Dans l'antre de l'ennemi

Soledad ☽ ☾ Aidan ☽ ☾ Dimka ☽ ☾ Olivia

Quand, quelques jours plus tôt, Aidan Fleming était venu voir Soledad, des questions plein la bouche, leur conversation avait laissé une impression étrange à la mexicaine. Le bracelet, l’étudiant n’avait eu que ce mot à la bouche et rapidement son insistance l’avait mise mal à l’aise. Il fallait dire que ce sujet de conversation particulier n’était pas vraiment pour lui plaire. Parler du bracelet du Blood Circle c’était se rappeler les temps sombres qu’elle avait passé pendant les trois semaines où elle l’avait eu au poignet. Coupée de sa magie, mais surtout de son don, ça avait été une épreuve terriblement pour dure pour la sorcière dont la voyance faisait partie intégrante de son identité. Mais même si la conversation n’avait pas été pour la mettre à l’aise, elle s’était efforcée de répondre aux questions du jeune homme. Et le moins que l’on puisse dire, c’était qu’il n’en manquait pas. Ce qu’elle avait ressenti, ce qu’il se passait lorsqu’elle tentait d’utiliser son don, ce qu’il s’était passé lorsqu’elles avaient fait des expériences avec Maggie et Myrna. C’était simple, il voulait tout savoir et rebondissait sur absolument toutes ses paroles. Ça n’avait pas manqué de mettre la puce à l’oreille de Soledad, jusqu’à présent les seules personnes qui s’étaient autant intéressées à l’effet du bracelet sur son troisième œil était ses amis. Alors qu’un étudiant lambda, à qui elle n’avait jamais parlé jusqu’à présent, vienne l’interroger, ça n’avait pas manquer de l’interpeller. Surtout que la plupart du temps, les autres membres de l’Ordre ne portaient pas grand intérêt à son don, enfin quand ils ne se contentaient pas d’en nier purement et simplement l’existence.

Pendant les jours qui avaient suivis, cette conversation n’avait pas cessé de tourner dans l’esprit de Soledad. Ce Aidan, elle ne le connaissait pas, elle savait que sa mère était également dans l’Ordre, elle lui avait même brièvement parlé quelque fois, mais ça s’arrêtait là. Pourtant elle sentait que quelque chose clochait. Son insistance ne pouvait pas être innocente. Ses questions avaient été trop précises, trop avides. Comme si obtenir des réponses avait été vital à ses yeux. Sauf que des réponses, la mexicaine n’avait pas eu beaucoup à lui en fournir, elle devait bien l’avouer. Et c’était bien ça qui la rendait si nerveuse, si elle n’avait pas pu lui donner ce qu’il voulait, alors nul doute qu’il allait se tourner vers une autre source. Et lorsque cela concernait le Blood Circle, ça ne pouvait qu’être un mauvais présage. Alors un jour qu’elle se trouvait seule dans une pièce de l’Ordre du Phenix pour travailler sur un dossier, elle décida de suivre son instinct. Celui-ci ne l’avait jamais trompé. Ce sentiment étrange au creux de l’estomac, elle alla chercher son tarot dans son sac. Après un instant de concentration, elle dirigea toutes ses pensées et tous ses doutes vers Aidan avant de tirer ses cartes. Il lui fallut quelques instants de plus pour déchiffrer le message que son tarot avait à lui apporter, et quand ce fut fait, elle eut plus l’impression de recevoir un uppercut qu’une simple réponse. L’étudiant était en danger, dans un futur proche, terriblement proche. Les cartes étaient formelles. Elle y avait lu une mission dont il ne se détournerait pas, mais également la présence d’un ennemi en nombre. Peu importe ce qu’il cherchait à faire, il n’allait peut-être pas s’en sortir. En fait, il y avait même de grandes chances qu’il ne s’en sorte pas. Consciente qu’elle jouait contre la montre, Soledad fit venir à elle son pendule et une carte de la ville. Elle se concentra sur l’étudiant et les minutes à venir. De nouveau son cœur s’arrêta quand la pointe du pendule se stoppa sur un point précis de la carte. Le quartier général du Blood Circle.

