Je suis né en 1990, soit un an avant que Harry Potter ne rentre au collège de sorcellerie de Poudlard. Cela signifie également que je suis né à une période que l’on pourrait qualifier de « calme », bien que les complots et les secrets dans et autour de ma famille n’aient jamais vraiment cessé. Tout le monde autour de moi à toujours été réparti à Serpentard, en dehors de certains cousins qui ont été vite déshérité et dont je n’ai jamais croisé la route tant déjà leur prénom était tabou. Je suis le fils unique de mon père, Achilleus Black et de ma mère, Victoria Rosier. Cette dernière est tombée malade après ma naissance et n’a jamais pu avoir d’autres enfants. Je ne l’ai presque connue que alitée. Autant dire qu’elle ne s’est jamais vraiment occupée de moi, pas plus que mon père d’ailleurs, pour qui non seulement l’éducation était un métier de femme mais aussi pour qui rapporter de l’argent pour subvenir aux besoins de tout le monde était primordial. Je le voyais, certes, mais je n’ai jamais vraiment gardé de souvenirs très heureux avec lui. J’ai ainsi grandi dans la proximité de mes tantes et de mes cousins et cousines, tous plus grands que moi, jusqu’avant mon entrée au collège. Dans la pure tradition des Black cela va sans dire. Bien entendu, mon univers n’était pas exclusivement féminin, j’en viens donc à parler de la famille. Il y a beaucoup de choses à dire sur les Black. Personnellement, j’ai toujours été fier de mes ainés. Longtemps, j’avais été impressionné par le pouvoir qu’ils avaient détenu au cours des siècles. Bercé depuis tout petit par l’idéologie du groupe, par les clameurs de la devise familiale « Toujours purs », par les récits des grandes actions accomplies et des remontrances quant à l’importance d’être fort, fier, rusé et digne en toute circonstance, je suis naturellement rentré dans le moule. A peine âgé de dix ans, j’aimais assister aux duels de magie auxquels se livraient mes cousins et mes oncles. La pratique, c’était la meilleure façon d’apprendre. J’écoutais les discours moralisateurs en riant sous cape lorsqu’ils ne m’étaient pas adressés, je me tenais droit en vouvoyant mes parents, piquait les baguettes magiques laissées sans surveillance, me morfondait d’ennui au cours des longs diners au cours desquels ma cousine Agatha me conseillait de bien écouter pendant les cours de Défense contre les forces du mal, ma tante Lucinda venter le courage de sa fille qui avait passé volontairement toute une nuit dans la Forêt Interdite de Poudlard, ou mon oncle Alcide m’enjoignant à bien torturer les enfants de moldus lorsque je serai enfin à l’école.

