Aucun mot ne pouvait décrire les sentiments d’Amber à cet instant. Ses yeux brillaient de colère tel un feu ardeur. À ce moment là, des pulsions insoupçonnées remontaient à la surface. Tout ce qu’elle avait tassé, tenté de cacher au fond de son âme, toutes ces années… Elle était en train d’exploser. Une noirceur émanait d’elle et elle était incapable de savoir jusqu’où cette haine allait la conduire.

Thorfinn avait dépassé les bornes. Il l’avait envoyé en mission avec le pire mangemort qu’elle connaisse : Phoebus Malefoy. Il l’avait envoyé scellé son destin à jamais. Il avait réveillé un démon qui sommeillait en elle et qui la terrifiait depuis son plus jeune âge. Jamais Amber n’avait voulu épouser cette part d’elle, trop imprévisible, trop sombre… Elle avait refoulé l’héritage familial qui voulait qu’elle devienne une mage noire. Elle s’était battue toutes ces années pour que ses efforts soient réduits à néant en une seule mission.

Elle se revoyait encore torturer ce moldu qui appartenait au Blood Circle, sous les ordres de Malefoy. Elle savait qu’elle avait le choix, mais si elle s’était dressée contre lui, il aurait pu la tuer d’un simple mouvement de baguette. Il aurait pu faire croire à un accident sans la moindre difficulté. Alors Amber avait fait ce qu’il fallait pour se protéger, pour survivre. Elle avait utilisé un sortilège impardonnable.

Sa main en tremblait encore et elle n’avait aucune idée de ce que l’avenir lui réservait. Elle n’avait plus envie de toucher à une baguette magique de sa vie. De l’autre côté, elle était aussi dans l’incompréhension. Le Doloris ne marchait que par la volonté du lanceur de sort. Cela signifiait-il qu’une partie d’elle attendait de pouvoir torturer cet ennemi ? Une partie d’elle avait-elle tiré du plaisir de cette expérience ?

Amber était incapable de penser clairement. Tout son être ne répondait que par une chose : trouver Thorfinn. Elle n’avait plus dit un mot jusqu’au moment où elle était arrivée chez elle. Margaret n’était pas là. C’était parfait.

D’un pas vif et précipité, elle fonça en direction du bureau de son père et défonça littéralement la porte. Elle allait lui faire payer cette décision. Comment avait-il osé précipiter sa formation de cette manière ? Comment avait-il osé l’envoyer en mission avec cette ordure ?

— Tiens, Am…
— Ferme-là !

La sorcière attrapa ce qu’elle avait sous la main, à savoir un livre assez épais, et l’envoya valser en direction de son père.

— Comment oses-tu ? Impérium !

Son père se redressa vivement et tapa du poing contre son bureau. Amber laissa le sortilège impardonnable la foudroyer, mais rien ne se produisit. Un sourire sournois se dessina sur ses lèvres et elle avança en direction de Thorfinn.

— Ça ne marche plus avec moi. Quel dommage ! Tu vas devoir trouver un autre moyen de dominer ta fille.

À cet instant, Amber n’était plus maître de ses mouvements. Elle avait l’impression d’être possédée et de ne rien pouvoir contrôler. Elle se contenta de plaquer violemment son père contre la bibliothèque. Son avant-bras comprimait sa gorge et l’empêchait de respirer correctement. Elle ne comptait pas le tuer, simplement lui faire comprendre que tout ce manège ne fonctionnait pas avec elle.

— Maintenant, tu vas m’écouter ! Tu m’oublies. Tu ne m’envoies plus en mission avec tes collègues. Tu ne m’invites plus à tes sinistres dîners et tu cesses ma formation pour devenir mangemort.

Un rictus déforma le visage de Thorfinn et il finit par rire sournoisement. La seule réaction d’Amber fut de resserrer un peu plus la pression autour de sa gorge.

— Et pourquoi je ferais ça ?
— Parce que la réputation des Towsen est importante pour toi et que je ne me gênerai pas pour la ruiner si tu n’accèdes pas à ma demande.

