Rose a eu la chance de naître métamorphomage dans une famille aimante, sans discorde, qui lui offrit une éducation plus que satisfaisante. Son grand-père paternel possédait lui aussi ce don hors du commun et il se chargea de lui apprendre à le maîtriser correctement. Tout commença par le jeu, avec des manipulations simples et amusantes :  il tentait de la faire rire et elle essayait de l'imiter, comme lorsqu'on apprend à un enfant à faire des grimaces, à cligner d'un œil ou siffler. Apprendre à contrôler son corps, ni plus ni moins. Au fil du temps, le jeu devient moins amusant, c'était plus proche d'un entrainement. Là encore c'était apprendre à un enfant à gérer ses frustrations, ses colères ou ses peurs, et les répercutions que ces sentiments pouvaient avoir sur le corps. Chez les métamorphomages, il pouvait arriver que leur apparence change sous le coup d'émotions trop puissantes. Il était donc vivement déconseillé de vivre auprès des moldus si l'on ne parvenait pas à contrôler cela. C'était donc dans ce but que son grand-père, sage et aimant, souhaitait la préparer à la vie extérieure et communautaire.
Lorsqu'elle rentra à Poudlard, elle était prête. Bien sûr la jeune Serdaigle perdit parfois son contrôle, mais cela restait suffisamment rare pour être anecdotique. Les moments où cela arrivait cependant, ses cheveux prenaient des nuances rouges et violettes et ses yeux se coloraient eux aussi dans des teintes vives, très loin d'être naturelles. Rien qui ne pouvait passer inaperçu, dès lors que l'on connaissait son apparence habituelle. Le reste du temps elle se servait de ses talents pour amuser ses amis, heureuse de pouvoir alléger leur cœur entre deux moments démotivants.

Volontaire et intéressée, elle devint très vite une excellente élève. Habituée depuis toute jeune à apprendre, à prendre plaisir à toujours contrôler davantage et son corps et sa magie, tout son apprentissage à Poudlard était un plaisir pour elle. A une période près.



Lors de sa cinquième année, elle se rendit compte qu'elle était définitivement amoureuse de l'un de ses amis :  Erwan, un Serdaigle de sa promotion qui ne la quittait jamais. Toujours ensemble depuis la première année, il avait pris place dans un coin chaleureux au fond de son cœur. Malheureusement pour elle, il semblait bien plus attiré par d'autres élèves, à l'apparence bien différente de Rose. Peu à peu, la jeune sorcière se servit de son don pour modifier son corps, copiant par-ci par-là ces petites choses qui lui plaisaient tant chez les autres. Elle espérait tant être enfin parfaite à ses yeux que ces petites touches furent, à force, de grands bouleversements avec le temps qui passait. Psychologiquement, elle se forçait à garder une maîtrise totale de ce corps qui lui faisait tant défaut, forçant, usant, abusant de ce don qui devait à tout prix lui offrir ce qu'elle attendait de lui. Contractant ses muscles, changeant la morphologie de ses os, transformant tout ce qui pouvait l'être. Brisant la confiance qu'elle avait en elle-même.
Puis un jour Erwan, soucieux, fini par lui exprimer son malaise. Ils avaient tous remarqué que son apparence avait changé aux cours des derniers mois, progressivement certes, mais radicalement malgré tout. Mais seul lui avait fini par saisir le sens de cette métamorphose. Il avait compris qu'elle espérait avoir la satisfaction de pouvoir lui plaire, ou au moins attirer un regard de sa part autre qu'amical. Mais celui qu'il lui portait aujourd'hui était empli de frayeur, comme si elle n'était qu'un monstre pour lui.
Lui et quelques professeurs aidèrent par la suite Rose à reprendre confiance en elle, à laisser respirer et grandir ce corps d'adolescente comme lui l'entendait. Il fallut bien du temps, de la patience et de la diplomatie.
Une nuit, alors qu'elle n'était qu'avec celui qui hantait son cœur, elle relâcha ce qu'elle s'était forcée à accumuler tout ce temps. La métamorphose retour fut douloureuse, et pour dire vrai difficilement supportable. Presque tous ses os et muscles hurlèrent leur mécontentement. Il fallut de longues minutes, qu'elle trouva interminables, pour qu'enfin elle trouve "sa" forme. Qu'elle la comprenne. Qu'elle la ressente. Lorsqu'enfin son apparence fut de nouveau la sienne, elle était étendue au sol, sa tête reposant dans les bras d'Erwan. Épuisée, ne pouvant réprimer des larmes de honte et de douleur, c'est à peine si elle sentit celles du Serdaigle s'écraser sur ses joues, tandis que leurs lèvres se joignaient.