Ces dix ans à grandir à l’ombre de ces sorciers et sorcières fut marquée par des évènements noirs, comme la défaite de 1998 qui avait entrainé l’arrestation et l’emprisonnement d’une dizaine des membres de la famille,  la sordide affaire de la cousine Saphir qui avait empoisonné ses deux parents avant de boire une potion de mort liquide, ou celle du cousin Hector qui avait eu le malheur d’être réparti à Poufsouffle et dont on avait plus osé prononcer le nom depuis. J’entrais ainsi à Poudlard en 2001 sans faire le fanfaron, préférant me fondre dans la masse sans me faire remarquer comme étant issu d’une lignée de Mangemorts, et passais la répartition dans le plus grand des calmes. Sans surprise, je fus envoyé à Serpentard, bien que le Choixpeau eut longtemps hésité avec Serdaigle pour l’intelligence et la curiosité qu’il avait pu lire en moi. Ma scolarité se passa également sans encombre. Si en apparence j’étais du genre à suivre les règles à la lettre, je n’étais pas l’un des derniers à les enfreindre, mais apparement, l’un des premiers à parvenir à échapper aux mailles des filets. C’est à cette époque que mes avis et opinions commencèrent à évoluer. Premièrement, s’agissant de la théorie et la pratique. Rapidement, je m’intéressais aux matières dites plus « intellectuelles » comme l’histoire de la magie, et plus tard, Arithmancie et Etude des runes. Je passais beaucoup de temps à la bibliothèque, plongé dans des bouquins de toute sorte, enmagasinant le plus de données possibles me permettant de comprendre les tenants et aboutissants de toutes ces années de transformations magiques. Je lisais des livres sur la pureté du sang et sur les grands sorciers contemporains, apprenant et comparant les spécificités des autres grandes familles magiques que celle des Black. Bref, je lisais beaucoup, ce qui amène ainsi à mon deuxièmement, l’entourage. Moi qui avait toujours vécu avec du monde, qui avait connu les grandes réunions familiales, voilà que j’appréciais de plus en plus passer du temps en solitaire. Si, en première année je trainais avec l’ensemble des Serpentard de mon âge, en deuxième, j’appris vite que je ne devais compter que sur moi même, et me contentait de la compagnie de celui qui était devenu mon meilleur ami, Typhus Zabini. Je gardais encore des relations cordiales et presque amicales avec mes condisciples, mais je crois bien que mon ami était le seul qui possédait à cette époque les mêmes envies que moi, et la même vision de la vie. Nous gagnâmes notre indépendance à peu près en même temps et, à la fin de notre dernière année à Poudlard, emménagions tous deux à Londres dans deux appartements voisins. Nous voyions tous deux notre famille régulièrement, sans avoir à subir la pression qui nous avait accompagné tout au long de notre jeune âge. Bien sur, cela fut un épisode idyllique, mais cela ne dura pas. Sembla t-il que la famille Zabini avait une emprise particulière sur leur dernier né, auquel celui-ci fini par succomber. Nous nous perdîmes de vue quelques années, jusqu’a ce que nos familles organisent mes fiançailles avec la propre soeur de Typhus, Circéa.

Entre temps, je commençais des études pour intégrer le département de la Justice Magique au Ministère. Mes parents approuvaient ce choix qui leur permettait d’être tenus au courant des actions qui s’y déroulaient. En bon fils de famille désireux de garder sa place, je leur apportait ce qu’ils voulaient, tout en essayant de ne pas me faire prendre. Personne ne faisait attention à moi à ce moment là, sachant passer inaperçu. Je n’étais absolument pas excentrique, détestant la présence de la foule, arrivant très tôt le matin pour éviter les embouteillages à l’entrée des cheminées. Je ne m’épanouissait pas, et ne me voyait absolument pas passer ma vie dans ces bureaux, mais nul doute que je pourrais occuper une place de choix, et c’était d’ailleurs cela qui me faisait tenir. Petit à petit la considération se faisait plus grande, bien que je sois encore étudiant. Au début je n’étais pas très apprécié, notamment parce que je descendais d’une lignée de Mangemorts, et que les mentalités étaient encore bien loin d’avoir totalement changé. Moi, je me foutais de ce que l’on pensait de moi, et d’ailleurs, je ne faisais rien pour prouver le contraire. Ma famille avait toujours été une fierté et, même si je m’étais efforcé de le cacher depuis l’époque du collège, cela n’empêchait pas tout un chacun de penser ce qu’il voulait de mon allégeance.  

