Inspiration cassée quitte les lèvres fatiguées tandis qu'elle s'éloigne en avec Kayla sous les directives de Rachel. Un bombarda maxima. C'est brillant et c'est sans doute leur seule solution. La jeune femme lève d'une main tremblante sa baguette et tarde à rejoindre l'objectif qui est le sien. C'est que sa jambe est dans un piteux état. Dans son dos, elle entend Kayla crier.

« ANA T'EN ES OU ?! »

La concernée répond en s'égosillant.

« J'Y SUIS, DESOLEE ! »

Elle s'installe, lève sa baguette comme les autres et les lèvres se délient toutes ensemble dans un réflexe de survie désespéré. Anastasiya le sait : si elles loupent cette initiative, elles ne survivront pas.

« BOMBARDA MAXIMA ! »

Les explosions naissent en même temps et leurs échos se répondent dans la forêt, provoquant l'envol de centaines de volatiles. Anastasiya prend sa respiration tandis que les créatures se replient sur elles-mêmes en un râle de glaçante agonie. Elle ne peut pas dire qu'elle les plaint, pour être tout à fait honnête. Soupir de soulagement dans l'assemblée. Maxime prend la parole.

« On dégage. »

Mouvement d'assentiment général tandis que Kayla passe un bras autour des épaules d'Anastasiya pour l'aider à marcher. C'est que ça s'aggrave, en bas, mais elles n'ont pas le temps de se pencher sur ce problème-là. Les araignées restantes sortent de la torpeur créée par l'explosion et aucune des filles n'a envie d'affronter leur colère. Alors elles foncent. Alors elles fuient, et se dirigent spontanément vers là où tout a commencé, vers le premier drapeau, la falaise d'où elles verront tous les environs et pourront être vues par les professeurs qui tardent à intervenir. Dans l'idée, le plan n'est pas idiot. C'est plus proche du départ que les autres lieux qu'elles ont pu visiter et c'est un miracle qu'elles parviennent à retrouver leur chemin dans la fuite. Mais les acromentules leur en veulent. Les bestioles ont le regard noir et leurs pattes sont toujours plus nombreuses que les jambes des filles, qui ne tardent pas à perdre leur avance.

Alors naît le principal soucis des falaises : elles se retrouvent acculées. Gorge se serre tandis que Maxime pousse un juron sonore. Anastasiya se promet que si elles survivent à tout ça, elle s'équipera d'une potion insecticide, mais en toute vérité, elle n'est plus certaine qu'elles puissent s'en sortir.

« L-les filles... Si jamais je m'en sors pas... S'il vous plaît, dites à Dimka que je l'aime et que c'est pas sa faute. »

Les sourcils de Kayla se froncent.

« Ferme-la, Ana, tu vas t'en tirer, t'as compris ?! »

Mais Anastasiya ne parvient pas à hocher la tête. La plus grosse de toutes les acromentules approche et sa patte avant droite semble brûlée, déformée par les flammes et la douleur. On lit dans son regard un flot de haine qu'Anastasiya sait leur être destinée et elle se sent toute petite, face à la créature. Elle a l'impression de n'être qu'une infime poussière sur l'une des jointures articulaires de la bête. Elle a l'impression que le moindre mot, le moindre souffle de celle-ci suffira à les anéantir. Elle a l'impression que tout se finira aujourd'hui.

La tête lui tourne. L'effort lui a fait perdre beaucoup de sang et la douleur est trop violente pour la laisser indifférente. Une petite voix au fond d'elle-même lui susurre à l'oreille qu'il serait plus simple d'abandonner et de tout laisser tomber. Mais Anastasiya ne peut pas. Elle a passé sa vie en cage, Ana. Elle a passé sa vie enchaînée et aujourd'hui encore, les chaînes mordent sa chair plus douloureusement que ne le feront jamais les crocs des araignées. Elle a passé sa vie en cage et pour la première fois de toute son existence, elle n'a jamais été aussi près de la délivrance. Et il faudrait qu'elle meurt aujourd'hui ?! Quelque chose en elle se révolte et elle lève franchement sa baguette, aveugle et sourde à sa douleur. Elle ne mourra pas aujourd'hui. Elle a encore trop à faire, trop à vivre. Alors les sourcils se froncent et les lèvres s'ouvrent en un hurlement portant le nom de liberté.