Des années encore après, Erwan et Rose étaient encore ensemble, vouant leur vie l'un à l'autre. Depuis longtemps Rose était attirée par l'ordre et rêvait de rejoindre le département de la justice. De son côté, Erwan aurait souhaité se tourner vers la médecine et, de part ses capacités et son raisonnement, aurait très certainement fait un excellent médicomage. Pourtant, désireux de rester aux côtés de sa bien-aimée, il abandonna ses rêves pour rejoindre les rangs des aurors avec elle à la fin de leurs études.
A cette époque, l'université n'existait pas encore et ils furent tous deux pris en charge par un auror aîné différent. C'est dès ce jour que Rose fit la connaissance de Myrna O'Malley, et d'une certaine façon de ses enfants également, la jeune maman parlant régulièrement de la fratrie. Peu à peu, sa mentor pris une place importante dans sa vie, devenant presque comme une seconde mère pour elle. Avec cet apprentissage, Rose apprit à devenir un agent de terrain et profita de son don et ses talents pour exceller en filature et infiltration. De son côté, Erwan se spécialisa davantage dans le support et mit en avant ses connaissance en médecine pour pouvoir intervenir en renfort quelle que soit la situation.
Finalement le couple fut mit en équipe trois ans plus tard pour une mission particulière : découvrir ce qu'il se tramait au sein de la mafia sorcière italienne. Identifier leurs membres, cartographier leurs repaires, en apprendre davantage sur leurs marchandises et déterminer leurs relations et influences. Les membres italiens étaient tous déjà grillés depuis longtemps et le talent rarissime de Rose leur serait plus qu'utile. Cette mission, ayant besoin de préparation, prit quelques années encore à se lancer. Les deux membres du ministère passèrent ce temps à apprendre l'italien, perdant peu à peu leur accent anglais, à étudier les coutumes et traditions italiennes, à échanger toutes sortes d'informations avec les aurors italiens et à monter un plan d'action qui se voulait optimal. Rose en profita pour partager ses connaissances du terrain avec son aimé, tandis que lui l'aidait à maîtriser la médecine standard et de premiers secours.
C'est durant ce laps de temps qu'Erwan la demanda en fiançailles et où ils commencèrent à prévoir des projets d'avenir, dont celui de bâtir une nouvelle famille dès leur retour de mission. Ils furent prêts à partir en hiver 2015, rejoignant le sud de l'Europe à cette date.

La stratégie était simple. Avec énormément d'observation, et l'aide apportée par les aurors du pays d'accueil, ils connaissaient l'existence de certains lieux de rendez-vous, ainsi que le planning de quelques mafieux identifiés. Rose était celle qui se chargeait des filatures et des potentielles infiltrations. Erwan recoupait les informations, jouant d'intermédiaire entre sa fiancée et le ministère italien. Il était également capable de la rejoindre quelque soit l'endroit où elle se trouvait grâce à un ingénieux système magique qui lui permettait de la rejoindre en transplanant. Rose pouvait d'un seul mot-clé activer le sien, faisant alors briller celui de son compagnon, qui comprendrait alors le danger. Ils possédaient également tous deux des vêtements de protection confectionnaient spécialement pour les aurors, chargés du sort du bouclier, permettant de contrer les maléfices mineurs et modérés jetés sur eux :  une invention très populaire au ministère britannique, qui avait été créé par un duo de sorciers lors du retour de l'ancien Seigneur des Ténèbres.
Les premiers jours, Rose prit l'apparence d'une femme plus jeune, typiquement italienne et totalement fictive, et se rendit dans un bar qu'ils savaient parfois visité de la communauté mafieuse. C'est là qu'elle put entrer pour la première fois en relation avec certains clients. Cependant, elle ne pouvait pas se permettre de revenir tous les soirs, ni aux mêmes heures avec cette identité. Malgré tout, peu à peu elle commença à entendre parler de quelques personnes intéressantes. Elle ne chercha jamais à aller vers ces personnes. Ce n'était pas comme ça que ça fonctionnait. Elle laissait toujours les gens venir à elle, ou la présenter à d'autres de leurs connaissances. Plus le temps passait et plus elle parvenait à tisser des liens par-ci par-là, se créant à elle seule une toile de relation englobant indirectement quelques familles. Parmi les têtes qui commencèrent à la marquer, certains membres de la branche Sera Sinistra, dont un certain Cassiano. Elle commença à identifier quelques visages pouvant potentiellement appartenir à la Cosa Nostra, dont un membre de la famille Zabini, un certain Luca, et quelques Melchione. D'autres petites familles et branches complétaient le tableau, validant ou réfutant les théories qu'avaient pu avoir les aurors italiens jusqu'à présent.

