L'aînée d'une famille. Celle qui donne un sens à ce mot, c'est ce qu'Eryn et Lasérian se sont dit lorsqu'ils ont tenu Kiara pour la première fois dans leur bras. Elle est celle qui a concrétisé leur relation, leur amour, leur mariage. Une envie furieuse de constituer une famille plus grande et plus étendue qu'une relation à deux : un mélange parfait de leurs deux univers, de leurs deux caractères. Kiara, on lui a tout donné, sans condition ; on peut sans aucun doute dire qu'elle a eu une enfance heureuse, une enfance où a régné la joie, le bonheur, les petits plaisirs de la vie. La famille s'est agrandie à l'arrivée de Sélénya et de Caelum et Kiara malgré leur faible différence d'âge, a toujours pris très à cœur son rôle de sœur aînée au point d'en devenir parfois agaçante mais jamais elle n'a senti qu'elle agissait mal ; sa famille, c’est son point d’ancrage avec la volonté farouche de ne jamais décevoir, de se montrer à la hauteur. En Irlande, la vie semblait facile, une vie simple baignée dans la magie dès l’apparition de ses premiers pouvoirs, narguant ses cadets en faisant léviter son bol de lait. Choyés, protégés, adorés par leurs parents, les enfants Macmillan n’ont jamais manqué de rien. Sauf peut-être… Les absences de leur père, bien trop souvent éloigné d’eux à cause de son métier d’Auror, ont bercé Kiara d’angoisses, l’angoisse qu'un jour il ne revienne pas. Chaque mission semblait plus périlleuse que la précédente et même s’il finissait toujours par rentrer à la maison, il lui fallait parfois plusieurs jours, plusieurs semaines pour se remettre de ses blessures, psychologiques ou physiques d’ailleurs. Encore une fois, Kiara s’est évertuée à ne rien montrer, à demeurer forte, à rester un point de repère, un roc pour Sélénya et Caelum, tentant de combler comme elle le pouvait ce manque, cette absence tout en sachant que tous ses efforts étaient vains.

Lorsque la jeune fille eut dix ans, le déménagement vers l’Angleterre fut une grande déception. Kiara aimait sa terre natale, son Irlande adorée et ses paysages grandioses à couper le souffle. À la place, elle a découvert l’air irrespirable de la ville, le brouhaha de la capitale anglaise et ses habitants toujours plus pressés les uns que les autres. Les retours vers l’Irlande pendant les vacances étaient une bouffée d’air frais et une soupape de décompression après… Après une année scolaire longue et difficile pardi ! L’Angleterre abritait la plus grande école sorcière au monde, les plus grands professeurs. Kiara s'est sentit rapidement à l’aise dans sa maison, faisant de ces nouveaux camarades sa nouvelle famille. Rapidement appréciée pour sa gentillesse et son extrême douceur, elle n’eut pas besoin de beaucoup de temps pour se faire sa place. Entourée de ses amis et de ses livres, Kiara est devenue au fur et à mesure des années une jeune femme affectueuse, sympathique, au caractère néanmoins affirmé, prête à défendre bec et ongle ses proches et ceux qui lui sont chers. Si elle avait douté les premiers jours de ce nouveau lieu, pas certaine qu’il puisse combler le manque de sa terre natale, elle avait rapidement changé d’avis, le château et son lac démesuré lui rappelant un peu les décors gaëliques. Les plus belles années de sa vie, sans conteste. Et quand elle fut rejointe par sa sœur et son frère, elle se rendit compte que la vie ne pouvait pas être plus parfaite.


Les ASPIC en poche avec d’excellentes notes en botanique et en potions, la voie vers la filière des sciences magiques s'est ouverte à Kiara comme une évidence. Sans savoir vers quel métier se diriger, Kiara s'est alors contentée d’engranger des connaissances, d’apprendre toujours davantage, de faire des stages auprès de professeurs émérites ou de potionnistes expérimentés. Au-delà d’une scolarité absolument parfaite avec d’excellents résultats et des appréciations admirables de ses professeurs, Kiara est le genre d’étudiante qui vient en aide aux autres. Préfète puis préfète-en-chef, faisant partie du programme des tuteurs de l’Université, elle a rapidement affectionné apporter son soutien aux nouvelles promotions ; sa bienveillance, sa délicatesse et son air avenant permettant même aux plus angoissés de se sentir un peu plus sereins à l’approche de la nouvelle année. Entrant dans la vingtaine, ses propres aspirations professionnelles encore floues, Kiara se satisfaisait pourtant de cette formation qui lui offrait l’occasion de montrer ce qu’elle vaut et de rendre fiers ses parents. Sa vie d’adulte pouvait alors commencer, une vie parfaitement tracée, une vie sans contrainte, ou presque.

