait, ils avaient pris des chemins trop différents pour ne pas en sentir les remous. « S’il te plaît Hestia, tu ne comprends pas… » Non elle ne comprenait pas. Et l’inverse était également vrai, Helios ne la comprenait pas. D’où cette incompréhension venait exactement, elle l’ignorait. Leur caractère, leur éducation, leurs attentes ? Au fond, ça importait peu, ça ne changeait rien. Le résultat était là, les cousins Carrow ne se comprenaient plus et Hestia songea avec un pincement au cœur que sur ce sujet les choses ne changeraient peut être jamais. La Serpentarde n’accepterait pas de demi-tour, et Helios, eh bien il n’était pas près d’abandonner sa position non plus. « Hestia, tes parents sont des connards, j’ai compris. Mais en partant ainsi tu n’arriveras à rien. Pour changer les choses, il faut accepter de jouer leur jeu cruel jusqu’à les y avoir. Tous les deux nous pourrions prendre les reines des Carrow, en faire ce que nous voulons, pour notre propre intérêt. Tu ne comprends pas, fuir comme ça ne te mènera qu’à la déchéance, comme pour Thalia. » La Serpentarde fronça les sourcils. Non, décidemment ils ne se comprenaient pas. Elle-même ne voyait pas d’où Helios sortait toutes ces idées grandiloquentes. Elle n’avait jamais affirmé que sa décision avait un but ultime, d’ailleurs quand elle était partie elle n’avait pensé à rien d’autre qu’à sa propre survie. Elle ne voulait pas changer les choses, ça n’avait jamais été son ambition, elle savait que les familles de sang-pur et leurs idéaux d’un autre temps étaient trop ancrés dans le monde sorcier pour les y déloger. Le seul point où Helios avait raison c’était qu’elle souhaitait enfin faire ce qu’elle voulait, sauf que pour ça elle n’avait jamais cherché à prendre les rênes de la famille Carrow. Tout changer n’avait jamais effleuré l’esprit de la verte, tout ce qu’elle avait voulu c’était retrouver le contrôle de sa propre vie. Ca avait un côté terriblement égoïste, mais Hestia n’avait jamais prétendu ne pas l’être. Si elle avait agi, c’était pour elle.

Elle secoua lentement la tête. « C'est toi qui ne comprends pas Helios. Ce jeu, j'ai essayé de le jouer, pendant des années je m'en suis rendue malade. Et tout ça pour quoi ? Pour que mes propres parents continuent de me traiter comme une vulgaire marchandise. » Souffla-t-elle avec amertume. Toutes ces soirées guindées, ces cours particuliers, ces conversations ennuyeuses, ces rôles qu’elle avait joués… Tout ça avait été inutile. Jamais ça ne lui avait apporté la moindre acceptation ou affection, juste un peu plus d’exigences. Tous ses efforts n’avaient jamais été récompensés. Mais Helios ne pouvait pas le comprendre, parce que lui, cette affection, il y avait eu le droit. Lui n’avait jamais manqué d’amour familial. Bien sûr que non il ne pouvait pas la comprendre. « C'est terminé, je ne jouerai plus à ce jeu cruel, je ne me plierai plus en quatre pour des parents qui aiment plus leur nom que leurs filles. J'ai récupéré ma liberté et je n'ai aucune intention de la laisser m'échapper. Je ne souhaite rien de plus. Et si le prix à payer est ma déchéance, alors soit. » Conclut-elle avec un peu plus de conviction. Si la réaction de la verte face à l’imperium de son père avait d’abord été instinctive, désormais elle savait qu’elle avait fait le bon choix et elle ne reviendrait pas en arrière. Quant à la comparaison avec Thalia, que son cousin considérait certainement comme un argument de poids, il était bien loin de la toucher. La déchéance n’était pas vraiment un mot qu’elle appliquerait à sa sœur. Thalia avait peut-être perdu sa place dans la famille, mais elle avait gagné bien plus que ça. Si c’était ça la déchéance, alors ça ne faisait pas peur à Hestia. Ce qui lui faisait bien plus peur, c’était de perdre son cousin. Elle pouvait voir le même sentiment qui baignait dans ses prunelles, mais aussi le fossé qui s’était creusé entre eux. L’incompréhension et les non-dits allaient-ils avoir raison de leur lien ? Hestia espérait de tout cœur que non, mais elle était consciente que ce n’était pas uniquement son choix. « Ça n'est pas obligé de changer quoi que ce soit entre nous, Helios. » Souffla-t-elle à mi-voix. Elle avait tourné le dos à ses parents, aux idéaux et à la pression, mais pas à lui. « Sauf si tu le décides. » Elle ne le mettait pas au pied du mur, elle lui signifiait simplement qu’elle souhaitait toujours l’avoir à ses côté, aujourd’hui plus que jamais. Helios restait son cousin, sa famille, peut-être la seule qu’il lui restait avec Thalia. Mais ce n’était pas à elle de décider, le souaffle était dans son camp.

Sauf qu’apparemment ils n’auraient pas tout leur temps pour discuter de tout ça. Disserter sur les choix de la Serpentarde et les implications qui venaient avec ne serait certainement pas pour tout de suite. Il mentionna qu’ils n’avaient pas beaucoup de temps et aussitôt tous les sens de Hestia se mirent en alerte. Ce n’était pas des paroles en l’air. Sa présence, ce masque, ces mots, l’appréhension frappa soudainement la Serpentarde, faisant battre son cœur plus vite et la poussant à interroger son cousin. Elle se figea en le voyant faire une pause, le visage grave. Helios envisageait-il de lui mentir ? De refuser de lui parler ? Elle sentit son cœur se serrer à l’idée que son cousin, celui sur lequel elle avait toujours pu compter, la trahisse de la sorte. Comment pouvaient-ils en être arrivés à se faire du mal ? Finalement, il plongea son regard dans le sien. « La famille n’a pas apprécié ton comportement et… » Hestia retint son souffle. La suite n’était pas bien difficile à imaginer et pourtant elle rechignait à formuler de telles pensées. Même Helios semblait mal à l’aise avec ce qu’il avait à dire. « Ils arrivent Hestia. Ils arrivent pour te faire comprendre ton erreur. » Hestia se sentit pâlir. Lui faire comprendre son erreur… Même s’il parlait à demi-mot, il ne pouvait pas être plus clair. Elle avait grandi parmi les mangemorts, elle savait parfaitement ce qu’il se cachait derrière cette expression et clairement ils ne parlaient pas de lui taper gentiment sur les doigts. Et Helios aussi le savait, peut-être même plus qu’elle étant donné qu’il portait la marque. Dire qu’un instant auparavant son cousin ne parvenait pas à croire que Carrow père avait voulu la mettre sous imperium, et maintenant il lui annonçait qu’une escouade de mangemorts avait été envoyée pour lui faire payer son affront. Quelle mauvaise ironie. « Tu dois m’écouter Hestia. Je t’en supplie, fais ce que je te dis et rentre avec moi. Ce sera dur. Je sais mais il ne t’arrivera rien… » Il ne lui arrivera rien ? Quel mensonge éhonté. Elle avait entaché la si précieuse image de sa famille, s’imaginer que rien ne lui arriverait si elle rentrait la queue entre les jambes serait particulièrement naïf. « Tu crois vraiment à ce que tu dis ? » Elle haussa un sourcil. Ce n’était pas vraiment une question, elle n’attendait pas de réponse. Ils parlaient d’un père qui avait voulu lui lancer un impardonnable, d’une mère qui avait assisté à la scène sans protester, d’une famille reconnue pour ses actes de torture, d’un groupe de sorcier qui ne reculait devant aucune horreur pour imposer sa vision du monde. Et au milieu de tout ça Hestia devait croire qu’il ne lui arriverait rien ? Foutaises.