Un soir, et ce presque un an après leur arrivée en Italie, une nouvelle partie du plan débuta. Rose, sous son apparence d'italienne, se permit de répondre aux petits tours de charme du fameux Cassiano. Dans le modèle italien, hors de question que ce soit elle qui fasse le premier pas, elle devait juste accepter la danse et se laisser guider. C'est ce qu'elle fit ce soir-là, espérant ensorceler naturellement sa cible.
Il fallut quelques soirs avant que finalement Cassiano se décide à passer à l'étape suivante. Plus question de bar et de petite soirée un verre à la main. Ils quittèrent le quartier pour rejoindre son domicile. C'est une fois là-bas qu'elle se chargea de faire monter la température. Abandonnant baguette et vêtements, elle put confirmer ses hypothèses lorsqu'elle repéra le tatouage associé à la Sera Sinistra. A partir de là elle n'avait plus le choix. Elle le poussa doucement vers le lit et, s'asseyant au-dessus de lui, passa ses mains sur les poignets du jeune homme. Peu Italien, mais... cette prise de liberté ne sembla pas le décevoir. La suite par contre...
- Cassiano, penses-tu que tu pourras m'offrir des chrysanthèmes un jour ?
Surpris, il ne sut pas tout de suite quoi répondre. Par contre  il remarqua qu'elle avait basculé tout son poids sur ses bras, l'empêchant de décoller du lit sans forcer. Ce qu'il tenta de faire aussitôt, sentant le vent tourner. Il n'en eut pas le temps. En un instant, Erwan venait de transplaner dans la pièce, lui envoyant un stupéfix qui l'envoya dans l'inconscience :
- Sympa ta tenue chérie.
- Tu étais long... Un peu plus et je serais passée à la casserole.
- Il t'aurais cuisiné à l'italienne, lança-t-il en se croyant drôle
Rose roula simplement des yeux, avant de reporter son attention sur l'homme immobile sous elle. Son fiancé en profita pour rallumer la lumière, puis entreprit d'explorer les lieux, à la recherche de tout ce qui aurait pu aider leur enquête. La sorcière quant à elle se concentrait pour copier la forme de Cassiano, profitant de son déshabillement pour coller au plus près de l'original. A un détail près... Lorsque la silhouette fut parfaite, elle s'attaqua au tatouage, qui s'avéra complexe et qui lui causa quelques complications. Elle mit beaucoup de temps à réussir à imiter le trait, sans disproportionner le dessin. Ces dernières années, elle s'était entraîné maintes fois avec des croquis, mais ce n'était jamais une tâche évidente. Elle s'obligea ensuite à modifier ses cordes vocales, pour imiter au mieux sa voix. Cela par contre, elle s'y était entraînée régulièrement depuis qu'elle avait choisi ce mafieux comme cible et ce ne fut pas d'une grande difficulté. Elle avait passé des soirées à reproduire ses mimiques, ses tics de langage, son accent, ses grimaces et sourires. Lorsqu'enfin elle eut terminé sa métamorphose, il y avait deux Cassiano identiques dans la pièce.
Erwan s'occupa ensuite de leur prisonnier, s'assurant qu'il ne pourrait pas s'enfuir. Lorsqu'il se réveilla, il fut soumis à un interrogatoire à base de vessalium. Toutes informations, plannings et anecdotes lui furent demandés sur ses relations, son comportement face à elles, son appartement, son lien avec la Sera Sinistra et les autres familles. Pour une infiltration parfaite, Rose devait à tout prix ne rien laisser au hasard. Afin d'être sûre de ne pas se trahir elle devait éviter les sujets dont elle n'aurait pas songé à prendre connaissance.
Ce simple interrogatoire leur permit malgré tout de décrocher bon nombre d'informations et ils étaient plus que certains que le Ministère italien serait satisfait des éléments qu'ils avaient récoltés cette nuit-là. Mais il restait une dernière phase du plan à terminer.




Pendant plusieurs jours, elle parvint à remplacer Cassiano sans trop de difficultés. Chaque soir, elle retournait dans l'appartement du mafieux, avant de transplaner jusqu'à celui où Erwan et elle avait habité plus d'un an, reprenant son apparence originelle. C'était éprouvant. Plus encore que de simplement jouer le rôle d'une italienne de pacotille. Elle faisait attention au moindre mot, au moindre mouvement. Un seul geste de travers aurait pu la trahir. Elle n'avait pas le droit à l'erreur.
Une livraison importante avait lieu le lendemain. Elle pourrait enfin avoir ce qu'ils attendaient depuis tout ce temps. Avoir accès à un échantillon de la marchandise et coffrer à la fois les trafiquants et les clients. Elle devait tout faire pour participer à l'échange, se trouver sur les lieux. Elle savait à quelle heure il était prévu, mais n'avait pas encore l'endroit. Elle ne savait rien non plus du client.
Dès qu'elle serait à l'échange elle n'avait qu'une seule chose à faire. Prononcer le mot-clé pour qu'Erwan et les aurors italiens avec lui la rejoignent.