La vie de Kiara a basculé quelques semaines avant son entrée en deuxième année. L’enlèvement de Sélénya, le moment de sa vie le plus difficile à vivre, le plus difficile à encaisser, le plus difficile à supporter. Elle qui avait toujours gardé la tête haute enfant, elle qui avait toujours été l’ancre à laquelle son frère et sa sœur s’accrochaient dans la noirceur de la vie, a sombré dans les abîmes à son tour. L’angoisse, la crainte, la terreur ; les nuits furent longues, les journées interminables. Chaque pas était plus difficile que le précédent, chaque retour de son père plus épouvantable que celui d’avant ; Sélénya était là, quelque part, dans la nature. Blessée, torturée, peut-être morte. L’incertitude, le fait de ne pas savoir, voilà ce qui a plongé Kiara dans une dépression sans issue, le sentiment de culpabilité prenant le pas sur tout le reste. Rien ne semblait avoir plus d’importance que son retour, que la recherche. Arrêtant ses études au grand daim de ses parents, contre cette décision, elle a passé ses journées à éplucher les journaux moldus, les enquêtes sorcières dans l’espoir de trouver un indice, une preuve, une piste. N’importe quoi. Autre chose que ce silence assourdissant aux repas de famille, autre chose que ces larmes qui coulaient sans un bruit une fois qu’elle pénétrait dans la tiédeur de ses draps.


Après le retour de Sélénya, la détermination de Kiara à punir ses ravisseurs s'est accentuée, est devenue plus importante. La maturité et la ténacité gagnées tout au long de ces longs mois de souffrance ont laissé des traces. Énormément de traces. Il a fallu du temps pour retrouver un semblant de vie normale. La relation si fusionnelle avec sa cadette a été soumise à dure épreuve, la reprise des cours également. Pour autant, Kiara s’est reconstruite, aidant sa sœur à en faire de même malgré la profonde culpabilité qu’elle ressentait et qu’elle ne parvenait pas à refreiner. Elle est responsable, il n’y a aucun doute, aucun. Son caractère surprotecteur s’est affirmé, développé. Maladivement. Trop peut-être. Mais rien, ni même le temps, ne semble permettre à Kiara de se défaire de ce sentiment de responsabilité qui la ronge. Alors elle a décidé d’agir. Depuis toujours, elle a grandi avec l’idée que chaque vie est précieuse : sorciers comme moldus, sang-purs comme sang-mêlés. En rejoignant l’Ordre du Phénix, tout en sachant qu’elle n’aura jamais un rôle prédominant dans celui-ci, elle espère bien grossir les rangs de ceux qui réfléchissent, ceux qui imaginent, ceux qui élaborent des stratégies, des plans d’attaque, des manifestations pacifiques. Elle est loin d’être une guerrière, elle n’est même pas spécialement douée en sortilège et n’est jamais sortie de sa zone de confort d’étudiante en sciences magiques. Pour autant, faire partie de l’Ordre, c’est combattre le Blood Circle, dans une moindre mesure, tout en admettant que la plupart des moldus ne soutiennent pas leur gouvernement. C’est l’espoir, qu’un jour, il sera possible de venger sa sœur, d’obtenir réparation. Mais n’est-ce pas un leurre de penser qu’une paix durable est réellement possible ? Surtout maintenant qu’on a collé une balle dans la tête d’Harry Potter ? Kiara veut y croire, elle veut penser que les hommes ne souhaitent pas reproduire les mêmes erreurs du passé et pourtant… L’histoire se répète, encore et encore ; et l’humanité s’enlise encore une fois dans ce qu’il y a de plus sombre et de plus macabre dans le cœur des hommes.