Un instant, les prunelles de la Serpentarde quittèrent son cousin pour se poser derrière lui. En silence, elle sonda la pièce dans laquelle ils se trouvaient et la porte derrière Helios qui menait à la boutique. Aucun son n’en parvenait mais elle regrettait de ne pas voir ce qu’il se tramait au dehors. Elle reporta son regard sur le blond lorsqu’il se saisi de sa main. « Ravale ta fierté mal placée. On a pas le temps pour ça. Tu leur ferras payer le moment venu. Mais ce ne sera pas aujourd’hui. » Malgré sa voix calme, Hestia voyait bien la panique qui envahissait le regard d’Helios. Panique qui commençait à déteindre sur elle. Par Merlin, même maintenant il se trompait sur ses intentions, pire, il lui en prêtait alors qu’elle avait agi sans arrière-pensée. « Ma fierté mal placée ? » Grogna-t-elle, poussée par un réflexe stupide à penser à autre chose qu’à l’épée de Damoclès qui allait lui tomber dessus d’un instant à l’autre. « Elle n'est pas mal placée, et tu le sais. » Ceci mis au clair, Hestia se força à se concentrer. La prise que Helios exerçait sur sa main était forte et la rappela à l’ordre. Combien de temps avaient-ils encore avant l’arrivée des mangemorts ? Certainement peu de temps vu les regards frénétiques que le Carrow jetait à l’horloge et les suppliques qu’il lui adressait. Il paraissait tout aussi tendu qu’elle. Certainement parce qu’il savait ce qui l’attendait si les mages noirs lui mettaient la main dessus. En fait, il paraissait même plus tendu qu’elle, ce qui fit réaliser Hestia. « Tu n’es pas venu juste pour me demander de rentrer, tu es venu me prévenir, n’est-ce pas ? » Portée par cet espoir, elle chercha le regard de son cousin. Il n’était pas venu en éclaireur s’assurer qu’elle était là, il n’était pas là pour la retenir, elle refusait de le croire. Il était son cousin, il avait toujours été son soutien et elle voulait croire que c’était encore le cas aujourd’hui. « Je ne peux pas rentrer, Helios, au fond de toi tu le sais. Mais toi, tu peux m’aider à me sortir de là. » Elle pressa à son tour la main de son cousin. Quelque part, près de l’entrée de la boutique, un bruit se fit entendre. Hestia se figea, le souffle court et le cœur battant à tout rompre. Ils étaient là. Rapidement, elle jeta un coup d’œil derrière elle, vers l’enfilement de pièce, maudissant Hargraves et sa boutique tarabiscotée. Possédait-elle seulement une seconde issue ? « S’il-te-plait. » Hestia fit un pas en arrière, sans lâcher ni la main, ni le regard de son cousin. C’était à son tour de supplier, mais il était sûrement son dernier espoir, alors elle n’avait plus qu’à espérer que ce ne soit pas en vain.

CODAGE PAR AMATIS

En quittant sa famille, Hestia n’avait pas eu le moindre plan en tête. En fait, elle ne pouvait même pas affirmer qu’elle avait réellement choisi de quitter les siens, elle n’avait pas eu le choix, il n’y avait pas eu de décision à prendre. C’était aussi simple et terrible que ça. Ça avait été un coup de tête, mais avant tout une nécessité soudaine et impérieuse. Elle s’était retrouvée au pied du mur. En fait, il en avait été de sa survie, l’éclat dans le regard de son père avait été parfaitement clair. Entre la décision de devenir mangemort et la baguette brandie de son paternel, elle n’avait pas eu de réel choix à faire, il lui avait fallu trouver une échappatoire. La fuite avait été sa seule option et à partir de ce moment là elle avait compris qu’elle ne pourrait jamais revenir auprès des Carrow. Il n’y avait pas eu de réflexion, pas de plan de secours, pas de filet de sécurité destiné à la rattraper en cas de chute. Rien. Juste l’instinct de survie qui avait pris le dessus et lui avait hurlé de fuir tant qu’il en était encore temps. Rien n’avait été prémédité, ça avait été une fuite en avant à l’aveugle. Dans le noir le plus complet, tout ça pour éviter les ténèbres dans lesquels sa famille voulait l’entrainer. En quelques instants la Serpentarde s’était retrouvée embarquée dans un ouragan qui avait tout détruit sur son passage. Ce jour là, son existence telle qu’elle la connaissait avait pris fin. La seule chose dont elle n’avait jamais douté, c’était que jamais elle ne pourrait faire marche arrière. Jamais elle ne le voudrait, et même si ça avait été le cas le prix à payer pour son insolence aurait été bien trop lourd. Les Carrow n’avaient pas l’âme indulgente -si tant est qu’ils aient une âme. Quand on les défiait, il était trop tard. Et aujourd’hui, le jour où ils comptaient le faire comprendre à Hestia était arrivé.

Son seul espoir était là, devant elle. Empli d’incompréhension et d’amertume, d’incrédulité et de colère. Helios. Jamais les deux cousins n’avaient été si semblables et si différents à la fois. Campés sur leurs positions, tentant de faire comprendre à l’autre leur point de vue. Mais plus les minutes défilaient, plus Hestia était envahie par l’impression cruelle qu’ils fonçaient droit dans une impasse. Et ça, c’était infiniment plus douloureux que de tourner le dos à ses parents. Le rire du Serpentard lui fit l’effet d’aiguilles plantées sous sa peau. « Ah ? Si je le décide ?! Tu trahis la famille, tu fuis et je suis censé te soutenir dans cette folie stupide ? » Cette folie stupide comme il disait, c’était sa liberté, son libre arbitre, c’était tout ce qu’il lui restait après y avoir renoncé pendant des années pour plaire à une famille qui se fichait de son bonheur. Helios ne comprenait pas et quelque part c’était normal, c’était là que la différence entre les deux cousins était la plus flagrante. Il avait été entouré, encouragé, aimé, choyé. Mis sur un piédestal par une mère qui, si elle n’était pas mieux que les autres Carrow, avait au moins eu le mérite d’aimer sincèrement son enfant. Pas Hestia. « C’est ton choix. » Souffla-t-elle d’une voix qu’elle voulait dénué d’émotions. Elle ne le forçait à rien, elle ne lui demandait rien. Pas même son soutient face à leur famille. Elle voulait juste qu’il reste son cousin, que ses choix ne viennent pas entacher leur relation. Après tout ce n’était pas à lui qu’elle avait tourné le dos. Mais apparemment c’était trop lui demander, Helios avait fait son choix. Hestia sentit son cœur se tordre, elle avait perdu son cousin, elle le sentait. Parce plus les minutes filaient plus il était clair que le Serpentard n’avait pas envisagé d’autre option que de la faire changer d’avis et de la ramener avec lui. Ils étaient donc condamnés d’avance.