Le lendemain, elle passa une partie de la journée avec ses collègues mafieux, mais rien d'exceptionnel ne semblait venir. Ce n'est que quelques minutes avant l'heure de l'échange convenue que toute son équipe se rendit dans un bâtiment qu'elle n'avait encore jamais vu. Un entrepôt désaffecté et loin des zones empruntées par les moldus.
A l'intérieur, trois hommes étaient présents. Attendant sagement, ils ne présentaient aucun signe d’agressivité ou d'impatience quelconque. Le groupe de Rose se présenta devant eux et ils s'inclinèrent tous, sans exception. C'est seulement à cet instant que Rose comprit. Imitant tous les autres, elle se mit à réfléchir à toute vitesse.
- Cassiano, annonça celui qui était au centre du trio, lèves-toi et approche.
Faisant tout pour maîtriser son cœur et sa respiration, Rose se leva et s'avança vers Renzo. Le mafieux qu'elle avait interrogé et qu'elle remplaçait lui avait déjà parlé de lui. Ce n'était pas le chef de la famille, mais quelqu'un d'influent dans celle-ci, très fortement lié à la tête pensante. Que faire ? S'incliner à nouveau ? Attendre qu'il prenne la parole ? Le saluer à l'oral ? A défaut elle préféra se taire.
- La famille et moi-même te trouvons bien silencieux ces derniers temps. Tu as perdu de ton entrain.
- Ce n'est qu'une mauvaise passe pour moi, répondit-elle, comprenant qu'il attendait une réponse de sa part, Je n'ai eu que des mauvaises nouvelles cette semaine.
- Vraiment ? De quelle sorte ?
- Comme tu le sais, mon frère est malade et ça ne va pas en s'arrangeant. Cela occupait mon esprit, je suis désolé si cela a pu poser problème.
- Cela s'entend, fit-il avec une moue particulièrement boudeuse, Effectivement tu m'en avais déjà parlé. C'est lui que tu rejoins chaque soir ? Car cela fait un moment que tu ne restes plus dans ton appartement.
- Non, je vais rejoindre une fille que j'ai rencontrée récemment. Elle m'aide à penser à autre chose.
- Je comprends, fit-il en fouillant dans l'intérieur de sa veste, Je comprends.
Sortant sa baguette pour la brandir vers elle il reprit :
- Et comment se porte le chien de ta chère mère ?
Elle sut qu'il était déjà trop tard. Elle venait d'hésiter. Elle ne savait pas répondre à cette question. Tout indiquait dans les yeux de Renzo qu'il se doutait déjà. Mais elle tenta malgré tout, espérant sauver les apparences :
- Je suppose qu'il va bien.
- Vraiment ? il eut un sourire narquois, C'est très étrange tu vois ? Il me semblait qu'elle n'avait que des chats. Tu m'aurais menti ?
Elle senti son cœur s'accélérer. Elle devait garder le contrôle. Elle devait à tout prix garder le contrôle :
- Bien sûr que non, Renzo. Elle garde celui des voisins le temps de leurs vacances. Mais comme c'est uniquement temporaire...
- Cette façon de te défendre... de te contredire..., Renzo fit quelques petits mouvements de mains purement italien, D'où ça te vient ?
C'était foutu ! Elle était grillée, c'était sûr ! Elle ne voyait aucune échappatoire. Elle n'osait pas quitter Renzo des yeux de peur que ça signe son arrêt de mort immédiat. Elle calcula rapidement les chances qu'elle avait de transplaner avant d'être toucher par un sortilège. Aussi rapide soit-elle, elle n'était sûre de rien. Et chaque instant de silence qu'elle pourrait laisser la rapprochait de sa fin inévitable. Elle ne pouvait plus reculer, alors elle sauta à pieds joints dans ce qui lui semblait être sa dernière solution :
- Je te l'ai dit, je ne vais pas très bien ces derniers jours... Et puis depuis cette fille, je pense sortir de ma tresca. Je lui ai offert des chrysanthèmes et...
Elle hurla. Tout ce que ses poumons pouvait contenir et plus encore. Le doloris lui avait fait perdre l'équilibre et tous ses moyens. Elle chuta au sol, s'y roulant en tous sens. Tout son corps lui hurlait qu'il voulait mourir. Elle ne ressenti aucun des effets de sa détransformation, ni ne se rendit compte que celui-ci avait pris de nouvelles libertés sous ces douleurs extrêmes. Se révélant sous sa vraie apparence de femme, ses cheveux devinrent rougeoyants comme jamais et de grandes tâches de la même couleur se mirent à recouvrir sa peau :
- Santa Circe !
Sous le choc d'une telle réaction de métamorphomage, Renzo stoppa son sortilège impardonnable, reculant d'un pas. C'est à cet instant qu'Erwan transplana dans la pièce, accompagné de cinq autres aurors, et lança aussitôt un stupéfix à Renzo. Le corps de ce dernier se mit à chuter en arrière, au moment où une bataille s'entama, où chacun faisait feu de sa baguette. Quelques sorts fondirent vers lui, mais, sans doute de niveaux modérés, furent stoppés par la tenue-bouclier. Avant qu'un sort plus puissant ne le vise, il disparu, emportant Rose avec lui. L'équipe d'intervention était sur place. Pas de client. Pas de marchandise. Mais certains membres de l'organisation. La mission était une semi-réussite, teintée d'amertume.


