Faute de parler, on meurt sans confession

Le soleil commençait à lentement se coucher sur Poudlard. La fin de semaine était enfin arrivée et de nombreux étudiants s’étaient décidés à aller au Chaudron Baveur fêter le début du week-end. Helios ne faisait pas partie de ces gens-là. L’offensive sur le QG du Blood Circle avait été un véritable fiasco, pour lui du moins. Il avait perdu ses pouvoirs, à peine blessé deux moldus et quasiment pleuré comme un gamin dans un coin pour une simple piqûre. Il avait donc préféré se réfugier à la bibliothèque pour faire des révisions théoriques, puisque la pratique lui était pour le moment impossible.

L’infirmière de Poudlard lui avait assuré que les effets du sérum seraient temporaires. Temporaires oui mais il s’agissait quand même de vingt-quatre longues heures. Alors, en attendant que sa magie ne revienne, il encaissait silencieusement les moqueries et autres humiliations. Celles-ci se déclinaient dans tous les domaines : que ce soit un professeur lui demandant un sortilège l’en sachant bien incapable ou l’entrée refusée dans sa salle commune. Il ne pouvait plus rien faire seul et cela le faisait enrager. Il ne parlait même pas de tous les petits idiots qui s’amusaient à lui lancer des sortilèges comme des « Crache-limaces » sans qu’il ne puisse faire quoi que ce soit pour se défendre. Un des traits majeurs d’Helios était cependant la rancune : il notait le nom de chacun ces petits rats stupides et préparait sa vengeance avec beaucoup d’application : Helios se ferait un plaisir de les faire hurler de peur et de douleur dès que sa baguette ne le traiterait plus comme un inconnu. Heureusement, son nom et sa prestance lui évitait beaucoup de désagréments…?

En attendant, il se retrouvait donc seul à la bibliothèque, profitant du moment pour rattraper certains cours et s’avancer sur d’autres. Il se mettait toujours dans le même coin, jetant un regard noir à tout première année qui aurait eu l’audace de s’y installer et réussissait toujours à s’y faire son petit cocon. Une tasse de café bien chaud ainsi que quelques biscuits lui permettait de survivre l’après-midi.

Parfois, entre deux chapitres de pathologie des sortilèges, son esprit divaguait et retournait à la nuit précédente, celle de l’offensive. A son manque total de clarté sur la situation et à la stupidité dont il avait fait preuve…. Et devant un joli public en plus ! Tobias et toutes les nouvelles recrues Mangemorts rien que ça. Déjà que le premier le saluait à peine, il était maintenant définitivement rayé de ses petits papiers. Helios posa lourdement sa tête sur le bureau, s’insultant silencieusement de nouveau de bon à rien et autre incapable.

Finalement peut-être était-il voué à rester « moldu » toute sa vie ? Peut-être était-ce sa pénitence pour avoir voulu rejoindre les puissants de ce monde comme l’Augurey ? Tel Icare, il avait volé trop près du Soleil et avait fini par s’abimer dans les eaux. Il ne lui restait plus qu’à quitter Poudlard, abandonner son brillant futur de médicomage pour partir pourrir sur un trottoir moldu jusqu’à ce que la mort l’emmène bien loin de tous ses soucis. Il soupira de nouveau bruyamment. Il n’eut en réponse qu’un « chut » peu discret de la part de la bibliothécaire. La vieille pie n’avait personne dans son stupide temple et avait donc décidé de l’emmerder lui et lui seul. Même son havre de paix n’en était plus vraiment un.

« Havre de paix ». C’était véritablement ici où Helios Carrow pouvait tomber un tout petit peu le masque. Il n’y avait aucun témoin, aucun risque de dénigrement ou de perdre son rang dans l’échelle sociale. Et ce havre, il le partageait avec Amber. Amber Towsen.

Le jeune homme n’avait jamais vraiment compris comment leur amitié avait bien pu commencer. Ils s’étaient un jour retrouvés dans ce même coin et pour une raison obscure avait commencé à discuter. Bien qu’ils partageaient à présent une certaine intimité, leur vision diamétralement opposée du monde les menaient à des débats sains, débats que le reste du monde n’aurait pu comprendre. Ils avaient donc naturellement décidé de garder leur amitié secrète. C’était bien mieux pour tous les deux. Helios avait-il honte d’Amber ? Un peu. Son frère était un Mangemort réputée mais elle… Elle semblait ne pas vouloir suivre la même voie. Helios avait tenté à plusieurs reprises de lui vanter les mérites du camp de l’Augurey mais elle semblait ne pas vouloir l’écouter. Il ne perdait cependant pas espoir : un jour peut-être.

En attendant, ils ne discutaient qu’à la bibliothèque, évitant soigneusement leurs regards respectifs dans d’autres contextes… Bien qu’Helios ne puisse s’empêcher de furtivement jeter des coups d’oeil son amie et de sourire aux piques qu’elle envoyait aux personnes qu’elle n’appréciait guère. Comme Grigori par exemple. La soirée du nouvel an n’était pas encore bien loin mais il avait bien ris de les voir tous les deux grogner comme deux chiens énervés. Et puis il y avait eu l’offensive sur le QG du Blood Circle. Elle avait été là, à ses côtés seulement quelques minutes avant qu’ils ne soient séparés. Helios n’avait pas eu l’occasion depuis de lui demander comment elle allait. Il l’avait vu lorsqu’ils avaient transplanés pour rentrer mais il y avait trop de témoins. Il n’avait pas pu… Lui demander comment elle allait ? Rien que cela il n’osait pas ? Pathétique.

Relevant lentement la tête, avec une jolie marque de coin de livre imprimé sur le front, il aperçut Amber qui s’approchait. Quand on parlait du loup… Un sourire illumina son visage. Avec seulement la vieille chouette comme public, il se fichait bien que celle-ci sache qu’il appréciait la Towsen. De toute façon la bibliothécaire n’avait pas franchement d’amis ou d’inclinaison au ragot. Helios avait vérifié.

Il prit un air faussement sérieux et indiqua le siège en face du sien. Ainsi, ils pourraient se parler sans trop élever la voix et partager également une table, empêchant d‘éventuels intrus de s’installer trop près.

« Madame Towsen. Merci de me rejoindre. »

Codage d’après Libella sur Graphiorum

Faute de parler, on meurt sans confession

Alors que le livre était violemment lancé sur la table, Helios eut un sursaut inconscient et quelque peu surpris. Amber ne semblait pas véritablement de bonne humeur. Génial, lui qui pensait qu’il allait pouvoir se détendre en sa compagnie, cela semblait mal parti. Cependant le contraste avec le ton doux qu’elle employa pour le saluer le laissa perplexe. Quelque chose clochait chez son amie et il était bien décidé à découvrir de quoi il en retournait.

