Callisto était la cinquième née sur une famille de sept enfants. Ses parents, très croyants, respectaient les valeurs de l’église. Alors qu’ils n’avaient que peu de moyens, comme beaucoup à Cuba, la famille s’agrandissait toujours un peu plus. Elle vécut jusqu’à ses six années dans son pays d’origine avant de le quitter sur un coup de tête de ses géniteurs qui se projetaient déjà dans le rêve américain… Seulement, ce ne fut pas aussi merveilleux qu’ils l’avaient prévu. Le voyage avait fini d’épuiser leurs dernières économies et sans diplôme, trouver un travail rentable ne se faisait pas en claquant des doigts. La faim avait fait gronder leur estomac plusieurs semaines avant qu’ils ne parviennent à décrocher un emploi au sein d’une demeure luxueuse. Maria était devenue une femme de ménage et Thomas, entretenait les extérieurs de la résidence. Quant à leurs cinq enfants, ils étaient avec eux dans une petite chaumière qui était négociée avec leur contrat de travail. Callisto restait sage et discrète. Elle se rendait à l’école moldue la journée et aidait sa mère le soir et les week-ends. Contrairement à ses quatre frères, elle était toujours restée en retrait, presque transparente. Elle se moulait dans cette image qui était attendue d’elle. Ce n’était qu’une enfant. Elle faisait ce qui lui était demandé sans se soucier des inégalités de genre qu’elle pouvait subir. Ce n’est que bien plus tard qu’elle réaliserait à quel point ses parents pouvaient être vieux jeu, rétrogrades pour les femmes et finalement si faible d’esprit. Pourtant, elle ne leur en veut pas. Ils ont essayé de faire au mieux pour leurs enfants. Et si elle a fini par ouvrir les yeux sur cette pente glissante qu’ils avaient empruntés, eux s’y étaient embourbés, ainsi que ses frères aînés.

Tandis qu’elle venait de fêter ses huit années, ses parents annoncèrent un déménagement. Un ami proche de leurs employeurs leur avait parlé d’un endroit pour s’épanouir. Ne plus rester seuls et misérables dans ce pays qui n’était pas le leur. Un soutien, un vrai appui pour eux qui trimaient depuis toujours. Et surtout, la magie. Des sorciers qui leur accordaient protection s’ils venaient rejoindre cette communauté nommée la Cabale. En échange, ils se vouaient corps et âme pour ce mouvement. Argent, tâches et d’autres choses bien moins glorieuses en échange de leur aide. Haute comme trois pommes, Callisto ne réalisait pas encore où elle mettait les pieds. Une secte créée par des sorciers qui usaient des non-maj et de leur faiblesse pour les manipuler. Il fallait reconnaître que c’était incroyable. Ce qui semblait exister uniquement dans les livres et les films devenait réel. Les potions, les sortilèges, les créatures étranges… Ces familles embrigadées étaient fascinées, endoctrinées. L’appât ? Devenir comme eux, un jour. Ce qu’ils n’avaient pas imaginé, c’est qu’au milieu de ces moldus, l’un d’entre eux se muerait effectivement comme leur égal. Callisto déclara sa magie tardivement. Peut-être même plus tôt qu’elle n’aurait voulu le dévoiler. En son for intérieur, elle ressentait le danger de cet endroit. Le temps lui donna rapidement raison. Être une née-moldue dans cet univers était devenu un fardeau. Sa seule chance fut d’être envoyée à Ilvermorny. C’est ainsi qu’elle put découvrir le monde magique tel qu’il était vraiment. Et si elle tentait d’expliquer à ses parents ce qu’il en était réellement, ils étaient bien trop tard pour les sortir de cette enclave.

