Novembre 2021
La fin de journée en automne était mon moment préféré. Pour commencer, les cours étaient terminés, les élèves turbulents et prépubères furent renvoyés à leurs autres occupations et le calme, à l’orée de la forêt, s’installait timidement. J’appréciais particulièrement cet instant qui me donnait l’impression d’assister, chaque soir, à l’éclosion de la nature nocturne. Le vent qui agitait lentement les grands arbres de la forêt interdite était à nouveau perceptible. Les feuilles se coloraient des mêmes tons que le ciel, enchantement de la saison, comme si toute la nature était soudainement en symbiose absolu. Les grillons stridulaient et le chant des oiseaux remplissait l’air qui se refroidissait sensiblement. Le tout était accompagné des couleurs vives du coucher de soleil, donnant au ciel une couleur d’abord jaune, puis orange avant qu’elle ne vire au rose pour enfin laisser sa place au bleu sombre, puis aux étoiles.
Pour l’heure, le temps était encore au jaune alors que je terminais de balayer l’écurie des hippogriffes en savourant le silence alentour uniquement perturbé par les quelques manifestations des créatures fantastiques. Dans mon dos, Sleipnir, mon Sombral, me suivait comme mon ombre au nez et à la barbe des sorciers qui n’avaient pas la capacité de le voir. Ces sorciers, dans le fond, étaient chanceux, car apercevoir la mort était un événement qui nous hantait jusqu’à la fin de notre vie. S’il avait partagé ma peine durant trois ans, Sleipnir, aujourd’hui, reflétait davantage le souvenir d’une époque douce qui m’était aujourd’hui interdite à jamais. Pour autant, j’aimais le petit cheval ailé, justement parce qu’il était l’incarnation de cette époque résolue. Quand je le caressais, il me donnait l’illusion d’étreindre celui qui m’avait été arraché sous mes yeux.
Si le début de l’année avait été tumultueux avec l’attaque à King’s Cross, le reste avait été on ne peut plus calme. L’arrivée de Elida dans notre vie avait été un changement radical que nous acceptions de tout notre cœur, Harper et moi. La présence de l’adolescente était un rafraichissement bienvenu dans notre couple. Je souris en revoyant le visage timide de la jeune femme.
De fil en aiguille, mes tripes se nouèrent d’impatience pour un tout autre projet que nous avions, mon épouse et moi. Tout allait changer ! Les rendez-vous agendés en attestaient, et même si je manquais de sauter de joie comme une enfant, j’avais peur aussi. Une peur qui me nouait la gorge au point que déglutir devenait douloureux. Il y avait ces fameuses innombrables questions commençant toutes par « et si… ? ». J’essayais de les chasser. Le positivisme de Harper était contagieux. Dans le fond, j’avais confiance. Pour la première fois de ma vie, j’avais confiance pour ce projet d’avenir. Moi qui y avais été férocement opposée encore au printemps de cette année.
Il fallait dire que l’époque dans laquelle nous vivions avait tout pour être merveilleuse, mais il y avait cette guerre… ces conflits immondes qui entachaient toute la beauté et toute la sérénité de notre ère. Nous avions tout pour être heureux et pour cohabiter et pourtant… il fallait toujours qu’il y ait des extrémistes soient disant bienpensants pour tout gâcher. Ni les moldus ni les sorciers n’étaient épargnés, il y avait des fous partout. Assez fous pour monter une guerre et faire couler le sang d’innombrables innocents… jusqu’à attaquer une gare pleine de gosses. La rage qui étreignait mes tripes engendrait ma culpabilité de ne pas avoir été présente ce jour. Je ne prenais plus le train pour me rendre à Poudlard, et ce, depuis que j’avais quitté les bancs universitaires et j’avais été informée trop tard par l’Ordre puisque je ne me trouvais pas à Londres.
Voilà pourquoi, depuis le début de l’année, j’avais eu à cœur de convoquer chaque élève de la maison que je dirigeais afin de prendre le temps de discuter avec eux. En tant que directrice, je me sentais responsable d’eux et de leur bien-être, je voulais m’assurer que, malgré l’attaque, ils puissent bénéficier d’un soutien adéquat. Je n’étais pas sans savoir que plusieurs élèves avaient été blessés durant cet assaut, et j’avais répertorié ceux qui me concernaient. Kiara en faisait partie. Elle était la prochaine après Khelia, qui devrait me rejoindre dans quelques minutes.
Je déposais mon balai et Sleipnir me poussa l’épaule du bout des naseaux. Je souris en lui caressant l’encolure.
— Tu as déjà mangé, glouton, et je vais devoir m’occuper des Abraxans. Le cheval ailé renâcla un peu, comme vexé, ce qui m’amusa d’autant plus. Alors que je prenais le chemin de l’écurie des Abraxans, je levais les yeux au ciel et admirait les lueurs du ciel se teinter d’orange. En jetant un bref regard vers le château, je vis la silhouette de Khelia qui s’approchait.