Le ton piquant de sa jeune fille ne sembla pas faire réagir Thorfinn. Au contraire, il se contenta de relever sa baguette dans sa direction et de murmurer une formule qu’elle ne comprit pas immédiatement. Amber comprit qu’il venait de lancer un Doloris au moment où elle tomba à genoux au sol et qu’elle fut incapable de contenir un hurlement de douleur.

— Être torturée jusqu’à perdre la parole et l’esprit ou bien te faire subir un Oubliette pour ton ingratitude… J’hésite encore.
— Encore une preu...ve de ta… lâcheté, cracha-t-elle entre deux gémissements de douleur.

Sous le coup de l’agacement, Thorfinn doubla l’intensité de son sortilège et un nouveau hurlement quitta les lèvres de la jeune femme. Amber ne parvenait même pas à lancer le moindre sortilège tant la douleur était intense. Elle n’avait aucune idée de comment se sortir de cette situation.

Amber ne parvenait plus à réfléchir correctement. La sentence de son père durait depuis plusieurs minutes déjà et elle ne pouvait faire le moindre mouvement pour l’attaquer. Elle se sentait faible et se disait qu’elle aurait dû l’étrangler un peu plus fort, jusqu’à lui faire perdre connaissance. Les effets du Doloris étaient terribles. Elle avait l’impression que chaque partie de sa colonne vertébrale se brisait en mille morceaux, qu’elle serait plus jamais capable de remarcher. Ses jambes souffraient d’atroces crampes, les pires qu’elle ait subies, et ses yeux commençaient à être injectés de sang.

— A… Ret…

La jeune femme ne pouvait prononcer le moindre mot et son père s’en délectait. Elle était encore bien trop faible, bien trop fragile. Elle n’était pas faite pour ce monde difficile et n’avait aucune envie de supplier son père de l’épargner. Elle ignorait à cet instant si son égo allait la conduire tout droit vers la mort, mais elle préférait mille fois partir la tête haute que de se soumettre aux volontés de Thorfinn.

Elle était trop jeune… Elle n’avait pas vécu la moitié de sa vie. Elle avait encore tant de choses à réaliser, à vivre, à expérimenter… Amber avait commencé à s’ouvrir au monde, à se faire des amis, à explorer son corps… Elle découvrait les joies de l’existence à la vingtaine et elle ne voulait pas que son père la prive de tout ça, en lui faisant oublier qui elle est, en la faisant se soumettre ou à la tuant de sa propre baguette. La jeune femme était terrifiée et ne comprit pas tellement ce qu’il se passait autour d’elle.

Sa vision était trouble et elle vit simplement Thorfinn tomber au sol et se faire écraser par l’immense bibliothèque du bureau. Même s’il ne lui faisait plus subir les effets du Doloris, elle avait encore mal. Amber était à bout de force et ne parvenait pas à se redresser. Elle ne pouvait se remettre sur pied. Elle parvint simplement à se redresser à l’aide de ses bras, tremblant comme des feuilles au milieu d’une tempête.

Les effets du Doloris étaient différents de ceux subis avec William. Il avait toujours fait en sorte de monter petit à petit les échelons, mais si elle avait su, elle lui aurait demandé de l’entraîner à une plus forte intensité. Elle n’était pas prête à faire face à son père et, au moment de leur rencontre, elle avait été incapable de lancer le moindre sortilège. La torture de ce moldu l’avait profondément marquée…

Ses yeux émeraude et fatigués se posèrent sur son frère qui venait de faire irruption dans la pièce. Que venait-il de dire ? Ses sourcils se froncèrent et elle ne parvenait pas à comprendre le moindre mot. Et pourquoi avait-elle aussi mal à la tête ? Un gémissement de douleur quitta ses lèvres et elle posa sa main sur son front. Amber ne parvenait plus à se reconnecter avec la réalité. Elle ne réussissait pas à comprendre ce qu’on lui racontait, ni même à s’exprimer. Elle n’avait même pas été fichue de lancer un sortilège contre Thorfinn.

