Je roulais des yeux aux remarques de Luca quant à la vie privée des professeurs, puis riais à sa remarque. Des acteurs nés, nous deux, oui, peut-être lorsque nous étions ensemble. Après tout, nous jouions la comédie depuis le début lui et moi, ça n'avait pas commencé à cette fête, mais dans un bar, un soir d'avril.
Une fois ma visite de Poudlard faites au sorcier, je prenais congé de lui, non sans chercher Harper du regard. Elle semblait contrariée, et j'ignorais si c'était de bons ou mauvais augures, mais j'avais un dernier devoir professionnel à faire, mon amie attendra donc encore, surtout qu'elle semblait en bonne compagnie avec la troupe de Luca. D'ailleurs, je constatais que Theodora s'en allait déjà, et je ne pus m'empêcher de me mordre la bouche en ressentant un sentiment de culpabilité. Peut-être devrais-je aller la voir un jour ? Mais avec l'approbation de Luca.

Je coupais court à mes pensées car je rejoignais déjà le groupe. Suivant le regard de William, je constatais qu'il veillait sur sa fille, ce qui me fit sourire intérieurement. Observant les jeunes dans leur coin, je me contentais de les saluer sans les interrompre. Ne voulant snober personne, c'était à Rose que je devais parler, et il me fallut rassembler le peu de courage que je possédais. Ainsi fixée à mon but, je m'adressais à l'Auror, sans bégayer, ce qui me surprit. Mais n'était-ce pas une profonde inspiration que je la voyais prendre ? Ola, j'aurais fait une bourde ? Surtout avec ce mot hasardeux qu'elle plaça de manière méthodique dans sa réponse. Ou alors je me faisais des idées ? Si ça se trouvait, elle avait super mal au ventre. Le cycle menstruel, ce fardeau terrible…
L'observant, pleine d'innocence, je remarquais les deux bagues à ses doigts en particulier la chevalière, puisque je connaissais les symboles pour les avoir déjà vus plusieurs fois. Battement de paupières, interpellée par sa question, ce fut tout naturellement que je lui répondis, simple et honnête.

- Oh euh… trois ou quatre ans de mémoire. Je viens prêter main forte de temps à autre lors des cas comportementaux particuliers. Je parlais des chevaux ailés, et partais du principe que Rose le comprendrait. Je l'observais avec discrétion, mais jamais je n'osais poser les yeux sur elle, restant fuyante. Changeons de sujet. Je… j'aurai aimé vous remercier… pour votre aide précieuse… pourrais-je… Je regardais la foule et voyais Harper me faire signe. Elle voulait s'en aller et je n'allais pas la faire attendre, alors je m'empressais de terminer. Euh… pourrais-je vous recontacter prochainement ?

Voilà, je commençais à bégayer. Enfonçant ma tête dans mes épaules comme une tortue, je jetais un nouveau coup d'œil en direction de Harper, manquant presque la réponse approbatrice de mon interlocutrice. Je bredouillais un peu.

- V… Veuillez m'excuser je dois déjà vous laisser, on m'attend. Je vous souhaite à tous de passer une excellente soirée. À bientôt.

Je saluais tout le monde avec politesse, mon regard s'attardant à nouveau sur William puis sur Sean avant que je me retourne, slalomant dans la foule pour rejoindre la directrice des Gryffondor, essoufflée.

Nymphéa avait toujours cette candeur qui la rendait pétillante et vive. Sa présence était un peu comme un feu d'artifice. Et dans ce genre de soirées, c'était sans doute appréciable... Je souris en l'entendant parler de sacrifice. Je me méfiais du jus de citrouille et je ne consommais plus de boissons autres que celles qui se trouvaient dans des bouteilles que j'ouvrais moi-même. C'était plus sûr. Parano, moi ?

Il y eut un mouvement un peu plus loin et je vis une jeune femme s'effondrer au sol, d'où j'étais, je ne pus voir son visage, mais la présence de Phobos était rassurante. Ce sorcier était un médicomage compétent, bien que bourru.

J'écoutais un peu distraitement les conversations. Mon esprit divaguait facilement dans ce genre de réception où de multiples discussions s'enchainaient sans suite logique. Quand on était, comme moi, doté d'une pensée en arborescence, il était très difficile de pouvoir suivre plusieurs conversations en même temps, puisque les idées en entrainaient sans cesse d'autres, qui elles-mêmes s'enchainaient... et on s'éloignait bien vite du sujet.
Je repensais aux soirée d'Horace Slughorn, à cette atmosphère particulière et à cet alcool qui coulait un peu trop à flot pour un cadre scolaire... Mais Slughorn avait ses façons de faire et appartenir à ce cercle était un atout, assurément.

