Là, le petit truc qui gigote, c'est moi. J'viens de naître, j'capte pas vraiment - en fait, pas du tout - c'qui s'passe autours de moi et j'suis bien loin d'me douter que j'suis une sorcière. Une sang-mêlée, plus précisément. Une sorte d'hybride magico-moldue. Un peu comme les héros dans les films sauf que j'allie pas les meilleures caractéristiques des deux races. Non, j'suis juste moi : Hera !

L'espèce de tâche sombre penchée sur moi et qui disserte sur la forme de mon nez, là, c'est Dave. Un moldu tout ce qu'il y a de plus classique, et mécano. Il est américain et c'est un peu - beaucoup - à cause de cette particularité que j'me retrouve à pousser mes premiers cris à New York. Parce que Dave, c'est mon père. Eh ouais. Il m'a refilé la moitié de ses gênes et en ce moment il pense encore qu'il sera à la hauteur. C'est normal, eh, il est euphorique ! Il vient de se reproduire, quand même ! Et sans vouloir me la péter, bon, j'suis plutôt réussie !

Quant à ma mère, c'est celle qui me tient dans ses bras et qui m'observe sous tous les angles. Elle aussi, elle se dit qu'elle m'a pas trop foirée. Deux bras, deux jambes, des doigts et des orteils en nombre... Ouf ! Enora est une sorcière, elle. Britannique de naissance, américaine par amour. C'est à cause de sa belle histoire avec Dave qu'elle a quitté Birmingham et les siens pour vivre son idylle. Franchement ? J'suis pas sûre que c'était la meilleure des idées... Mais l'amour rend bête, hein. Qu'est-ce que vous voulez...

M'enfin bref, y'a pas grand chose d'intéressant à dire sur le jour de ma naissance. J'étais rose, minuscule, plus fragile que la fierté d'un boomer... J'me doutais pas encore que la vie pouvait être compliquée. Ni que la réponse à la grande question sur la vie, l'univers et tout le reste était 42.



Me revoilà ! J'ai pile-poil sept ans et aujourd'hui, forcément, c'est moi la reine de la journée. J'ai invité quelques copains pour fêter ça. Gâteau, cadeaux, tout le tralala. C'est cool de grandir. Un peu compliqué, aussi. Papa dit que j'ai un caractère compliqué, maman lui rappelle que les chats ne font pas des chiens. Avec un petit sourire en coin.

Après c'est sûr que je n'suis pas exactement devenue le prototype de la fillette sage. Disons que je n'sais pas encore ce que je veux mais par contre, eh, je suis très bien ce que je n'veux pas. Et puis j'me laisse souvent guider par ma curiosité et mon désire de découverte. Des fois, ouais, ça me joue des sales tours. Mais c'est pas grave, ça fait partie du Job d'aventurière. Dora peut aller s'rhabiller !

Surtout que je n'ai pas un mais bien deux mondes à découvrir. Celui des moldus, dans lequel j'évolue la plupart du temps, et celui des sorciers, que j'apprends surtout à connaître à travers maman. Oui parce que je n'vous ai pas dit mais j'fais des trucs bizarres sans vraiment l'vouloir. L'autre jour j'ai fait disparaître une assiette, c'était marrant. Mais papa m'a regardée comme si j'avais étranglé le chat - oui, on a un chat - ou fait exploser l'Empire State Building. Il me répète toujours autant qu'il m'aime mais je crois que je l'ai déçu. Il m'espérait normale, comme lui. Mais bon... J'ai l'esprit de contradiction !



Neuf ans et demi, bim ! M'enfin là j'ai surtout envie de vous parler d'un truc vraiment flippant qui m'est arrivé au printemps. Les elfes de maison, vous connaissez ? Putain l'angoisse... C'est la première fois de ma vie que j'en voyais. Faut dire qu'on est pas vraiment riches, dans la famille. Classe moyenne américaine, quoi. On n'a pas d'esclaves à la maison...

