Raphaël n’était pas surpris de constater qu’il avait totalement planté ses examens de fin d’année, et qu’il n’avait donc pas validé son année. Par contre, il ne savait pas comment l’annoncer, et surtout, l’expliquer à sa famille. Il y avait eu tellement de changements dans la vie du jeune homme durant cette année scolaire. Les études étaient passées à un niveau tellement secondaire de sa vie. Comment pouvait-il penser à son avenir professionnel alors qu’il y avait des enjeux bien plus importants, comme la survie de toute une communauté ? Les explications allaient s’annoncer compliquées. Le français avait toujours été studieux. Même s’il jouait bien plus que la moyenne aux jeux vidéos, il avait toujours mis ses études en premier plan. Il était hors de question d’être en échec scolaire au profit de jeux. Devait-il leur mentir à eux aussi ? Devait-il mentir à ses propres parents, et continuer de leur cacher l'existence de l’Ordre du Phénix, de son appartenance à ce groupe ? De sa lutte contre le Blood Circle et de ce qu’il faisait pour que les Moldus et les Sorciers puissent vivre ensembles ? Raphaël craignait que ses parents ne pensent qu’il avait été abusé par les sorciers, qu’il était manipulé et qu’au lieu de se joindre à ses idées, ils ne décident de l’empêcher de retourner en Angleterre.

Il pourrait tout simplement dire que sa dispute avec Samuel l’avait ébranlé. Jouer la fragilité psychologique et que du coup il n’avait pas eu la tête pour étudier.  C’était plausible. Sam était son ami de toujours. Raphaël était parti faire ses études à Londres en partie pour pouvoir être avec son meilleur ami de l’époque. Il était plus que cohérent que leur différend puisse déstabiliser Raph au point de le mettre en échec scolaire. Depuis mars, il revenait régulièrement chez ses parents. Un à deux week-end par mois. Officiellement, c’était parce qu’il avait besoin de passer un peu de temps avec sa famille, mais la vérité, c’était que c’était plus sécurisé pour lui mettre en ligne les vidéos de sa chaîne YouTube avec une connexion française. Il était un peu plus à l’abri du Blood Circle.

Il avait d’ailleurs raison à ce sujet, puisque lorsqu’il a voulu faire son Live Stream YouTube lors de l’attaque contre l’Institut, sa chaîne s'était instantanément faite censurée. C’était peut-être un mal pour un bien ? Après la fermeture de sa chaîne, il avait été très rapidement contacté par un certain Bigbad qui souhaitait le prévenir d’une attaque contre une famille de sorciers. Le moldu avait fait remonter l’information à d’autres personnes de Square Grimmaurd, par précaution, et effectivement, ils avaient pu constater qu’on ne lui avait pas menti. Le français n’était pas trop convaincu par ce type. Les échanges qu’il avait eu avec lui n’étaient pas spécialement rassurants, surtout la partie où il qualifiait les sorciers de “Malades Mentaux”. Heureusement, Bigbad était revenu sur ses positions, et avait demandé à rencontrer Raphaël. Ce dernier ne pouvait pas répondre favorablement à cette demande, du moins pas dans l’immédiat, puisqu’il était encore en France, il avait annoncé à son mystérieux correspondant qu'il le recontacterait. Ça allait lui demander un peu de temps pour organiser cette rencontre, si elle devait avoir lieu.

Il n’avait toujours rien dit à ses parents. Il s’était contenté de dire qu’il ne s’en sortait pas, qu’il avait eu un coup de mou, qu’il s’était relâché, sans vraiment donner de raisons. C’était plus simple de leur laisser tirer les conclusions qu’ils voulaient. Mais bien sûr, ce n’était pas aussi simple qu'il le croyait. Est-ce que ses parents pouvaient continuer de lui envoyer de l’argent pour ses études alors qu’il “se relâchait” ? C’était un peu l’encourager à ne pas travailler, ils ne seront pas toujours là pour l’aider à assumer ses erreurs. Ils ne pouvaient pas continuer à l’aider financièrement pour ses courses, son loyer, ses sorties. Du moins, pas autant qu’avant. Est-ce que c’était vraiment nécessaire qu’il continue ses études à Londres dans de telles conditions ? Est-ce que ça valait le coup qu’il continue ses études, tout court ? Raphaël recevait pas mal de pression de la part de ses parents. L’étudiant les connaissait suffisamment pour savoir qu’ils s’inquiétaient pour lui et pour son avenir, et qu’il n’y avait aucune malveillance de leur part, ni aucune animosité. Lui aussi était un peu inquiet pour son avenir, mais il savait que ce qu’il entreprenait était important, et que ça valait le coup de sacrifier une année pour ça. C’était juste le temps de s’adapter, cette année se passerait mieux !