Lorsque Rose sorti de son état second, Erwan était en train de la secouer sans ménagement :
- Qu'est-ce que tu as fait bon sang ! Tu n'aurais jamais dû te trouver face à lui !
- Je n'avait pas le choix, fit-elle retrouvant peu à peu ses moyens, J'ai été forcé de les suivre.
- Comment je pouvais le savoir ? A quel moment tu me l'as dit ?
- Tu crois que j'en avais le temps ? La possibilité ? Et toi alors ? Pourquoi tu n'es pas arrivé tout de suite ?
Il la relâcha en se détournant, dans un soupir éprouvant. Tandis qu'elle essayait de faire le tri dans ses pensées malmenées, son corps reprenait enfin ses couleurs naturelles. Elle se sentait vidée. Pourtant une seule évidence éclairait encore sa conscience : ils ne pouvaient pas rester ici.
Elle se rua alors sur leur sac sans fond. A l'aide de quelques enchantements, elle appelait à elle tout ce qu'ils pouvaient emporter :  les dossiers codés, les quelques preuves matérielles qu'ils n'avaient pas encore partagées, tout ce qui avait de l'importance.
- Qu'est-ce que tu fais ? demanda Erwan
- On se casse ! Aide-moi. Plus vite on sera au Ministère, plus vite...
Elle n'eut pas le temps de finir sa phrase. Une explosion fit éclater en morceaux la porte dans son dos. Elle eut le beau réflexe de rouler expressément dans un coin de la pièce, derrière un meuble, baguette en main. Mais dans ce court laps de temps, du coin de l’œil, elle vit un éclair fulgurant toucher de plein fouet son compagnon. Un éclair vert qui disparut aussitôt en silence. Le son que provoqua la chute du cadavre déchira tout l'être de Rose. La prise de conscience était complète. Terrifiante ! Jamais, jamais elle n'avait voulu ça ! Il était parti, sans un son autre que celui-ci. Sans un mot, sans un cri. Sans un regard.
Si elle avait pu hurler. Si elle avait pu pleurer. Si elle avait... été moins conne ! Toute son âme tremblait. De désespoir et de rage contenue. Ses pensées se bousculaient, la heurtant de toutes parts, lui hurlant d'abandonner ou de faire couler le sang. De bouger ou d'attendre sa fin. De choisir. Et elle en était incapable... La respiration presque coupée, les yeux exorbités, elle ne parvenait plus à rien. Tétanisée non pas par la peur mais par l'incompréhension. Le déni. Le refus. Puis par l'échec. Rien ne servait plus à rien de se battre, elle avait déjà perdu, elle le savait. C'était finalement ça son choix...
Elle entendit les bruits de pas se rapprocher. Ils devaient être trois. Ils prenaient leur temps, poussant avec nonchalance la dépouille qui gênait leur passage. L'un d'eux quitta temporairement le groupe pour libérer Cassiano. Ils furent alors quatre à remonter jusqu'à elle.
- Et alors bella ? Tu veux plus faire partie de l'échange ?
- On est venu te livrer la marchandise cara. Tu viens pas la chercher ?
Ils savaient... Ils savaient depuis suffisamment longtemps pour avoir préparé tout ça.
Elle entendait leurs plaisanteries et provocations lâchées à voix haute, leurs rires qui ne prenaient pas la peine de cacher. Et parmi toute cette énorme mascarade, elle discerna vaguement un autre son. Un bruit de course. Un sort fut lancé à travers la pièce. Elle ne sut pas lequel. Elle s'en moquait. Pourtant, quelqu'un venait d'attaquer ces assassins. Il y eut quelques échanges magiques, avant que, perdant leur avantage, le quatuor transplana pour fuir l'affrontement.
A nouveau le silence. Puis ce bruit de pas. Rythmé. Lourd. Elle leva à peine les yeux quand l'ombre du nouveau venu tomba sur elle.
Lui. Luca Zabini. Il la surplombait totalement, d'un regard impassible et d'une neutralité dérangeante. Sur un ton morne il lui jeta ces mots :
- Lèves-toi.
C'était un ordre. Elle le savait. Et pourtant elle soutint ce regard, ne bougeant pas d'un poil :
- Tu vas les laisser s'en tirer ? C'est ça ton sens de l'honneur ?
- Quel sens a l'honneur une fois dans la tombe ?
- Debout !
Devant sa rébellion l'étranger se rapprocha, agrippant le col de la jeune sorcière, la secouant en crachant presque entre ses dents :
- Bon sang, bouges-toi !
Il l'a relâcha avec hargne vers l'arrière. Difficilement, le cœur n'y étant plus, elle se releva. Se mettant sur ses pieds, qui ne voulaient déjà plus la porter. Observant cet homme de ses yeux vides de volonté. Tout ça... Ça n'avait plus d'importance.
- Pourquoi ? fit-elle dans un murmure, Pourquoi ne pas les avoir laissez me tuer ?
L'homme la regarda, avec une once de quelque chose au fond des yeux qu'elle ne sut pas interpréter. Pas dans son état :
- Le jour de ta vengeance, tu auras ta réponse. Et je suis la seule personne à pouvoir t'offrir les deux.




La suite resta longtemps floue pour Rose. Perdue dans une lente dépression, elle se perdit dans les enfers de la culpabilité. Tout ce dont elle se rappela réellement, fut l'enquête ouverte pour retrouver les meurtriers d'Erwan. Son corps avait été rapatrié au Royaume-Uni, où une cérémonie avait eu lieu. Elle n'y avait pas été présente. Elle n'était pas rentrée. Elle ne s'en sentait pas capable. Plusieurs membres de Sera Sinistra avaient réussi à fuir les lieux lorsque les aurors étaient arrivés avec Erwan le soir de l'affrontement. Dont Renzo, qu'un de ses hommes avait embarqué en transplanant avec lui.
Dans le dos du ministère italien, elle avait fini par saisir la main de Luca Zabini. Son offre, bien qu'elle n'eut rien d'alléchant, lui permit malgré tout de se remettre sur pied et de trouver un moyen de se venger. Un moyen de rester en Italie. Un moyen de fuir Londres encore un moment. Fuir la vie brisée et les regards pleins de pitié qu'on aurait pu lui adresser. Elle récupérait parfois quelques rares messages des deux ministères, à un endroit prévu pour cet effet. Rongée par la rage, elle ne prenait la peine que d'écrire de brèves réponses, omettant parfois volontairement certains détails. Parmi ces lettres, quelques unes inquiètes, principalement celles de Myrna, furent savamment brûlées. Rose les regardait alors se consumer lentement, se laissant bercer par les flammes mouvantes qui emportaient loin d'elle ces peines, dont elle n'avait ni la force ni le courage de lire les mots. Elle ne pouvait se laisser entraver par le chagrin, seule la rancœur la guidait désormais.
Officiellement, elle avait changé de quartier et poursuivait ses recherches sur la Sera Sinistra. Officieusement, elle bossait avec Luca, et par ricochet pour la Cosa Nostra. Elle le savait. Mais pour l'heure, elle s'en contrefichait éperdument, la colère du deuil prenant peu à peu le dessus sur la tristesse. L'Italien l'avait aidé à se reloger, dans un appartement où il passait parfois. D'ailleurs, il avait apparemment le bras assez long pour avoir plus d'une planque.