«  Ne fais pas attention à ce qu’ils disent. La plupart sont des abrutis finis. »

Helios releva un sourcil à cette remarque. Il le savait pertinemment. L’étonnement venait plutôt du fait qu’Amber semblait essayer de lui remonter le moral. Il oubliait parfois comment devait normalement fonctionner des amitiés saines et sincères : il n’en avait pas beaucoup. Dans sa majorité, sa vie et les interactions humaines qui la composaient n’étaient qu’une grande pièce de théâtre où chacun jouait un rôle plus ou moins gratifiant en fonction de ses capacités. Helios n’avait jamais vraiment eu le choix. Sa mère lui avait tout appris, y compris la méfiance, la manipulation et le paraître. Et son père… Et bien il n’existait tout simplement pas. Du moins à ses yeux. Cette vision du monde lui semblait de moins en moins acceptable et morale. Y avait-il une autre possibilité ? Cependant, une petite voix qu’il trouvait relativement raisonnable n’arrêtait pas de lui répéter que tout le monde le faisait, alors pourquoi pas lui ?

« Ne t’inquiète pas pour ça. Je sais que ce sont des idiots. Eux le découvriront aussi bien assez tôt lorsqu’ils se rendront compte qu’ils s’en sont pris à la mauvaise personne. » Dit-il doucement pour ne pas attirer l’attention de la bibliothécaire. Un sourire presque carnassier apparut sur son visage, à l’évocation des vengeances qu’il avait prévues contre ces petites raclures. Ils ne savaient pas ce qui leur arrivait dessus… Et c’était encore plus drôle ! Ce sentiment de revanche à satisfaire s’accompagnait évidemment d’autres moins plaisants. Comme d’habitude le paraître était le plus important et il ne voulait définitivement pas qu’Amber voit à quel point il était blessé dans son ego, et inquiet de son futur si sa magie ne revenait effectivement jamais.

Cette conversation le mettait mal à l’aise. Parler de ses sentiments, il ne le faisait jamais. Cela ne se faisait pas pour un Carrow. Mais Amber semblait attendre quelque chose. Devait-il s’épancher de ses malheurs comme il avait si souvent vu des gens le faire ? Etait-ce ce qu’elle attendait de lui ? Mais si cela devait arriver à jour, ce ne serait ni spontané, ni de sa propre initiative et encore moins sans but. Ici, il ne voyait aucun but à part répondre à la gentillesse d’Amber. Pas suffisamment intéressant donc.

« Et toi, ça va ? Pas trop secouée par hier ? »

Pour cette question-ci, la spontanéité et l’intérêt qu’Helios pouvait porter à la réponse d’Amber étaient sincères. Il savait que quelque chose clochait et il supposait que cela était lié à l’assaut d’hier. Cependant il ne pouvait en être sûr. Il n’avait pas suivi à la trace Amber pendant toute la durée où ils se trouvaient chez le Blood Circle. Il savait simplement qu’on ne lui avait pas injecté ce stupide sérum. Il se souvenait cependant qu’elle avait été emprisonné par ces foutu moldus quelques temps plus tôt et il était possible qu’elle en ait vu ces effets à ce moment-ci.

Tous les deux n’avaient jamais vraiment parlé de cette histoire. Amber ne l’avait jamais vraiment abordé et Helios avait respecté ce choix. Depuis une discussion sur un sujet similaire avec Sélénya deux ans plus tôt, Helios avait grandi, muri et connaissait à présent davantage le monde qui l’entourait. Il savait maintenant qu’il ne pourrait pas être seul pour vaincre le Blood Circle et qu’il ne serait pas connu dans l’ensemble du monde sorcier avant ses vingt-un ans. Et il savait également que les blessures psychologiques étaient réelles et qu’en tant que medicomage, il se devait de faire attention aux autres. Même si on ne le lui avait jamais appris avant. Une fois encore, mère était à remercier.

Voulant également orienter la discussion vers des sujets plus légers, il ajouta :

« On en parle cinq minutes et ensuite, tu me raconteras ce qu’il y a de neuf dans ta vie. J’ai bien besoin que quelqu’un me sorte de ces cours interminables. » Dit-il en tapotant sur son livre qui le passionnait moyennement. Helios était du genre à vouloir manipuler, toucher les choses. La théorie le rebutait quelque peu et toutes les excuses étaient bonnes pour pouvoir l’éviter… Sauf quand la magie vous manquait. Plusieurs fois dans la journée, il avait essayé en secret de lancer quelques sorts mais rien ne se passait. Il se sentait… Vidé. Aucune énergie familière n’allait se concentrer dans sa baguette pour pouvoir ensuite suivre ses volontés. Il détestait cela. Véritablement. Il se sentait incomplet et surtout inutile. L’inutilité état la pire chose qui soit, surtout pour Helios Carrow. Il se devait d’être éclatant, indispensable et imbattable. Sans magie, tout se compliquait. A quoi servait-il s’il ne savait pas se battre ? S’il ne connaissait rien ? Il ne serait alors qu’un poids mort dont on devrait se délester à la première opportunité.

Ses yeux détaillèrent Amber. Le trouvait-elle inutile sans pouvoir ? Que se passait-il sous sa chevelure brune ? Il voulait réussir à la comprendre, à la faire sourire et surtout, il voulait qu’elle l’apprécie quoi qu’il arrive. De plus en plus il se demandait si la pousser à suivre l’Augurey était une bonne idée. Evidemment ! Lui intima fermement une voix dans son esprit. Il fallait choisir un camp et le bon si on voulait pouvoir survivre à une guerre ouverte. Et Helios ferait tout ce qui était en son pouvoir pour ne pas laisser son amie sur le côté. Plus ils avançaient dans leur relation amicale, plus Helios trouvait cela plaisant. Mais n’aurait jamais avoué à voix haute qu’il s’attachait à Amber.

