La rentrée est passée très vite, comme souvent. Tu as déjà du mal à te dire que ce n’est qu’avant-hier que tu as pris le Poudlard Express, sous le regard de ta mère. Tu serais bien assez grand pour aller à la gare tout seul, mais c’est votre petit rituel, et tu es content de la voir jusqu’au dernier moment.
Après les vacances d’été, tu retrouves Poudlard avec un sentiment d’ambivalence, il te faut toujours un petit temps d’adaptation. Le temps de te réajuster à la vie d’ici, de réendosser tous tes mensonges, de redevenir simplement « Eirian le né-moldu à l’existence sans histoires ». Pendant cette période, tu as l’impression que tes deux vies se télescopent, celle où tu as dû redoubler de précaution pendant deux mois et celle-ci où tu es globalement en sécurité – même si ce n’est pas tout à fait exact. La sécurité n’est qu’une illusion, la menace dans le monde sorcier est seulement différente et tu t’appliques à ce que personne, jamais, ne soupçonne que tu dissimules des choses. Disons que pour les dix prochains mois, exception faite des vacances de Noël, tu seras hors de portée de ton père et de ses sbires, et que c’est déjà pas mal.
Sauf que ce n’est pas le cas de ta mère et c’est bien tout le problème.
Toi, tu aimerais la voir plus souvent, être sûr que tout va bien – après tout, elle n’est pas moins en danger que toi. Mais il n’y a que toi qui as droit à la protection de Poudlard, qui est en l’état actuel des choses ce qui se rapproche le plus d’un abri sûr. C’est le seul endroit au monde où tu défais complètement ta valise, où tu ne te soucies pas de garder ton sac à dos à portée de main, toujours rempli avec l’essentiel, prêt à être attrapé dans une fuite désespérée pour sauver ta vie. C’est déjà arrivé, et même dans l’appartement que vous occupez, où personne ne vous a encore dénichés, tu gardes toujours une partie de tes affaires emballées, au cas où. C’est devenu d’autant plus simple depuis que tu as découvert les sortilèges d’Extension : tu peux même y garder ta malle scolaire à l’abri tout l’été ! Il te suffit de le lancer avant de quitter l’école puisque tu n’es pas encore majeur et le tour est joué.

Poudlard, c’est l’endroit où tu peux prétendre être normal, avoir une vie comme celle des autres, même si tu passes tes journées à mentir. Tout est faux, chez toi, de ton nom à ta date de naissance, en passant par la description que tu fais de ta famille et des vacances que tu as passées. Tu es tout prêt à sortir des récits de vacances en famille, avec tes parents, ton petit frère et ta petite sœur, la plage dans le sud de l’Angleterre, les balades en famille, bref, toute une jolie vie de famille, paisible, tranquille, que tu as bricolée. Évidemment, la réalité a été bien différente ; vous n’avez pas quitté Londres et vous êtes promenés aux alentours, il y a eu ton anniversaire – à la fausse date, bien sûr. Seize ans, neuf ans de cavale. Toujours en vie, une victoire de plus. Et surtout, ta mère a continué de t’entraîner : MMA, krav-maga, combat avec une lame, vous avez passé des heures à vous affronter encore et encore. Tu arrives à la vaincre, maintenant, et c’est toujours un plaisir lorsque tu réussis, même si elle te rappelle que tout cela n’est pas un jeu. Au fond, elle t’apprend à tuer – à toujours contrôler tes moindres mouvements, et tu sais qu’il suffirait de peu de chose pour transformer un simple coup en coup mortel. En tous les cas, rien d’avouable à tes camarades de dortoir.
Tu n’as pas trop eu de questions sur le sujet : depuis le temps, ils ont bien compris que tu ne tenais pas particulièrement à nouer des liens. Tu discutes volontiers, tu vas aux soirées – en veillant à ne jamais trop boire – et si vous avez parfois des échanges qui dépassent la simple politesse, aucun n’est un ami. Tu ne peux pas t’en faire, tu ne peux pas de permettre d’entraîner qui que ce soit dans ta vie de dangers, sans même parler de les laisser approcher de tes secrets. Tu t’y es fait, et c’est ta mère qui fait office de confidente quand tu en as besoin. Tu ne lui caches pratiquement rien.
Tu palpes ton téléphone dans ta poche – il ne contient qu’un seul numéro – tout en sachant que c’est inutile. La magie perturbe trop la technologie, ici tu es réduit aux échanges épistolaires par le biais de Nox qui va bientôt reprendre ses trajets vers Londres. Ton seul moyen de s’assurer que tout se passe bien pour elle.