Le premier soir où Luca put la loger, Rose, brisée, avait fini par boire plus que de raison, espérant échapper à la douleur dans ce monde embrumé que lui offrait l'alcool. Et dans son état, elle crut également que les bras qu'aurait pu lui offrir l'italien auraient pu lui être d'un certain réconfort. Pourtant il avait quitté la pièce, partant dormir sur le canapé, lui annonçant qu'il ne voulait pas qu'elle fasse quelque chose qu'elle aurait regretté. Et ne serait-ce que pour cette unique raison, elle lui en était éternellement reconnaissante. Il n'eut plus aucune ambiguïté entre eux par la suite.

Durant de longs mois, Luca et elle mirent en commun toutes les informations qu'ils disposaient sur cette famille rivale. Leur secret également. Apparemment, l'héritier de la Cosa Nostra qu'il était avait depuis un moment deviné que Rose était une auror, et il ne sembla pas plus perturbé que ça de la découvrir métamorphomage. Cela lui tira même un sourire qu'elle ne sut déchiffrer. Ou plus exactement, elle ne voulut pas chercher à le faire. En toute inconscience, elle s'était agrippée à lui pour qu'il puisse la mener jusqu'au bout de la vengeance qu'il lui avait proposée et elle se moquait des conséquences que cela aurait par la suite.
Peu à peu, une confiance aveugle s'installa entre eux. Traversant une guerre ensemble, ils durent apprendre à se fier l'un à l'autre en toutes circonstances. Ils auraient pu se trahir en mille occasions, mais ce ne fut jamais le cas. Plus encore, ils se soutenaient et une amitié sans filtre naquit alors.
Ils durent plus d'une fois se mettre en danger, parfois en toute inconscience. Veillant l'un sur l'autre, ils passaient leur temps à se soigner mutuellement. Elle de façon consciencieuse, lui faisant de son mieux pour suivre les indications de l'auror. Jamais elle n'aurait cru que les connaissances qu'Erwan lui avait apprit en médecine devraient un jour servir à soigner ce qui avait si longtemps été leur cible. Par ailleurs, lorsqu'il lui arrivait d'avoir du temps libre, Rose perfectionnait ses potions et sortilèges, consultant à l'occasion des manuels que Luca pouvait se permettre de lui apporter. Sa peine se noyait alors dans un flot de savoir qu'elle souhaitait à tout prix acquérir.
Se dénuder était parfois obligatoire pour permettre les soins, mais ils n'avaient depuis bien longtemps plus aucune pudeur l'un pour l'autre. Il arrivait également que Luca vienne à l'appartement pour des raisons toutes autres, notamment pour décompresser ou soigner des blessures qui n'avaient rien à voir avec la traque de la Sera Sinistra. Tout ce qu'il ne voulait pas montrer à son clan, sa famille ou les hôpitaux.
Parfois, elle tentait de relancer Luca :
- Et donc, pourquoi ?
- Bientôt Rose. Bientôt...
Décidément, il y tenait. Il refusait de lui répondre et ce tant qu'elle n'avait pas obtenu vengeance.

Et puis un jour... Ils les tenaient enfin. Luca l'avait mené à un lieu fermé et complètement abandonné. Là, sept hommes de tous âges étaient ligotés magiquement. Mués, ils observaient cette femme qui venait d'arriver. Elle les regardait un à un, sans mot dire, les dévisageant, en reconnaissant la plupart :
- Ils sont là. Fais ce que tu as à faire.
Elle dégaina aussitôt sa baguette. Le premier éclair vert jaillit instantanément, frappant la première victime : Renzo. Elle entama une lente procession vers sa gauche, jetant un second sortilège fatal. Un troisième. Leurs regards prenaient la couleur de la peur. De l'horreur. De celle qu'on voit venir mais qu'on ne veut pas attendre. Qu'on ne veut pas subir. Le sien ne changeait plus, se braquant dans les prunelles de chaque personne qu'elle assassinait froidement. Certains essayaient de se débattre. Jamais bien longtemps.
Puis enfin elle arriva au dernier :  Cassiano. Il était jeune. Il y avait dans ce regard quelque chose de triste. De blessant. Avec lenteur, elle abaissa sa baguette face à lui. Il la remercia, dans un rire soulagé à moitié soupiré, à moitié pouffé. Avant de s'effondrer comme les autres. Son instrument de mort à nouveau levé, elle écouta ce silence. Sans fin. Puis elle se détourna, dans l'intention de quitter la pièce. Quelque chose lui agrippa aussitôt le bras. Sans avoir dévié son regard des hommes qu'elle avait abattus, Luca lui avait saisi l'avant-bras lorsqu'elle était passé près de lui :
-  Abyssus abyssum invocat, fit-il solennellement, L'abîme appelle l'abîme. Sache-le.
Elle acquiesça en silence, incapable de prononcer le moindre son, puis, se dégageant, repris sa route. Luca dans son sillage.

Cette nuit-là, elle ne dit pas un mot de plus. Luca l'accompagnait partout. Elle pansa ses plaies avec minutie et pour une fois Luca ne lui demanda pas de s'occuper des siennes. Lorsqu'elle alla se coucher, son bienfaiteur resta à ses côtés. Il ne dormait pas avec elle, restant assis sur le lit, l’observant tandis qu'elle tombait dans les bras de Morphée. A défaut de ceux d'un autre. Il fallut plusieurs heures, au sein de la nuit noire, avant qu'elle ne se réveille progressivement, laissant échapper quelques sanglots qu'elle peinait à maîtriser. Une puissante marée de sentiments émergèrent alors, la digue lâchée, et elle ne put plus rien contenir. Luca changea alors de position, s’allongeant près d'elle, la soulageant du mieux qu'il put. A sa façon bien particulière. Aucun mot. Ils n'en avaient plus besoin.

