« Savoir d’où nous venons… », débuta Nyx en tapotant sa tempe avec sa baguette pour en tirer un long filament argenté. « Pour savoir où nous allons », dit-elle en déposant ses souvenirs dans la pensine rituelle qui lui faisait face. Un fois cela fait, la mère fixa sa jeune fille, Salem, avant de se pencher vers elle afin de lui appliquer à la lumière vacillante des torches deux traces de peintures noires de part et d’autre de son visage comme le voulait la tradition de la meute des Rocheuses ; Tout ceci sous le regard d’une aînée. Le regard de l’enfant était fixe et concentré. Tous les anciens s’accordaient sur un point : dans son regard se lisait la même détermination qu’elle-même possédait à son âge et Nyx en éprouvait une grande fierté. Bien qu’elle ne soit pas encore marquée par la lune, la lycanthrope savait que ce jour viendrait. Si elle-même avait été mordue à ses onze ans comme le voulait la tradition des Greyback (selon les dires de son géniteur), ici dans les Rocheuses les jeunes ne devaient pas être transformés avant leur majorité… Et en aucun cas contre leurs grés. Cette règle permettait aux enfants de la meute d’être pleinement conscients des conséquences liées à leur transformation. Rare étaient ceux qui décidaient de réfuter ce don car un tel refus menait à une exclusion pure et simple du groupe. Imaginer sa propre chair partir loin d’elle lui serrait le cœur d’une manière qu’elle ne pourrait décrire. Nyx espérait sincèrement que sa fille suivrait ses traces. En ce jour qui fêtait sa douzième année dans ce monde, cette dernière avait encore le temps… En attendant, la fille de Fenrir tentait de la préparer en vu de ce jour comme elle pouvait. Le père de Salem, un loup de Russie avec qui elle gardait contact, étant absent ; Eduquer seule un enfant était chose difficile lorsque l’on avait soi-même peu profité de la présence de ses propres parents. Sa mère avait refusé la marque de la lune à ses 17 ans et était partie pour l’Angleterre afin de suivre sa propre voie et approfondir ses connaissances en magie noire. C’est ainsi qu’elle avait rencontré sur la route un certain Fenrir Greyback dont la rencontre avait produit la petite Nyx… Puis sa cadette avec qui elle n’avait que peu de contacts. Cependant tout cela allait changer. De nouveau l’Angleterre s’agitait, et avec cette période trouble la promesse de nouvelles perspectives. Fenrir avait semble-t-il disparu, laissant vacante la place d’Alpha de sa meute. Nyx escomptait bien en profiter et lui ravir le manteau. Son exil dans les Rocheuses touchait à sa fin, elle le sentait dans tout son être. Il était temps de raviver la flamme des Greyback et des Woods à travers les continents. Si sa mère s’était détournée du chemin de ses ancêtres, Nyx le reprendrait et il était hors de question qu’un quelconque cabot revendique la souveraineté des lycanthropes dans son pays natal. Les persécutions allaient prendre fin, elle s’en assurerait, et ce quel qu’en soit le prix. C’est dans cette optique que la sorcière avait contacté ces nouveaux Mangemorts afin de leur proposer son aide en échange d’une promesse de liberté pour son espèce. S’extirpant de ses songes, la louve fit signe a sa fille d’approcher de la pensine. Elle la sentait anxieuse, aussi la gratifia-t-elle d’un sourire qu’elle espérait encourageant. « Ensemble… » Chuchota-t-elle. Salem acquiesça d’un signe de tête. Leurs deux visages entrèrent alors en contact avec le liquide et elles furent projetées dans la mémoire de l’héritière Greyback.


Il y à 20 ans...

La petite Nyx tentait de suivre le rythme imposé par sa mère, encore à moitié endormie. Sa génitrice avait débarqué dans sa chambre au beau milieu de la nuit pour la réveiller. A peine habillée, et sans prendre le temps de dire au revoir à sa petite sœur en pleurs, elle l’avait entraîné dehors pour filer dans un Londres qui commençait à peine à se réveiller. La Nyx adulte regardait d’un visage impassible la scène qu’elle revivait avec sa propre fille. Ce jour qui avait marqué le début de son exil. Il était important qu’elle sache. Qu’elle sache d’où elle venait. De pourquoi elle se battait et ce qui l’avait façonné. C’était un rituel pour le moins original mais qui avait fait ses preuves. Le partage de mémoire entre parents et enfants se faisait entre onze et douze ans : lorsque l’enfant était jugé assez mature pour comprendre la portée de ce qu’il verrait. Les secrets étaient ainsi dévoilés : ne laissant que la vérité. C’était un signe de confiance et d’espoir pour que les générations futures comprennent d’où ils venaient… Pour choisir à leur tour leur chemin. « Pourquoi ? » se contenta de demander Salem à sa mère tout en fixant la scène. La concernée conserva le silence quelques secondes avant de lui répondre. « L’Ordre du Phénix venait de remporter la victoire en terrassant le Seigneur des Ténèbres. C’était… La débandade dans ses rangs ». Elle soupira avant de poursuivre. « Je n’étais pas beaucoup plus âgée que toi lorsque c’est arrivée… Je ne me rendais pas compte. Ce n’est qu’après que j’ai compris… Certains Mangemorts et leurs alliés se sont retrouvés en cavales. Beaucoup de loup-garous ont été traqués… Chassés comme des bêtes... ». Les lycanthropes avaient durement payé la chute du Seigneur Noir, même ceux qui n’avaient pas participé à son ascension. Un amalgame qui avait conduit à des arrestations arbitraires, voir des persécutions infondées. Certaines voix s’y étaient opposées bien sûr, mais de façon très minoritaires. « Je suis la fille de Fenrir Greyback. Je porte le gêne du loup. Ta grand-mère a donc jugé préférable de m’envoyer dans son ancienne meute dans les Rocheuses Américaines et ta tante est restée en Angleterre car elle n’avait pas été mordue ». La brunette se retourna vers sa mère, l’observant un instant. « C’était une bonne chose, non ? ». Avec un sourire, la louve s’accroupit à sa hauteur en caressant la joue de sa fille. « Il semblerait. Après tout, tu ne serais pas là si ce n’était pas arrivée ». Heureuse d’entendre de tels mots dans la bouche de sa mère, Salem se contenta d’acquiescer. « Que s’est-il passé ensuite ? ». Sa génitrice garda le silence le temps que la scène disparaisse dans un panache de fumée noire pour matérialiser un nouveau souvenir.