« PROTEGO Diabol-... »

Elle n'a jamais lancé ce sort. Elle n'a jamais lancé ce sort et toute l'énergie qu'il lui reste se cristallise dans ce geste. Mais ce sont des étoiles noires qui dansent sous ses yeux. Son corps lui échappe brutalement et Anastasiya s'écroule au sol.

Le sort réussit-il ?:

Tes yeux se rouvrent sur un monde à la dérive. Rachel est penchée sur toi, la douleur pulse moins fort en contrebas et tu papillonnes des yeux juste à temps pour voir voler une araignée par dessus bord.

« R-Rachel, je suis désolée. »

Tu te redresses même si ça tourne encore un peu, récupères le précieux artefact qui dirigera ta magie et tu marmonnes, parce que tes lèvres te semblent encore un peu pâteuses.

« E-Expelliarmus.. ! »

Le sort touche sa cible, l'araignée qui s'était frottée trop près de la falaise y goûte un peu trop fort et on la voit défier les nuages pendant quelques secondes. Du coin de l'oeil, tu observes tes camarades faire voler les araignées, mais tu n'es pas la seule à le faire : La mère, la plus grosse de toutes, n'est visiblement pas ravie de voir disparaître ses enfants à vue d'oeil. Ses yeux crient leur colère et ta gorge s'assèche tandis qu'elle se prépare à approcher. Elle est trop lourde pour que vous puissiez efficacement la soulever, elle est trop haineuse pour ne pas tout risquer.

« R-Rachel, éloigne-toi, je crois qu'elle fonce par là... ! »

Tu as tout juste le temps de te relever, vacillant sur tes jambes, que tu dois déjà replonger pour espérer survivre à l'assaut. Elle te rate de peu et freine des quatre fers.

Est-ce suffisant ?:

L'une de ses pattes caresse le vide, faisant glisser quelques pierres au bord de la falaise, mais le monstre s'arrête et dévisage Maxime, qui est désormais à portée de mandibules. Kayla hurle pour la prévenir et se jette sur elle dans l'espoir de dévier l'attaque.

Kayla protège-t-elle Maxime ?:

Et tu hurles. Tu hurles parce que tu as peur, tu hurles parce que les blessures de tes camarades te sont insupportables. Alors tu lèves ta baguette, vise l'araignée et et tu jettes des Expelliarmus à répétition, encore et encore, comme pour conjurer la haine qui pulse contre ta peine. La bête recule à chacun d'entre eux. Tes lèvres se déforment contre ta colère et tu fronces, fronces les sourcils encore et encore, serres les poings et continues de viser. Bientôt, c'est une seconde patte qui frôle le vide et l'acromentule se met à résister.

Est-ce suffisant, cette fois aussi ?:

Mais l'araignée mère a des années de chasse derrière elle, et si ce sont quatre de ses pattes qui ont gagné le vide, la rendant dangereusement instable, elle dicte à trois de ses filles d'assaillir celle qui la menace. Les plus grosses des enfants acromentules s'approchent donc, pour déconcentrer leur adversaire et sauver ainsi leur mère. tu te redresses violemment, recules de plusieurs pas face à l'urgence et ce faisant, tu t'éloignes du groupe en jetant des oeillades désespérées vers Maxime à terre et Kayla à son chevet.

« E-EXPELLIARMUS ! »

Hurles-tu au visage d'une araignée tandis que celle-ci s'envole au loin. Face à toi, il n'en reste plus que deux et tu sens monter en toi un formidable élan de révulsion tandis que tu les regardes. Elles ne méritent pas de vivre, ces choses. Elles ne méritent pas de vivre et le bout de ta baguette te démange, tes lèvres frémissent d'envie de prononcer des mots interdits que tu connais de par le passé que tu portes. Au loin, tu vois les cheveux de Kayla qui s'agitent au vent tandis qu'elle cherche à protéger Maxime. Gorge serrée s'attaque à toi tandis que tu sens se déformer un peu plus tes traits. Alors tu lèves ta baguette, Ana. Tu la lèves plus haut que toutes les fois précédentes, et tu entrouves les lèvres, prête à frapper pour faire mal. Prête à frapper pour détruire.