Luca prit soin de graisser quelques pattes afin que les preuves du massacre furent effacées, modifiées et remplacées par des fausses. Le silence de quelques personnes dans la confidence fut également acheté. Pour lui, cette famille rivale ne pourrait jamais remonter jusqu'à elle. Une rixe entre rivaux quelconques, voilà la version officielle et tous y croyait dans le milieu mafieux. Elle n'avait plus rien à craindre. Les seuls qui avaient connu son vrai visage, bien que tâché de rouge et ornés d'une chevelure de feu, étaient morts. Et avant ça ils avaient tous été persuadés qu'elle avait quitté le pays depuis bien longtemps.

Il lui fallut quelque temps avant de se remettre pleinement de ses émotions. Suffisamment pour que Rose prenne conscience que plus rien ne la retenait ici, en Italie. Son retour à Londres paraissait de plus en plus difficile à repousser. Avec l'aide de Luca, elle avait désormais suffisamment d'éléments pour le Ministère britannique. Plus qu'il n'en fallait même. Son rapport ne pouvait plus attendre. Avec la mort de son fiancé, il y avait également de grande chance qu'on la mette au vert un moment. Un moment qu'elle utiliserait pour faire son deuil.
Lorsqu'elle avait annoncé la nouvelle de son départ à Luca lors d'une de ses visites, celui-ci n'avait tout d'abord pas réagi, poursuivant son repas sans mot dire. Il avait finalement posé sa fourchette, avant de se lever.
- J'ai un cadeau à te remettre dans ce cas. Si tu l'acceptes.
- Bien sûr, tout ce qui viendra de toi m'ira droit au cœur.
Il lui avait fait comprendre alors la forme de ce dernier :  il voulait la marquer du tatouage de la Cosa Nostra. Elle avait versé le sang de l'ennemi avec lui. Elle lui avait sauvé la vie plus d'une fois, le soignant à n'importe quelle heure de la nuit. Elle avait été son refuge durant six mois.
Rose avait hésité, longuement, avant de finalement dénuder son avant-bras droit. Avec une douceur qu'il n'avait pas communément, il recouvrit sa manche, lui indiquant alors l'endroit qu'il voulait marquer. Son cœur.
Il lui expliqua alors que plutôt que de risquer de laisser le tatouage à découvert, pour le bien de la jeune femme, il souhaitait le cacher sous sa poitrine. Plus exactement sous son sein. En retombant, rien ne serait visible à première vue. Il faudrait vraiment aller le chercher pour le voir. Ça ne suivait aucune règle de la Cosa Nostra. Mais il serait le seul à savoir qu'elle faisait partie de la famille. Le seul qui ait besoin de le savoir. Ce tatouage, unique, était comme un privilège.
Elle se demanda amusée à quoi cela servait de porter un tatouage dont lui seul connaîtrait l'existence, mais elle préféra ne rien dire. Elle était touchée. Elle se rendait compte à quel point cette aventure avait pu les marquer tous deux. Les lier.
Il travailla un long moment sur la pièce, s'attardant sur des détails qu'elle ne pouvait pas voir pour le moment. Une nouvelle fois elle s'était dévêtue devant lui, à demi car il n'y avait aucun intérêt de l'être davantage. Penché au-dessus d'elle, il pouvait, de par la position de sa seconde main, sentir tous les battements de son cœur. Et bien qu'il battit la chamade au départ, il se calma bien vite dès les premiers coups de l'aiguille. La zone, sensible, s'était très vite révélée plus douloureuse que prévue. C'était son premier tatouage et très certainement son dernier pensa-t-elle. Sujette à quelques grimaces, il lui rappelait régulièrement de ne pas bouger.
Son oeuvre accomplie, il l'avait regardé un moment, comme pour l'imprimer dans son esprit. Une rose pour une rose avait-il dit. Une promesse. La sorcière avait compris à quel point c'était important pour lui. Pour sa notion de famille. Et elle savait que, de par cette marque qu'il avait inscrite dans sa peau, il la considérait comme une proche. Et elle l'acceptait.

La nuit allait bientôt tomber quand le sorcier décida de partir. Après un au revoir qu'il sembla vouloir abréger soudainement, il prit le peu d'affaires qu'il avait ici et s’apprêta à quitter les lieux :
- J'ai une dernière question pour toi Luca. Toujours la même. Pourquoi ?
Il s'arrêta sur le palier, ne lui offrant pas son regard :
- Ca n'a plus d'importance.
La porte se referma dans un petit claquement. L'appartement et Rose retournèrent à leur silence.