Aussitôt, la mexicaine su qu’elle n’avait pas un seul instant à perdre. Mais que faire ? Le quartier général de l’Ordre était quasi vide et elle savait qu’elle allait perdre un temps fou à tenter de convaincre d’autres membres de venir avec elle. Une mission imprévue pour sauver un étudiant qui s’était aventuré dans l’antre de l’ennemi pour on-ne-sait-quelle raison ? Qu’elle aurait vu grâce à son troisième œil ? Personne n’allait la prendre au sérieux, Ludivine, Théo et Toni n’étaient pas disponibles et elle n’avait pas de temps à perdre. L’adrénaline qui pulsait dans ses veines l’aida à prendre sa décision. Sans plus réfléchir, elle alla chercher le dossier de la dernière mission qui avait eu lieu dans le quartier général des moldus, elle avait assisté au compte rendu et elle savait que des plans avaient pu être faits. Elle en profita pour récupérer un masque à gaz que certains sorciers avaient pris l’habitude de porter quand ils partaient en mission en terrain ennemi, elle devait absolument rester anonyme pour les moldus. Ceci fait, elle n’attendit pas une seconde de plus et se précipita en dehors du bâtiment pour transplaner au plus près du siège du Blood Circle. Là, elle marqua tout de même un temps d’arrêt pour examiner le plan qu’elle avait récupérer, elle devait rentrer et ressortir au plus vite avec l’étudiant. Son but était d’utiliser le transplanage un maximum pour éviter de croiser des membres de la faction ennemie. Elle ne devait pas avoir à se battre, elle savait qu’elle n’était pas prête pour ça, et surtout elle s’attendait à ce que les moldus soient bien plus nombreux. Pour cela elle avait besoin de connaitre le plus possible les lieux, heureusement des photos étaient fournies avec le plan la magie du rp. Alors qu’elle s’efforçait de mémoriser la configuration des lieux, ses yeux tombèrent sur un point entouré de rouge. En dessous se trouvait le mot « bracelet », souligné deux fois. Par Merlin ça faisait sens maintenant, c’était ça que le jeune sorcier était venu chercher ! Avec toutes les questions qu’il lui avait posées il ne pouvait s’agir que de ça.

La crainte vint s’ajouter à l’adrénaline. Soledad revit le bracelet se refermer sur son poignet et elle ne put s’empêcher de frissonner. Avec ça à son bras, elle avait vécu un cauchemar et aujourd’hui elle s’apprêtait à prendre le risque que cela recommence -ou pire- pour un étudiant assez stupide pour se lancer dans une mission suicide. Un instant la peur la paralysa et elle sentit que si elle s’écoutait elle ferait demi-tour pour ne pas avoir à revivre ce qu’elle avait vécu avant l’été. Et pourtant, elle n’avait pas vraiment le choix, elle le savait. Elle était la seule au courant du danger que l’étudiant courait ? Le savait-il lui-même ? Elle espérait que c’était le cas parce qu’elle ne voulait pas prendre de risques inutiles pour un inconscient qui s’amusait à se jeter dans la gueule du loup. Non, elle ne pouvait pas reculer, sa décision était prise. Elle inspira profondément, enfila son masque et fourra le plan dans sa poche avant de transplaner près de la porte que l’étudiant avait sûrement empruntée. Une fois proche du bâtiment, elle réalisa qu’une alarme hurlait à l’intérieur. Mince ! Elle arrivait trop tard, ou du moins trop tard pour pouvoir espérer faire sortir Aidan discrètement de là. Elle retint un juron espagnol et se glissa à l’intérieur. Le seul avantage, c’était qu’avec le boucan de l’alarme elle n’avait pas besoin de faire attention à se montrer silencieuse. L’inconvénient c’était que tous les moldus étaient certainement sur leurs gardes et armés jusqu’aux dents. Alors la mexicaine s’en tint à son plan, se faufilant dans les couloirs quand elle n’avait pas le choix et transplanant à chaque fois qu’elle le pouvait pour s’approcher de la pièce où elle pensait trouver le jeune sorcier.