Jusqu’à ses onze ans, Calli passa une enfance presque normale. Elle allait à l’école de la Cabale, endoctrinant à souhait, et les tâches qu’elle devait réaliser au sein de la communauté n’étaient pas bien compliquées. Un peu de ménage, aider des sorciers âgés à faire des courses… rien d’avilissant ou de malsain. Il y avait bien ce petit garçon, un fils de veilleur qu’elle avait remarqué. Il était souvent entouré de ses semblables. Certains se moquaient de la Cubaine, car tout juste arrivée aux États-Unis, l’anglais n’était pas son fort et un accent espagnol marquait ses propos sans compter les fautes qu’elle pouvait commettre. Ils se jouaient d’elle, cherchant des mots qu’elle ne comprenait pas. Lui faisant parfois dire des obscénités. Elle le comprit, car un soir, elle avait demandé ce que signifiait « fucking god » à sa mère. Elle avait récolté comme punition de se laver la langue avec du savon… Les Reyes étaient très pratiquants. Catholiques, baptisés, messe tous les dimanches matin… Avec les années, Maria et Thomas s’intéressèrent davantage à la Santería. Une religion polythéiste, mais qui étrangement reconnaît les églises. S’ils continuent les messes, c’est aussi, en priant plusieurs Dieux. Croyance transmise à leurs enfants et qui n’est pas innocente dans ce fanatisme qu’ils ont développé auprès des sorciers. Le Dieu suprême se nomme Olodumare. L’histoire dit qu’il a envoyé sur terre les Orishás sur terre et qu’ils veillent sur chaque mortel. Ils sont considérés comme des demi-dieux et l’amalgame avec les sorciers, et surtout ceux de la Cabale, fut pour eux une évidence qu’ils étaient leurs sauveurs. Callisto a baigné dans cette religion depuis toujours et porte encore le bracelet fait de petites perles colorées de sa première cérémonie. Celle du couteau fut la plus marquante puisqu’il s’agit de remettre une lame à l’initié pour réaliser des sacrifices d’animaux en guise d’offrandes. Même si elle était déjà plus âgée, cet acte, elle ne l’avait pas réalisé de gaité de cœur. A présent, elle ne croit plus vraiment en tout cela. Même s’il peut lui arriver parfois de rentrer dans une église, le monde sorcier la fait douter. Elle conserve pourtant son arme blanche et son petit bijou. Plus par superstition qu’autre chose. Il lui arrive encore parfois de pester contre les dieux…

Ce petit garçon qu’elle croisait régulièrement, ce fils de veilleur avait une année de plus qu’elle. Il se nommait Tyler. Il n’était pas aussi moqueur que les autres. D’aussi loin qu’elle se souvienne, elle n’avait jamais subi de remarques. Il était différent de ses semblables. Un peu en retrait, mais Calli sentait bien que les autres le respectaient. Elle se rappelait l’avoir croisé durant un été, peu de temps après qu’elle ne déclare sa magie. Elle était assise près d’un petit lac et tenait une grenouille au creux de sa paume. Un gamin lui avait dit qu’elle devrait l’éviscérer elle-même pour réaliser des potions. Sa rentrée à Ilvermorny lui faisait peur. Elle ne connaissait rien à la magie ou presque. Ici personne ne l’aidait réellement à comprendre. Ils avaient décidé qu’elle irait dans cette école de magie pour garder une bonne image. Ce qu’elle ne savait pas, c’est que le petit garçon serait dans son ombre afin de s’assurer qu’elle ne fasse pas un pas de travers. C’était un risque pour la Cabale. Elle était susceptible de comprendre toute leur machination. Mais la règle était la même pour tous depuis des années : personne ne quittait la Cabale. Tyler s’était approché et avait pris la grenouille de ses mains pour la remettre dans l’eau. « Il mentait… » dit-il en la regardant dans les yeux quelques instants. Callisto hocha doucement la tête, rassurée par ses paroles. Peut-être qu’elle aurait une connaissance fiable là-bas finalement. Le début d’une relation sinueuse, dont les nœuds emmêlés ne pourraient jamais réellement se défaire.