Et pourtant alors que les mangemorts allaient arriver d’un instant à l’autre, il restait ce bref espoir. Ces regards nerveux que Helios lançait à l’horloge, la main de Hestia qu’il serrait dans la sienne avec l’énergie du désespoir, ses suppliques. Ca ne pouvait pas ne rien vouloir dire. Helios n’avait pas fait tout ça juste pour demander à la verte de rentrer auprès de sa famille, tant d’efforts pour une entreprise qu’il savait déjà vaine. Les rôles s’inversaient, c’était désormais Hestia qui pressait la main de son cousin dans la sienne en le suppliant de l’aider. Il savait qui venait, il savait ce qu’ils allaient lui faire. Helios vivait peut-être dans l’illusion d’une grande famille, mais il était parfaitement conscient des actes terribles perpétrés par les Carrow. Il ne pouvait pas la laisser à leur merci, il ne pouvait pas lui faire ça. Et pourtant, quand elle eut un mouvement de recul, elle sentit sa main résister dans la sienne, et elle sut. « J’ai déjà tout tenté pour t’aider Hestia… » La Serpentarde sentit son souffle se bloquer dans sa gorge. Ses grands yeux paniqués cherchèrent ceux de Helios. « Je ne peux plus rien pour toi. » Le cœur de Hestia sombra dans sa poitrine et un instant elle eut la sensation qu’elle allait être malade. Ses oreilles s’emplirent d’un bourdonnement et un instant elle n’entendit plus les bruits près de l’entrée de la boutique. Elle ne voyait plus que Helios. Helios qui ôtait sa main de la sienne. Helios qui reculait. Helios qui reposait sur ses trait le masque de métal des mangemorts, scellant ainsi leurs destins. Les yeux emplis d’horreur, Hestia le contempla un instant, incapable de prononcer le moindre mot. Encore une fois, elle avait été l’idiote qui y avait cru. Derrière le Carrow, les bruits se firent plus fort, ce n’était désormais plus qu’une question de secondes avant que tout ne bascule.

La Serpentarde déglutit difficilement. « Bien. » Finit-elle par articuler d’une voix blanche. Sa gorge était du papier de verre et son cœur du plomb. L’horreur lui glaçait les veines mais elle se força à se concentrer sur la piqûre de la trahison de Helios. Ou plutôt la plaie béante qui ne cicatriserait certainement jamais. C’était trop tard désormais, il avait fait son choix. A l’instant où il avait remis son masque, quelque chose s’était brisé entre eux. Hestia se força à se concentrer sur la déception qui lui rongeait le cœur, elle s’appliqua à la transformer en amertume. En une de ces armures qu’elle aimait à revêtir pour se protéger des autres. Elle n’avait jamais cru devoir opposer un mur de glace à son cousin mais apparemment elle avait été trop naïve. Brièvement leur face à face avec Peeves lui revint en tête. Ce jour là, Helios avait réclamé son aide et elle n’avait pas hésité. Que la situation soit différente, elle s’en fichait. Le résultat était le même. Le résultat était là. Quand son cousin avait eu besoin d’elle, elle avait été là, elle ne s’était pas posé la moindre question. Mais maintenant que la situation était inversée, que c’était elle qui avait désespérément besoin de lui, il refusait de l’aider. Il lui devait d’ailleurs encore un service, mais Hestia refusa d’y recourir, imaginer son cousin l’aider uniquement parce qu’il s’y sentait obligé à cause d’un service la répugnait. Comme si elle ne valait rien. Elle l’avait déjà supplié, elle n’allait pas s’abaisser à ça. Helios avait fait son choix, d’autant plus qu’une petite voix dans sa tête lui susurrait qu’il pourrait très bien refuser de lui rendre ce service. Elle ne supporterait pas qu’il la repousse une nouvelle fois. Le visage blême mais les traits de glace, Hestia resserra ses doigts sur sa baguette et fit un pas en arrière. « Il viendra un jour où ils exigeront de toi quelque chose que tu ne pourras pas leur donner. J’espère que ce jour-là tu penseras à moi. Ce jour-là, tu comprendras. » Un dernier avertissement qui sonna comme une prophétie. Et sans un regard de plus, Hestia se détourna d’Helios pour s’engouffrer dans la pièce voisine. Elle ne pouvait plus compter que sur elle-même désormais.

A nouveau elle se retrouvait sans plan, mais cette fois elle était bien plus désemparée que lorsqu’elle avait quitté la demeure de Carrow. L’horreur de la situation lui coupait le souffle et pourtant elle n’avait pas le choix. Dans son dos, les bruits lui indiquaient que les mangemorts avaient réussi à pénétrer dans la boutique. Qu’allait faire Helios maintenant ? Leur indiquer qu’elle était là ? Leur dire où la trouver ? Ou garder le silence ? Allait-il faire partie de ceux qui lèveraient leur baguette sur elle le moment venu ? Il y avait trop de questions auxquelles Hestia n’était plus sûre de pouvoir répondre. Sa seule possibilité était la fuite et c’est donc ce qu’elle fit avec l’énergie du désespoir. Il devait y avoir une seconde sortie, c’était obligé. La boutique de Hargraves ne pouvait décemment pas être dépourvue d’une issue de secours, ne serait-ce qu’au cas où un chaudron explose. La verte se raccrocha à cette idée comme si plus rien d’autre n’existait. C’était sa seule solution puisqu’il était impossible de transplaner dans l’apothicairerie. A toute vitesse, Hestia traversa les différentes pièces qui composaient la boutique, verrouillant derrière elle les portes d’un coup de baguette. Enfin, elle arriva à la dernière d’entre elle, là où Hargraves préparait les mélanges les plus complexes et dangereux, s’il y avait une porte, elle ne pouvait que se trouver là. Et effectivement, une issue se trouvait bien dans un coin. Sentant le soulagement la gagner, Hestia s’y précipita, mais elle avait à peine tendu la main vers la poignée que la porte explosait. La verte fut soufflée en arrière et sans rien pour se retenir, elle chuta rudement au sol ce qui lui arracha un cri de douleur. Sonnée, elle tenta de se relever mais dû s’y reprendre à deux fois pour simplement se redresser un peu. Quand sa main ne rencontra que le sol jonché d’éclat de bois, elle réalisa que sa baguette lui avait échappé pendant la chute. Ses prunelles partirent aussitôt à sa recherche mais furent rapidement attirées par deux formes noires qui se présentaient dans l’encadrement de la porte.

Des mangemorts. Ça ne pouvait être qu’eux. Le cœur battant à tout rompre, les prunelles de Hestia rencontrèrent leurs masques. Ses oreilles sifflaient à cause de l’explosion alors elle n’arrivait pas à déterminer où pouvaient se trouver Helios et les autres mangemorts. Elle serra les dents pour faire refluer la peur et la douleur. « Qu’est-ce que vous me voulez ? » Articula-t-elle avec difficulté. Ce qu’ils voulaient, elle ne le savait que trop bien mais elle voulait gagner du temps. Et peut-être leur éviter d’en venir à douter de la loyauté de Helios. Il l’avait trahi, sûrement aurait-elle dû en faire de même mais elle ne parvenait pas à s’y résoudre. Pendant ce temps, sa main tâtonnait à la recherche de la baguette. « Ne joue pas les idiotes, tu croyais vraiment pouvoir trahir la Cause et t’en tirer aussi facilement ? Il est grand temps que tu apprennes à rester à ta place. » La voix gutturale la fit frissonner et l’espace d’un instant elle se demanda si elle connaissait ce sorcier lâche qui se cachait derrière son masque. Les chiens de garde de l’Augurey envoyés punir une gamine insolente, ça n’avait rien de bien glorieux même pour eux. « Allez vous faire foutre. » Siffla-t-elle avec toute l’arrogance qu’il lui restait. De toute façon, son sort était scellé alors il était inutile de faire semblant. Elle prit appui sur ses mains pour se reculer alors que les mangemorts avançaient dans la pièce, s’écorchant les paumes au passage. Elle ignora les blessures, ce n’était pas ça le plus important. Elle devait retrouver sa baguette. « Mauvaise réponse. » Son sang se glaça dans ses veine. Sans plus chercher à faire preuve de discrétion, Hestia se retourna et, repérant enfin son arme, se jeta dessus. Ses doigts se refermèrent sur le bois rassurant. Mais il était déjà trop tard.