Codage d’après Libella sur Graphiorum

Faute de parler, on meurt sans confession

Helios était toujours attentif aux comportements corporels d’autrui. C’était une question de survie sociale : voir quelqu’un qui montrait des signes d’impatience ou d’ennui ? Adapter et rendre son discours plus vivant pour l’inclure. Apercevoir quelqu’un d’énervé ? Le calmer ou au contraire attiser cette colère.  Dans la bonne société pour pouvoir manipuler convenablement les gens, il était fondamental de comprendre ce qu’ils ressentaient. Il mit en pratique ses connaissances pour détailler Amber. D’abord particulièrement sur les nerfs, elle semblait à présent se détendre et profiter de l’instant présent. Etait-il à l’origine de cet apaisement ? Pourtant il n’avait rien fait dans ce sens… Quelque peu surpris et interrogateur, il écouta sa comparse.

« Des petites vengeances en tête, Carrow ? Dis-moi tout. »

Un sourire mauvais apparut sur le visage du jeune homme. Oh que oui ils avaient des idées, même un sac entier. Et en plus, il s’agissait de vengeances qui pouvaient ne pas lui être imputées. Bien sûr il ferait en sorte que ses victimes sachent exactement qui était derrière leurs malheurs… Mais pas la hiérarchie de l’Université et encore moins sa mère. Tous deux avaient un accord tacite : tant que le prénom Helios était prononcé dans un contexte de réussite scolaire, sociale ou professionnelle, elle acceptait d’entendre parler de son fils. Mais rien de négatif ne devait arriver à ses oreilles. Helios se devait ainsi de tout faire pour que cela n’arrive pas. Bien sûr, il s’éloignait de plus en plus de Meredith. Mais en tant que vice-rectrice, elle gardait tout de même un œil sur lui.

« J’ai identifié les quatre abrutis qui se sont crûs intelligents en s’en prenant à moi. Il y avait deux septième année de Gryffondor, un 2ème année en protection magique de Serdaigle et un Serpentard de ma promotion en medicomagie. Autant te dire que ce dernier va prendre particulièrement cher. Je pense que ce sera à grand renfort de maléfices d’annulation de la parole, du goût et de la vue. Nous verrons si sans un de leurs sens, ils sont aussi bons que moi sans magie. Et pour le Serpentard…. Il aura les trois. »

Le sourire d’Helios était mauvais et cette perspective l’emplissait d’une joie malsaine mais apaisante. Il détailla un peu Amber qui semblait particulièrement attentive à ses paroles. A deux cerveaux, on arrivait souvent à des choses bien mieux même si Helios doutait que ces solutions puissent surpasser les siennes.

« Tu as d’autres propositions à me faire ? » Dit-il en se rapprochant un peu, comme pour attendre une confidence. « Je suis sûr que tu as dû faire des choses tout aussi répréhensibles… » Ajouta-t-il en connaissant déjà la réponse. Amber n’était pas du genre à rapporter énormément de points à sa maison… Ses escapades régulières ramenaient très souvent plus de pertes que de gains.

Alors que la conversation dérivait sur l’assaut de la veille, Helios vit la nervosité d’Amber revenir au galop alors qu’elle essayait piteusement de faire semblant d’être calme et à l’aise. Elle y était très mauvaise.

« Secouée ?… Tout va bien… Pourquoi ça n’irait pas ?… J’ai l’air de ne pas aller bien ? »

Il leva un sourcil sans vraiment comprendre d’où venait toute cette nervosité. C’était lui qui avait perdu ses pouvoirs dans la bagarre après tout. Pas elle. La voir soudain se lever pour venir se placer à ses côtés entraina un léger mouvement de recul de la part du Serpentard. Qu’est-ce qu’elle faisait ? Tout son être criait cependant à la confidence et Helios fut plus que ravi par la perspective d’avoir des informations croustillantes. Il ne les utiliserait jamais contre Amber : c’était bien la seule qui ne l’avait jamais jugé ou méprisé. Il aurait été totalement idiot de se la mettre à dos. Il aimait simplement les secrets. Il se pencha donc vers elle après avoir regardé autour d’eux pour vérifier qu’ils étaient bien seuls.

« Je n’ai personne à qui en parler, mais je sais que toi tu comprendras. Tu es la seule personne à servir la Cause de ma famille et avec qui je m’entends. »

Helios acquiesça d’un signe de tête. Les Towsen n’étaient vraiment pas commodes. A côté, Meredith était une excentrique, c’était dire ! Mais il s’étonna tout de même qu’Amber ne se soit pas tournée vers Tobias. De ce qu’il avait pu comprendre, ce n’était pas la plus grande complicité entre les deux mais tout de même, les liens du sang n’étaient-il pas les plus puissants ?

Il sourit lorsqu’elle appela l’Augurey, « La Cause ». Il n’avait jamais pris l’habitude d’utiliser ce mot. Amber semblait l’oublier mais Helios tentait tous les jours de lui faire voir le bon chemin et rejoindre les Mangemorts. Il faisait cependant cela si subtilement…. Que cela ne semblait pas fonctionner du tout. Là, maintenant n’était peut-être pas le meilleur moment mais il ne désespérait pas qu’un jour, Amber revienne sur le droit chemin. En attendant, il était pendu aux lèvres de la Serdaigle, attendant avec une curiosité quasi malsaine de connaitre ce si sombre secret.

« Je crois que j’ai tué un homme pour la première fois, hier. J’en suis pratiquement sûre… C’était par inadvertance, mais je ne sais vraiment pas comment je dois gérer ça. »

Helios se tût quelques minutes. Il ne savait pas comment régir à cela. Lui-même n’avait jamais tué. Depuis septembre, lorsqu’il avait rejoint les Mangemorts, il avait découvert la part sombre et bien trop idéalisé du groupe. La torture, les mutilations, la noirceur de l’âme, les victimes et les bourreaux. Bien que cela le gêne, il n’en laissa rien paraître, pour ne pas décevoir tout simplement. Mais voilà, il n’avait jamais tué un être humain, moldu ou sorcier. Ils en avaient fait hurler qu’ils pouvaient encore toucher : donc bien vivants. Il aurait pu lors de l’assaut d’hier suivre les recommandations de Tobias et tuer à vue. Mais il avait été incapable de formuler le sort impardonnable de mort. Et puis le stupide sérum avait accaparé toute son attention.

Il détailla de nouveau Amber. Elle semblait secouée, terrifiée et triste. Il ne sut pas vraiment ce qui se passait dans sa tête mais il sentit que ce n’était pas des petites licornes qui gambadaient dans la campagne. Il lui attrapa délicatement la main et la regarda dans les yeux. Il savait en cet instant qu’elle ne cherchait pas la vérité mais plutôt des paroles réconfortantes. Elle voulait qu’Helios lui dise que tout irait bien, qu’elle n’avait pas à s‘en faire et que dès demain elle aurait oublié.