Ilvermorny fut un espace de liberté et de découverte. Sa soif d’apprendre fut un moteur dans ses études. Elle se sentait bridée au sein de la communauté. A l’école, elle apprenait à user de sa baguette, comment composer des potions, se tenir sur un balai. C’était tout simplement pour elle une bouffée d’air frais et une vérité éclatante. La Cabale n’était que de l’esbroufe. Elle n’avait d’ailleurs pas le droit de mentionner la communauté. Mais elle posait des questions de si et de là, réalisant que les né-moldus ne venaient pas d’une stimulation extérieure… c’était comme être blonde aux yeux bleus alors que vos parents étaient bruns aux yeux marrons. Une histoire génétique complexe dans laquelle se liait la magie. La petite Calli se faisait des amis, s’amusait enfin. Les vacances étaient pour elle un supplice tandis qu'elle devait quitter les lieux pour retourner au sein de la communauté. Ses parents la traitaient bien, ses grands frères aussi. Cependant, pour eux, il était normal de subvenir aux besoins des sorciers. Quels qu’ils soient… Et Calli devenait une jolie jeune femme. Elle savait pertinemment ce qui arrivait à certaines d’entre elles. Elle sentait les regards, entendait des allusions. Elle avait eu des mains aux fesses quand elle rentrait chez elle. Ceux-là mêmes qui se moquaient de son accent alors qu’elle était plus jeune. Quand elle voyait sa petite sœur crapahuter dans ce monde obscur, cela la rendait folle. Le pire dans tout cela c’est qu’elle était coincée. Les règles étaient bien claires. Personne ne quittait la Cabale. Et il y avait bien une personne qui était là pour lui rappeler. Tyler.

Lorsqu’ils étaient à Ilvermorny, c’était différent. Déjà parce qu’elle n’était pas une sorte d’esclave dans cet endroit et lui n’était plus ce fils de Veilleur. Ces statuts s’effaçaient au profit de l’ouverture d’esprit de l’école. Ils n’étaient que des élèves. Même si elle savait qu’il avait un œil sur elle, Tyler n’était pas si envahissant. Elle avait réellement cette impression de vivre sa vie et étrangement, ils devenaient proches avec le temps. Callisto travaillait dur pour compenser son manque de connaissances. Un soir, alors qu’elle tentait de comprendre les secrets d’une décoction pour un devoir, il était venu s’installer à la bibliothèque avec elle. Un échange fait de murmures s’était créé. Tyler l’avait aidée à comprendre la mécanique des ingrédients, comment certains réagissaient avec d’autres. Cela arriva souvent et chaque fois, Calli appréciait ces instants passés en sa compagnie. Elle découvrait une facette du jeune garçon qui n’avait plus rien à voir avec celle qu’elle connaissait depuis ses huit ans. Un lien qui durait même au sein de la communauté. Il disait qu’il la voulait pour lui. La Cubaine n’aimait pas ces termes, cette appropriation… Mais elle devait reconnaître qu’elle s’attachait à lui. Bien plus qu’une amie ne le devrait. Une nuit, Calli n’avait pas réussi à trouver le sommeil. Elle approchait des quinze ans, elle s’en souvenait encore. Discrètement, elle avait traversé le collège pour prendre l’air. Elle observait la Voie lactée sans même réaliser qu’elle n’était plus seule. Une main s’enroula autour de son poignet et la fit se retourner. Son corps se raidit et elle voulut repousser son assaillant de sa main libre, le temps qu’elle ne reconnaisse ses traits éthérés dans la pénombre, doucement éclairés par la lueur argentée de la lune. Elle ne put s’empêcher de le trouver beau et sa respiration s’accéléra légèrement. Ses obsidiennes étaient accrochées à celles de Tyler. Doucement, il releva son poignet et y déposa ses lippes en un chaste baiser à l’intérieur de ces derniers. L’échine de la jeune fille fut parcourue d’un frisson devant cette marque de tendresse. Une lueur d’incompréhension passa dans son regard. Lentement, il commença à s’éloigner, leurs doigts venaient frôler leur paume. La bulle autour d’eux éclata quand le contact entre leur chair prit fin. Cette nuit-là marqua un changement entre eux. À l’abri des regards, ce lien prit une autre forme. Des gestes plus intimes. Quelques baisers. Calli ne savait plus réellement où elle en était et se demandait où cela les mènerait. Un jour elle s’était amusée à chercher la signification de leur prénom. Tyler signifiait un bâtisseur de maison. Elle le surnomma « mi casa », car avec lui, elle se sentait bien, comme dans le confort douillet d’une maison. Quant à elle, il s’agissait d’une nymphe d’une grande beauté dans la mythologie grecque. Elle appartenait à la suite d’Artémis et avait promis de rester vierge avant de se faire piéger par Zeus… Un sourire avait étiré les lippes de Tyler et Calli avait levé les yeux au ciel comprenant le fond de ses pensées.