Elle s’arrêta néanmoins dans son parcours en entendant des éclats de voix. Sans attendre elle se colla au mur et s’approcha le plus discrètement possible, priant pour que personne n’arrive dans son dos. « Ils ont pris ce couloir ! Miller, prenez cinq hommes et faites le tour. On va les coincer. » Il y eut un bref moment de silence, sûrement le temps pour Miller de choisir ses hommes. « Autorisation de tirer à vue. » Le souffle de Soledad se fit plus court. Aidan n’était pas loin, mais c’était également le cas de l’ennemi, et clairement il n’avait pas l’intention de laisser l’étudiant s’en aller tranquillement. D’autant plus que de ce qu’elle avait entendu, le sorcier avait embarqué quelqu’un avec lui. Sans attendre, la voyante se concentra sur un autre couloir, un peu plus proche, et y transplana. Personne. Mais elle crut entendre par-dessus le vacarme de l’alarme une exclamation dans une langue qu’elle ne connaissait pas. N’était-ce pas du russe ? Il lui semblait qu’Aidan venait de là. Elle se dirigea vers la voix, baguette sortie, prête à transplaner de nouveau si elle se retrouvait face à un moldu. Finalement, au détour d’un couloir elle aperçut deux étudiants qui courraient en ouvrant des portes. Aidan et un brun qu’elle ne connaissait pas. Apparemment ils n’avaient pas lâché leur idée de récupérer des bracelets. Comme si c’était le moment avec une patrouille surarmée qui leur courrait derrière. Soledad se précipita à leur rencontre, soulevant son masque pour qu’Aidan puisse la reconnaitre. « Pas un mot. » Leur souffla-t-elle d’une voix empressée et vibrante d’adrénaline. Quelque part derrière elle, des bruits de pas commençaient à se faire entendre. Miller et son équipe ne devaient plus être bien loin. D’autorité, elle posa une main sur l’épaule de chaque brun. « Vous transplanez avec moi. La ruelle derrière Ollivander. Maintenant » Leur ordonna-t-elle d’une voix qui ne souffrait pas de réplique, elle n’était de toute façon pas là pour négocier. Lorsqu’elle releva le regard, la patrouille arrivait à l’angle du couloir. Elle eut juste le temps de les voir lever leurs armes mais il était trop tard. Une demi-seconde plus tard, elle avait transplané avec les deux sorciers.

L’instant d’après, ils réapparaissaient dans la ruelle que Soledad avait indiquée, juste derrière la boutique l’Ollivander. Le silence qui leur tomba dessus après avoir évolué au son de l’alarme lui donna une brève impression de vertige. Ou peut-être était-ce dû au transplanage d’urgence qu’elle venait d’effectuer ou à la peur qui lui broyait toujours l’estomac. Elle se débarrassa de son masque et prit une seconde pour retrouver ses esprits avant de relever les yeux vers les sorciers. « Vous êtes blessés ? » Leur demanda-t-elle en les observant avec attention.  Ils avaient l’air un peu secoués, un peu décoiffés, mais pas blessés. Du moins rien qu’elle ne pouvait voir. Le soulagement envahi la mexicaine, elle n’était pas arrivée trop tard. Pour un peu elle en aurait pleuré de soulagement. Sauf que ce fut plutôt un autre sentiment qui vint se mêler à sa crainte : la colère. « Non mais qu’est-ce qu’il vous a pris de faire ça ?! Débouler à deux dans le QG du Blood Circle comme si c’était un club de vacances, qu’est-ce qu’il vous est passé par la tête ?! » S’écria-t-elle, ses prunelles passant de l’un à l’autre en lançant des éclairs. L’énormité de ce qu’elle venait de faire lui tombait dessus et franchement, ça lui faisait peur. Elle n’était pas une combattante, et eux non plus. Pourtant à cause de leurs bêtises ils avaient tous pris des risques insensés. Aidan n’était pourtant pas idiot, lui et son ami avaient passé l’âge de se jeter aux pieds de l’ennemis sans réfléchir. Ils savaient qu’il y avait une guerre en cours, des armes, du sang et des morts. Et pourtant ils avaient foncé droit dans le mur. « Pourquoi vous n’avez pas transplané ? Vous cherchiez quoi ?! A vous faire tuer ? » Tant d’inconscience rendait Soledad malade. Ils auraient pu se faire capturer ou tuer, et elle aussi en allant les chercher. C’était d’ailleurs ce que son tarot lui avait annoncé avant qu’elle n’intervienne. Se rendaient-ils seulement compte de ce à quoi ils avaient échappé ? Que ça n’avait été qu’une question de secondes ?

Soledad secoua la tête, dépitée. « Je vous raccompagne à Poudlard. » Décréta-t-elle. Elle savait qu’Aidan était encore étudiant et c’était sûrement encore le cas de son camarade. Un instant elle songea qu’ils pourraient avoir de graves ennuis si la direction de l’école apprenait ce qu’ils avaient fait mais elle n’était pas assez mesquine pour faire ça. Ni pour aller cafter à la mère d’Aidan, même si elle aurait eu le droit de savoir dans quel traquenard s’était fourré son fils. Elle leva une main en voyant qu’ils s’apprêtaient à protester. Ils étaient blessés dans leur égo ? Tant pis pour eux, ils n’auraient pas eu à se faire rabrouer de la sorte s’ils avaient réfléchi en adultes depuis le début. « Pas la peine de râler que vous êtes grands, vous en avez assez fait comme ça. J’espère au moins que vous avez pu récupérer ce que vous étiez venu chercher. » Et sans leur laisser le temps de protester, elle posa de nouveau ses mains sur leurs épaules et transplana jusqu’aux grilles de l’école de magie.