« Nous étions dans une situation particulière et Tobias nous avait donné l’autorisation. Certes tu n’es pas encore chez les Mangemorts mais… Ça te décharge déjà un peu du poids des responsabilités. Et puis il ne s’agissait que de chiens du Blood Circle. Tu sais mieux que personne ce qu’ils ont fait à notre peuple, à nos amis, à toi. Ce moldu méritait ce qu’il lui ait arrivé. Tu n’as rien à te reprocher. » Il marqua une légère pause.  « Je ne sais cependant pas si tu pourras l’oublier si facilement… Je… Je n’ai jamais tué personne. Mais d’après Rodolphus, Rodolphus Lestrange, c’est une des plus belles sensations que l’on peut éprouver. Et on ne l’oublie jamais vraiment. » Helios en fit que répéter ce qu’il avait maintes fois entendus. Mais il espérait que cela aiderait un peu la Serdaigle. Il avait même avoué à Amber qu’il n’était pas aussi puissant qu’elle, qu’il n’avait pas encore franchi le pas d’ôter la vie. Personne ne savait cela et il espérait bien que cela resterait ainsi. « Ne parle surtout pas du fait que…  Je n’ai jamais tué personne. Je vais perdre de ma superbe après... » Dit-il avec un sourire forcé.

Le jeune homme lâcha la main d’Amber et donna un petit coup de poing amical sur son épaule. « Tu es encore plus forte à mes yeux maintenant Towsen. Ne laisse personne te dire le contraire. »

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Faute de parler, on meurt sans confession

Amber n’était jamais en reste pour trouver des punitions exemplaires à ceux qui auraient pu oser l’offenser. Le rire qu’elle émit alors qu’Helios lui racontait ses plans fut communicatif, il ne put s’empêcher de sourire.

« Un petit bloclang devrait leur faire du bien. Crois-moi, je crois qu’il n’y a rien de pire que de vouloir parler, mais que les articulations ne suivent pas. Ou alors… Dentesaugmento. »

Helios devait reconnaître qu’il aimait le style de sa comparse. La combinaison d’un Bloclang et d’un Dentesaugmento… Il fallait oser. Il avait vu des cas sévères associés à ce genre de maléfices lors de sa visite de Sainte-Mangouste avec Phobos. La perspective que l’un d’entre eux au moins puisse être un de ses détracteurs et se trouve alité le faisait trépigner d’avance. Surtout si le jeune homme arrivait à trouver qui allait s’occuper d’eux… Avec un peu de chance, il arriverait même à leur rendre une petite visite pour savourer son triomphe et leur rappeler leur place d’être insignifiants dans l’univers. Une belle et joyeuse perspective.

A voir Amber aussi concentrée que lui sur ce sujet, il se dit que s’ils devaient un jour faire équipe, ils seraient vraiment inarrêtables… Enfin cela sous entendait qu’Amber rejoindrait un jour les Mangemorts et qu’ils dévoileraient leur amitié au grand jour tous les deux. Plus facile à dire qu’à faire. Enfin le premier entrainerait le deuxième. Si Amber ne faisait plus honte à l’une des plus grandes familles de Mangemorts qui soit, ils n’auraient plus aucune raison pour ne pas monter leur duo.

Alors qu’Helios lui tenait la main, Amber semblait touché mais mal à l’aise par les propos qu’il venait de tenir. Le jeune homme avait du mal à comprendre pourquoi. N’était-ce pas ce qu’elle voulait entendre ? Quel autre problème pourrait-elle bien ressentir ?

«  Le problème, ce n’est pas ce que j’ai fait ; c’est la façon dont je me sens… Et le fait est que je ne ressens absolument rien. Je… »

Un haussement de sourcil involontaire. Et ? Elle ne ressentait rien et ? Elle semblait vouloir apporter des précisions à cette phrase, ce qu’Helios accueillit avec soulagement. Car il ne comprenait pas le problème. Certes, il n’avait jamais lui-même tué mais il avait torturé, presque jusqu’à la mort. Sa mère n’avait jamais laissé Rodolphus l’emmener jusqu’au point de non-retour. Peut-être voulait-elle le sauver de quelque chose ? Il ne comprenait pas vraiment quoi. Surtout qu’elle-même devait avoir du sang sur les mains.

«  Il le méritait. Donc ce n’est pas sa mort qui me terrifie, mais le fait que je ne ressente rien. Je n’ai pas envie de torturer et de tuer sans le moindre scrupule. Je me suis toujours promis de ne pas devenir comme mon père… »

« Je comprends, bien mieux que tu ne le penses, le fait de ne pas vouloir ressembler à ses parents… Mais tu ne pas renier tes origines. Surtout lorsqu’elles sont aussi glorieuses, Amber. »

C’était donc cela le fond du problème. L’éternel problème de filiation. Helios en savait quelque chose. Il avait lu dans un manuel d’initiation à la psychologie que l’enfant ne devenait véritablement adulte que lorsqu’il bousculait les règles établies par ses parents et voyaient alors ces derniers comme des êtres humains et non plus comme des divinités infaillibles. Et qu’est-ce que son monde avait changé depuis qu’il savait Meredith humaine. Le père Towsen était quelqu’un de particulièrement dur et accompli. Certes il torturait et tuait mais quel Mangemort ne le faisait pas ? Helios n’arrivait pas à comprendre pourquoi Amber ne voulait pas lui ressembler.

Le sourire crispé qu’Amber lui servit lorsqu’il lui fit un compliment piqua quelque peu au vif le Serpentard.

«  Je ne suis pas forte, Helios. Je suis faible. J’ai laissé mes sentiments guider ma baguette et ce n’est pas comme ça qu’on est censés agir. »

Helios regarda Amber en silence quelques secondes. Elle était véritablement sérieuse. Cela le faisait doucement rire. Que croyait-elle ? Que les Sorciers allaient gentiment attendre de se faire exterminer par une poignée de fanatiques et en plus leur dire merci ? Hors de question. Ils allaient combattre et les éradiquer. S’il n’y avait pas de Blood Circle, il n’y avait pas de problème. Et les Mangemorts étaient passés maîtres dans l’art de terroriser pour mieux régner. Simple et efficace. Il prit une grande inspiration. Ils avaient le droit d’être en désaccord après tout.