Silencieuse, elle laissa des petites perles salées briller dans son regard. Elle était terrifiée par la suite, par le moment où leur père se réveillerait et leur ferait payer leur ingratitude. Il allait rentrer dans une colère noire… Amber rentra dans mille-et-une suppositions avant de déposer son regard sur le corps de son père. Du sang ruisselait le long de plancher dans une quantité anormale. La jeune femme n’était pas une experte, mais elle était sûre et certaine que personne ne pouvait survivre en ayant perdu autant de ce liquide rouge.

Un élan de panique la saisit et son cœur se comprima douloureusement dans sa poitrine. Toujours incapable de prononcer le moindre mot, elle attrapa le bout de la manche de son frère pour attirer son attention. Amber avait peut-être peur de son père vivant, mais mort, elle n’était pas certaine de pouvoir affronter la situation. Cette réalité semblait bien plus difficile que la première qu’elle avait envisagée.la douleur était intense. Elle n’avait aucune idée de comment se sortir de cette situation.

Amber tremblait encore comme une feuille. Elle ne parvenait pas à oublier les sensations du Doloris qu’elle avait subi par son père. La douleur était intenable et elle n’arrivait pas à croire qu’elle avait fait connaître la même chose à ce moldu, un peu plus tôt. L’été dernier, Thorfinn l’avait contrainte à torturer un lièvre, mais ce n’était pas la même chose qu’un humain. Elle n’avait pas à entendre les supplications de cet animal. Peut-être quelque part l’avait-elle mérité ? Peut-être était-ce un simple retour de karma pour avoir fait du mal à un individu ? Après tout, elle aurait pu se dresser contre Phoebus. Elle aurait pu lui montrer son désaccord. Mais elle avait eu peur. Peur des représailles, peur des conséquences de ses idéologies. Elle ne rentrait pas dans les cases que ses parents avaient soigneusement défini pour elle et elle savait que ce serait difficile et douloureux d’en échapper.

Jamais elle n’aurait pu imaginer que sa première grande rébellion donnerait lieu à un Doloris. Jamais elle n’aurait pu deviner l’atrocité de ce qui les attendait. Parce que oui, elle avait entraîné Tobias dans sa chute. Les relations avec son frère commençaient tout juste à s’apaiser et la voilà en train de tout gâcher, en le forçant à se dresser lui aussi contre leur père.

Amber ne pourrait se pardonner la suite des événements. Tobias avait tué leur père à cause d’elle. Si elle était rentrée sagement et si elle était restée silencieuse, jamais il aurait été obligé de tuer Thorfinn. Lorsque son aîné se leva pour aller prendre le pouls de leur victime, elle pria de toutes ses forces pour qu’il soit encore en vie.

Mort… Il était mort. Oh bordel… Un douloureux nœud se forma dans sa poitrine, à l’instar de ce que Thorfinn lui avait fait subir un peu plus tôt. Mais cette fois-ci, aucun sort ne lui provoquait cette souffrance. Elle commençait à paniquer et ne parvenait plus à réfléchir correctement, elle qui était pourtant dans la maison des érudits. Elle se laissa envahir par la terreur, par l’effroi… Elle fut incapable de dire quoi que ce soit.

Tobias semblait totalement désemparé et elle ne voulait pas le laisser tomber. Elle n’avait pas le droit d’être faible à cet instant. Toute tremblotante, elle réunit ce qu’il lui restait d’énergie pour rejoindre son frère et le prit dans ses bras. Peut-être allait-il la repousser ? Après tout, il avait lancé ce sortilège par sa faute…

— C’est plutôt moi qui suis désolée. Je m’en veux de t’avoir obligé à prendre ma défense. Ce… C’est de ma faute.

Ses paroles étaient prononcées dans un murmure faible et presque inaudible. Même si Amber était à peine consciente, elle savait qu’ils allaient devoir inventer un mensonge sur la mort de leur père. Elle ne voulait pas que Tobias finisse à Azkaban. La légitime défense passerait peut-être, mais elle ne savait pas si le Ministère de la Magie avait des juges mangemorts. Ils n’auraient pas une justice équitable s’ils étaient jugés par des amis à leur père. Que pouvaient-ils faire ?