Malgré la pointe d’inquiétude qui ne te quitte pas, tu ne peux pas nier le plaisir que tu as à retrouver le château et son parc, où tu iras de nouveau courir le matin, la splendide salle commune de Serdaigle que tu aimes toujours autant, même après cinq ans, et le ciel étoilé que tu regardes souvent, le panorama fabuleux qui s’étend au-delà des immenses fenêtres. Ainsi que les cours – tu as brillamment réussi tes BUSE (enfin, dans la plupart des matières) et tu es prêt pour cette nouvelle année où va s’amorcer la préparation des ASPIC. Tu sais déjà ce que tu souhaites pour la suite : intégrer le cursus de Protection magique, autant par envie que parce que c’est celui qui t’aidera le plus à survivre et à affronter les prochaines années. Et tu vas tout faire pour continuer à briller. Un sourire t’échappe : la compétition avec Élise va reprendre. Vous faites la course pour voir lequel de vous deux majorera le plus dans les différentes matières. Si tu es difficilement battable en sortilèges et en défense contre les forces du mal, et que tu es redoutable en métamorphose, en revanche, la botanique et les potions n’ont jamais été ta tasse de thé, tu es moyen au mieux. (Mais c’est la faute des chaudrons qui ne mélangent jamais comme il faut – et le climat écossais ne va pas à toutes les plantes.) Et évidemment, il y a la bibliothèque, où tu passes toujours beaucoup de temps, toujours en quête de nouveaux sortilèges.
L’un dans l’autre, c’est une chouette année qui s’annonce et tu comptes bien en profiter.

Une année qui commence en désertant la salle commune, beaucoup trop bondée et bruyante à ton goût. Tu aimes bien renouer contact avec le château, arpenter de nouveau les grands couloirs déserts, repérer les salles de classe inutilisés pour tes entraînements solitaires tant en magie qu’en arts martiaux. C’est comme retrouver un vieil ami. Passer dire bonjour aux armures, repérer ce qui a changé, voir si les différents raccourcis que tu as découverts au fil des années sont toujours en place (d’accord, c’est aussi l’habitude de faire le point sur toutes les issues de secours qui parle). C’est le genre de vadrouille que tu fais aussi la nuit, pour le simple plaisir de profiter des lieux qui prennent une dimension particulière à la lumière de la lune et donnent l’impression qu’ils t’appartiennent – et tu aimes bien jouer à cache-cache avec le surveillant.
Ta baguette dans la poche de ta cape d’uniforme marquée du blason de Serdaigle, tu t’enfonces dans les couloirs en te laissant porter par l’envie du moment, avançant au hasard, sans pour autant te perdre. Depuis le temps, ta carte mentale du château est quasi complète.

Tu arrives dans un nouveau coin où les escaliers ont l’air bien agités, ça tourne et ça bouge dans tous les sens. Une voix te fait tourner la tête. Elle vient d’un escalier sur le côté, où une élève, probablement de première année, se retient à la rambarde. Effectivement, les marches ont encore fait des leurs. Elle demande à l’escalier de faire demi-tour, sans résultat.
Tu prends le temps d’examiner le schéma des escaliers et dès que celui où elle se trouve approche de là où tu es, tu rejoins l’étudiante rapidement. Tu l’as déjà vue, le soir de la répartition. Une des nouvelles élèves de ta maison – tu prêtes toujours attention aux nouveaux, cherchant à repérer ceux qui découvrent complètement le monde de la magie. Tout le monde est impressionné, bien sûr, par le décor du hall et l’immensité de la Grande Salle, mais il y a souvent une touche d’incrédulité supplémentaire chez les nés-moldus et les sang-mêlé élevés dans le monde moldu. Souvent, ils ont encore du mal à croire à la magie et redoutent ce monde – un peu comme toi, à l’époque. Tu souris à la nouvelle Serdaigle.

