La vie d’Ady est parfaite.

Du moins, quand on regarde le tableau de loin, tout est parfait, tout lui réussit. Bon, il faut dire qu’elle arrête systématiquement ce qui ne lui réussit pas, mais ça, c’est un autre souci.

Commençons par le commencement : une naissance et une famille parfaites. Les Flint font partie du registre des 28 familles de sang-pur d’Angleterre, de quoi bien commencer. De loin, cette branche de la famille paraît vivre plutôt calmement. A la tête de la plus grosse entreprise de distribution de botanique magique, ce qu’on pourrait presque comparer à du pharmaceutique chez les humains, personne ne manque de rien. Même si le père n’est pas très présent et que l’éducation reste assez stricte, les enfants ne sont pourtant pas non plus violentés, poussés dans une direction particulière, élevés dans une idéologie violente ou trop pesante. Ils apprennent vite qu’ils sont des sangs-purs, leur place et l'attente du monde sorcier envers eux, mais ils ne nourrissent pour autant pas de haine envers les nés-moldus ou les sang-mêlés.

Oui, de loin, le portrait familial pourrait donner envie. Dans l’intimité, bien sûr, tout n’est pas aussi parfait. On est loin d’enfants battus et traumatisés, le foyer n’est pas violent. Est-il tendre pour autant ? Et bien, oui, répondrait Ady. Ce serait bien la seule.

Grace Flint n’a jamais vraiment montré de signe d’affection envers ses enfants, les confiant à des nourrices et surveillant de loin, d’un œil, non pas mauvais, mais pas tendre pour autant. Pour tous ses enfants, sauf pour Ady. Pourquoi ? Difficile à dire. Etait-ce parce que, physiquement, Ady était la seule à lui ressembler un peu plus ? Pour son attirance pour les arts et son don pour la musique qui s’était révélé dès l’enfance ? Seul Grace avait la réponse à cette interrogation. Un secret qu’elle aurait pu emporter dans la tombe, si elle n’avait pas écrit à sa fille ce qu’elle avait toujours eu sur le cœur.

Son mariage avec Darius Flint avait été un mariage arrangé, évidemment. Les choses ne se passaient pas si mal, mais elles ne se passaient pas bien pour autant. En dehors de ses obligations maritales, Darius ne passait jamais de temps avec sa femme, preferant le travail ou les clubs de gentleman. N’ayant pas non plus trop la fibre paternelle, il aimait ses enfants sans trop savoir comment s’en occuper. Il avait, après tout, lui-même été élevé par des nourrices et bien du mal à exprimer quoi que ce soit. Alors, emprisonnée dans ce mariage non désiré, Grace avait trouvé refuge dans les bras d’un autre. Qui ? Ce secret-là, Ady elle-même ne le connaissait pas. Tout ce qu’elle savait, c’était qu’elle était le fruit de cet adultère.

Mais cela, elle l’avait appris bien à ses dépends, à 17 ans, quelques jours à peine après le décès de Grace des suites d’une longue maladie dégénératives qui l’avait emporté avant ses 60 ans. En effet, la mère, sentant sa fin venir, mais n’ayant pas le courage de tout avouer à sa fille, lui avait écrit une lettre qui ne lui fut remise qu’après sa mort. Une mort qu’elle avait particulièrement difficilement vécu, puisqu’elle était la personne dont elle était la plus proche de la famille, et le reste de sa fratrie ne s’était pas privé de lui dire, provoquant une dispute à peine rentrée de l’enterrement, notamment avec sa petite sœur Elaine, encore très jeune à l’époque qui avait, comme tout Caleb, Victoria et Finn sur le coeur l’absence d’affection de leur mère à leur égard.

La famille était parfaite, donc, en apparence seulement.