Il était hors de question pour Raphaël de quitter Londres. Il avait tellement de projets là-bas. Il avait ses amis, il y avait l’Ordre du Phénix, et puis il y avait ses amis… Oui il avait déjà mentionné ce point, mais… Il y avait tant de personnes qui étaient devenues importantes pour lui. Tellement de personnes auxquelles il tenait et qui tenaient à lui. L’époque où Samuel était son seul pilier, son seul véritable ami, était révolue. Et puis il y avait Nymphéa… Non. Il ne pouvait pas quitter Londres. c’était inenvisageable. Surtout qu’en plus j’ai déjà des RP d’ouvert après. Il négocia un peu avec ses parents. C’était normal qu’ils l’aident moins financièrement. Il était un adulte, et il devait assumer ses choix. Il était prêt à assumer un boulot en plus de ses études si ça pouvait lui permettre de rester à Londres. Ils étaient tout de même réticents, ils ne cautionnaient vraiment pas que leur fils "passe du bon temps en Angleterre au lieu de bosser. "

«C’est important pour moi, je peux pas partir comme ça. J’ai… des projets… »

Il n’avait plus le choix. Il devait leur dire la vérité. Il devait expliquer les vraies raisons pour lesquelles il devait retourner à Londres. Qu’ils soient d’accord ou non, il devait le faire. Même s’ils n’allaient pas forcément l'encourager, il savait qu’ils ne le dénonceraient pas. Au point où il en était, il avait donc plus à y gagner qu’à y perdre.

«Il faut que je vous parle d’un truc… Ce que je vais vous dire… Ça ne va pas être facile à entendre. J’aurais dû le faire beaucoup plus tôt, mais je savais pas comment vous l’auriez pris.» Il fit une pause pour chercher ses mots, par où commencer, Il ne pouvait pas non plus leur dire toute la vérité, il ne pouvait pas leur divulguer les noms de toutes les personnes impliquées. Ses tournages avec Nymphéa, puis Amber, sa première rencontre avec Soledad. Il devait leur cacher aussi le fait que son amie Leah appartenait à une famille de sorciers, sans oublier Nymphéa sa sorcière, de petite-amie ... Moins ils en savaient et mieux ça serait, pour tout le monde. Mais ça n’empêchait pas de leur raconter les grandes lignes. Raphaël déglutit. « Depuis l’automne dernier, j’ai rejoint un genre de… … euh… de groupe de résistance contre le Blood Circle.» Les parents de Raphaël restèrent inexpressifs, ce qui déstabilisa le jeune homme. Il ne s’attendait pas à un tel manque de réaction. Il commença donc son histoire. «Alors euh, on ne mène pas d’actions terroristes. On ne tue personne.» C’était pas tout à fait vrai. Il y avait bien quelques opérations musclées où l’Ordre en venait aux mains mais ils ne faisaient pas de victimes civiles. «Pour ma part, j’essaye de faire en sorte de décrédibiliser le gouvernement Kane en expliquant que les Sorciers sont comme nous, qu’ils ont le droit de vivre et qu’avant d’être des êtres doués de Magie, c’était des êtres humains. Euh… Vous m’écoutez ?» Raph commença à s’inquiéter du manque de réactions de sa famille. Dans tous les scénarios possibles, il n’avait jamais envisagé ça. Ils lui demandèrent calmement de continuer et c’est ce que le moldu fit. Il continua donc sans s’arrêter, se laissant submerger par l’émotion. La colère envers le Blood Circle, la douleur de l’écoute des témoignages de certaines personnes, sa propre impuissance face à ce gouvernement oppressif. Il partagea ses moments de doutes. Au début où il ne savait pas trop où il en était quand il avait assisté à un phénomène magique l'été précédent. Devait-il dénoncer un gosse aux autorités ou laisser glisser ? Est-ce que le gouvernement de Kane était-il vraiment Moral ? N’était-ce pas un retour aux heures les plus sombres de l’Histoire ? Il évita cependant de parler de ses missions sur le terrain. Le sauvetage d’Amber, la mission avec Tobias, son fiasco à l'institut. D’un autre côté, il fallait bien qu’ils voient son tatouage à un moment où un autre et qu’il le leur explique. Il ne pouvait pas rester en manches longues toute sa vie. C’était quoi le pire ? Qu’ils pensent qu’il s’est engagé dans une secte de fanatiques, ou qu’il a été blessé en prenant part à une mission périlleuse ? Hors de question aussi de leur parler de ses entraînement, que ça soit la self-défense ou pour résister à l'impérium et encore moins des raisons qui l'ont poussées à faire ses choix. Le mystérieux enregistrement et l'affaire Ashley ne pouvaient donc être évoqués. Il y avait tellement de choses qu'il ne pouvait pas leur révéler. Des choses qu'ils ne comprendraient pas. C'était trop tôt. Ses parents finirent cependant par s’exprimer. Ils avouèrent à leur fils qu’il ne leur apprenait pas grand-chose.