— J’étais en mission avec Monsieur Malefoy. Mais je ne suis pas certaine que ce soit un bon alibi de dire que je l’ai trouvé comme ça en revenant. Phoebus ne prendra jamais ma défense…

Au contraire, ce sadique trouverait un moyen de tous les deux les enfoncer. Sa dernière escapade chez les Towsen avait été plutôt virulente. Amber n’avait aucune confiance en lui. Elle ne voulait pas prendre le risque de l’avoir comme alibi. Ils allaient devoir trouver autre chose…

— Tobias, qu’allons-nous faire ?

Amber cessa son étreinte et releva ses yeux émeraude en direction de ceux de son frère. Elle n’avait aucune idée de la meilleure manière de résoudre cette affaire et elle n’arrivait même plus à réfléchir correctement. Peut-être que sa conscience reviendrait dans les prochaines minutes, mais à cet instant elle discernait à peine ce qui pouvait se passer autour d’elle.

Comment la situation avait pu prendre un tel virage ? Amber était un peu plus nerveuse à chaque seconde qui s’écoulait. Elle ne parvenait pas à mettre des mots sur les sentiments qu’elle ressentait au fond d’elle. Elle était terrifiée par ce qu’elle pouvait ressentir. Ce n’était ni de la culpabilité, ni du ressentiment… Elle ne parvenait pas à comprendre ce qui l’animait à cet instant. Quelque part, elle était persuadée que Thorfinn l’avait mérité, mais quand même… Il ne méritait pas de mourir. Pas de la main de son frère qui s’en voudrait éternellement.

Amber n’avait jamais considéré Thorfinn comme son père. Il ne lui avait jamais donné l’impression d’appartenir à une famille. Elle avait toujours eu la sensation d’être l’enfant non-désiré, la fille qui déçoit ses parents, le bouc-émissaire lors de leur mauvaise humeur. Elle ne s’était jamais senti aimée, choyée, câlinée, ni même appréciée. La jeune Serdaigle avait l’impression d’être une prisonnière des Towsen, que son appartenance allait ailleurs, tout comme son allégeance. Elle n’avait jamais apprécié le fait que son père lui impose de rejoindre les mangemorts. L’Augurey n’avait pas son adoration et ne l’avait jamais eu. Rien ne valait plus cher à ses yeux que l’adoration qu’elle avait envers le courage des membres de l’Ordre du Phénix. Toutefois, elle se devait bien de faire une croix sur ce rêve irréalisable. Tout d’abord, les mangemorts ne lui permettraient pas de quitter aussi facilement leurs rangs. Même si elle n’avait fait aucune initiation, elle en savait beaucoup trop. D’autre part, elle ne voulait pas mettre sa vie en danger. Elle tenait à vivre encore mille et une expériences inédites et ne pourrait le faire qu’en étant en vie. Enfin, il y avait son frère. Tobias lui était cher à son coeur. Même si leur relation était parfois étrange, elle ne mettrait jamais sa vie en danger. Jamais pour ses idéologies et ses passions secrètes. Elle préférait tout garder au fond d’elle et ravaler sa fierté.

Pourtant, ce jour-là, le jour du meurtre de leur père sonnait comme une libération chez Amber. Elle avait l’impression qu’un champ des possibles s’ouvrait à elle, une vie qu’elle n’aurait jamais pu espérer connaître par le passé. La jeune sorcière s’en voulait, évidemment. Elle ne devait pas ressentir pareil sentiment. L’homme qui lui avait donné la vie était mort dans d’effroyables circonstances. Les pensées s’emmêlaient dans sa tête et elle ne parvenait plus à savoir comment agir, comment penser… Amber ne revint à la réalité qu’au moment où son grand frère lança un Patronus.

— Que… Qu’est-ce que tu as fait ? Personne ne doit savoir ou ce sera le début de notre fin.