En avril 2002, Callisto fêtait ses quinze ans durant les vacances d’avril. Une année très importante dans la tradition cubaine. Ses parents malgré leur pauvreté voulaient marquer los quince de florita. Cette fête marque le passage de l’enfance au statut de femme. Calli avait reçu une jolie robe d’un rose poudré, coupe empire. Elle ressemblait à une jolie princesse. Ses amis moldus avaient joué les rôles de demoiselles d’honneur et de prétendants. Il lui avait été interdit de faire venir qui que ce soit d’Ilvermorny. Seul sorcier au milieu de ces festivités, Tyler qui avait accepté de venir au plus grand étonnement de la jeune fille. La soirée suivait scrupuleusement les traditions. Danser avec son père. Un diadème déposé dans sa chevelure. Souffler chaque bougie une à une représentant les années passées. A la dernière, un bouquet lui avait été offert par sa mère dont elle garde encore une fleur séchée. La fête avait touché à sa fin depuis un moment, mais la jeune Cubaine restait encore sur son nuage. Elle avait même dansé avec Tyler… Elle se dirigea vers le petit lac qui bordait la communauté. Elle avait toujours aimé cet endroit qu’elle trouvait reposant. Elle fut étonnée d’y trouver Tyler installé sur le rocher qu’elle utilisait en guise de banc. « Tyler ? Qu’est-ce que tu fais ici ? » Un sourire étira les lèvres charnues du jeune homme. Il était d’une beauté incroyable et la Cubaine se savait depuis longtemps sous charme. Surtout depuis cette nuit-là à Ilvermony. « Je savais que tu viendrais. » dit-il simplement en se levant pour s’approcher. Un rire fila des lippes de Calli. Elle était donc si prévisible ? « Il paraît que tu es une adulte maintenant ? » L’air sembla se charger d’électricité. Le palpitant de la jeune femme s’embrasa à la suite de ses paroles emmêlées à ses prunelles plantées dans les siennes. Elle se contenta de hocher la tête dans un premier temps sans lâcher son regard. Elle s’avança vers lui, leva doucement la main vers son visage et déposa ses lèvres sur les siennes en un baiser presque chaste que Tyler n’hésita pas à approfondir. Ils s’enlacèrent, leur corps se percutant avec une envie brûlante. Callisto était amoureuse et quoi de plus romantique à ses yeux que de réaliser sa première fois après un tel évènement ? Avec Tyler… C’était mieux que tous les rêves qu’elle avait pu faire.

Le plus dur avec les rêves, c’est le réveil. Et celui de Callisto fut brutal. Un sursaut lorsque l’on sort d’un affreux cauchemar, le souffle court et l’esprit totalement égaré. Cela arriva lors de sa sixième année, la septième pour le fils de veilleur… Le décès de son frère aîné fut un tournant dans sa vie. Entre sa tristesse et les responsabilités qui lui tombaient soudainement sur les épaules, le jeune homme ne céda pas de place à la Cubaine dans sa existence. Du moins, pas comme cela avait longtemps été. Si elle avait voulu le soutenir, il s’était refermé, repoussant d’une main ferme Callisto. Elle ne se laissa pas impressionner, mais il fallait admettre que s’écraser contre un roc devenait de plus en plus difficile. Seules quelques étreintes charnelles intimes chassaient ses barrières. Il semblait à Callisto apercevoir dans son regard une étincelle du Tyler qu’elle avait toujours connu, mais « su casa » avait été étouffé dans le gouffre dans lequel il avait plongé.