Une fois de retour à Londres, elle fut accueillie tout de suite par le ministère. Son rapport dans leurs mains, ils la félicitèrent pour tout le travail investi. De nombreuses informations compromettantes sur la Sera Sinistra permettrait de remonter vers les derniers récalcitrants de cette branche mafieuse. En un sens, cela donnait également suffisamment de grain à moudre pour éloigner l'attention du Royaume-Uni et de l'Italie de toutes les activités de la Cosa Nostra.
Pour certains collègues pourtant elle avait perdu toute crédibilité. Sa couverture avait été éventrée et elle avait perdu un excellent collègue, son fiancé qui plus est. Les missions qui lui furent confiées suite à cet un an et demi passé en Italie furent plus que modestes. On ne la mit plus dans des situations délicates et elle fut presque comme poussée au repos contraint. Au moins pour quelques mois.
Rose profita de ces quelques moments dédiés à elle seule pour replonger à nouveau dans les livres et manipulations. Elle passait tout son temps à améliorer ses techniques et potions médicinales. Les quelques personnes se rendant compte de son soudain intérêt pour cette magie particulière crurent qu'elle cherchait simplement à se racheter, et souhaitait éviter un autre drame lorsqu'un nouvel coéquipier lui serait attribué. Effectivement, ce n'était pas si faux, mais si loin de la vérité.
Durant ces quelques mois de répit, quelques rumeurs commençaient à se répandre dans le Londres sorcier. Des suspicions suffisamment crédibles pour forcer l'Ordre du Phénix a sortir de sa retraite.

Un an après son retour, Rose fut présentée à son nouveau partenaire : Sean O'Malley. Douce ironie quand on savait qu'elle l'avait rencontré bien avant qu'il ne devienne auror. Contre toute attente, le caractère explosif du fils de Myrna fut plus facile à gérer qu'elle le cru et ils furent envoyés régulièrement sur des missions à la difficulté plus poussée. Un second collègue venait en renfort parfois, lors de services plus extrêmes : Nathaniel. Leur trio fonctionnait à merveille et malgré les blessures qu'ils avaient chacun éprouvé de leur côté, ils remplissaient pour le moment chaque demande sans la moindre bavure.

Rose n'était pourtant plus la même depuis longtemps. Bien plus distante, l'Italie avait détruit tout ce qu'il y avait de bon en elle. Elle avait traqué et tué bien au-delà de ses engagements en tant qu'auror et sa vendetta l'avaient marqué éternellement. Plus virulente et brutale dans son travail, elle avait perdu la tendresse qui la caractérisait autrefois. La limite de l'éthique était désormais floue pour elle et elle devait sans cesse faire attention à ne pas aller trop loin. Perdre son travail par manque de sang-froid serait à nouveau une chute aux enfers pour elle.
Rose n'était pas parvenue à refaire sa vie. A vrai dire, elle n'y songeait même pas. Tout cela était trop dur pour elle. Elle qui avait eu tant de projets avec Erwan ne parvenait pas à repartir de zéro. Elle préférait autant ne rien rebâtir avec qui que ce soit.

Quelques mois plus tard, les attaques des Mangemorts débutèrent officiellement. Le signal était donc lancé. Les aurors étaient sur les nerfs, débordant de travail, manquant peu à peu de temps libre.
C'est également à cette période qu'elle apprit l'arrivée de Luca à Londres. Bien qu'ils aient continué à communiquer en toute discrétion, les échanges avaient été extrêmement rares. C'était donc la première fois qu'ils se voyaient depuis leur séparation.

Luca put la rejoindre la semaine de son arrivée en Angleterre. Rose s'était faite patiente, sachant qu'il avait plus d'une affaire à gérer à la capitale anglaise. Ils s'étaient donné rendez-vous dans un lieu sûr, pendant que l'auror avait revêtu une apparence connue de son ami. Lorsqu'il la vit arriver, il hésita un instant, avant de se rendre compte qu'il s'agissait bien d'elle. Alors qu'ils se saluaient pour leurs retrouvailles, elle vit que le regard de l'italien tombait sur la bague qu'elle portait toujours à l'annulaire, avant de remonter vers ses yeux :
- Je ne l'ai pas oublié. Je ne peux pas.
- Personne ne te demande de le faire.
Reconnaissance. Voilà ce que son ami aurait pu lire sur son visage à cet instant, si elle ne s'était pas jetée à son cou. Il lui rendit son étreinte, avec moins d’entrain, mais une sincérité profonde. Un tu m'as tellement manqué réciproque.

Depuis, Rose informait Luca lorsque le ministère avait des informations quant à la Cosa Nostra, des affaires louches dans les environs, ou bien leurs rivaux. Elle continua également à user de ses talents de métamorphomage pour rejoindre discrètement son ami, toujours sous des apparences qu'il connaissait. Elle ne pensait pas que ce soit de bon ton de se montrer ouvertement afficher avec lui en tant qu'auror. Ils continuèrent à se voir ainsi en extérieur, mais se voyaient également parfois chez eux, toujours en calculant bien leur coup. Luca reprit l'habitude de venir la voir lorsqu'il ne supportait plus de jouer le roc imperturbable qu'on lui demandait d'être, ou lorsqu'il n'en pouvait plus de sommeil. Il ne venait jamais se réfugier chez elle sans raison. Peu démonstratif sur le plan de l'affection, chacune de ses visites était pour autant une preuve de confiance absolue. Et un jeu dangereux dont ils connaissaient les conséquences tous deux.




Assise dans le canapé, feuilletant la gazette du jour, Rose salua Luca qui se levait enfin :
- Bien dormi ?
- Plutôt.
Elle leva les yeux de l'article qu'elle lisait jusque-là, dans l'intention de demander à son ami s'il avait faim, mais lui fit finalement des yeux ronds. La pudeur avait totalement abandonné le jeune homme, qui se baladait dans l'appartement totalement libre du moindre fil. Remarquant son silence, il lança :
- Ca te dérange ?
- J'en ai vu d'autres... fit-elle en roulant des yeux
- Tant que ça ?
- Idiot, ragea-t-elle en lui envoyant un coussin dessus, Bien sûr que non.
Bien sûr que non...