Quoi d’autre ? Ah oui, bien sûr.
Ady est belle. Cela, personne ne pouvait le nier. D’ailleurs, cela complique aussi sa relation avec sa fratrie : non plus que ses deux frères et ses deux sœurs ne soient pas beaux, eux-aussi. Mais leurs physiques étaient très différents de celui de la blondinette. Tous étaient brun, là où les cheveux d’Ady étaient dorés comme les blés sous une brise d’été. La jeune femme se distinguait très clairement au milieu du reste de la fratrie, et ce n’était pas toujours simple.

Néanmoins, Ady sait profiter de ses beaux et grands yeux bleus. Elle n’a que très peu de mal à séduire les hommes qui lui plaisent. Oh oui, Ady en a vécu, de belles histoires. Mais toujours des histoires très courtes. Ce n’était pourtant pas lié au fait que la jeune femme était fiancée, contre son gré évidemment, à un autre sang-pur, qui commençait d’ailleurs à s’impatienter et menaçait régulièrement de rompre les fiançailles, ce qui n’était pas pour déplaire à la jeune femme. Enfin, reprenons donc. Séduire, oui ? Garder ses compagnons ? C’était déjà compliqué.

Ady est une enfant gâtée, à qui tout a toujours réussi. Et c’est aussi ce qu’elle attend de ses relations : que tout se passe parfaitement bien, une âme sœur, avec qui elle n’aurait pas de compromis à faire, où il n’y aurait aucun conflit. Mais dans la vraie vie, ce genre de choses n’existent pas. Enfin, Ady y croit, et puis, toutes ces histoires font de belles chansons.

Parlons de ses chansons, tiens.

Encore un aspect parfait de la vie d’Ady : sa carrière !
Sans être une star internationale, la jeune femme a tout de même sa petite notoriété, suffisamment pour vivre confortablement de sa musique. Enfin, elle vivait même très bien, non seulement grâce à ses revenus, mais aussi grâce à la petite rente que son père a donné à tous ses enfants.

Vous vous direz sûrement que ce doit être une grande fierté, pour la famille Flint, que d’avoir une artiste accompli parmi leur membre. Mais en réalité, mis à part Ady, personne n’a vraiment la fibre artistique dans la famille : ce sont des scientifiques, des chercheurs. Comme leur père, la plupart des enfants Flint se sont passionnés pour la botanique. Son frère aîné, Caleb, avait repris la direction de l’entreprise familiale à la retraite de son père il y a un peu moins de 5 ans. La cadette, Victoria, quant à elle, était chercheuse en botanique à l’université. Elle enseignait d’ailleurs à la petite cadette, Elaine, qui étudiait la botanique, tandis que Finn, le pénultième de la fratrie, s’était dirigé dans le droit, mais travaillait au service juridique de l’entreprise familiale, puisqu’il s’était spécialisé dans ce domaine avec cet objectif. Ady est la seule intruse dans ce cercle très fermée. Elle avait pourtant entamé des études en botanique, un domaine qui, elle aussi, l'intéressait. Mais à peine avait-elle fini sa licence que, déjà, ses chansons qu’elle avait publié en dilettante, chantant dans les bars par plaisir, avait commencé à percer. Ainsi, elle avait décidé de mettre un terme à ses études, ce qui avait beaucoup contrarié son père. Enfin, son père légal, puisque, dix années après le décès de sa mère, Ady n’avait toujours aucune idée de l’identité de son père biologique. Voulait-elle le savoir ? Elle n’en était pas certaine. Peut être, mais qu’est-ce que cela changerait ? Et s’il le niait ? Ils ne pourront, de toute façon pas l’admettre officiellement. Malgré tout, Ady était reconnaissante envers son père, même sans affection, il avait su prendre soin de sa famille, les mettre à l’abri et leur offrir un futur s’ils le désiraient. Alors lui avouer qu’elle n’était pas sa fille ? Impossible, elle craignait bien trop les répercussions que pourrait avoir ce secret si jamais il était connu de tous. Mais le poids du silence est de plus en plus lourd à porter. Adelaide a besoin de se confier, et si elle parvient à s’exprimer dans ses chansons, certaines ne pourront tout simplement jamais sortir sans risquer de révéler la vérité au sus de tous...