Son myocarde brisé, Callisto ne savait plus réellement comment se comporter. Il ne semblait trouver le réconfort avec elle que lors de partie de jambe en l’air et ce n’était véritablement pas à son goût. Le pire fut quand il s’afficha ouvertement avec une jeune femme, une sang pur digne de la Cabale. Callisto s’éloigna du mieux qu’elle le put de Tyler. Elle ne voulait plus être ce pion dans le jeu du fils de veilleur. Elle se sentait humiliée et soudainement tout ce qu’elle avait pensé éviter au sein de la communauté prenait son sens. Elle n’était plus qu’un objet. Pourtant résister était un supplice qu’elle ne parvenait pas à le surmonter. Surtout qu’il savait se montrer insistant pour faire éclater le mur qu’elle voulait dresser entre eux. L’arme que Calli dégaina, ce fut finalement de trouver également un petit-ami. Ce qu’elle ressentait pour Ethan n’était pas aussi puissant, mais elle s’était attachée à lui. Elle devait se rendre avec lui au bal des dernières années organisé par l’école. Seulement… il ne vint jamais la chercher comme prévu dans le hall d’entrée. Pire… Alors qu’elle passait le seuil de la salle de cérémonie, elle le vit au bras d’une autre. Une cocarde bleutée marquant son œil droit. Une colère sourde courut dans ses veines. Il avait osé. Elle le chercha, ses obsidiennes acérées parcourant la pièce. Quand elle l’aperçu avec cette idiote, elle comprit ce que l’expression voir rouge signifiait. Bousculant des personnes sur son passage, elle arriva jusqu’à lui et agrippa son bras avec virulence. « Suis moi Mason ! » avait-elle grondé. Son sourire presque arrogant l’agaça davantage, mais il obtempéra et la suivit au travers des dédales du collège, loin de l’euphorie de la fête. « Pourquoi ? Tu peux avoir une blonde stupide à ton bras et moi tu m’empêches de fréquenter quelqu’un ? Pire, tu lui casses la figure et m’humilies me laissant seule ce soir ? Je te déteste Tyler ! » Les mains de Calli percutèrent son torse avec hargne. Encore l’année dernière, il lui apprenait les bases de la boxe pour qu’elle parvienne à se défendre un minimum. Mais rapidement il la bloqua et comme souvent leurs lèvres se percutèrent. Elle voulut le repousser, lui montrer toute sa colère en vain. Comment pouvait-elle rester éprise ainsi de lui ? Le syndrome de Stockholm est un mécanisme psychologique surprenant et paradoxal qui s’inscrit dans une relation entre deux personnes : une victime et un agresseur. La première étant sous l’emprise psychologique de la seconde C’est ce qu’elle avait lu. Mais elle n’avait pas le sentiment d’être une victime quand elle fondait entre ses bras et que ses mains caressaient ses hanches. L’inverse du syndrome de Stockholm se nomme le Syndrome de Lima. Dans ce cas, le même mécanisme d’emprise psychologique s’instaure. Les rôles sont simplement inversés. Elle ressentait cette emprise qui semblait commune à eux deux. Cette soif de l’autre. Ce besoin viscéral. Ces syndromes sont les deux faces d’une même pièce. Celle du déséquilibre relationnel dominant / dominé d’une personne sur l’autre. Au diable la théorie, rien ne parvenait à expliquer cette force qui les ramenait l’un à l’autre.

Durant cette période, une sensation étrange vint habiter les pensées de la Cubaine. Peut-être était-ce cette forme de solitude, ce rejet que Tyler lui imposait, mais un sentiment étrange l'habitait. L'impression d'avoir des messages, des instants où elle ne maîtrisait plus la situation. Comme si... quelqu'un venait dans ses pensées, pour s'y infiltrer et délivrer un message. Mais d'où venait-il ? Qu'est-ce que cela signifiait ? Souvent pour ses proches à l'école, ou encore pour elle. Plus oppressant encore, l'impression que le frère de Tyler lui glissait quelques mots. Des informations venant de leur passé. Des messages qui s'avéraient arriver dans le futur. Une chose que Callisto se garda bien de révéler à qui que ce soit. La peur que la Cabale s'empare de ce don comme ils le faisaient avec tout... Les semaines, les mois filèrent. Cela pouvait être ponctuel, parfois plus intense sans qu'elle ne puisse l'expliquer. Elle se crut folle... pourtant l'accès à la bibliothèque scolaire l'aida à comprendre que la nécromancie existait bel et bien. Cette faculté, elle la porta, silencieusement, sans pour autant mal la vivre. Tyler n'était plus disponible pour l'écouter, pour l'entendre s'étendre sur ses soucis. Il n'était plus là pour ça. La culpabilité parfois la rongeait, car elle savait ce qui l'avait rendu si froid. La mort de Crow... Et elle, elle gardait précieusement les images qui envahissaient son esprit à ce sujet. Une impression de se venger de la façon dont il la traitait.