Mais ce que j'essaie de dire c'est que ces trucs sont particulièrement hideux. C'est comme si Legolas avait décidé d'se taper un phasme pour donner naissance à... bah... des elfes de maison, justement. Et puis quelles victimes, ho la la... Serviles au possible. Tout ce que je déteste. Je sais pas trop si j'dois les plaindre ou les mépriser, alors dans le doute j'espère surtout ne plus en croiser. Ces trucs me filent des cauchemars. Littéralement.

N'vous moquez pas, okay ?! À chacun sa phobie !



Là, clairement, c'est un moment important de ma vie. Le genre de décision qu'il ne faut pas foirer. Deux voies s'offrent à moi. C'est la première fois que je dois faire un choix aussi important. J'ai reçu une lettre m'invitant à rejoindre Ilvermorny. Pour les deux teuteus du fond de la classe qui suivent pas, si jamais, c'est l'école américaine de magie.

Bref, jusque-là, j'ai suivi un cursus scolaire moldu. Le grand classique de la chiantise. C'est Papa qui insistait, et maman qui a cédé. Mais mes parents ne s'entendent plus vraiment. lls font juste semblant que tout va bien devant moi. Comme si j'étais incapable d'entendre les éclats de voix depuis mon lit... L'idylle s'est transformée en routine, en habitude. M'enfin, au moins, ils auront essayé de me préserver. Et moi, je pense encore que les choses vont s'arranger entre eux.

Je crois que j'vais choisir Ilvermorny. Parce que j'en ai envie. Et parce que même si ça me donne l'impression de trahir mon père, il faut bien que je me familiarise davantage avec la magie. Je ne tourne pas le dos à "son" monde, je cherche simplement à élargir le mien. Ce n'est pas contre lui. C'est pour moi. Je n'ai même pas conscience, à ce moment-là, qu'il le prend comme un désaveux. En fait, même aujourd'hui, je n'ai pas encore eu l'occasion de lui dire que ma différence ne me place pas hors de sa portée.

Ou que ce n'est pas moi qui ai décidé de me marier avec une sorcière et qu'il fallait peut-être réfléchir avant à ce que ça impliquait...



L'école est trop cool ! J'découvre la vie loin de la maison. Les premiers temps, on va pas se mentir, c'était pas forcément facile. Il s'peut même qu'éventuellement, peut-être, deux ou trois petites fois, j'aie lâché quelques larmes avant de m'endormir le soir. Le mal des parents, quoi. Oh vous aussi vous êtes passés par là, faites pas genre...

Mais ouais, les cours me plaisent. Les statues d'Ilvermorny ont fait de moi une Oiseau-tonnerre. En gros, c'est la meilleure maison. Y'en a quatre, comme à Poudlard. Je sais pas qui a copié qui. Je me vois bien passer toute ma scolarité ici. La plupart des gens sont cool et j'commence à me faire quelques amis. Bon après y'a aussi des gros cons qui considèrent que je suis une sorte de sorcière de seconde zone parce que je suis à moitié moldue. Mais déjà à cette époque, sans prétention, j'étais plutôt douée pour envoyer les abrutis brouter ailleurs. Alors bon, j'ai survécu. Vous en faites pas pour moi.

Sinon j'aime les cours de sortilège, de défense contre les forces du mal, de balais et tout ce qui bouge en général. Je déteste l'histoire de la magie, la botannique et tout ces trucs de hipsters, comme dirait mon père. Parfois attentive et studieuse, souvent dissipée et bavarde, j'ai commencé assez vite à dédaigner des matières pour d'autres. Forcément, quelques mois plus tard, mon premier bulletin de notes en portera les stigmates. Mais non, on n'évoquera pas ce moment gênant ensemble.

Non, là, c'est la belle vie. L'insouciance, quoi. Et très franchement le monde des moldus ne me manque pas vraiment. Enfin y'a quand même un détail qui a fini par assombrir le tableau au bout d'un moment : j'ai fini par apprendre qu'il y avait des elfes de maison dans l'école. Et même si je ne les ai jamais vus, ça m'a pas empêchée de flipper grave en m'endormant. J'sais pas, j'aime pas l'idée que des legophasmes viennent rôder dans l'école pendant que j'ronfle ou que j'ai le dos tourné. Non, j'aime pas ça du tout !