Nymphéa évoqua le Tournoi des Trois Sorciers, mais j'écoutais bien peu. Le dernier Tournoi qui avait eu lieu à Poudlard avait vu s'affronter les célèbres Viktor Krum et Harry Potter, ainsi qu'une hybride française et feu Cédric Diggory.
Je n'avais suivi cela que dans la presse. Je n'étais à l'époque absolument pas du genre à me sentir concerné par cela. Mais penser à cet événement me fit cependant froncer les sourcils, alors qu'Abigail s'éloignait déjà.

Combien de temps avais-je été perdu dans mes pensées ? J'avais perdu le fil depuis un moment... même si quelques bribes de conversations m'étaient parvenues. Mais l'idée revenait, fixe, obsédante et omniprésente. Aussi, finis-je par demander à Sean et Rose, puisque les plus jeunes avaient commencé à parler de leur côté : « Dites-moi... Vous avez eu vent de quelques nouvelles au sujet de Mr Potter ? »

Je n'avais pas fait attention au fait que Sean s’était un peu éloigné auparavant pour poser au jeune Serdaigle une question, ces fichues pensées qui partaient dans tous les sens me coupaient de la réalité et, en général, lorsque cela m'arrivait, il me fallait me concentrer sur quelque chose de précis pour pouvoir me recentrer. Je regardai donc, tour à tour, Sean, revenu là, et Rose.

« Cela fait déjà un mois, il me semble... » J'avais l'impression d'aborder les sujets d'actualité avec sérieux au milieu de tout un tas de discussions plus légères. « Cette disparition ne semble pas inquiéter plus que cela... mais Potter n'a jamais disparu si longtemps sans donner de nouvelles... »

Nos réunions du Conseil, actuellement, étaient un peu déséquilibrées à cause de l'absence du sorcier. Beaucoup de décisions étaient reportées et les choses stagnaient. Nous ne pouvions pas rester comme cela.

« Ce doit être un coup du Blood Circle, mais il faudrait en avoir le coeur net... »

Si la soirée devait se poursuivre de la sorte, il était évident que la moitié des convives allaient finir par rouler sous les tables, morts bourrés. Quelle décadence... quelle déchéance ! Vraiment, je me demandais ce que je foutais là.
C'était typiquement le genre de moment où je ne désirais qu'une chose : rentrer dans ma partie, en Grèce, retrouver mon île de Crète tant aimée et oublier définitivement tous ces gens auxquels je ne faisais même plus semblant de m'intéresser un minimum. Je me fichais pas mal qu'ils boivent, qu'ils fument, qu'ils baisent ou qu'ils se battent. Tant qu'ils me foutaient la paix.

Ce que je n'avais pas prévu, c'était que la jeune Eskil allait me proposer de jouer la comédie pour me tirer de là... et j'avais encore moins envisagé qu'elle s'écroulerait réellement sous mes yeux, en mimant la défaillance avec une perfection proche de celle que mettaient en oeuvre les meilleures actrices de théâtre. Je la rattrapais de justesse, avant de murmurer :
« Bon sang, je ne vous connaissais pas ce genre de talents ! »

Je me rappelais avoir, un jour, dû transporter une jeune femme hors d'une salle bondée comme celle-ci. Le meilleur moyen n'était pas la magie : faire léviter un corps dans une foule, c'était la façon idéale de finir par le perdre de vue, il suffisait d'une distraction... aussi m'empressais-je de me charger du corps, en prenant soin, tout de même, que ses dessous ne soient pas visibles, question de principe.
Mais ce fut sur mon épaule qu'atterrit Astrid, pour que je puisse avoir au moins une main libre pour ouvrir la porte et utiliser ma baguette.

« Je vous emmène à l'infirmerie, miss Eskil. Nous pourrons y discuter tranquillement. »

Et je me dirigeai vers la sortie de la grande salle. J'en avais assez vu pour aujourd'hui et j'avais mieux à faire que perdre mon temps à regarder des sorciers de toutes sortes en train de boire, de manger ou de danser.
Quant aux jaloux qui pouvaient me regarder d'un oeil noir et critiquer, je m'en foutais comme de ma première Mythos. Qu'ils aillent au diable, ces gens inintéressants... qu'il s'agisse du bellâtre qui faisait craquer ma patiente ou de ce potionneux trop friqué pour être encore capable d'utiliser son cerveau... il devait avoir des gallions à la place des méninges et tout cela avait l'air de baigner dans du champagne ou du whisky plutôt que dans du liquide céphalo-rachidien.