Nyx avait grandi. Elle se trouvait dans la cours d’une école entourée de camarades. La neige tombait abondamment, sous les rires des enfants qui se livraient à une bataille de boule de neiges magiques. « Ilvermorny. C’est là que j’ai faits mes études, tout comme toi jusqu’à aujourd’hui. Ici les préjugés concernant les loups sont bien moindres car les meutes ont toujours fais parties intégrante de l’histoire de cette région ». La fillette fronça les sourcils, intrigués. « C’est différent à Poudlard ? C’est pour ça que je dois garder le nom de grand-mère quand nous irons là-bas ? ». La jeune femme dodelina de la tête pour confirmer. « Là-bas les Woods ne sont pas… Associés aux hybrides et à la dernière guerre. C’est pour ta sécurité. Beaucoup de personnes voient le retour de notre partie de la famille comme une menace… Même dans notre propre camp ». Effectivement les ennemis des Greyback étaient légions. Non seulement dans le camp de la lumière mais aussi chez ses congénères et soi-disant « alliés ». Nyx tenait à tout prix protéger sa fille le temps que les choses soient sous contrôles et qu’elle ait imposé son autorité sur l’ancienne meute de son père. « Nous allons rendre visite à ma tante ? et grand-mère ? J’ai hâte de les rencontrer… » Nyx confirma. La nouvelle de la naissance de sa fille n’était pas sortie de la meute. Sa famille n’en avait pas été informée non plus à l’époque, de peur qu’on vienne la lui enlever. Une peur irrationnelle mais assez vivace dans son esprit pour lui avoir fait prendre cette décision extrême à l’époque. Ce n’est que récemment, en prévision de son retour en Angleterre, qu’elle avait envoyé un hibou pour informer sa sœur et sa mère de la nouvelle. Comment réagiraient-elles après toutes ces années ?
Elle mit quelques instants à sortir de ses pensées. La scène avait de nouveau changé. La Nyx plus jeune ressemblait déjà beaucoup plus à celle actuelle. Cette dernière se trouvait au milieu de cages où se trouvaient enfermés plusieurs humains ; En réalité des loup-garous. La prison dans laquelle ils se trouvaient se situaient en pleine Sibérie. Des bruits d’explosion retentissaient ça et là, signe que les combats étaient toujours en cours. Salem regardait avec admiration le déroulement de cet évènement qui avait fait la réputation de sa mère: la libération de pas moins d’une trentaine de lycanthropes détenus en captivités dans une prison secrète. Ici était incarcéré divers criminels de droits communs ou encore des personnes soupçonnées de séditions et de rébellions. Tous arboraient des marques de maltraitance, que ce soit physiques ou mentales. L’ambiance était glauque, où l’espoir s’était éteint depuis longtemps. La Nyx des souvenirs observaient la prison, dévisageant les prisonniers avant de crier pour se faire entendre : « Je suis Nyx Greyback ! Je viens pour vous ! ». Plusieurs acclamations retentirent à cette annonce. Certains se mirent à taper contre leurs barreaux pour faire encore plus de bruits et manifester leurs joies. Galvanisée, la fille Greyback du souvenir laissa les clameurs se calmer avant d’ajouter : « If you want to be free, follow me ! ».
La fille et la mère furent rejetées de la pensine peu après. La transmission de mémoire était terminée. Nyx venait de s’ouvrir de manière la plus profonde qui soit à sa fille. Ce qu’elle avait vu à travers l’objet magique ne répondait évidemment pas à toutes ces questions, mais l’essentiel était là. Elle regrettait cependant que son père n’y figure pas. Le sujet était plutôt tabou. Sa mère n’en parlait que rarement qui était selon elle un sorcier anonyme avec qui elle avait eu une courte liaison lors de son passage en Russie. Salem n’avait pas insisté, mais il était évident qu’elle entamerait des recherches un jour ou l’autre. « Tu sais désormais », dit Nyx à sa fille en posant sa main sur son épaule. « Mon combat… Notre combat n’a pour but que la liberté… Et quiconque se mettra sur notre chemin devra en répondre ».