Amber prit les deux épaules de son frère et le secoua, comme si cela allait le faire réagir. Toutefois, elle se ravisa bien rapidement, en sentant les crampes arriver dans ses bras. Elle se recula légèrement et posa une main sur son épaule, incapable de contenir une grimace de douleur. À cet instant, elle entendit à peine le bruit de transplanage dans le hall d’entrée. Il ne fallut que quelques secondes pour que la meilleure amie de son frère arrive dans le bureau de Thorfinn. Si elle avait imaginé la rencontrer dans de telles circonstances… Jamais !

— Je…

Elle ne finit pas sa phrase et se contente de hocher négativement la tête, lorsque Lexi lui demanda si elle avait mal. Elle n’avait pas envie de pleurnicher alors que son frère était encore sonné par ce qu’il venait de faire. Il fallait dire que la suite des événements ne l’aida pas à aller en ce sens. En voyant la seringue qu’elle sortit de sa mallette, Amber eut un mouvement de recul et son regard émeraude et paniqué bascula entre Tobias et Lexi. La dernière fois qu’elle avait croisé le chemin d’une aiguille, c’était pendant les vacances d’Halloween. Le Blood Circle l’avait enlevé et lui avait prélevé son sang de force. Depuis, elle avait évité tout contact avec des seringues.

Finalement, elle se ravisa et releva sa manche pour aider Lexi. Elle n’allait pas leur faire de mal… N’est-ce pas ? Amber avait peur de la suite des événements. Un secret était déjà difficile à garder, mais plus les personnes étaient dans la confidence, plus le risque de laisser échapper une information compromettante grandissait. Silencieusement, elle détourna le regard et observa la bibliothèque pendant que l’amie de son frère inséra l’aiguille dans sa peau. La Serdaigle ne ressentit rien du tout… Pas étonnant. Son corps entier avait atteint un seuil de douleur immense. Une simple piqûre n’avait plus grand effet sur elle.

Amber ne savait plus trop quoi faire maintenant que Lexi était dans la confidence, mais elle reprenait peu à peu ses esprits et parvenait enfin à réfléchir correctement. Les bribes de conversation entre elle et son frère ne tardèrent pas à arriver à ses oreilles. Plus proprement ? De quoi parlait-elle ?

— Tobias ?

Les pièces du puzzle se rassemblèrent peu à peu et elle fit le lien entre la haine que semblait ressentir Tobias envers leur père, les paroles de Lexi et le fait qu’il avait été dévisagé quelques mois plus tôt.

— Thorfinn ne s’était pas fait attaquer en mission, il y a quelques mois. C’était toi, n’est-ce pas ?

La jeune sorcière se releva brusquement de sa chaise et prit un air déterminé face à ses deux interlocuteurs. Il était hors de question qu’elle les laisse faire ça tout seuls.

— Je viens vous aider.

Amber essaya de ne pas grimacer et ne pas laisser ses jambes trembler comme une feuille. Elle était terriblement fatiguée, mais elle ne voulait pas laisser Tobias subir ce traumatisme seul. Elle allait les aider à cacher le cadavre… Qu’allait-il faire d’ailleurs ? Par Merlin ! Cette situation dépassait tout entendement. Elle n’avait jamais appris à se sortir d’un meurtre pendant ses cours. Ce n’était d’ailleurs même pas l’objet de sa filière, la Protection Magique… Elle ne serait peut-être pas d'une grande utilité, finalement.

Amber avait mal et ce n’était pas que physiquement. Elle souffrait de ce qu’il venait de faire et elle le ressentait à l’intérieur de sa poitrine. Elle avait l’impression de suffoquer et que chaque inspiration était plus difficile que la précédente. Ils venaient de tuer leur père… Il avait beau être un sacré connard, ils ne voulaient pas en arriver là. Amber avait toujours voulu se défaire de ses chaînes, mais pas de cette façon. Elle voulait qu’il voit qu’elle se débrouillait très bien sans lui. Elle voulait qu’il souffre toute sa vie d’avoir perdu sa fille et que la vie lui serve de leçon. Mais cela n’était plus possible désormais… Il était parti et la suite de cette aventure n’allait pas être de tout repos. Ce n’était que le début et ils n’avaient peut-être pas la force mentale d’annoncer la suite.