Le sortilège la frappa de plein fouet. Un hurlement s'échappa des lèvres de la jeune sorcière. Déchirant, emplit d'une douleur que nul ne devait connaitre. Et il n'y eut plus que la douleur. Comme un feu destructeur qui parcourait avec une terrible et cruelle lenteur les moindres parcelles de son organisme. Comme si chaque centimètre de sa peau se déchirait pour laisser exploser une douleur encore plus vive. Complètement coupée du monde réel, Hestia sentait son corps se tordre sous les assauts du sort, se convulser pour tenter d'échapper à cette torture impitoyable. Le monde s'était teinté en rouge, en un écarlate brûlant qui ne lui laissait plus aucun espoir. Incapable de la moindre pensée cohérente elle ne pouvait que hurler à s'en casser la voix, à s'en brûler les cordes vocales. Tout notion de temps et d'espace avait disparu. La torture aurait pu durer quelques secondes ou quelques heures, cela n'avait plus aucune importance. Tout n'était plus que cris et douleur.

CODAGE PAR AMATIS

Un jour les exigences viendront de moi. Un fossé s’était creusé entre les deux Carrow, mais il semblait à Hestia que chacun de ces mots l’agrandissait un peu plus. Que Helios adhère à la Cause n’avait jamais été un secret, la Serpentarde n’ignorait pas que son cousin était marqué du sceau des mangemorts alors qu’elle-même s’était rebellée de tout son être à cette perspective. Alors qu’elle avait pris sa vie en main et gagné sa liberté dans la douleur, lui acceptait de s’enchainer au pouvoir. Mais alors qu’il prononçait ces mots elle en vint à se demander jusqu’où il serait près à aller pour cette cause. A quelles exigences il accepterait de répondre et lesquelles il demanderait le jour venu. Hestia ne pouvait s’empêcher de se demander vers quel avenir se dirigeait Helios et s’il en ressortirait toujours indemne. Suivrait-il la voie de leurs parents, le chemin pavé de sang des Carrow, quitte à y perdre son humanité ? Tout ça pour quoi ? Le pouvoir, la grandeur, l’honneur ? Ils savaient bien ce que ça avait donné pour leurs parents, alors pourquoi est-ce que Hestia était la seule à voir la réalité en face ? S’était-elle fourvoyée pendant tout ce temps lorsqu’il s’agissait de son cousin ? Avait-elle été aveuglée par l’affection qu’elle lui portait et son envie de l’avoir toujours à ses côtés ? Peut-être que c’était des questions dont Hestia ne voulait pas connaitre les réponses, pas quand ça concernait Helios. Elle avait toujours su qu’ils étaient différents à bien des égards, mais jamais elle n’avait pensé qu’ils en arriveraient là. Et pourtant les faits étaient là, alors qu’elle avait besoin de lui, il choisissait de lui tourner le dos. Il savait parfaitement ce que cela signifiait de refuser de lui tendre la main, mais il le faisait tout de même. Masque sur le visage, il choisissait de la condamner sans la moindre hésitation.

Le cœur de Hestia n’avait jamais été aussi lourd. Quelque chose s’était brisé en elle, mais pas seulement, aussi entre eux, et dans ce monde cruel qu’était le leur. Elle avait toujours cru pouvoir compter sur son cousin. Après tout n’était-ce pas ainsi que les choses avaient toujours marché entre eux ? Malgré les différences, les égos et les ambitions, ils avaient toujours été là l’un pour l’autre. Hestia avait toujours cru que leur affection mutuelle serait plus forte que tout le reste, de toute évidence elle s’était trompée. Et aujourd’hui, cette erreur allait lui couter cher. La piqûre de la trahison était cuisante mais ce n’était rien face à ce qui l’attendait si elle restait là, figée d’horreur et d’amertume. Le pire dans tout ça, c’était que Helios savait, il connaissait les méthodes des mangemorts, leur cruauté, et il la laissait entre leurs mains. A moins qu’il ne compte participer ? Après tout, il était mangemort lui aussi, s’il était là c’était qu’il était au courant de leur plan et de leurs intentions. Maintenant qu’il lui avait montré à qui allait son allégeance, jusqu’où serait-il capable d’aller pour le prouver ? Peut-être cela faisait-il parti de leur plan depuis le début, Hestia avait que parmi ces esprits tordus beaucoup prendraient un malin plaisir à voir le blond s’en prendre à sa propre cousine. Cette idée la glaça et pendant un bref instant elle envisagea de poser cette question qui lui brûlait les lèvres et lui tordait le cœur. Mais il y avait des choses qu’il ne valait certainement pas savoir. Est-ce que son cousin s’apprêtait à pointer sa baguette sur elle sous les regards satisfaits des autres mangemorts en faisait indubitablement partie. Il était trop tard de toute façon, Helios avait pris sa décision, la sentence était tombée et Hestia n’avait plus qu’une seule option : la fuite. Loin de la menace et de ce cousin parjure.

Le cœur au bord des lèvres, la peur accrochée au ventre et les doigts crispés sur sa baguette, Hestia s’était détournée. Elle n’avait pas de temps à perdre. Ce n’était pas le moment de se laisser envahir par tous ces sentiments qu’elle ne savait pas gérer. Ses parents qui la reniaient au lieu de l’accepter, sa famille qui envoyait des mangemorts à ses trousses, Helios qui refusait de lui tendre la main alors qu’elle n’en n’avait jamais eu plus besoin qu’en cet instant, c’était trop, elle ne pouvait pas gérer, pas maintenant. La déception, la rancœur et la colère lui minaient le cœur. Mais tout cela devrait venir plus tard. Plus rien ne serait plus jamais pareil, mais pour cela d’abord fallait-il qu’elle s’en sorte. Terriblement consciente que tout n’était qu’une question de secondes, la Serpentarde traversa à toute vitesse les pièces qui composaient l’apothicairerie. Elle s’interdisait de réfléchir à autre chose qu’à sa fuite. Les pièces qui défilaient, les portes qu’elle verrouillaient sur son passage, le terrain qu’elle gagnait, plus rien d’autre ne comptait. Il ne fallait pas qu’elle pense aux mangemorts qui envahissaient son lieu de travail et à Helios qui se trouvait parmi eux, ni à ce qu’il allait se passer s’ils parvenaient à lui mettre la main dessus. L’issue de secours, celle qui devait forcément exister, c’était tout ce à quoi elle pensait, la dernière chose à laquelle elle pouvait se raccrocher. C’était son dernier espoir, la seule chose qui comptait. Alors la désillusion fut infiniment plus rude lorsque cette porte qui n’était plus qu’à portée de main explosa, en entrainant la Serpentarde dans sa chute. En un éclair, Hestia se retrouva au sol et désarmée. Lorsqu’elle releva la tête, les mangemorts étaient là, la surplombant de toute leur hauteur. Elle avait beau ne pas pouvoir voir leurs yeux, leurs baguettes pointées dans sa direction ne laissaient aucune place au doute. Peu importe ce qu’elle dirait, si ce n’était pas une capitulation, alors son sort était scellé. Elle n’entendit pas le mangemort prononcer le sortilège mais la douleur qui survint sans crier gare fut bien assez claire.