Bon, c'est sûr, j'étais pas à la maison ces derniers mois. Mais il ne m'a fallut que quelques heures pour comprendre que le foyer que je retrouvais avait perdu son âme. Un père devenu taciturne, une mère portant le poids du monde sur son visage et moi, au milieu, qui cherche plus ou moins à comprendre ce qu'il se passe. Les silences sont révélateurs. Avant, ils se parlaient.

Papa a dû fermer son garage. Il tourne en rond, il cherche à rebondir et me regarde d'un air absent quand je partage mes nombreuses anecdotes sur Ilvermorny. Maman comprend. Lui, il ne peut qu'imaginer. Il est morose quand je suis heureuse. Je n'sais pas trop s'il avait déjà commencé à boire à cette époque. Pas ouvertement, peut-être ? Mais ce qui est sûr c'est que ce n'est pas vraiment lui que j'ai retrouvé en rentrant de l'école.

À ce moment là de ma vie, en tout cas, je me fiche pas mal de la politique. Les conflits entre moldus et sorciers n'ont pas la même intensité ici. La ligue des fidèles de Salem ne m'inquiète pas. On peut même dire que je m'en fiche. Eh, j'ai douze ans ! Ce que je veux savoir, c'est si Jonah pensera à m'écrire pendant les vacances. Et si je recevrai vraiment une beuglante du ministère si j'utilise la magie en dehors de l'école.

Bon et puis, bien sûr, si ma famille va éclater. Ou encore, si c'est ma faute.



J'vous reprends une année plus tard, ou presque.  Vous voulez savoir si les choses se sont améliorées ? Bah non, que nenni. J'vous passe mon année à Ilvermorny, elle a été d'un grand classique. Bon à part que j'ai perdu ma baguette quelques jours et que c'était pas rigolo du tout. Oh et pour info, Jonah était un connard en fait. Aujourd'hui j'me demande encore ce que je lui trouvais, tiens. Mais voilà pour le résumé.

Non c'est à la maison que les choses vraiment craignos ont eu lieu. Mon père a définitivement sombré dans l'alcool, il pue le whisky a trois mètres. Un vrai cliché. C'est triste. Ca me fait du mal. Mais ça en fait encore plus à ma mère. Je sais pas comment les choses ont pu dégénérer à ce point à vrai dire. Maman n'a jamais été très loquace sur le sujet.

Après j'vous arrête tout de suite. C'était un gentil alcoolo. J'veux dire... Il ne m'a pas cognée, quoi. Ma mère non plus. Il s'est surtout perdu lui-même. Oh, il a a tout de même essayé. Il allait repartir pour sa troisième cure de désintoxication à ce moment-là. Mais bon... La magie aurait peut-être pu l'aider. Les psychologues n'ont pas réussi en tout cas.

Si voir mon père comme une épave m'a marquée ? Ouais, bien sûr. Mais j'suis résiliente. Les choses n'ont pas beaucoup d'emprise sur moi. C'est un défaut, il paraît, la plupart du temps. Mais en l'occurrence ça m'a bien aidée. Et les mois passés à Ilvermorny ont largement contribué à me changer les idées, à me distraire. Je ne sais pas trop si je dois en avoir honte ou si je n'ai pas assez lutté. Mais qu'aurais-je pu faire depuis le Mont Greylock ?

Pour autant ne croyez pas que toute cette histoire ne m'a pas travaillée. Elle l'a suffisamment fait, en tout cas, pour que je n'sois pas vraiment étonnée lorsque, l'année suivante, j'apprendrai leur séparation. Direction l'Angleterre. Adieu Ilvermorny, salut Poudlard !

Bougez pas ! J'vous reprends quelques mois plus tard, sous le ciel anglais ! (Spoiler : il est vraiment aussi pourri qu'on le dit !)