« J'imagine que je vous suis, en quelque sorte... redevable ? »

Je n'aimais pas l'idée de devoir quelque chose à quelqu'un, mais puisqu'il fallait être correct, au moins en apparence, je n'allais pas lâcher cette fille une fois la porte franchie. Alors, autant lui demander clairement.

« Que voulez-vous de moi ? »

J'ouvris la porte de la grande salle, prêt à emmener la jeune femme ailleurs.

Ses émotions sont comme des atomes affolés qui s’entrechoquent, complètement instables. Est-ce que l’ensemble des cellules de son corps aussi se détachent ? Est-elle seulement encore palpable ?

A en jugé par la préhension de ses doigts agrippant un verre disposé sur le plateau ramené par l’ami de Luca, son enveloppe charnelle n’a pas disparu, et l’alcool commence à couler à flot dans son sang. Au moins ce n’est pas du whisky. Dommage que ce ne soit plus du champagne : le mélange d’alcool va être détonnant.

Voilà une âme charitable pourvues de bonnes intentions, dit-elle à l’adresse de Kris alors qu’elle se saisie du verre.

A en jugé par son apparence, Harper déduit qu’ils sont sensiblement du même âge, mais elle ne se souvient pas l’avoir vu à Poudlard. Après tout, elle ne se souvient même pas des prénoms de ses élèves.

Le verre entre ses mains est rempli d’un délicieux cocktail arc-en-ciel au bon goût de coco, au fort goût de rhum. Champagne et rhum : la potion parfaite. Parfaite pour se disputer. Quand elle va exploser, ce sont des bulles à l’odeur de coco qui vont crever le plafond.

Est-ce que vous connaissez bien ce Louca Zambini ? Demande-t-elle à Kris en balayant la foule d’un geste négligeant. Mais déjà Luca avait disparu de son champ de vision. Abi, quant à elle, s’adressait à leur camarade Rose Cartwrigth, et Harper ne pu s’empêcher de ressentir une pointe de malaise. Voir les deux aurores fait souffler comme un vent d’échec au milieu de toute cette colère, à travers tout cet alcool… Il n’aura pas ma Abi, finit-elle par dire, la voix basse mais un peu éméchée.

Et les émotions arrivées à leur point culminant, Harper décide de tirer sa révérence. Exploser oui, mais pas au milieu de la foule d’adulte, et surtout pas de ses élèves.

Sur mon honneur ! Précise-t-elle en vacillant un peu pour déposer son verre vide sur le buffet. Merci pour le verre… je n’ai pas retenu votre prénom, mais je vous revaudrai cette attention. Moi c’est Harper, et je m’en vais me disputer.

Deux doigts formant un V, elle salut Kris et prend la direction de la sortie. Quand le regard de Abi croise enfin le sien, elle lui fait un signe de tête pour exprimer son départ. Sans attendre qu’elle l’ai rejoint, Harper sort de la grande salle pour patienter dehors.

Je n'avais aucune idée de ce qui m'ennuyait le plus entre ces cupcakes de toutes les couleurs, auxquels je ne touchais pas, préférant les laisser pour les convives de la soirée, l'absence de nouvelles de mon épouse ou encore, le manque de savoir vivre de certaines personnes.
Nous étions censés être ici entre sorciers civilisés et il était évident que certains, plus loin, profitaient allègrement du buffet à volonté. Ce n'était pas des façons de faire, mais tout le monde n'avait pas eu la chance de recevoir une bonne éducation, après tout.
Tiens, comme Nymphéa Chang, par exemple, qui se permettait d'intervenir dans les conversations où elle n'était pas conviée... enfin... elle, c'était différent, c'était plus de la spontanéité naturelle qu'un désir de se rendre intéressante. Enfin, c'était, du moins, ce que je pensais.

Et puis, ses propos n'étaient pas bêtes, après tout... Si Potter avait été attrapé par nos ennemis, il était évident que l'Augurey pouvait constituer la cible suivante. Et par après, qu'adviendrait-il ? Peut-être que les sorciers du Conseil d'Administration allaient, eux aussi, finir avec une cible sur la tête, comme si nous n'avions pas assez de choses à gérer sans avoir à penser, en plus, à notre propre sécurité...