Hestia n’avait jamais connu telle souffrance. Pourtant elle n’était pas étrangère à la douleur, elle était même loin de se considérer comme douillette. Elle avait terminé de nombreuses fois à l’infirmerie de Poudlard après un match de Quidditch un peu trop virulent et s’était même cassé plusieurs fois le bras durant l’année passée. Jamais une seule plainte plus haute qu’un grognement ne s’était échappé de ses lèvres. Mais là c’était encore différent, ce qu’elle ressentait était au-delà de la douleur. Le moindre centimètre carré de sa peau semblait avoir pris feu. La douleur était partout, impossible d’y échapper, elle était constante, impossible d’espérer le moindre répit. Plus rien n’existait en dehors de la souffrance, plus de boutique, plus de cousin, plus de trahison, plus de mangemort. Le monde n’existait plus. Il n’y avait plus rien d’autre que la douleur qui lui parcourait l’épiderme avec ce qui semblait être une lenteur effroyable mais une puissance encore pire. Hestia se retrouvait incapable d’émettre la moindre pensée cohérente, tout ce qu’elle pouvait faire c’était hurler à s’en abimer les cordes vocales, et même ça elle ne le contrôlait pas. Son corps convulsait sans même qu’elle ne s’en rende compte, cherchant à s’extraire du sort par tous les moyens. Mais c’était peine perdue, il n’y avait aucune échappatoire. Tout le reste avait disparu au profit de la souffrance, même le temps était devenu un concept abstrait qui n’avait plus la moins importance. Et quand le sortilège cessa, il n’y eut pas de soulagement. Pas de soupir apaisé ou de sensation de libération. La souffrance recula mais elle ne reflua pas totalement, tous ses membres étaient encore aux prises avec une douleur fantôme, comme si le sortilège s’appliquait à graver en elle le mal qu’il lui avait fait subir. Comme si elle allait pouvoir l’oublier un jour.

Ca parlait autour d’elle, ça bougeait, mais Hestia était incapable de distinguer quoi que ce soit. Acculée au sol, recroquevillée sur elle-même, elle luttait contre les effets du doloris qui s’attardaient paresseusement dans chacun de ses membres. Dans son esprit embrumé, la verte peinait à prendre la mesure de la situation. Combien de mangemorts étaient présents, à la regarder se tordre au sol ? Qu’allait-il se passer maintenant ? Elle aurait dû s’inquiéter de tout ça, faire quelque chose, n’importe quoi pour tenter de sauver sa peau mais elle ne parvenait même pas à esquisser le moindre geste. Juste à se demander si elle allait mourir là, sous les yeux de son cousin et de tous ces sorciers qui la méprisaient sans même la connaitre. Il y eut de nouveaux bruits qu’elle ne parvint pas à distinguer, du verre cassé peut-être. Maintenant qu’elle était seulement à moitié consciente, peut-être qu’elle n’amusait plus les mangemorts, peut-être avaient-ils décidé de détruire son lieu de travail, de punir une sorcière qui n’avait rien demandé à personne et s’était contenté de recueillir la mauvaise Serpentarde. Elle ne parvint même pas à s’en scandaliser. Il y eu des voix, encore, qui lui parvenaient comme à travers un épais brouillard, elle reconnu vaguement celle de Helios mais les autres lui restèrent inconnues. Apparemment elle n’aurait pas l’honneur de savoir qui étaient les sales lâches derrière leurs masques qui avaient été chargés de la tâche ô combien primordiale de la punir pour son insolence. Il y avait des voix, du mouvement, mais son esprit ne parvenait pas à s’y accrocher. Et finalement de nouveau le silence. Menace ou soulagement, Hestia n’aurait su le dire. Dans sa position de toute manière, plus rien n’avait la moindre importance. Elle était à la merci des mangemorts, alors à quoi bon s’accrocher à quoi que ce soit ?

Elle tressaillit quand des mains l’empoignèrent mais se calma quand son regard hagard se posa sur une chevelure d’un blond presque blanc qui dépassait du masque. Helios. Un grognement de douleur s’échappa de sa gorge quand il la redressa. Confusément, elle vit qu’il pointait sa baguette sur elle mais elle n’était pas en capacité de réagir. Elle ne tenait même plus sa propre baguette, sûrement lui avait-elle échappé pendant sa petite séance de torture. « Revigor. » Une vague de chaleur l’envahi aussitôt, faisant refluer le brouillard qui lui empoisonnait l’esprit. La douleur recula comme une vague pour devenir une sensation sourde dans ses membres. Hestia leva une main tremblante pour la poser sur son crâne, elle avait toujours l’impression qu’un hippogriffe venait de la piétiner. Elle grogna, elle avait encore mal partout mais désormais elle était assez consciente pour le ressentir pleinement. Elle aurait préféré l’oubli bienheureux de l’évanouissement mais Helios en avait décidé autrement. Peu à peu, le monde qui l’entourait retrouvait ses contours, et la réalité s’imposait de nouveau à elle. Il lui fallut quelques secondes pour réaliser qu’ils étaient désormais seuls, elle fronça les sourcils, ne comprenant pas pourquoi les mangemorts avaient quitté les lieux. Avec le sentiment d’être un peu trop détachée pour la situation, mais de ne pas pouvoir faire mieux, elle vit Helios recracher son estomac dans un coin il a intérêt à nettoyer. Quand elle détourna le regard, elle repéra un nuage orange qui s’échappait de deux fioles. Elle fronça de nouveau les sourcils et se força à se concentrer. Ces potions, le départ des mangemorts, Helios toujours là, ça ne pouvait pas être un hasard. Elle leva les prunelles pour observer les étagères et repéra les potions manquantes. Deux mélanges plutôt inoffensifs qu’il ne fallait pas mélanger sous peine d’être accueilli par de vives étincelles et une brume colorée. Rien de bien dangereux, mais ça tout le monde ne le savait pas. Or, Helios lui le savait.

Hestia voulu se relever, mais ses jambes encore trop faibles cédèrent sous son poids. Avec un grognement de douleur, elle atterri de nouveau au sol et ne tenta plus d’en bouger. Etait-elle blessée ? Ses paumes saignaient, sûrement depuis l’instant où elle avait rampé au sol pour récupérer sa baguette et un gout métallique lui avait envahi la bouche, signe qu’elle s’était mordu la langue entre deux hurlements. Mais pour le reste, elle n’en n’était même pas sûre, la souffrance du doloris avait pris le pas sur tout. Alors puisqu’elle ne pouvait rien faire de mieux pour l’instant, elle releva des prunelles sombres sur Helios. « Pourquoi… » Elle s’arrêta, sa voix était éraillée d’avoir trop crié et sa gorge la faisait souffrir. Une moue amère vint se peindre sur ses traits mais elle se força à reprendre. A faire taire les incertitudes, les espoirs et les déceptions. Helios en avait assez fait pour ce soir, et pourtant… « Pourquoi tu as fait ça ? » Pourquoi l’avoir abandonné ? Pourquoi l’avoir aidé ? Pourquoi était-il toujours là ? Il y avait tant de questions, et si peu de certitude de vouloir des réponses.