Toujours là ? Cool !

Alooors ! Avant toute chose sachez que sans vouloir manquer de respect aux anglais (après tout j'suis aussi une sang-mêlée américano-british), moi, j'viens de New York. Et que j'ai grandi dans un pays qui fait pratiquement la taille d'un continent. Déjà là-bas je ne savais pas toujours ce qu'il se passait en Californie, par exemple. Alors au Royaume-Uni... Tout ça pour dire que tous les trucs qui se sont passés chez vous, j'les ai un peu survolés. Mais relax, contrairement à la moitié des ricains, moi, j'suis capable de vous placer correctement sur la carte.

Cela dit... What the fuck, les british ? C'est quoi ce foutoir ?!

Chez nous, donc, on a la Ligue des fidèles de Salem. Niveau crétins, rassurez-vous, on est aussi bien fournis. Mais votre Blood Circle, là... J'pensais qu'on avait éradiqué les nazis en Europe, moi. Pour une fois mon grand-père n'avait pas tort lorsqu'il disait à ma mère que la situation était tendue en Angleterre. Et du côté des sorciers ça n'a pas l'air mieux. Les mangemorts, ça vous parle ? Ben ils sont au pouvoir. Enfin en partie, j'crois. J'ai pas encore tout compris. En tout cas l'atmosphère est vraiment pesante, ici. Et pour le coup, ils commencent à me faire flipper. Remarquez, il y a de quoi : ils ont réussi à flinguer Harry Potter ! Le binoclard, là !  

J'ai l'impression que le neutralité n'est pas de mise, ici. Mais j'ai aussi mes soucis. Pas de nouvelles de papa, je sais pas trop s'il a poursuivi sa cure ou si l'annonce de notre départ l'a laissé aussi indifférent que ce que son air affable pouvait laisser penser. Et puis j'entre à Poudlard dans quelques jours. J'appréhende un peu. Un peu beaucoup, en fait, pour être honnête avec vous. Être la nouvelle, se retrouver au milieu d'inconnus qui ont déjà passé quelques années ensemble... Je ne suis pas aussi sereine que ce que je me fais un devoir de prétendre.

Ah, d'ailleurs, fun fact : à ce moment-là j'ignorais que Poudlard se trouvait en Écosse. Voilà pour la petite anecdote inutile !



Et enfin, on s'retrouve dans le présent ! Coucou c'est moi, quatorze ans, toutes mes dents !

Bon, globalement, j'ai survécu. On n'peut pas dire que j'me sois fait des amis mais au moins personne n'a voulu me lyncher jusque-là. Pas que je sache, en tout cas. J'sociabilise à mon rythme. En fait c'est con mais j'crois que je m'étais pas vraiment rendue compte que j'suis devenue une adolescente. J'sais pas, ça rend les rapports avec les autres plus compliqués. J'ai déjà réussi à me faire un ennemi mais je crois que j'dois plutôt le prendre comme un compliment. À voir.

J'ai un peu flippé quand ils ont voulu poser ce choixpeau sur ma tête - ils pouvaient pas avoir des statues aussi, ici ?! - devant tout le monde, et en même temps que les premières années. Mais il m'a pas bouffée, c'est bon. Le sang semble avoir une importance plus grande ici qu'en Amérique. Ca détermine parfois votre rapport avec les autres. D'ailleurs, à ce propos... C'est moi où il y a une concentration de cons au mètre carré impressionnante chez les Serpentards ?

Ma mère s'installe de son côté, j'la retrouverai aux prochaines vacances. Elle a retrouvé du job au ministère. Mon père semble aller mieux mais... on verra bien. Le mois passé des Blood Circle ont attaqué des manifestants et des mangemorts se sont interposés. Vous voyez l'ambiance, quoi. Mais je ne me sens pas en danger. Pas vraiment. Je me rappelle simplement que le monde part en couilles dès que je vois des détraqueurs patrouiller dans les environs de l'école.

Ah, et bordel... Ici aussi, il y a des elfes de maison ! Gakdjkfj