— C’est toujours plus tard avec toi, Tobias, mais tu ne me confies jamais rien.

La jeune sorcière lui parla sèchement, même si la panique reprenait le dessus de temps à autre. Son frère ne lui confiait jamais rien et elle ne voulait pas être préservée comme une enfant. Elle était grande maintenant et elle était capable de se prendre en main. Elle n’avait pas besoin de fermer les yeux devant chaque atrocité qui rythmait sa vie. Elle en avait déjà vu énormément avec le Blood Circle et son enlèvement en octobre dernier. Amber n’allait pas remonter tranquillement dans sa chambre et faire comme s’il ne s’était rien passé.

— Hors de question que je prenne ta potion, Alexis. On ne se connaît pas, mais je ne suis pas une enfant. Je peux vous aider à gérer ça et, de toute manière, je ne vous laisse pas le choix.

Amber était déterminée, même si elle se sentait exténuée. Il n’était pas question qu’elle ferme les yeux et ses deux interlocuteurs allaient devoir lui passer sur le corps s’ils espéraient qu’elle n’agisse pas.

— Pour la comédie, aucun soucis. C’est ce que j’ai fait toute ma vie.

Si l’étudiante était notée sur sa capacité à mentir, elle aurait eu un Effort Exceptionnel à Poudlard. Elle avait toujours caché plein de choses à sa famille : ses amis moldus, ses sorties dans leur ville, son envie de rejoindre l’Ordre du Phénix, son dégoût pour les mangemorts et la magie noire. Elle était devenue très douée pour ce jeu là.

— Je propose de t’aider à emmener le corps de notre père, pendant que Tobias remet tout en ordre avant le retour de notre mère.

Son frère en avait suffisamment fait pour la protéger. Il était autant en état de choc qu’elle, voire même plus. Il avait tué Thorfinn sans le vouloir. Il n’allait pas, en plus de ça, cacher son corps. Sa jeune sœur était déterminée à aider sa meilleure amie à le faire. Sans oublier qu’il y avait énormément de travail à faire dans ce bureau : remettre l’étagère en place, nettoyer la flaque de sang au sol, enlever la trace des débats d’Amber lors du Doloris...

— Je fais comment pour les traces sur mon corps ? J’étais en mission avec Phoebus juste avant. Il sait que je n’avais presque aucune égratignure lorsque je suis rentrée.

Sa mission avec Phoebus… Un frisson lui parcourut l’échine alors qu’elle se rappela avoir torturé ce moldu avec sa propre baguette magique. Le sortilège avait fonctionné sans la moindre difficulté. Cela voulait-elle dire qu’elle voulait le faire souffrir au fond d’elle ? Elle ne savait plus rien, mais se sentit soudainement bouleversée. Les meurtres et la torture devenaient une habitude pour elle depuis le début de l’année… Était-elle maudite ou se transformait-elle comme son père ? À cette pensée, elle se sentit nauséeuse et à deux doigts de faire un malaise.

En l’espace de quelques mois, elle avait tué un membre du Blood Circle, torturé un moldu et avait failli tuer son propre père avant de subir son Doloris… Amber commençait à ne plus savoir qui elle était au fond d’elle-même. Jamais elle aurait agi d’une telle manière, l’année précédente. Elle se transformait, elle changeait en une personne qu’elle ne voulait pas être. Malgré tout, elle ne ressentait aucun chagrin à ce qu’elle faisait subir à ces moldus et c’était bien ce qui la terrorisait le plus. La jeune sœur en avait parlé à Tobias, quelques mois plus tôt. Il était au courant des tourments qui l’assaillaient. Voilà que deux nouveaux événements venaient se rajouter à cette liste…

Amber prenait peu à peu conscience de la réalité et cela ne lui plaisait pas. Elle était devenue pâle, était à deux doigts de tourner de l’œil et de rejeter son déjeuner. Mais sa force et sa détermination étaient aussi grandes. Elle ne voulait pas abandonner Alexis et son frère dans cette tâche ingrate. Elle ne voulait plus être préservée de tout.