T'es quelqu'un de difficile à cerner. Rares sont les personnes qui peuvent se targuer de te connaître vraiment. T'es pas du genre à parler pour ne rien dire. T'as même plutôt tendance à observer avant de parler. T'aimes te faire ta propre opinion sur les gens qui t'entourent. Étant d'un naturel calme, tu sais te concentrer sur les choses qui ont de l'importance à tes yeux. Même si tu n'es pas le plus doué pour parler de toi. Tu as des amis depuis l'enfance. L'amitié, c'est quelque chose de très important pour toi. Ils savent qu'ils peuvent compter sur toi et inversement. T'es d'un naturel curieux. T'aimes découvrir des choses, t'aime apprendre. T'es intelligent. Plus que la moyenne d'après tes anciens professeurs. Pourtant, tu te voyais pas derrière un bureau. T'aimes l'action, l'adrénaline qui monte dans tes veines à chaque fois que tu dégaines ta baguette. T'es difficile à cerner, mais t'es un homme sur qui on peut compter. Tu recules pas devant le danger même si tu n'es pas du genre à le chercher. T'es du genre réfléchi. T'aimes analyser les situations. Tu peux te montrer assez inflexible quand tu veux. T'aimes pas quand les gens ne donnent pas le meilleur d'eux même. T'aimes pas les gens qui ne se donnent pas à fond, surtout dans branche. Tu aimes l'excellence, surtout quand tu vois le potentiel au bout de la baguette. Voilà pourquoi tu as été l'un des meilleurs duelliste de ces dernières années. Pendant huit années, t'as régné en maître dans le domaine des duels. Aujourd'hui, t'es plus posé que lorsque t'étais gosse. Prendre de l'âge, t'a fait du bien. T'arrive à mettre de l'eau dans ton vin, même si ton perfectionniste revient souvent au galop. Aujourd'hui, tu prends plus de temps pour toi. T'arrêtes de chercher à être le meilleur partout. Même si tu ne regrettes rien. Cela te permettait d'avoir l'esprit occupé. Parce que dans un coin de ta tête et surtout de ton cœur, tu ne l'as pas oublié. Elle. Ta fille. Pourtant, tu n'as jamais été père. On t'a jamais offert ce cadeau. Elle t'a été retirée et pourtant, elle a guidé sans le savoir chacun de tes gestes. T'as jamais cessé de penser à elle. Tu lui as toujours fait une place dans ta vie. Même si elle ne l'a jamais su. Même si elle ne sait rien de toi. Ta fille, tu l'as toujours aimé.

Une frêle silhouette emmitouflée dans une cape de sorcière, des cheveux qui flottent au gré du vent, tu l'observes venir jusqu'à ta salle. Ces derniers jours ont été assez étranges. Tu découvres un nouvel environnement. De nouveaux collègues. Un nouveau travail. Il ne change pas trop à tes habitudes. Malgré tout, c'est avec un sentiment assez complexe que tu es entré dans ta salle de cours ce jour-là. Tu retires ta cape pour la poser sur le grand bureau qui allait être à présent le tien. Au moins pour cette année. L'heure de ton premier cours approche. Enfin... pas vraiment ton premier cours entre ces murs. Mais celui-ci a une saveur particulière parce qu'elle fait partie des élèves. Tu l'as déjà aperçu dans un des couloirs du château. Tu l'as remarqué à la bibliothèque avec des amies. Et lors de la cérémonie de répartition. Mais tu es resté à distance, comme tu le fais depuis des années. Tu l'observes de loin. Tu reconnais sa mère dans certains de ses traits. Elle lui ressemble et c'est un sentiment doux qui étreint ton cœur. Mais elle a tes yeux. Ta fierté. Mais pas la seule. Elle est bonne élève, bien qu'avec un caractère trempé. Ses professeurs reconnaissent son intelligence et son implication au quotidien. Une autre fierté. C'est une jeune fille équilibrée. Et tu n'y es pour rien là dedans. Parce que tu n'as jamais fait parti de sa vie. Tu ne l'as pas éduqué. Tu ne lui as jamais donné de conseil. Mais tu es fier d'elle. De ce que ton ex-compagne et son mari ont fait au cours de toutes ces dernières années.