« En période de combat ou de guerre, parfois la morale nous entraine sur des chemins qui… Ne nous plaisent pas vraiment. » Il grimaça légèrement en pensant aux sacrifices qu’il avait dû faire en discutant avec des sang-mêlés pour faire avancer la cause de l’Augurey et ses propres intérêts. « La question est de savoir ce que tu es prête à sacrifier pour ta cause…. Si cause tu as bien sûr.» Helios marqua une pause pour réfléchir à ses propres paroles. « Je sais que je suis prêt à tout pour servir l’Augurey, car c’est à mes yeux la mieux placée pour permettre au peuple sorcier de s’élever et d’éradiquer les extrémistes du Blood Circle. Et je ne veux pas être laissé sur le banc de Quidditch de l’Histoire. Je veux faire quelque chose pour changer le monde… Même si parfois cela pousse à tuer ou torturer. » Il haussa les épaules mollement. «  A toi de voir ce que tu veux faire, mais je te conseille de choisir rapidement. Car sinon, le choix s’imposera à toi que tu le veuilles ou non. Et cela ne risque pas de te plaire. »

Il se remit face à la table, et entreprit de ranger un peu le bureau qui lui faisait face. Il ne comptait pas partir dans la minute mais cela lui donnait une certaine contenance après les paroles bien trop profondes qu’il venait de proférer. Avait-il eu lui-même le choix ? Non, il avait patiemment attendu jusqu’au jour où il n’avait plus pu faire demi-tour. Il ne restait que lui et Hestia chez les Carrow. Il ne pouvait donc se permettre de faillir. Et si… Et s’il avait dit non dès le départ ? Alors sa vie aurait été bien différente aujourd’hui.  

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Faute de parler, on meurt sans confession

« Parce que tu crois que la gloire d’une famille rattrape ce qu’il peut se passer dans l’intimité ? »

Helios ne sut pas vraiment quoi répliquer face à cette phrase. S’il avait répondu du tac au tac, évidemment que la réponse aurait été affirmative. Il avait été conditionné toute sa vie pour faire passer les Carrow avant son propre bonheur ou sa propre vie. Mais, pour peut-être l’une des premières fois, il se tut. Il se laissa le temps de réfléchir, de s’interroger sur son propre esprit, ses propres envies et son propre avis. Et il se rendit compte qu’il ne savait pas. Ce n’était définitivement pas quelque chose qu’il pouvait déterminer en si peu de temps. Mais de ne pas savoir, cela le rendait mal à l’aise. Il resta ainsi silencieux face à Amber, ne sachant s’il devait lui répondre au risque de ne pouvoir trouver les mots pour présenter ses pensées ou simplement laisser cette question libre dans l’air de la bibliothèque, sans attache ni réponse.

« Chaque famille à ses secrets… » Ajouta-t-il dans un murmure. Cela ferait l’affaire. Il était cependant bien plus secoué qu’il ne le laissait paraître. Ainsi tout le monde possédaient des secrets, parfois bien sombres. Rester soudé dans le cercle familial au risque d’étouffer purement et simplement ces secrets était-ce véritablement la meilleure option offerte ? Surtout si cela entrainait l’étouffement de membres de cette même famille ? Il ne saurait le dire. Sur ce côté, il était plutôt privilégié… Même s’il ne savait pas si cela était une bonne ou une mauvaise chose. Les secrets remontaient lentement à la surface, comme des bulles visant paresseusement la surface. Non ! Ce n’était ni le moment, ni l’instant pour tout se remémorer.

Alors qu’il venait de déclamer des idées qui lui semblaient particulièrement importantes, le manque de réaction d’Amber le laissa perplexe et quelque peu sur sa faim. Il voulait confronter son point de vue, ses idées, surtout avec une Towsen qui savait d’où ils venaient, et où leurs parents respectifs voulaient les envoyés. Helios avait toujours cru qu’ils prendraient ce chemin ensemble. Mais ne l’avait-il pas également cru avec Thalia ? Et pourtant, il s’obstinait dans une voie que toutes semblaient fuir. Avaient-elles eu un memo, des informations complémentaires ? Etait-ce uniquement un périple masculin ? Il ne savait qu’en penser. Avait-il plus de courage pour continuer ? Ou trop de lâcheté pour s’en détourner ? Le visage du Carrow s’assombrit alors que les réponses lui manquaient.

« Ce n’est pas tout. Mon père a jugé bon de prévoir un mariage arrangé avec Julius Lestrange. Un gamin de treize ans. Comme si c’était son idée du siècle ! »

Helios manqua de peu de s’étouffer de surprise. S’il n’avait pas déjà été assis, il en serait probablement tombé des nues. Il fronça les sourcils, digérant lentement cette information qui lui semblait particulièrement absurde. Julius ? Fiancé à Amber ? La même Amber qui lui faisait face ? Un rire nerveux le prit soudain. Ce rire, mêlant surprise, malaise et absurdité, prit possession du Serpentard sans qu’il ne puisse s’arrêter. La bibliothécaire au loin lui lança un regard noir. Ce fou rire dura quelques longues secondes avant qu’Helios ne puisse redevenir maître de lui, essuyant une larme au coin de l’œil.

« Tu me fais marcher, ce n’est pas possible ! Bonne blague cependant ! »

Mais à la vue de son amie, il se rendit compte bien vite que l’humour n’en était pas l’objectif. Et le malaise se fit encore davantage présent. Le Père Towsen avait-il vraiment fait cela ? Cela lui semblait d’une absurdité particulièrement immense. Comment cela avait-il pu être seulement envisagé ? Mais qu’était-ce six ans passé la vingtaine ? Pas grand-chose… Mais à l’adolescence, l’écart était gigantesque, de la taille d’un fossé même. Son visage perdit ce sourire, et ses sourcils se froncèrent. Il se rapprocha d’Amber. Que pouvait-il bien lui dire ?!