«Comment ça ?»

Après avoir exprimé son étonnement à plusieurs reprises, au fur et à mesure de leurs échanges. Raphaël finit par découvrir que ses parents savaient déjà de quoi traitait ses vidéos sur YouTube. Ainsi que de la suppression de ladite chaîne. Ils allèrent chercher leur ordinateur portable et lui annoncèrent qu'ils avaient reçus plusieurs mails. Le jeune homme survola le premier, il semblerait qu’il s’agisse d’un mail d’avertissement à propos de la mise en ligne de contenu interdit en Grande-Bretagne à partir de leur connexion internet.

«Pardon, j’aurais dû… »

Ils le coupèrent et lui firent lire un autre mail, qu’il lu plus attentivement. C’était une offre de partenariat d’un nouveau service de VPN. Ils étaient sensibles à ses idées et ils étaient même prêts à lui permettre d’utiliser gratuitement ses services ainsi que de lui verser un peu d’argent.

«Je rêve ?»

En échange, il devait faire la promotion de ce VPN lors de ses futures vidéos, si jamais il comptait continuer ses projets.

«Mais du coup… C’est pour ça que vous voulez plus m’aider pour mes études ?»

Et bien... Non. Les arguments énoncés précédemment étaient toujours d’actualité. Mais si Raphaël était vraiment déterminé à retourner en Angleterre, poursuivre ses projets en plus de ses étude, ils n’allaient pas l’en empêcher. S’il était assez grand pour choisir ses combats, il devait être assez grand pour les assumer. Ils ne pouvaient pas toujours être derrière lui. Même s’ils laissèrent sous-entendre qu’ils ne le laisserait jamais "crever".

«Donc… Il n’y a pas de problème à ce que je retourne à Londres ?»

Juste qu’il fallait qu’il trouve un petit boulot, parce que Wizard VPN ne suffirait pas à couvrir ses besoins. Il aurait encore une fois moins de temps pour les jeux et surtout il fallait qu’il change d’appart pour un qui lui revienne moins cher. Il avait rejoint en panique la coloc de Roxanne et Agrios pour fuir Samuel. Il avait accepté le premier truc venu sans trop se soucier du prix. Il avait eu en projet de partir en colocation avec Nymphéa, après l’été, mais c’était finalement tombé à l’eau. La famille Chang ne semblait pas super emballée à cette idée et, même si Raphaël en gardait un goût amer, il ne pouvait leur tenir rigueur de couver leur fille après la disparition de leur aîné.

En tout cas, cette proposition était un très bon signe pour lui. Il avait souvent eu l'impression de brasser du vent avec ses vidéos. D'abord Bigbad, maintenant Wizard VPN. Le vent tournait. Parfois ce sont les personnes que l'on imagine capable de rien qui font des choses que personne n'aurait imaginéClairement, jamais Raphaël ne se serait imaginé être le précurseur d'un mouvement sur internet visant à dénoncer et décrédibiliser le Blood Circle. Et il s'imaginait encore moins d'être soutenu par une grande entreprise. Enfin grande... Ça restait encore à prouver, mais en tout cas cette entreprise s'engageait à être son mécène pour quelque temps. Et surtout, combien de temps elle allait exister avec un nom comme ça ?

«Du coup... Vu que vous n'êtes pas opposé à ce que je retourne à Londres, je peux emmener ma chaise pliante ?»