Graviora manent

Si l’occasion m’en avait été donnée, j’aurais sans doute été ailleurs qu’ici, ce soir. Et si Meredith ne m’avait pas suivi dehors, j’aurais certainement transplané pour rentrer au manoir, dans le calme et la tranquillité de cette demeure où j’aurais pu passer la soirée en famille…
Mais la cigarette à l’extérieur, c’était déjà bien mieux que d’être confronté à cette assemblée peu encline à croire un minimum en ce projet pour un avenir meilleur. Et puis, je devais reconnaître que la présence de mon amie à mes côtés avait toujours ce petit quelque chose qui m’apportait un sentiment plus positif.

« Heureusement que tu es là, tu sais… » Dans toute cette période de chamboulements divers, la présence de Mrs Carrow était véritablement une bouffée d’oxygène pour moi. Elle avait toujours été là, au fond, et l’entendre me faire part de son ressenti par rapport à ce que je lui disais, cela me fit prendre conscience que oui, effectivement, il y avait quelque chose qui ne me ressemblait pas. Elle avait raison et je le savais parfaitement. « J’aurais voulu que les choses soient différentes… »

Les bruits de la salle résonnaient et il semblait que notre absence n’avait pas été remarquée. C’était plutôt une bonne nouvelle. Je laissais Meredith entrelacer ses doigts aux miens, un geste qu’elle avait déjà eu à plusieurs reprises avec moi, et puis elle me posa la question. La seule qui pouvait me faire me sentir mal, mais qui était cependant nécessaire. Je pris une bouffée plus importante que nécessaire, prenant bien le temps de peser mes mots tout en rejetant ensuite la fumée.
Elle se mit à me caresser le visage et je sentais bien que s’il y avait une seule personne au monde à qui je pouvais tout dire, c’était bien elle.

« C’est plutôt… une accumulation… » Je plongeai de nouveau mon regard dans le sien, puis j’ajoutai : « Entre cette soirée, ma femme qui me reproche de ne pas être assez présent et le fait que j’ai fait une connerie, sincèrement, je ne sais pas ce qui est le pire… »

Comme je savais qu’elle allait pouvoir vraiment me soutenir, dans tout cela, je me rapprochais un peu d’elle au moment où le feu d’artifice commença. Je n’y prêtais pas attention, non, j’étais centré sur ces événements et sur ces relations, c’était tout. Alors, aucun vœu de « Bonne année » ne sortit de ma bouche, mais ce fut une autre phrase qui s’en échappa :
« J’ai besoin de toi, Meredith… »

Et puis, sans réfléchir, je m’approchai encore d’elle, pour venir l’embrasser, comme si nous étions vraiment seuls… un baiser long et langoureux, qui signifiait beaucoup de choses, à vrai dire. Quand nos lèvres étaient entrées en contact, j’avais immédiatement su que c’était la chose à faire. Cette femme représentait beaucoup pour moi et cette nouvelle aventure que nous vivions ensemble, je savais que je n’aurais pas été en mesure de la vivre sans elle. Je ne pouvais pas ignorer tout ce qu’elle représentait, car, au fond, elle m’était indispensable… Je ne décollais pas de sa bouche, comme si ce baiser était la meilleure manière pour moi de lui signifier son importance.

Si l’atmosphère de la soirée était un peu mitigée, c’était sans doute pour la diversité des personnes présentes, car oui, au fond, il y avait ici un peu de tout… Des adolescents, des sorciers majeurs, jeunes et plus âgés… Une population variée qui faisait comme un microcosme de la société sorcière en général.
Cela me faisait plaisir de rencontrer des amies de Soledad. En réalité, je ne connaissais que bien peu la jeune femme, quand j’y réfléchissais et dans ce genre de situation, découvrir les amis de nos amis, cela pouvait parfois en dire long sur les personnalités.

Au moins, nous étions d’accord sur le fait que les bonnes intentions qui étaient sous-jacentes à la formation du Conseil d’Administration avaient au moins le mérite de maintenir une paix, même temporaire, entre deux camps aux idées opposées. Pour le long terme, Soledad avait raison, on ne pouvait pas vraiment y croire sans voir ce que ça donnerait après quelque temps…

« En tout cas, ce soir, ça a l’air de bien fonctionner, mais oui, à voir sur le long terme… Le fait d’avoir un ennemi commun, ça peut créer des liens, après tout… »

Je voulais être optimiste, parce qu’au fond, il me semblait que les efforts fournis par les membres des Mangemorts et de l’Ordre du Phénix pouvaient peut-être devenir les prémices d’un avenir un peu moins manichéen… D’ailleurs, d’une certaine manière, qu’il s’agisse de Ludivine, Soledad ou de moi, nous étions tous les trois dans la même optique, dans cette idée de voir ce qui allait découler de tout ça.
Mais aussi d’autre chose, puisque, après que Ludivine ait posé la question, miss Velasquez lui expliqua notre rencontre. Elle omit d’ailleurs de parler de la cuisine, ce qui n’était peut-être pas plus mal, au fond… Entre les deux jeunes femmes, je ne pouvais que déceler cette complicité rare qui n’existait qu’entre les amis de longue date.

« En fait… Myrna est ma mère… Mais on aurait pu se rencontrer à Poudlard, Soledad et moi. »

Voilà, c’était sans doute plus simple de le dire directement, car vu que maman connaissait à peu près tout le monde, elle constituait un point de repère facilement identifiable pour la plupart des sorciers et des sorcières. Tout comme Poudlard était connue et reconnue partout également.

Et puis, soudain, le plafond s’ouvrit pour laisser apparaître le ciel sombre de la nuit dans lequel retentirent bientôt les bruits des feux d’artifice et les lumières de toutes les couleurs. De magnifiques petites explosions qui illuminaient le ciel… Je n’étais pas le seul à apprécier le spectacle, d’ailleurs, puisque Soledad avait reculé un peu pour mieux voir, ce qui la fit atterrir directement contre moi. Loin de la repousser, j’eus plutôt tendance à l’entourer de l’un mes bras, doucement, trinquant avec elle de l’autre main.

« Meilleurs vœux, Soledad… » J’eus une seconde d’hésitation, puis, son sourire eut raison de moi et je vins lui caresser la joue. « On pourrait profiter de cette nouvelle année pour mieux nous connaître, peut-être… »

J’aurais aimé pouvoir trouver le moment idéal pour l’embrasser, mais je ne voulais pas que Ludivine se sente mise de côté, aussi, je levai mon verre vers elle.

« Bonne année, Ludivine ! »