« Julius est un bon gamin… Qui a vu et vécu bien trop de choses qu’un enfant ne devrait jamais voir ou vivre. Les Lestrange sont… Extrêmes. » Il ne sut quoi ajouter. « Je suis désolé. » Cela semblait bien peu utile mais il l’était véritablement. Les mariages arrangés, il y avait été préparé toute sa vie. Il en avait vu des biens choisis et d’autres qui avaient implosés en vol, comme Hestia et Grigori par exemple… D’un autre côté, il avait également eu l’exemple de Meredith, qui bien que mariée, avait pu s’épanouir avec d’autres et ainsi vivre une relation en relativement bon terme avec Niklaus Ollivander… Du moins c’est comme ça que l’avait compris Helios. Ainsi, même si un jour Meredith lui imposait un parti, il avait toujours cette échappatoire, cette petite porte pour pouvoir continuer à véritablement vivre et ne pas disparaitre dans une union qui ne lui correspondait pas. Pour l’instant, il était relativement chanceux. A vingt-et-un ans, il aurait pu être la marchandise d’une négociation acérée entre sa famille et une autre. Heureusement pour lui, Meredith ne voulait que le meilleur pour son fils et ne semblait pas encline à lui imposer qui que ce soit. Peut-être était-ce justement à cause de ses propres expériences ? Helios n’avait jamais osé amener le sujet sur le tapis, de peur de le rappeler à sa mère…

Amber se trouvait face à lui. La situation dans laquelle elle était empêtrée semblait la faire également sourire, mais d’un sourire qu’Helios trouva triste et résigné. Et il était totalement impuissant. Il ne savait que faire pour aider la jeune femme. Il n’allait tout de même pas la demander lui-même en mariage pour la sortir de cette situation quelque peu sordide ?! Tous les deux ne feraient pas une paire convenable… Et puis, ils seraient obligés de dévoiler qu’ils se connaissaient… Non, il était véritablement impuissant face à cette situation.

« Je… Est-ce que je peux t’aider pour quelque chose ? Un plan d’évasion peut-être ? » Lança-t-il doucement avec un petit sourire triste. Le monde autour d’eux était assez indulgent pour les laisser en paix dès qu’ils étaient dans cette bibliothèque. Mais ce n’était que pour les acculer encore davantage dès qu’ils osaient y remettre un pied.

Codage d’après Libella sur Graphiorum

Faute de parler, on meurt sans confession

« Ne t’excuse pas. J’aimerais que ce soit une plaisanterie, mais visiblement mon père a bien trop de penchant pour l’alcool. Il ne parvient même plus à avoir les idées claires. »

Helios ne sut comment réagir. Il avait en face de lui une personne en laquelle il se reconnaissait beaucoup trop. Un peu comme un « et si ». Et si sa mère avait été aussi tyrannique que Thorfinn Towsen ? Et s’il avait été fiancé contre son gré à une gamine de 13 ans qui cumulait une poisse certaine ? Et s’il avait été aussi éloigné des croyances familiales que l’était Amber ? Et si ?

La vie et surtout le destin avaient un humour ridicule qui se nourrissait souvent du malheur de sa victime. Parfois, alors que tout allait déjà mal pour le pauvre humain prit pour cible, l’univers, la chance ou comment chacun décidait de l’appeler, ne faisait qu’enfoncer encore et encore la pauvre victime à l’en noyer dans la malchance.

« J’ai entendu un Gryffondor faire une blague l’autre jour, si ridicule que j’avais presque de la pitié pour ses amis. Tu veux l’entendre ? »

« Hum… Oui vas-y… »

Le changement soudain de sujet de conversation prit Helios au dépourvu. Certes, le sujet précédemment traité était peut-être difficile pour Amber mais le Serpentard se serait attendu à ce qu’elle lui demande son avis, cherche son approbation ou ses conseils. Au moins un peu plus longtemps. Elle lui avait exposé des faits banals sans même chercher à faire un petit brainstorming qui aurait pu débloquer sa situation. Il n’allait pas tomber en pamoison devant ce manque flagrant de confiance mais tout de même. Il était bien plus blessé qu’il n’aurait bien voulu l’avouer.

« Pourquoi les sorciers aiment-ils les mariages ? »

Helios arqua un sourcil devant la stupidité flagrante de la devinette, mais il ne put s’empêcher d’y réfléchir. Ne trouvant pas la réponse immédiatement, il grommela quelques mots qui indiquaient clairement sa défaite.

« Je ne sais pas… »

« Parce qu’ils peuvent aller dans la voiture balai. »

La mine dépitée d’Helios devant ce jeu de mot ridicule dut être particulièrement expressive puisqu’Amber explosa de rire. Était-elle fière de ce calembour stupide ? La mauvaise humeur du Carrow venait cependant plutôt du fait qu’il n’avait pas trouvé la réponse que du vrai niveau de la blague. Helios balaya cette blague d’un geste de la main avec une pointe de dédain.

« J’aurais aimé que ce soit un né-moldu qui ait fait la blague, mais ce n’était pas le cas. »

Hélios dévisagea soudain Amber, véritablement étonné qu’elle amène ce sujet sur la table. Sujet qu’ils savaient tous les deux être en désaccord, au grand damne du Carrow.

« Je ne vois pas le rapport… Les nés-moldus ne connaissent rien au vrai humour sorcier. »

Le Serpentard se renfrogna quelque peu après que la Serdaigle lui ait rappelé que des sang-de-bourbe existaient encore et toujours. Et il s’agissait souvent des pires. Mais après une scolarité entière à Poudard, ils avaient très vite appris à éviter Helios ou à le haïr. Dans les deux cas il s’en fichait. Moins il les voyait ou les entendait, mieux il se portait. Comme pour la plupart de ses ennemis.

« Tu peux faire un truc en effet… Appelle-moi quand tu comptes t’en prendre à ces crétins de ce matin. Je ne veux pas manquer ça. »

Le jeune homme se radoucit. Son aversion pour les nés-moldus ne comprenait évidemment pas Amber qui était tout ce qu’il avait de plus sang-pur. Même si ses croyances divergeaient des siennes. Il n’arrêtait pas de se le répéter mais il arriverait un jour à la remettre sur le droit chemin. En attendant, il devait accepter en serrant les dents leurs écarts d’idéologie.

« Avec plaisir ! Je te propose même de m’accompagner à l’infirmerie lorsqu’ils y seront pour bien leur rappeler ce qu’il en coûte d’emmerder Helios Carrow… » Répondit-il triomphant. Soudain son sourire victorieux disparut et il eut un peu de mal à rattraper son erreur. « Enfin, pas en même temps bien sûr sinon les gens… Enfin tu sais… » Sa tentative pitoyable de se rattraper ne sembla qu’aggraver son malaise. Tous les deux n’en avaient jamais discuté, de savoir quand ils seraient prêt à montrer au monde qu’ils étaient amis. Helios de son côté, redoutait cet instant car peut-être justement, tout ce qui faisait de cette relation quelque chose d’unique, de grisant et de confiant, venait de cette notion de secret. Il la regarda se rasseoir et fut étrangement sauvé par la bibliothécaire.

