Née sous les lumières colorées de Laponie, à quelques secondes d’intervalle d’une jolie poupée blonde, Astrid est l’image qui n’a pas sa place dans l’album familial. Et quoi qu’elle fasse, qu’importe sa douceur et sa sagesse, elle n’y aura jamais une véritable place.

Elle est avec Solveig, aux yeux de leur sœur aînée, celle qui a détruit sa famille. Maman aimait Papa, Papa aimait Maman, mais Maman n’avait pas d’yeux que pour lui. Son âme mangemort était allée batifoler avec un autre, faisant des jumelles, une branche d’une lignée bien sombre. Si le scandale n’avait été tu, peut-être auraient-elles porté le nom des Lestrange. Heureusement étaient-elles toutes les deux nées blondes. Le contraire aurait pu s’avérer fatal. Qui sait ce qui peut se tramer sous les yeux glacés du père, qui derrière son sourire charmeur, cache bien des secrets macabres.

Une famille aux pensées sombres, le contraire de ce que représente Astrid. Astrid, elle sourit, elle babille de bonheur, et lorsqu’elle grandit, elle pétille. Pourtant, la lumière dans ses yeux se flétrit peu à peu. Une famille dont le sang est poison. Solveig y trouve étrangement sa place, mais Astrid, ô Astrid, jamais n’y trouvera une place. Les regards froids de sa sœur aînée glace son sang. Elle peut y voir les éclairs, qui n’attendent que son passage pour gronder.

Fille de deux politiciens de haut nom, elle grandit dans le luxe. La seule faim qu’elle connaît est celle de savoir. Aimant lire, elle dévore les connaissances en tout genre. Et alors que l’on insiste pour qu’elle apprenne une seconde langue, Astrid souhaite s’adonner à la science. Pourtant, c’est la politique qu’on apprend chez elle. Kaia, l’aînée, était un véritable prodige. Qu’il s’agisse du piano et des mathématiques, il n’y avait rien qui lui résistait. Astrid n’a pas cette facilité. Bien qu’elle aime apprendre, il est compliqué pour elle de se concentrer. Beaucoup d’idées passent dans ce cerveau délicat, à la créativité débordante. Contrairement aux autres, ses pensées ne rentrent pas dans les cases. Et pourtant, elle fera tout pour que personne ne s’en rende compte. Elle travaillera d’arrache pieds pour que ses résultats soient aussi bons que ceux de Solveig, qui comme sa sœur aînée, excelle. Elle tait son mal être et garde la tête haute, un sourire sur les lèvres. Sa voix reste douce et ses traits paraissent toujours apaisés. Si seulement ils savaient…

Son entrée à Durmstrang se marqua par la surprise de chacun. C’est le clan de l’Orage qui choisit sa sagesse. Un signe qui aurait dû en prévenir plus d’un, mais que personne ne comprit. Elle était faite pour faire partie des calmes, non des tourmentés. Au fond d’elle, bien que chacun se refusait à le croire, elle se savait à sa place.

Elle, qui toujours a haï la guerre, n’en voulait que sa fin. Et lorsque Maman ramena un jour, son père blessé, retranché dans sa douleur, Astrid proposa son aide. Alors que ses sœurs hurlaient, elle s’était approchée. Un gant à la main et une bassine d’eau fraîche, elle s’était mise à genoux à côté de son père tremblant. « Laisse-moi faire » avait-elle dit, et sa douceur prit le dessus. Elle fermait son cœur aux larmes, tentant de garder son calme. « Ça va aller » murmura-t-elle. C’est ce jour-ci que sa carrière se dessina. Elle qui aurait aimé suivre la voie des Arts, se décida à prendre le chemin des sciences. La médecine s’ouvrit à elle comme on ouvre une porte à un ami d’enfance. Tout à coup, ça faisait sens. Elle faisait sens. Peut-être que sa différence n’était pas un fardeau, peut-être qu’il s’agissait là même de la raison de son existence.