CODAGE PAR AMATIS

Le silence s’était abattu dans l’arrière boutique, et pourtant Hestia avait toujours l’impression que la tempête y faisait rage. Peut-être parce que c’était le cas. Peut-être parce que le départ des mangemorts ne changeait pas grand-chose au final. Juste la fin de la douleur physique, et le début d’une nouvelle d’un tout autre genre. Ce qu’ils étaient venus accomplir, ils l’avaient réussi. Du moins en partie. Ils avaient puni Hestia, ils l’avaient mis à terre et fait souffrir jusqu’à ce qu’elle n’ait plus la moindre volonté. La seule chose qu’ils n’avaient pas réussi à faire ça avait été de la pousser à revenir sur sa décision et à revenir vers les Carrow la tête basse, vers la Cause. Mais au fond ça n’avait sûrement pas été leur mission première, chacun savait combien la dernière fille Carrow pouvait être caractérielle, combien elle était têtue. Ses parents le savaient sans doute déjà, espérer la faire changer d’avis était tout simplement impossible, Hestia n’avait jamais été ainsi et eux pas assez naïfs. Alors sûrement que les mangemorts dépêchés pour cette mission avaient été briefés afin qu’ils n’attendent pas de sa part une reddition. Au final, ça aurait été tout au plus un bonus appréciable. Mais ça n’avait pas été pour ça qu’ils s’étaient déplacés, et à aucun moment ils n’avaient tenté de lui faire croire l’inverse. Leur mission avait été de lui faire payer son impertinence, de lui faire regretter ses actes, de graver dans son esprit que tout ceci n’avait été qu’une erreur. Et ils avaient réussi. Cette visite, Hestia savait qu’elle ne pourrait jamais l’oublier. Qu’elle aurait beau faire la brave, l’impertinente, l’insolente, cette expérience ferait toujours partie d’elle, comme une cicatrice indélébile. Elle savait qu’elle aurait beau faire semblant de ne pas la voir, minimiser son importance, aller jusqu’à nier son existence, elle sera toujours là. Ce qu’elle venait de vivre était une part d’elle désormais, et elle allait devoir apprendre à faire avec.

La douleur c’était arrêtée, mais ce n’était pas comme si elle avait laissé place au soulagement ou à une tout autre forme d’apaisement. Parce que pour autant que Hestia le savait, ça n’était peut-être qu’une trêve, qu’un répit temporaire avant que les mangemorts ne reprennent leur mission avec plus d’entrain encore. Après tout, ils tenaient une toute nouvelle traitre à son sang entre leurs griffes, pourquoi la laisseraient-ils tranquille aussi rapidement. Elle avait trahi la Cause, la famille, la Serpentarde n’osait imaginer tout ce qu’ils devaient lui réserver. Parce que c’était peut-être ça le pire dans toute cette situation. Au-delà d’avoir vu son cousin lui tourner le dos, de la terrible douleur qu’elle venait de vivre et de la peur qui lui étreignait le ventre, elle connaissait les méthodes des mangemorts. Elle avait grandi parmi eux, elle avait évolué et appris à leurs côtés, elle savait. Les menaces, les sortilèges, les tortures… Rien ne lui était inconnu. Même si elle n’en n’avait jamais fait usage, même si elle n’en n’avait jamais véritablement été témoin, elle savait. Et aujourd’hui, alors que c’était elle qui se trouvait de l’autre côté de leur baguette, elle n’avait pas de doute sur l’étendue des souffrances qu’ils pouvaient lui infliger. Dire qu’elle était prête aurait été un mensonge, une bravade sans la moindre importance, ça n’aurait rien changé. La vérité c’était qu’elle n’avait pas le choix. Hestia s’était enfin émancipée de cette famille toxique et aujourd’hui ils le lui faisaient payer. Retourner auprès de ses parents, auprès des mangemorts n’avait jamais été une option. A partir du moment où elle avait claqué la porte de la demeure familiale, ça avait été pour un aller sans retour. Alors elle n’avait pas le choix, ce qu’ils lui réservaient, elle n’avait plus qu’à le subir en serrant les dents.

Pourtant, ils étaient bel et bien partis. Quand des mains se saisirent d’elle pour la redresser, il fallut quelques secondes à Hestia pour comprendre qu’il s’agissait d’Helios et de lui seul. Et quelques instants supplémentaires pour assimiler qu’elle n’avait, à priori, plus grand-chose à craindre. Comme si c’était un quelconque soulagement. Les effets du doloris s’éternisaient dans tous ses membres, comme pour bien en graver la sensation dans son esprit. Le sortilège du Carrow eut au moins le mérite de lui éclaircir les idées. Après ce qu’elle venait de vivre, Hestia n’était pas bien sûr que ça soit lui rendre service, mais une part d’elle savait qu’elle ne pouvait pas éternellement se réfugier dans un état second. Tout comme elle ne pouvait ignorer la présence de son cousin dans la pièce, ni les fioles brisées au sol qui étaient certainement la cause du départ des autres mangemorts. Sans un mot, sans une réaction, elle observa le Serpentard être malade. Elle nota ironiquement que c’était elle qui avait été torturée mais que c’était lui qui recrachait son estomac. Peut-être que la trahison ne convenait pas à tout le monde. Sauf que maintenant Hestia ne savait plus ce qu’elle devait penser. Traitre ou sauveur ? Qu’était Helios à ses yeux ? Peut-être un peu des deux. Sa tête était encore trop lourde pour qu’elle puisse réfléchir correctement alors elle décida que l’interroger serait le moyen le plus rapide de se fixer. De toute manière elle ne supportait plus ce silence. Ils se faisaient face désormais mais le blond prenait soin de ne jamais laisser leurs prunelles se rencontrer. Apparemment voir sa cousine se faire torturer, en partie par sa faute, n’était pas si facile que ça à assumer. Hestia lui aurait bien balancé une remarque cinglante mais elle en était incapable. Tout ce que son esprit parvenait à se demander c’était pourquoi, pourquoi, pourquoi…

« Parce que… » Hestia garda le silence. Elle voyait bien les difficultés de son cousin mais elle ne voyait pas pourquoi elle lui faciliterait la tâche. Une part d’elle doutait d’obtenir des réponses mais une autre continuait de s’accrocher. Finalement Helios reprit la parole. « Parce que… Je t'apprécie Hestia Carrow et que je ne peux pas rester sans rien faire quand on te fait du mal. Je le pensais mais… Non. » La Serpentarde fronça les sourcils. Dans sa poitrine, son cœur se comprima douloureusement. Elle aurait peut-être dû se sentir heureuse d’entendre de tels mots, ou tout du moins soulagée. Mais la vérité c’était qu’elle était surtout dépassée. Helios l’avait trahi, après avoir vu qu’il ne parviendrait pas à la ranger à ses côtés, il avait retiré la main qu’il lui tendait pour la laisser entre les griffes des mangemorts. Et maintenant non seulement il intervenait pour la sauver mais en plus il affirmait l’apprécier. Ce qui, dans le langage des Carrow, revenait presque à une déclaration d’amour. Hestia parlait le même langage, elle savait le déchiffrer, lire entre ses lignes. Mais si elle en comprenait les mots, ses implications lui échappaient encore. Tout ce qu’elle voyait, c’était qu’il avait fallu qu’elle se tordre de douleur sur le sol pour que son propre cousin réagisse. Et s’il n’avait pas été là pour assister à ce spectacle ? Et s’il avait décidé de quitter les lieux pour laisser ses collègues mages noirs faire leur œuvre ? Merlin seul savait jusqu’où les choses auraient été. Enfin, Hestia en avait une petite idée, et certainement que Helios aussi, mais elle n’était pas en état d’y réfléchir. Tout se mélangeait dans sa tête. Helios qui l’abandonnait, Helios qui lui venait en aide. Au milieu de tout ça la douleur diffuse qui continuait de la tourmenter. Elle ne savait plus quoi croire, quoi penser. Perdue, Hestia garda le silence. Qu’aurait-elle pu dire de toute façon ? Merci de m’avoir sauvé après m’avoir condamnée ? Merci d’avoir eu des remords ? C’était si compliqué, le silence était préférable.