« Jeunes gens, je vous prierai de respecter le règlement de la bibliothèque ou bien de quitter les lieux. En cas contraire, une sanction vous tombera dessus. »

Helios dévisagea la vielle femme et se retint de pouffer de rire. Il garda au mieux son sérieux et après un coup d’œil à Amber qui semblait avoir du mal à garder son sérieux, il demanda d’une voix concernée et intéressée.

« Dites-moi Madame, savez-vous pourquoi il ne faut pas faire de bruit ? » La vieille chouette le détailla comme s’il était devenu totalement fou ou particulièrement stupide. Helios attendit quelque secondes et devant la perplexité de la bibliothécaire, il sourit en répondant.  « Car le Vif dort ! »

Se retenant d’éclater de rire, il n’osait plus jeter de regard à Amber au risque d’exploser à son tour de rire. La vielle pie commença à parler dans la barbe naissante qu’elle avait en repartant à son bureau. « Ces jeunes sont tout simplement des idiots ridicules qui ne connaissent rien au respect. À mon époque, c’était quelque que chose moi je vous le dis… » La fin de la phrase échappa à Helios alors qu’elle s’éloignait. Ce dernier se décida finalement à regarder sa camarade.  « Alors ? Meilleure que la tienne ou pas ? » Dit-il en faisant à son tour un clin d’oeil. « J’en avais une pas mal sur les moldus mais je doute que tu aurais apprécié. Un jour peut-être… » Termina-t-il en haussant les épaules.

Codage d’après Libella sur Graphiorum

Faute de parler, on meurt sans confession

« Au magasin de farces et attrapes, ils vendent des comprimés qui font vomir pendant dix minutes. Je pourrais leur en glisser un dans le jus de citrouille que l’infirmière apporte toujours ? »

L’idée était bien loin d’être mauvaise. Mais Helios ne pourrait pas le voir de ses propres yeux. Après tout, à part la vieille chouette de la bibliothèque, ils ne pouvaient pas être vus ensemble, pas vrai ? Sa remarque sembla provoquer une réaction d’Amber. Il ne sut d’ailleurs pas vraiment interpréter ses gestes. Était-elle triste ? Déçue ? Compréhensive ? Il s’en voulait presque de s’être ainsi rattrapé dans ses paroles. Leur relation était si unique pour le jeune homme, si… Parfaite. Il ne voulait pas risquer de la voir changer parce qu’ils la dévoileraient au grand jour. L’envie était presque… De voir cette amitié éternelle. Il s’agissait un petit écrin dans lequel tous les deux pouvaient se réfugier pour fuir leurs devoirs, leurs peurs et surtout leurs parents qui prenaient bien trop de place.

Un genre de concours de blagues venait de se mettre en place. Et voir ainsi Amber éclater de rire, il ne put plus se retenir. Dès que la bibliothécaire repartit en grognant, il suivit la Serdaigle dans ses rires. Il rayonnait comme un paon d’avoir ainsi déridé sa camarade. Il n’était pas très compliqué de discerner de la fierté sur son visage.

« Je crois qu’elle ne voudra plus jamais de nous dans les parages. »

« Avec l’âge qu’elle a, t’inquiètes qu’elle nous aura oublié d’ici demain ! » Répondit-il en retour.

Helios ne releva pas l’absence de réaction d’Amber quant à sa proposition de blague sur les moldus. Il essayait. Il essayait désespérément de faire voir à la Towsen ce qu’elle se refusait à voir : que les moldus étaient une maladie et qu’eux, sorciers, se devaient d’en débarrasser le monde. Parfois, Helios se demandait comment leur amitié pouvait continuer ainsi, alors que leurs visions du monde étaient diamétralement opposées. Peut-être que le secret y jouait alors le plus fort des rôles. Car ils n’avaient pas l’obligation d’échanger véritablement, voir durement, leurs points de vue, pour se justifier auprès du monde et d’eux-mêmes. Même plus : chaque sujet difficile que l’un ou l’autre abordait était le plus souvent, si ce n’était systématiquement, balayé de la main par celui-là même qui l’avait introduit. Dès que cela devenait trop personnel, trop sombre, trop vrai, tous deux n’avaient plus la force de s’y aventurer. Bien sûr ils continuaient de s’apprécier mais parfois, Helios aurait voulu pouvoir demander conseil à Amber, avoir justement ce point de vue si différent auquel il n’était pas habitué et avait si difficilement accès, si ce n’était peut-être avec Phobos.

Le visage du jeune homme redevint sérieux. Fallait-il qu’il se lance enfin ? Fallait-il qu’il dépose sur la table la carcasse puante de tous ces non-dits et que tous les deux s’obligent à la fixer ? Qu’avait-il à perdre ? Pas grand-chose. Les murs de la bibliothèque étaient infranchissables, dans leur cocon de cuir et de papier, il n’y avait qu’eux. Alors autant se lancer.

« Amber… Comment peux-tu continuer de défendre les moldus après tout ce qu’ils ont à fait, à toi, à moi, et à tous les autres ? » Helios n’était pas vraiment dans l’accusation. C’était une vraie question, de celles qu’il se posait régulièrement sans jamais vraiment oser en parler à voix haute. De celles qu’ils auraient dû soulever il y avait bien longtemps et auxquelles personnes des Mangemorts n’auraient accepté de répondre. « Ils ont tués et modifiés et expérimentés sur nous comme de vulgaires animaux… La paix et impossible et si on ne se dresse pas, nous serons les exterminés. » Ces discours, Helios les avaient entendus encore et encore, décortiqués et ingurgités, mélangés à ses croyances et ils étaient si liés à lui-même qu’il avait peur des réponses qu’Amber pourrait lui apporter. « Tu comprends pourquoi on ne peut pas les laisser faire ? Et s’il trouvait un jour un serum pour complètement… » Il déglutit. « Nous priver de nos pouvoirs ? Comme moi, mais à vie ! » Dit-il d’une petite voix, sans vraiment regarder la Serdaigle. Presque honteux de ses propres craintes. Il était idiot de remettre ça sur le tapis. Il retrouverait ses pouvoirs d’ici quelques heures sans aucun problème. Et si… Helios frissonnait presque à l’idée. Il serait un paria, un bon-à-rien, une anomalie. Chez les Carrow, ce genre de situation était géré aussi rapidement que pour de bon. Il disparaitrait des arbres généalogiques, devrait quitter le manoir familial et se retrouverait sans rien. Il ne serait alors plus qu’Helios le Cracmol, Helios qui jadis aurait pu dominer le monde mais qui a volé trop prêt du soleil avant de voir ses ailes de magie fondre en plein ciel.

