Des mois sont passés depuis la vandalisation de ta boutique par les mangemorts. Depuis, tu n’as pas eu à subir d’autre incident de ce genre. Tu ignores ce qui les a poussés à ne pas récidiver. La surveillance du Blood Circle ? Des ordres de l’Augurey ? La disparition de certains mangemorts qui ont été retrouvés, ligotés par un maléfice du saucisson, devant des établissements du Blood Circle. Le coupable serait un mystérieux individu masqué.

Ta couverture de non-maj reprend tranquillement son cours. Le rapport de police et l’enquête du Blood Circle ont permis de déterminer que tu avais bien été victime d’un vandalisme d’origine magique. Le mot “terrorisme” avait été écrit quelque part sur le constat et, bien que ça te coûte de l’avouer, tu ne peux qu’approuver l’usage de ce mot pour cet événement. Le caractère exceptionnel de ce sinistre, ainsi que le contexte politique dans lequel Londres évolue, t’ont permis d’être grassement dédommagé pour les dommages.

Tu pourrais croire que le Blood Circle tente de s’acheter une conscience auprès de la population mais, en vérité, tu t’en contrefiches un peu. Cet argent te sera bien plus utiles qu’au Blood Circle, et si en plus ça permet de reconstruire ce que les mangemorts ont détruit, tu y trouves triplement ton compte. La popularité du Blood Circle est au plus bas. Entre les événements à la gare de King’s Cross, où les non-majs ont pris d’assaut un quai rempli de gamins, et la boucherie à Piccadilly Circus, où ils ont voulu faire un remake du massacre de la place Tian'Anmen. Mais comme ce monde est peuplé d’imperfection, si le Blood Circle perd en popularité du côté des non-maj, c’est pour que les mangemorts en gagnent du côté des sorciers. Le serpent qui se mord la queue…

De ton côté, tu te demandes ce tu fiches encore dans ce pays de cinglés. Ils sont clairement incapables de se gérer seuls, mais ce n’est pas à toi de prendre leur main pour faire les choses à leur place. L’Histoire a prouvé que ce genre de débilités étaient contagieuses et tu t’efforces d’amener un peu de Justice et d’Équilibre en ce monde.

Mais tu agis seul. C’est comme écoper l’océan avec un dé à coudre. Le premier incident venu sabote des semaines, des mois d’efforts. Tu as quatre ou cinq coups de retard sur le Blood Circle, ou les mangemorts. Tu as déjà songé à rejoindre l’Ordre, mais ce serait compromettre la neutralité de ton identité de couverture, et tu ne peux pas te le permettre. Cela dit, il serait logique, aux yeux des mangemorts, que le faible sang-de-bourbe que tu es cherche refuge auprès de l’Ordre. Et les renseignements qu’ils pourraient t’apporter te seraient utiles. Mais tu ne peux t’y résoudre. Rejoindre l’Ordre, c’est dépendre d’autres personnes, et tu t’y refuses.

En tout cas, si les dégâts n’ont pas créé un gouffre financier dans ton entreprise, la fermeture de ton établissement a eu des répercussions directes sur le taux de fréquentation. Tu ignores si les clients ont trouvé mieux pendant ta fermeture, ou s’ils ont simplement oublié ton existence. Le plus probable reste le fait qu’ils ne craignent que la foudre ne frappe une deuxième fois au même endroit, avec eux à l’intérieur. Crainte que tu peux comprendre. Heureusement, la période des fêtes de Noël approche, et les Bandes Dessinées que tu vends peuvent être de bonnes idées de cadeaux. Tu donnes le meilleur de toi pour que ta boutique attire l'œil. Petites guirlandes, boules de décoration, affiches avec des super héros bariolés aux couleurs de Noël, ou accompagnés du gros bonhomme bedonnant. Tu es même allé jusqu’à mettre un bonnet avec des petites clochettes qui tintinnabulent dès que tu bouges la tête. Ta prostitution pour attirer le client n’est pas allée plus loin, car tu n’as pas la place pour un sapin.

Tu ne sais pas trop si ce stratagème a attiré beaucoup de clients mais il semblerait que tu aies au moins réussi à appâter une mère et son ado de fille. C’est plutôt rare que des femmes, quels que soient leur âge, viennent dans ta boutique et, le plus souvent, c’est pour offrir un cadeau à un proche. Tu te doutes que cette fois ne fait pas exception.

«Bonjour, et bienvenue !»

Tu n’en fais pas plus. Tu n’aimes pas quand les vendeurs sont trop prévenants, trop collants avec toi. Alors tu t’efforces de ne pas être ce genre de connard insupportable qui saute si vite sur la clientèle que ça la fait fuir aussitôt. Les gens n’ont pas tous besoin d’aide, et c’est bien plus courtois de l’apporter quand elle est réclamée ou quand la personne semble être en pleine galère. La problème, c’est qu’il n’y a personne d’autre dans la boutique, et que tu te fais bien bien chier. Tu gardes donc un œil sur elles, pour voir à quoi elles s’intéressent. Elles ne parlent pas trop fort, t’empêchant d’entendre ce qu’elles disent. Si tu avais pu capter quelques mots, tu pourrais savoir à qui elles comptent offrir quelque chose.

Elles finissent par être aux rayons à quelques mètres de toi. Tu les observes, en tâchant de ne pas être trop intrusif. Mais tu les espionnes quand même. Un accessoire attire rapidement ton regard. La jeune fille porte une broche à l’effigie des Oiseaux-Tonnerre. Tu n’as aucun doute là dessus. Tu as passé assez de temps à Ilvermorny, dans cette même maison. La vue de cette broche te rappelle ta cérémonie répartition, et ta déception de ne pas voir les quatre statues s’animer devant toi. Tu avais failli être réparti chez les Serpents Cornus, mais au dernier moment, l’Oiseau-Tonnerre s’était animé, ouvrant grands les ailes pour t’accueillir. Tu te rappelles ta pensée lors de ton choix : si tu devais devenir un véritable héros, il fallait que tu voles de tes propres ailes.

On te parle. Tu n’as pas entendu la question, mais cela te sort de ta rêverie.

«Pardon. Vous pouvez répéter ?»

Tes yeux quittent la broche pour fixer la mère de l’enfant en te demandant son âge. Tu interroges ta mémoire pour savoir si tu l'as déjà rencontrée à l'école.