Ce fut l’été précédent ma nomination, en aout exactement, que mes parents m’annoncèrent qu’ils s’étaient mis d’accord avec les Zabini pour que j’épouse leur fille. Sur le papier, c’était une offre tentante. Malgré les déboires de la fin des années 90, les Zabini possédaient encore une importante fortune, bien que nettement moins conséquente que par le passé. Pour ne rien gâcher, Circéa était une femme très belle. Elle avait deux ans de moins que moi, et je l’avais croisée à de nombreuses reprises pendant l’été, puis ensuite à Poudlard, mais à l’époque, nous nous ignorions royalement. Je savais qu’elle partageait les idées de ces ainés parce que Typhus me l’avait répété plusieurs fois, et c’était quelque chose que j’appréciais chez elle. Le sens de la famille avait toujours été important pour moi, raison pour laquelle je me pliais encore à ses exigences. Elle n’avait pas peur d’affirmer ce qu’elle pensait, mais je la trouvais trop arrogante à mon goût. Moi qui avait toujours su glisser comme un serpent pour éviter les ennuis, elle les prenait à bras le corps, ce qui avait couté de nombreux points aux verts et argent, et cela ne me plaisait pas du tout. Aujourd’hui, les choses étaient sensiblement les mêmes, bien que nous ayons tous deux grandi, mais elle restait cette jeune femme franche et acerbe qui la caractérisait. Je n’étais pas spécialement emballé par l’idée, mais cette union avait vocation à rapprocher nos deux familles, et ce fut tout naturellement qu’elle fut acceptée des deux cotés. Je n’étais pas amoureux, et elle non plus apparement, mais je fis de mon mieux pour que notre histoire en commun commence sous les meilleurs auspices. En tant que petit dernier de la famille, il me revenait de transmettre le nom des Black et de perpétuer la descendance, mon oncle Alcide n’étant pas marié, et mes seuls cousins pur Black morts. C’était un rôle que je prenais très à coeur, mais l’expérience ne fut malheureusement jamais concluante, ce qui nous fut vite reproché. Certaines tentions commencèrent à naitre, alors que je n’avais toujours connu que l’unité et l’adhésion au sein des membres de la famille. Seule ma mère, Victoria, semblait compréhensible, elle qui était tombée malade à ma naissance. Pour le reste, ce n’était que des murmures perfides, des remarques lancées au cours du déjeuner du dimanche. Ma fiancée était plus blâmée que moi, et je la soutenais, disant que la vie était faite ainsi, osant ainsi braver le courroux du patriarche, Cepheus Black, et les protestations de Circéa, qui affirmait pouvoir se défendre seule. Je clamais moi aussi mon avis sur la situation, refusant d’entendre les reproches qui lui étaient adressé. Pour la première fois de ma vie je tenais tête à ma famille en allant dans une direction opposée d’eux et en en affichant clairement la couleur, et je sentais que cela me faisait du bien. J’étais Morgan, je n’étais pas qu’un Black parmi les autres, un moule copie conforme de mon père ou de mon grand-père. Toutefois, pour le reste, j’étais trop attaché à ces gens, trop formaté depuis l’enfance pour pouvoir avouer à tout le monde que je n’étais pas sûr de vouloir rejoindre le rang des Mangemort qui se réunissaient autour de l’Augurey.