Cela dit, les propos de Rose me poussèrent à une rapide réflexion. Stratégiquement, me retrouver sur le terrain pour observer et agir, c'était une bonne chose. Je disposais de suffisamment de ressources pour pouvoir me sentir compétent, mais...
« J'aimerais beaucoup, oui, mais je ferais pâle figure à côté d'une femme de terrain comme vous, miss Cartwright... » Elle était surentrainée, après tout. Je n'étais pas idiot, je savais bien que je ne m'étais pas empâté, mais je savais aussi que je ne m'entrainais pas suffisamment pour les combats. Il me faudrait, peut-être, reprendre le rythme que je suivais lorsque j'étais à Durmstrang... « Certes, un membre de l'Ordre à nos côtés pourrait être un atout supplémentaire... » J'eus un regard furtif vers Sean. La famille O'Malley avait toujours été liée à l'Ordre du Phénix et Sean n'échappait pas à la règle, mais quelque chose me disait qu'il ne fallait guère penser à lui pour le moment.
« Nous pourrions ajouter cela à l'ordre du jour d'une prochaine réunion. »

Mais je ne comprenais pas pourquoi Sean préférait ne pas participer, puisque Rose était son équipière habituelle. Ensemble, ils devaient avoir une manière de faire qui fonctionnait bien, après tout...

Le temps passait, les discussions se poursuivaient, des danses, aussi, les buffets se vidaient et étaient réachalandés par les elfes de maison... Bref, cette soirée n'eut guère de grand éclat à souligner. Ce fut une réussite, sans doute, et il y avait fort à parier que cette parenthèse dans l'actualité sorcière allait vite passer à la trappe lorsque le retour à la réalité aurait lieu pour tout le monde.

Je finis par prendre congé des personnes avec qui j'avais passé la soirée, et je passais voir Septy avant de m'en aller. Elle était toujours accompagnée, mais je ne pouvais pas partir sans aller l'embrasser.

« Sois raisonnable, ma princesse... J'espère que tu as passé un bon moment. » Et après une étreinte affectueuse, je quittais la grande salle.

Moi non plus je n’aime pas trop les bains de foules, confit-elle à Elyakim, approuvant son malaise.

La foule de sorcier commence à s’aérer : certains convives prennent le chemin de la sortie, baillant toutes amygdales dehors, titubant une paire de talon aiguille à la main. C’était toujours aussi surprenant d’assister aux banalités de la vie. Ce soir, les dangers du blood circle semblent ne pas exister. Après tout, c’est bien l’utilité d’une telle soirée ? Libérer les esprits pour masquer les problèmes ? Libérer les esprits le temps d’une nuit pour aider à faire accepter les problèmes le lendemain ? La psychologie humaine est un puit sans fond.

Elyakim suggère d’accompagner le jus de citrouille avec des petits fours tout en l’attirant par la main pour se diriger le buffet. Et, en un quart de seconde, le jus de citrouille de son camarade Serdaigle est un jus sur chemise.

Pheobus Malefoy. Comme c’est étrange : Septima sait depuis toujours la mauvaise entente entre Papa et lui sans jamais avoir vu son visage. Et en moins de deux mois, elle tombait pour la deuxième fois sur lui par le plus grand des hasards. Septima sort sa baguette, s’apprêtant à nettoyer les dégâts, mais Malfoy s’agite, présentant des signes de vertiges ou d’on ne sait pas trop quoi. Est-il lui aussi victime d’alcoolémie élevée ?

Septima lance un regard interrogateur à l’adresse d’Elyakim, hésitant à intervenir. Malefoy semble ne s’être même pas aperçu de sa présence. Jugeant préférable de ranger sa baguette, elle se pare de son marbre habituel pour rester en retrait. Elle garde le silence jusqu’à ce que Malefoy suggère du champagne.

On n’a pas le droit de boire de l’alcool, Monsieur Malefoy, explique-t-elle d’une voix posée. L'alcool est interdite aux mineurs. Et en plus mon père nous regarde.

Non seulement il les regarde mais en plus il les rejoint. Sans être gênée, elle ressert son étreinte autour de la taille de son père, se laissant embrasser comme une petite fille.

Je suis toujours raisonnable, dit-elle, amusée, en lançant un regard à Elyakim. On remplit notre devoir social et je pense que nous allons retrouver nos dortoirs.

Puis Papa disparaît, la laissant là en compagnie de son camarade des aigles, et de l’homme des serpents.