« PETRIFICUS TOTALUUUUUUUUUUUUUUUS ! »

Mais tu n'es pas ton père, Ana. Et le sort qui quitte l'aube de tes doigts n'est pas de ceux qu'on ne pardonne pas. Alors le monstre fige et l'attaque qu'il s'apprêtait à jeter sur les deux membres de son équipe n'a jamais lieu. Parce qu'entre protéger ou condamner, ton cœur a choisi la seule direction qui comptait vraiment. Lion plutôt que serpent. Toujours.

Et soudain, l'araignée mère est figée. Et soudain, le bras qui s'apprêtait à frapper Kayla s'arrête, mouvement suspendu dans les airs comme la cristallisation de toutes leurs peurs. La respiration d'Anastasiya elle aussi se tait pendant quelques secondes, dans l'attente d'une suite qui ne vient pas. Les filles de l'acromentule sont stupéfaites et de ce fait, elles cessent d'attaquer comme si le moindre mouvement pouvait faire chuter la bête. Puis, dans cet instant irréel, Rachel craque. Elle craque et menace, elle promet la mort aux monstres et Anastasiya croit lire la terreur dans leurs yeux. Instinctivement, comme poussée par une tendresse qu'elle n'aurait jamais cru ressentir à l'égard d'une sorcière ne partageant pas son statut, Ana boîte jusqu'à la jeune fille et pose une main sur son épaule. Les bêtes ne cillent pas, ne tentent pas de l'arrêter et regardent, regardent celle qui d'entre elles cherche à savoir si les mots de l'humaine sont une promesse ou un leurre. Mais Anastasiya sent. Elle voit les miasmes de la douleur et de la peur, elle aperçoit les élans de la terreur et cette détermination résignée qui l'habitait quelques secondes auparavant. C'est ce qui coûte d'un passé qui frappe et qui déchire. C'est ce qui arrache d'un monde où la douleur portait le nom de quotidien. Et Anastasiya, tout comme Rachel, a baptisé son existence dans les bras de l'horreur.

Et comme si toutes deux étaient ressorties marquées directement dans leurs âmes, Ana reconnaît celle qui lui ressemble un peu trop dans ses stigmates. Alors elle murmure. Et sa voix se veut caresse contre la souffrance qui macule l'esprit de Rachel.

« Ne les écoute pas, ce que tu penses est faux. »

Parce qu'elle sait, Ana. Elle sait les voix qui murmurent l'horreur, elle sait les accents de la terreur, elle sait les paroles assassines qui jamais ne quittent la mémoire et qui continuent de hurler « MONSTRE ! » ou d'autres mots qui puisent leur énergie dans le sang. Elle comprend, Ana. Elle revoit les cauchemars, les images, les souvenirs, elle L'entend Lui, l'homme qui a brisé un peu d'elle avant de l'emporter dans sa cellule et elle sait que tout cela ne lui sera jamais rendu. Elle comprend, comprend trop bien et se refuse à ce que les démons ne dévorent celle qui était prête à donner sa vie pour les sauver.

Et pendant cet instant, les araignées tranchent. Elles tranchent sur l'écho de la menace plutôt que sur celui du bluff et elles quittent les lieux, fatiguées et abimées par la lutte qu'elles ont mené pour les tuer. Les deux camps sont déchirés. La douleur se palpe chez les humains comme chez les araignées, mais une part un peu noire de l'âme d'Anastasiya se confronte à la culpabilité qu'elle sent poindre en son sein. Et tandis que ces deux bouts d'âme s'affrontent, l'araignée mère se défige et suit la route de ses filles. En voyant passer le mastondonte, Anastasiya comprend que tout est fini. Rachel se détache d'elle et court en direction de Maxime, au sol, dont la souffrance est palpable. Rachel se détache d'elle et Anastasiya, au milieu des restes du chaos ambiant, la trouve belle, presque auréolée de lumière dans ses gestes de bonté qu'elle grave à l'assaut du monde. C'est peut être à cet instant que tout se dessine. C'est peut être à cet instant que le cœur d'Anastasiya décide de considérer Rachel et son courage en égale.

Puis soudain, comme si le monde avait décidé pour elles de cesser leurs tourments, Rachel s'exclame en un cri le sésame espéré : la statuette, tombée sur le sol sous les assauts des pattes, ignorée par les regards terrifiés, apparue comme par magie, comme née du courage des quatre jeunes femmes. Comme si elles avaient prouvé leur appartenance à leur propre maison.