Codage d’après Libella sur Graphiorum

Faute de parler, on meurt sans confession

«  Je ne m’inquiète pas. Je pense que cette bibliothécaire est l’adversaire la moins difficile que je pourrais avoir dans ma vie. »

Helios ne répondit pas à la remarque ô combien vraie d’Amber. Il ne voulait pas interrompre son rire. Tous les deux étaient si semblables mais si différents. Un peu cliché dit comme cela pas vrai ? Ils étaient tous les deux issus de lignées de sang-pur incroyablement puissantes et accrochées aux derniers lambeaux de leur grandeur passée, lorsque tout était plus facile pour eux, où personne n’osait remettre en question leur autorité, toujours couverts de gallions et de promesses pour leurs futurs. Peut-être que la plus grande différence entre Amber et Helios résidait dans la fratrie. Peut-être était-ce justement grâce à son frère qui avait satisfait aux exigences de la famille qu’Amber pouvait désobéir. Helios était seul face à Meredith. Certains auraient pu dire qu’il pouvait compter sur Thalia et Hestia. Mais la première avait déjà pris la porte et il était plus âgé que la seconde. Il était ainsi coincé.

À voir la jeune Towsen rire ainsi, Helios se demanda bien à ce qu’elle pouvait penser. Lui aussi riait, de bon cœur. Il riait de tous les impératifs qu’on lui avait donné comme Carrow, de toutes les erreurs qu’il avait fait, de toutes les vies qu’il risquait de briser, de l’angoisse qui lui grignotait chaque jour un peu plus les entrailles et des fers qui chaque jour le tiraient un peu plus vers le bas.

Et alors le jeune homme trouva la force de poser à Amber  des questions sur ses croyances. Et ce faisant elle arrêta de rire. Il s’en voulu un peu. Mais il était grand temps qu’ils aient des réponses…. Tous les deux.

« Je le pensais, pendant un moment. C’est vrai. Et aujourd’hui, je ne sais plus rien, Carrow… J'étais persuadée qu'ils étaient persécutés, mais plus le temps passe et plus la tendance s'inverse. Je les voyais comme nos victimes, sans la moindre défense, mais à en voir les attaques du Blood Circle, ils ne sont pas si inoffensifs que ça. »

Ils arrivaient ainsi tous les deux au même point.

« Je ne suis pas avec eux, Helios. Je ferais toujours passer notre monde avant le leur. Malgré tout, je ne me sens pas encore prête à rejoindre l’Augurey, si c’est là que tu veux en venir. »

Finalement pas encore tout à fait. Et c’était là tout le nœud du problème. Si Amber faisait passer leur monde avant celui des moldus, pourquoi n’était-elle pas prête à le défendre et à détruire la menace qui y planait ? Qu’est-ce qui pouvait la rattacher à ce point aux Moldus pour ne pas les vouloir hors d’état de nuire ?

« Si certains moldus se battent pour notre Cause, cela ne serait pas une preuve qu’ils ne sont pas tous irrécupérables ? »

Helios n’avait pas la réponse à sa question silencieuse. Quant aux propos d’Amber... Le jeune homme ne faisait même pas attention à la présence de moldus dans leurs rangs, pire, il n’était même pas sûr de n’avoir jamais vraiment parlé avec l’un d’entre eux. Et Amber qui lui disait que certains se battaient à leurs côtés ? Tout était mélangé dans la tête d’Helios. Ce n’était pas possible… Il fallait peut-être différencier le Blood Circle du reste des moldus ? Peut-être alors cela ferait plus sens. Et si oui, cela voulait effectivement dire que tous les moldus n’étaient pas dangereux… Et alors ? Alors leur extermination pure et simple n’était peut-être pas la solution. Helios fixa Amber, presque surpris des conclusions auquel son esprit logique arrivait. Il n’aimait pas beaucoup le résultat mais le fait était là.

« Pourquoi s’ils voient le problème que représente le Blood Circle, ne sont-ils pas plus nombreux à se soulever ?! Il n’en reste pas moins que les moldus n’ont pas de magie donc sont inférieurs et… Et ils s’en sortent quand même... Je… » Trop de choses se mélangeaient dans sa tête. Tout ce que lui avaient présenté Phobos et Alexis sur les miracles de la médecine moldue, venait se heurter aux idées préconçues d’infériorité de ces même moldus par manque de magie. « Je ne sais plus quoi penser Towsen. Avant, ma conception du monde était bien plus simple, bien plus binaire et permettait beaucoup mieux de s’y retrouver…. Mais maintenant… » Helios sourit tristement. « Je ne peux pas reculer. Pas maintenant. Il est trop tard et… » Helios releva sa manche pour dévoiler sa marque de Mangemort, celle qu’il avait reçu en entrant dans leur rangs quelques mois plus tôt. « Je ne peux pas me permettre de les voir autrement Amber. Ces moldus méritent au mieux l’asservissement, même s’ils luttent à nos côtés car sinon… » Il ferma les yeux en remettant sa manche en place comme si rien ne s’était passé. « Sinon tout ce en quoi je crois… Tout ce que les gens attendent de mes croyances… Tout cela ne voudra plus rien dire. »

Revenant à ses bouquins, il évita le regard d’Amber. Était-il honteux d’ainsi jeter sous les roues du carrosse un peuple entier par peur de se lever contre sa propre famille comme l’avait fait Amber ? Peut-être. Et alors elle ne pourrait le comprendre. Les larmes lui montaient aux yeux. Non, il ne pleurerait pas. Pas devant qui que ce soit. Il ravala la tristesse et l’abattement qui le submergeait avec un sourire narquois. « On ne devrait pas parler de ce genre de chose. Nous ne pourrions jamais être d’accord de toute façon. » Regardant son livre comme si celui-ci était la chose la plus intéressante de tous les temps, Helios évitait le regard d’Amber. « On a tous nos problèmes. Tu as ton père à gérer et moi... Je n’ai pas ce soucis là mais d’autres qui s’accumulent… » Dit-il en riant faiblement. Il n’avait pas de père, une mère aimante mais un environnement toxique qui l’oppressait. Finalement, il trouva la force de regarder Amber dans les yeux. « Si un jour tu as besoin de moi, j’espère de tout cœur que je pourrai être là » . C’était le meilleur qu’il pouvait lui faire comme promesse : emplie d’incertitudes et d’hypothèses. Mais avait-il le choix ?

Codage d’après Libella sur Graphiorum