Et puis, tu portes ton attention sur elle. Sur son regard qui vagabonde dans la salle avant d'y entrer. Tu la détailles comme tu le ferais avec n'importe quel autre élève. Elle a tes yeux bleus, c'est vrai. C'est ce qui t'a le plus frappé lors de ces retrouvailles. Elle était là, dans l'encadrement de la porte, attendant d'entrer dans la salle. Elle a posé son regard sur toi, te saluant comme elle le faisait avec tous ces professeurs. Puis elle a pénétré dans la salle quand son amie est arrivée. Elle a posé son regard sur toi, te saluant comme elle le faisait avec tous ces professeurs. Et quand tu la vois s'installer à l'une des tables, tu ne peux t'empêcher d'avoir ce pincement au cœur quand tu poses les yeux sur elle. Tu es un professeur comme un autre. Tu n'as rien de particulier pour elle. Elle t'observes mais avec cette curiosité vouée à ton ancien métier. A ton passé de duelliste. Elle est curieuse vis à vis de ton ancienne profession. Pourtant, elle laisse ses amies poser des questions. Tu penses que c'est une question de temps. Tu penses que le temps va arranger les choses. Tu penses qu'il va t'offrir des moments avec elle. Qu'elle va finir par venir vers toi, tu l'espères en tout cas.

Tu laisses tes élèves prendre place. C'est la dernière heure de cours avant le déjeuner. Les élèves sont un peu dissipés. Mais une nouvelle fois, tu fais ce que tu peux pour capter l'attention de ceux qui assistent à ton cours. Il leur faut un peu de magie au sens propre comme au figuré. Tu n'es pas enclin à avoir la main facile lorsqu'il s'agit de donner des devoirs supplémentaires. Non, tu sais que ce n'est pas la meilleure solution. Alors tu tentes de canaliser leur énergie grâce à de nouvelles notions. Tu éveilles leur curiosité. Et ça fonctionne. Tu es là pour des explications quand les élèves le souhaitent. Tu restes disponible en dehors des cours et il est facile de venir te parler. Quelques élèves sont déjà venus te voir. Tu te demandes si elle va venir te voir un jour, à la fin d'un cours. Elle a de très bonnes dispositions pour les sortilèges. Tu gardes tes yeux sur elle. Un léger soupir franchit tes lèvres entrouvertes. C'est à la fois difficile et agréable de l'avoir près de toi. Tu t'étais imaginé ce moment, des tas de fois sans jamais vraiment être satisfait du résultat. Tout est différent ici. Tu sors de tes pensées quand les autres élèves entrent dans ta classe. Tu te retournes vers eux, les laissant se mettre à leurs tables tout en les saluant.

Enfin, tu t'installes sur ton bureau. Tu le sais, ce n'est pas une position pour un professeur mais tu n'as jamais aimé les codes guindés du corps enseignant. Tu comptes mentalement les élèves qui entrent. Une fois la porte refermée, tu frappes deux fois dans tes mains pour obtenir le calme avant de demander : « Bonjour à tous, veuillez poser vos baguettes sur vos tables. » Avec toi, chaque cours comporte de la théorie puis de la pratique. Un cours de sortilège sans pratique, n'est pas un cours de sortilèges. Tu expliques la leçon du jour. Puis le cours commence. Les élèves sont attentifs. La plupart d'entre eux savent répondre aux questions que tu poses. Pour d'autres, c'est un peu plus compliqué mais l'envie est là. Souvent.

A la fin du cours, tu laisses les élèves partir en leur demandant de te faire un devoir. Cela leur permet d'occuper leur esprit et puis, les sortilèges doivent être correctement appréhendés. Sinon les accidents peuvent arriver. Alors autant les préparer le plus possible. Tu ne rechignes jamais à donner des explications à ceux qui le demandent. Tu as même des élèves qui réclament des devoirs, sur tel ou tel sujet. Au moins, cela prouve que les sortilèges restent une matière attractive. Tu avais cette même curiosité quand tu étais gosse.

Puis tu observes les élèves qui quittent la classe. Elle sort dans les derniers, tu suis sa silhouette qui fini par disparaître après la grosse porte en bois. Tu restes debout un instant entendant les bruits de pas s'éloigner avant d'esquisser un léger sourire. C'est le premier jour du reste de ta vie.