Elle ne bougea pas quand Helios s’approcha d’elle. C’était au moins la seule chose dont elle était sûre, s’il avait pris le risque de lui venir en aide malgré tous les mangemorts présents, elle ne risquait rien en sa compagnie. Par Merlin, comment avaient-ils pu en arriver là ? A évaluer les risques que ça représentait de rester seule avec son cousin ? Leur monde était vraiment pourri jusqu’à la moelle. « Est-ce que ça va ? Tu as mal quelque part ? » La verte eut une expression désabusée. Il venait de la voir subir un doloris de plein fouet et il lui demandait si elle avait mal. Hestia ne savait pas lesquels de ses mentors seraient les plus déçus : les médicomages ou les mangemorts. Elle tourna la tête vers lui, le forçant enfin à soutenir son regard. « Partout. » Lâcha-t-elle avec un rictus, de sa voix à moitié cassée. Inutile de chercher à camoufler la vérité, Helios était parfaitement conscient de ce qu’elle avait subi. La douleur n’avait plus rien à avoir avec celle du sortilège, elle n’avait plus l’impression que ses veines étaient remplies de feu liquide, mais elle avait toujours mal dans chacun de ses membres comme si le doloris y avait laissé sa trace. « Suis la lumière du regard. » Hestia fronça les sourcils quand la lueur frappa ses prunelles mais elle s’efforça de suivre les consignes du blond. Parmi les quelques certitudes qu’il lui restait il y avait celle qui faisait de Helios un brillant étudiant en médicomagie. Elle n’avait pas de raison de refuser de suivre sa demande, surtout qu’elle n’avait aucune intention de se rendre à Sainte Mangouste. Si après sa fuite les médicomages n’avaient posés aucune question grâce à la présence d’Adèle, elle se doutait que cette fois-ci ce serait différent. Un doloris, ça soulevait pas mal d’interrogations. Encore plus quand il était reçu par la dernière héritière d’une famille de sang pur. Après avoir suivi quelques secondes la lueur des yeux, elle détourna le regard pour montrer à Helios qu’il en avait assez fait. « Tu peux arranger ça ? » Demanda-t-elle en montrant ses paumes de main écorchées, derniers vestiges de sa vaine tentative de fuite.  

C'était étrange ce retournement de situation, après avoir été celui qui l’avait trahi, Helios était désormais celui qui s’occupait de la soigner. Elle ne lui avait rien demandé alors peut-être était-il poussé par sa conscience professionnelle, par les remords ou cette affection qu’il disait avoir pour elle. Ou alors se contentait-il peut-être de suivre les dernières consignes des mangemorts. Peut-être que la Serpentarde n’aurait pas dû laisser cette situation se produire, peut-être qu’elle aurait dû protester, lui demander de quitter les lieux, refuser qu’il l’approche. Mais elle n’en n’avait pas la force et surtout sans sa tête plus rien n’était clair. Ami ou ennemi, cousin ou inconnu ? Elle ne savait plus bien et quelque chose lui disait que la réponse à cette question ne lui viendrait pas aussi aisément. « Et maintenant Helios ? » Finit-elle par demander à mi-voix. Elle maintint ses prunelles sur lui un instant avant de les baisser sur ses mains qu’il était en train de soigner. Elle aurait pu trouver une potion pour ça mais ça aurait impliqué de devoir expliquer certaines choses à Hargreaves et elle n’était pas encore sûre de ce qu’elle allait lui dire. Chaque problème en son temps. « Il se passe quoi ? » Son cousin aurait certainement préféré qu’elle garde le silence mais elle une part d’elle en était incapable. L’autre aurait préféré se murer dans un silence buté, mais elle n’avait pas le dessus. Elle avait besoin de savoir. Les mangemorts étaient venus une fois, ils pouvaient recommencer. Ils pourraient l’attendre à chaque coin de rue, guetter ses sorties de Poudlard. Faire de sa vie un enfer, jusqu’à ce qu’ils décident qu’il était temps qu’elle cesse tout simplement de vivre. Allait-elle devoir continuer son existence en regardant constamment par-dessus son épaule ? Allait-elle devoir vivre dans la crainte ? Ou cette vengeance leur avait-elle suffit, du moins pour le moment ? « Pour tout ça et… » Il y avait tant de questions que dans sa tête ça se bousculait, mais il y en avait une en particulier qui ressortait plus que les autres. « Et pour nous deux. » Celle-là, la tourmentait bien plus que les autres.

CODAGE PAR AMATIS

Etait-ce réellement le calme après la tempête, ou bien se trouvaient-ils dans l'œil du cyclone ? La question tournoyait dans l'esprit de Hestia, mais elle aurait bien été en peine de le dire. Les mangemorts étaient partis mais au fond ça ne changeait pas grand chose. Ils avaient fait passer leur message et la Serpentarde n'était pas près de l'oublier. Surtout que bien plus venait de se jouer au beau milieu du Purple Vial. La boutique n'avait pas seulement été témoin de la vengeance d'une famille bafouée. Au final, ça n'avait sûrement pas été l'élément le plus important de ces dernières minutes. Le sort des mangemorts, Hestia l'avait reçu de plein fouet -dans tous les sens du terme- et si cet acte s'était inscrit dans sa chaire et son esprit, elle savait qu'elle pourrait passer au dessus. Avec du temps, mais c’était possible. La Serpentarde avait la volonté rageuse de montrer à sa famille et à tous ces sang-purs plein de jugement que rien ne la ferait dévier et que leurs menaces étaient vaines. Elle n'y croyait peut-être pas totalement, il y avait peut-être un peu d'une crainte paralysante accrochée à son cœur, mais elle avait toujours été une bonne menteuse. Montrer aux siens que leur vengeance n'avait pas eu d'impact sur elle serait son prochain grand rôle. C'était qu'elle pouvait se montrer convaincante quand elle le voulait. Vivre en portant un masque avait toujours été dans ses habitudes, ça ne lui changerait pas grand-chose. Au quotidien la Serpentarde se parait d’une armure pour repousser les autres, désormais elle avait juste besoin de la rendre plus résistante que jamais. Finalement les enseignements de ses parents se montreraient utiles, même contre eux. Encore un peu et elle pourrait les remercier de l’avoir élevé ainsi, dans la distance, la méfiance et le mensonge. Quelle ironie.

Cependant en cet instant il lui était bien difficile de camoufler ses sentiments. Là, à même le sol de la boutique, il n’y avait plus que son cousin pour voir ses tourments. A quoi bon se cacher ? De toute façon, il ne méritait pas qu’elle fasse l’effort de faire bonne figure. Il savait ce qu’elle avait enduré, il méritait de voir ce à quoi il avait participé. C’était elle qui avait subi la souffrance mais elle ne voyait pas pourquoi Helios serait épargné. Après tout s’il avait maintenu sa main tendue, ils n’en seraient sûrement pas là. S’il ne lui avait pas refusé son aide, rien de tout cela ne serait arrivé. Il n’y aurait pas eu de sortilège impardonnable, pas de douleur, mais surtout pas de trahison. Hestia ne le regarderait pas avec des doutes plein la tête et des questions sur les lèvres. Parce que maintenant que le calme était revenu dans la boutique, la Serpentarde se sentait surtout complètement perdue. Que devait-elle croire exactement ? Helios était-il ami ou ennemi ? Traitre ou sauveur ? Il avait fait volte face une fois, qu’est-ce qui l’empêchait de recommencer ? Il avait beau affirmer avoir de l’affection pour elle, la verte ne savait plus quoi penser. Elle avait du mal à réfléchir correctement alors tout ce qu’elle voyait c’était que l’avenir n’avait jamais été aussi incertain, pour elle, mais aussi pour eux deux. Tout était devenu si compliqué, rien n’était censé se passer ainsi, surtout pas entre eux. Sauf que les choses étaient ainsi, et qu’ils n’avaient pas d’autre choix que de les affronter. Ils étaient tombés dans le terrier du lapin blanc, là où plus rien ne faisait sens. Hestia aurait beau y réfléchir pendant des heures, tourner le problème dans tous les sens, elle doutait de réellement comprendre un jour.