En autonome 2016, le corps de Circéa Black fut retrouvé sur le chemin de Traverse, du coté de l’Allée des Embrumes. Tout semblait indiquer qu’elle avait subi un Avada Kedavra, mais selon les experts de Sainte Mangouste, des résidus de poison avaient été retrouvés dans son organisme. Une enquête fut ouverte par le Ministère, parce qu’il s’agissait d’une riche héritière sang-pur de même pas vingt-cinq ans. Des suspects furent arrêtés, mais relâchés faute de preuves. Des rumeurs avaient surgi, mettant en premier plan la famille de ma fiancée, mais elles se tournaient également un peu vers tout et n’importe qui. Je demeurais très suspicieux quant aux raisons de ce meurtre, mais la première chose qui me venait à l’esprit était liée à la descendance qu’elle ne pouvait me donner. On ne divorçait pas chez les Sang-pur, mais ne pas avoir d’héritiers pouvait être une source de faiblesse, de déshonneur. C’était prendre le risque que la lignée s’éteigne, que la Noble et très ancienne maison des Black ne soit plus. En clair, je soupçonnais ma famille d’avoir oeuvré dans l’ombre, même au détriment d’une autre famille de sang-pur de haute naissance. Ce n’était que des soupçons bien évidemment, peut être que de nombreuses autres raisons auraient pu motiver cet assassinat, mais je n’arrivais à me défaire à l’idée qu’il s’agissait un crime de magie noir, destiné à éviter que le blason de la maison ne se ternisse. Cet époque marqua également un tournant dans ma vie. Juillet 2017, les postes de professeur d’étude des Runes et de Sortilèges à Poudlard devinrent vacants, et je reçu une proposition du nouveau directeur de l’école puisque j’avais été un des meilleurs élèves dans la matière. Si mon boulot au département de la Justice Magique au Ministère ne m’intéressait plus, j’y vis là une très belle occasion de quitter le pays, de m’éloigner. Mes parents avaient toujours souhaité pour moi une carrière plus impressionnante, plus digne de mes capacités, mais j’avais immédiatement accepté l’offre. Bien vite, ils se sont fait une raison, d’autant que j’aurai encore un poste de choix pour garder un oeil sur mes petits cousins, leur attribuer plus de points, leur donner des conseils sur la façon de réussir les BUSEs, voir même pour leur apprendre la meilleure façon de tricher pour avoir les bonnes notes aux examens de fin d’année. Je mentirais si je disais que je ne l’avais pas fait. A vrai dire, toute occasion était bonne pour permettre de redorer l’élite de ce qui avait été ma maison au collège. Tout était fait insidieusement bien entendu, même si ma personnalité sombre, secrète et bourrue attirait parfois les mauvais regards de mes collègues sur moi. A vrai dire j’avais rarement fait l’effort de m’intégrer. Je mangeais peu dans la Grande Salle, préférant la douceur du foyer de la salle des professeurs ou de mes appartements en haut de la tour Nord. Le confort que m’apportait ce travail me suffisait très bien, et, comme je l’avais toujours fait, je me foutais de ce que l’on pouvait penser de moi.

J'ai rencontré Leah dans le bar ou elle travaillait et nous nous sommes liés d'amitié. Mes considérations pour la pureté du sang ont été mises à mal mais j'ai beaucoup appris à son contact. L'amitié s'est peu à peu transformée en affection puis en amour, et nous avons fini par nous mettre ensemble Malgré tout, le mystère autour de la mort de Circéa, la pression familiale s'agissant de ma potentielle future allégeance aux Mangemorts et de nouvelles découvertes en matière de Runes m'ont malheureusement conduit à faire cesser cette relation afin de partir en Europe de l'est s'agissant d'un projet d'études particulièrement important (du moins ce fut la justification officielle). Le manque de communication entre nous entérina définitivement notre couple.

Je me suis éloigné physiquement de ma famille mais ma loyauté envers les Black n’a pas changé, bien que leur allégeance ai fortement évolué. Je suis au courant de tout ce qui se trame à Londres et ailleurs dans le pays grâce à eux, mais je n’arrive pas à parler de « notre coté ». Je ne me sens absolument pas Mangemort, refusant de porter officiellement la marque, mais je n’arrive pas mentalement à tourner le dos au clan. Pris entre deux feux, entre mon dévouement envers mes proches et mon désir de me faire ma propre opinion, entre mon impossibilité à trahir la voix des miens et mon incapacité à me projeter comme adepte de la magie noire à cause des soupçons que je nourris toujours, je mêne une vie bancale, sans savoir vers quel chemin je peux et je dois me tourner. Alors j’attends. Des auspices favorables, un signe du destin peut être. C’est quelque chose que je ne peux apprendre dans les livres et qui me laisse au dépourvu. Et pourtant, ce n’est pas les sollicitations qui manquent, ma neutralité n’étant pas toujours très bien vue. Il faudra bien un jour que je m’affirme, peut importe mon choix, mais chaque jour je le recule.

Décembre 2021, et les hiboux familiaux m'apportèrent les nouvelles de Londres et des manifestations de Picadilly auxquelles ils avaient participé. Mon étude arrivant à terme après plus d'un an sur place, il était temps de revenir, d'autant qu'un mauvais pressentiment avait envahi mon esprit. Et mon coeur...