Cette relation déséquilibrée perdura avec le temps. Bien après Ilvermorny, quand Callisto n’eut d’autre choix que de retourner à la Cabale et de travailler pour rapporter de l’argent à la communauté. Si elle avait tenté de fuir une fois, elle s’était faite prendre en essayant de retrouver sa sœur en pleine nuit. Elle avait été brutalisée par des fidèles. Tyler l’avait soignée discrètement à l’abri des regards. Pourtant, elle ne supportait plus cette vie. Ce semi-emprisonnement, cette emprise permanente sur sa vie. Alors elle fit ce qu’elle pouvait afin de sortir de là. L’agression qu’elle avait subie n’avait fait que renforcer son envie de partir. Surtout qu’après cela, elle avait subi un interrogatoire pour comprendre ce que pouvait lui trouver Lark et Tyler. Et si elle les avait envoûtés pour qu’ils agissent ainsi ? La femme était toujours la fautive à leurs yeux. Ils avaient posé des questions si intimes qu’elle eut le sentiment d’être humiliée devant toutes ces personnes. Elle s’était énervée, clamant son innocence. Cette injustice qui la présumait coupable. Pour sa véhémence, elle reçut un sortilège impardonnable. Le doloris. Les larmes avaient coulé sur ses joues, les cris avaient brisé sa voix, mais elle s’accrochait à son espoir fou de tout quitter. Car dans l’ombre, elle avait commencé à récupérer assez d’argent pour quitter le pays.

Plus jeune, entre deux entraînements de boxe sommaire, Calli avait appris à jouer au poker avec Tyler. Autant le dire, elle était douée. Et le jeune homme se retrouvait bien souvent déplumé de tous ses jetons. Sa maîtrise apparente de ses émotions était un atout, mais elle parvenait à réaliser des hypothèses de jeu selon les cartes qui tombaient tout en décryptant le comportement des autres joueurs. C’est ainsi qu’un jour dans son propre lieu de travail, elle s’installa à une table de poker et détroussa de nombreux moldus. Un argent dont la Cabale n’avait aucune conscience.  Durant ses pauses, elle était aussi arrivée à contacter une branche de sa famille, installée en Angleterre. Un poids se retirait de ses épaules. Ils acceptaient de les accueillir, elle et Cassiopée. C’est ainsi qu’une nuit après avoir couché avec Tyler une dernière fois, elle parvint à s’échapper alors qu’il s’était endormi.

Une année. Un an s’était écoulé depuis cette dernière nuit entre les bras de l’Américain. Elle avait  commencé une nouvelle vie en Angleterre. Vu ses références dans son ancien travail, elle avait rapidement trouvé un poste au Midnight Sky. Sa sœur était plus radieuse que jamais et étudiait dans une faculté moldue. Elle qui avait failli sombrer comme leurs parents et frères revivait. La Cubaine avait réussi de bien des manières à avancer. Dans l’ombre de la Cabale, elle avait pris des cours à distance de psychologie. Elle qui passait son temps à observer et décortiquait le monde s’était passionnée dans cette voie. Elle entamait sa dernière année. Elle avait déjà réalisé plusieurs stages à Saint Mangouste et même une fois dans un cabinet moldu. En parallèle, elle avait intégré une petite association et faisait du bénévolat dans l’hôpital sorcier.

Enfin, la liberté s’offrait à Callisto et elle souhaitait en profiter jusqu’à la dernière seconde. Pourtant des murmures se font dans son esprit. Il approche.