Sa facilité à mettre de côté ses sentiments, ou à les utiliser, selon les moments, pour aider les autres, donna une idée à sa mère. Elle venait enfin de trouver une utilité à sa famille, et c’est dans la legilimancie qu’elle l’enrôla. Par pur symbolisme, on lui avait demandé la permission, et c’est sans comprendre pleinement dans quoi elle s’engouffrait, qu’Astrid accepta. Elle souhaitait aider son prochain. Elle voulait lire la fierté de ses parents sur leurs visages. Elle sentait que c’était la seule manière d’y arriver. Ainsi, Astrid fit son entrée dans une catégorie à part — les Legilimens.

L’entraînement fut extrême, l’apprentissage épuisant. Elle fut prise sous l’aile des infirmières et des médecins du Ministère de la Magie Scandinave. On lui apprit à contrôler ce don. A calmer les autres, à lire dans les pensées et à extirper celles dont ils avaient besoin. Elle savait éteindre les peurs et les créer de toutes pièces. Pour la première fois de sa vie, elle voyait dans les yeux de sa mère de la fierté. Elle avait un grand potentiel, lui avait-on dit. Alors voilà qu’elle se laisse aller à aider ses parents. Elle s’assoit au chevet des blessés de cette guerre qui la dégoûte. Elle écoute leur peine, sans même qu’il n’ait à ouvrir la bouche. Elle déniche les secrets. Elle apaise leurs maux. Petit à petit, elle gonfle. Comme un ballon, son être se remplit. D’histoires qui ne sont pas les siennes, de souvenirs qui la hantent alors qu’ils ne lui appartiennent pas. Pourtant, aujourd’hui, toutes ces choses sont siennes. Les souvenirs, la douleur, la terreur. Un poids qui ne cesse de s’étoffer.

La politique força ses parents à déménager, et l’enfant suivit sa famille jusqu’à Londres. Entrant à Poudlard pour son cursus universitaire, c’est à Serdaigle/Poufsouffle qu’elle trouva sa place. Sa sœur n’était jamais loin, ayant rejoint Poudlard à ses côtés et veillant sur l’enfant fragile. Solveig, ô Solveig, pépite aux yeux d’Astrid, qui détruirait le reste du monde pour celle qui, à quelques minutes d’intervalle, avait vu le jour en même temps qu’elle. Véritables opposés, elles étaient le feu et la glace, et pourtant, rien n’était plus important que l’autre. Et peut-être que là était la raison de sa présence auprès de sa famille. Astrid qui jamais n’avait trouvé sa place au sein de ces gens, ne pouvait se résigner à les quitter. Solveig était sa raison d’être.

Poudlard fut une réussite pour l’adolescente, qui rejoignit la filière de médicomagie. Un rêve devenu réalité, une manière de mettre son don en avant. Astrid se tue à la tâche. Elle tente de faire de son mieux, bien que jamais cela ne suffise. Ses professeurs sont patients, voient les difficultés auxquelles elle fait face. A travers ses professeurs, elle trouve des mentors bien plus doux et attentifs que ses parents. Elle trouve à Poudlard, une famille que jamais elle n’avait trouvé ailleurs. Elle s’épanouit —ou tout de moins elle tente. Elle grandit, elle évolue, tout en ayant cette impression constante de stagner.

La vision noire de ses parents s’accentue et elle s’en détache. Astrid voit les choses autrement. Les souvenirs de chacun, les points de vue de chacun, elle les connaît. D’une manière, elle les a vécus, elle aussi. Un panel incroyable s’offre à elle, floutant sa vision de la réalité. Elle est incapable de créer son propre point de vue sur la situation. Et si officiellement, elle ne reniera pas son appartenance aux Mangemorts, elle ne s’en sent pas membre à part entière.

Astrid, fidèle à elle-même, continue de sourire. Elle ne rechigne jamais à aider. Elle se propose, sous les yeux fiers de ses parents et méfiants de sa sœur. Car si Solveig ne dit rien, elle ne peut nier l’évidence. Elle connait sa sœur, elle sait qu’elle est incapable de refuser quoi que ce soit à ses parents. Elle veut les rendre fiers, elle veut connaître ce sentiment que les autres enfants ont quand leurs parents les regardent. Et devant les yeux de Solveig, impuissante devant le malheur de sa sœur, elle plonge. Les pieds liés, c’est un parpaing qui la tire vers le fond. Il serait temps pour l’enfant de reprendre son souffle, mais sera-t-elle capable de rejoindre le rivage ?