« S-si, c'est elle. »

Alors, Anastasiya s'approche et s'empare de la statuette comme on tiendrait en ses mains une relique. Alors, Anastasiya lève l'objet et le présente à ses camarades. Le lion n'a jamais semblé aussi féroce. Nul objet ne lui a jamais semblé aussi mérité.

« L-Les filles, c'est fini. »

Et comme si l'avenir n'était qu'une histoire tissée par les doigts de quelqu'un, alors les professeurs arrivent enfin.

La chance est avec nous. Nous avons trouvé les drapeaux relativement facilement malgré quelques erreurs de navigation dues de mauvais choix stratégiques mais je suis relativement contente de la tournure que prend le tournoi. Je suis avec Maxime, la meilleure amie du monde il faut bien lui concéder ce titre tellement elle est formidable, et deux warriors de Gryffondor, voilà pourquoi nous sommes la meilleure des maisons parce que nous sommes tout simplement sans foi ni loi sans peur ! Et puis même si nous n’avons eu le nez aussi futé que les autres maisons, nous ne sommes pas en reste et dignes d’être dans le quatuor de tête comment ça il n’y a que quatre maisons qui participent, chut faites semblant.

Ce n’est que peu de temps après et par peu de temps, je veux dire deux semaines IRL et oui Messieurs Dames, deux semaines de vacances sous le beau soleil espagnol et mes comparses n’en font qu’à leur tête et nous mettent dans la panade pas possible !, je perds rapidement mon sourire. Non pas que j’ai peur, faut dire que qui a peur d’acromentules géantes HEIN ? Et QUI a PEUR de LOUPS enragés ? (bon les loups, en vrai ça passe, j’ai Maxime avec moi, elle a pris le louveto en LV2, je suis rassurée). QUI a envie de tuer les Pouffys d’avoir faits leurs crevards en se barrant sans nous aider ? On voit bien la loyauté hein, la loyauté à personne dis donc, sympa les copains. Et QUI A PEUR d’une armée des méchantes bébêtes de tout à l’heure pas trop contentes qu’on ait enflammé leurs mômes ? Franchement qui ? Et bah dans le mille, pas moi, pas Maxime, pas Ana et ni Rachel. Parce que c’est ça le véritable courage ! C’est de s’en sortir SANS FORD ANGLIA parce que NOUS on est de véritables Gryffondor Mesdames et Messieurs et qu’on a pas un papa qui travaille aux services des détournements des objets moldus, qui adore ça et qui les trouve fascinants voyez-vous. Non moi mon père à moi il bosse dans l’agroalimentaire, quoi qu’il aurait pu me filer des tuyaux sur ce que mange une acromentule et un loup. Bon, mon père aurait pu me répondre qu’ils aiment la chair humaine et dans ce cas-là, j’avoue que j’aurais été bien dans la merde.

Enfin bon, tout ça pour dire que nous avons joué de malchance et que j’ai aimé ça mais maintenant que la statuette est enfin dans les mains d’Ana et que nous sommes en sécurité, les araignées repoussées, les professeurs arrivés, j’attrape la main de Maxime et me rapproche des filles. Un câlin général est obligatoire. Je serre les filles tellement fort que cela ravive nos blessures respectives mais la chaleur de cette étreinte me donne la force de rester digne. « Putain les filles. » Puis soudainement, je me détache du groupe et regarde d’un air dédaigneux les enseignants venus nous « sauver » après deux lancés de fusée de détresse. « Je pense que la sécurité de votre tournoi est à revoir. » Non, ce n’est pas comme si les filles et moi avons failli mourir plusieurs fois en quelques heures. Heureusement que mes coéquipières étaient badass et s’y connaissaient en sortilèges, des premières années se seraient faits manger tout crus. « FRANCHEMENT VOUS AVIEZ LA TÊTE OU ??? » Est-ce que je suis en train d’engueuler les profs ? Oui. Et sans aucune pression. J’ai 23 ans, ils ne me font pas peur, j’suis adulte, j’ai pas 11 ans. Ils sont fous eux. Tout ça pour quoi ? Pour une statuette ? Et pour qu’on soit DERNIÈRES EN PLUS ? Franchement…