Puisque plus rien ne faisait sens, il ne restait plus qu’une question à poser : et maintenant ? C’était ça désormais le plus important, quel avenir allait se jouer pour la Serpentarde ? Ou une de fuite, une vie de lutte, de difficultés ? Elle avait beau ne plus savoir quoi penser, elle voulait savoir à quoi elle devait s’attendre. Déjà en ce qui concernait les mangemorts, mais aussi par rapport à Helios. « Maintenant, rien. Rien de tout cela ne s’est produit. » La verte soutint le regard de son cousin. Ses paroles avaient un aspect à la fois sibyllin et amer. De quoi parlait-il exactement ? De ce qu’il venait de se passer entre eux, des mangemorts, de tout leur passif ? De tout à la fois ? Hestia avait du mal à savoir et surtout elle avait l’étrange impression que Helios lui-même ne savait pas exactement. C’était dire combien tout ça les dépassait. La Serpentarde se retint de secouer la tête, par égard au mal de crâne qui menaçait de poindre sous son cuir chevelu, elle ne pouvait pas prétendre que rien n’était arrivé. Pas après ce qu’elle venait de vivre. Il lui était impossible de tout balayer pour faire croire que tout allait bien. A la fois en ce qui concernait l’attaque des mangemorts, mais aussi entre eux. Plus rien ne serait jamais pareil. Mais quelle forme leur avenir prendrait, pourraient-il réparer ce qu’il venait de se passer, ça c’était de toutes autres questions. « Va vivre ta vie. Je reste derrière. » Hestia fronça les sourcils. Elle ne savait pas trop à quoi elle s’était attendue, mais pas à ça. Peut-être à une nouvelle leçon de morale, de nouveaux arguments pour la pousser à revenir vers les Carrow, à tout mais pas à ce ton défaitiste et ce regard terne. Ça sonnait comme un sacrifice et malgré tout ce qu’elle venait de vivre à cause de son cousin, ça ne lui plaisait pas. « Rien de t’y oblige. » Souffla-t-elle. Il pouvait la suivre. Qu'est-ce qui le retenait encore dans cet univers tordu ? Ses rêves de grandeur ? Son ambition dévorante ? Il n'avait pas besoin des Carrow pour ça. Hestia comptait bien réussir sans eux, à la barbe et au nez de sa famille, la meilleure des revanches possibles. Il pouvait la suivre. Ensemble, ils pourraient faire face, se soutenir. Il avait fait demi-tour pour elle, il affirmait avoir de l'affection pour elle, rien ne forçait leurs chemins à se séparer là.

Mais déjà Helios se relevait. « Je… » Hestia leva les yeux vers lui, elle ne se sentait pas encore la force de se lever à son tour et préférait s’éviter une nouvelle chute, elle avait été déjà bien assez secouée comme ça. Un instant le silence s’étira entre les deux cousins et la verte eu l’impression qu’il contenait bien plus de mots qu’ils ne pourraient jamais en prononcer. Ce qu’ils ne pouvaient dire, ce qu’ils ne savaient comment dire, ce qu’ils ne parvenaient pas à laisser quitter le secret de leur cœur. Tous les non dits et les sentiments refoulés se trouvaient là. Ca au moins Hestia le comprenait, ils avaient été élevé pareil. La fierté avant tout, alors ce qu’il se déroulait dans cette arrière boutique, ça les débordait totalement. Mais au moins ce mélange de sentiments, Hestia pouvait le deviner. La peine, la rancœur, la colère, la déception, le doute. Ils ressentaient les mêmes choses, peut-être pas pour les mêmes raisons mais au moins ils se retrouvaient sur ce point. « Je vais sortir pour vérifier qu’il n’y a plus personne. Profites-en pour t’en aller. N’importe où mais qu’ils ne puissent pas te retrouver. » La Serpentarde mis quelques secondes pour saisir le sens des paroles de son cousin et quand ce fut finalement fait, elle en resta sans voix. Fuir. C’était ce qu’il lui proposait. S’échapper pour refaire sa vie ailleurs. Repartir de zéro alors qu’elle s’efforçait de bâtir son avenir depuis des années, alors qu’enfin elle avait le sentiment que son existence prenait un sens. Alors qu’elle en était enfin seule maître à bord. C’était impensable. Elle secoua la tête et le regretta aussitôt. « Je n’irai nulle part. » Rétorqua-t-elle d’un ton décidé. Elle n’ajouta rien de plus, pas de grands discours éloquents, pas de je suis le maitre de mon destin, je suis le capitaine de mon âme, juste ces cinq mots qui voulaient tout dire. Elle ne parvenait pas à imaginer le contraire. Malgré l’avertissement des mangemorts ça lui semblait impossible de renoncer à tout ce qu’elle avait construit. Tant pis pour la menace, elle refusait de fuir.

« Ça va aller. » Pourtant, elle peinait à y croire. Il suffisait de voir son état, mais aussi celui d’Helios pour comprendre que non, rien n’irait aussi bien qu’il tentait de le prétendre. Ce serait peut-être même tout l’inverse, pour l’un comme pour l’autre. Ils faisaient face à deux avenirs bien différents, mais pas plus enviable. « Helios… » Murmura-t-elle alors qu’un sentiment d’urgence lui étreignait le cœur. Plus que jamais, Hestia avait le sentiment que tout lui échappait, que tout ce qu’elle croyait vrai lui filait entre les doigts sans qu’elle ne parvienne à y trouver la moindre prise. « Au revoir Hestia. Et bonne chance. » Etait-ce réellement comme ça qu’ils devaient se quitter ? Sur tant de doutes et d’amertume ? Ils avaient passés tant d’années à se soutenir, ça ne pouvait pas se terminer ainsi. Malgré tout ce qu’il venait de se dérouler dans cette boutique et l’incompréhension qui subsistait entre eux, la Serpentarde refusait de renoncer à son cousin aussi aisément. Alors que Helios se dirigeait vers la porte abîmée, elle se redressa et tenta de se relever mais dû abandonner cette idée tant ses membres la faisaient encore souffrir. « Helios ! » Appela-t-elle en désespoir de cause. Une terrible seconde, elle craignit que le Carrow ne s’arrête pas, qu’elle ne puisse rien ajouter à ces aurevoirs dont elle ne voulait pas. Il eut cependant au moins un mouvement d’hésitation qui lui permit de reprendre. « Ne les laisse pas te contrôler, tu vaux bien mieux que ce qu’ils peuvent te faire croire. » Un dernier conseil, au moins jusqu’à la prochaine fois. Parce qu’ils ne savaient peut-être plus où ils en étaient, où ce que l’avenir leur réservait pour eux deux, mais ça au moins Hestia en était convaincue, leurs chemins se recroiseraient.

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