— Hélas, si la politesse suffisait à les faire obéir, ce serait bien plus simple, mais souvent ils n’en font vraiment qu’à leur tête.

Elle a l’air assez désemparée et tu ajoutes :

— Ça va ? Tu t’es perdue ?

La petite Serdaigle sursaute lorsqu’elle t’entend et manque de lâcher son cahier. Elle s’y cramponne fermement, tu lui adresses un sourire d’excuse.

— Désolé, je ne voulais pas te faire peur.

Même si elle ne le formule pas vraiment, tu vois bien qu’elle a l’air perdue face aux mouvements impressionnants des escaliers de pierre. Qui ne le serait pas à sa place ?
S’il y a bien un sujet sur lesquels les sorciers ne sont vraiment pas doués, c’est pour donner des indications à leur prochain. À quel moment aucun directeur ni aucun professeur n’a jugé utile de donner des plans du château aux nouveaux élèves ? Ou de mettre en place un système de parrainage ou de tutorat pour que les plus anciens guident les plus jeunes et leur donnent des clés d’orientation dans le labyrinthe qu’est Poudlard ? Même après six ans, ça reste un grand mystère. Peut-être voient-ils ça comme une sorte de rite d’initiation. Ou ils se disent que les élèves en ont entendu parler par leurs familles.
C’est souvent vrai.
Pour les sang-mêlé et les sang-pur.
Pas les nés-moldus.
Et comme toujours vous êtes les grands oubliés du monde sorcier, personne ne se souciant de votre intégration, même au Ministère. Si c’était le cas, ils feraient un peu plus qu’envoyer un simple employé qui, en une heure chrono, est chargé de présenter le monde magique à des personnes qui n’en ont jamais entendu parler et ont toutes les chances de croire qu’ils sont tombés sur un fou. Toi, tu avais déjà de vagues connaissances – disons que tu savais que la magie, les sorciers, les créatures, tout ça, ça existait pour de bon. Les données du Blood Circle avaient tendance à bien noircir le tableau, mais c’est un univers dont tu as toujours entendu parler. En revanche, les nés-moldus qui ont dû faire face pendant des années à des bizarreries inexplicables, qui en ont souffert… tu imagines le choc, le soulagement et l’inquiétude. Pourquoi attendre le jour des onze ans plutôt que d’en parler dès l’apparition des pouvoirs ? Grand mystère là aussi, dont tu aimerais bien avoir l’explication un jour. Et tu espères qu’elle est un peu plus développée que « on a toujours fait comme ça ».
Quoi qu’il en soit, vous vous retrouvez plongés dans un univers inconnu, au milieu d’un château labyrinthique tout aussi inconnu, empli de couloirs dérobés, de raccourcis, d’escaliers mouvants sans personne pour vous guider.
Absurde.
Ça reste une épreuve pour des enfants de onze ans et la Serdaigle te rappelle celui que tu étais à cet âge. Tu avais déjà l’habitude de te battre pour ta vie et tu avais décidé de ne pas te laisser impressionner par la magie (bon, en vrai, tu l’as été, parce que quand même, le château est assez dingue), alors tu as passé tes premiers mois, jusqu’aux vacances de Noël, à partager ton temps libre entre la bibliothèque et l’exploration poussée de Poudlard, histoire d’en avoir une idée précise et de prendre tes repères. Tu as continué après, bien sûr, mais ton plan mental était déjà globalement clair pour tous les trajets essentiels. Au fil des mois et des ans, tu as découvert des passages secrets, des escaliers toboggans, des portes cachées, une multitude de petits raccourcis bien pratiques qui ont facilité tes excursions dans les couloirs.
Et bien sûr, les escaliers mouvants. La première fois, ça t’avait bien embêté, tu ne voulais pas être en retard à un cours. Ni une ni deux, avec l’assurance inébranlable que tu peux parfois avoir (ou alors c’est que tu es tellement convaincu que ton père finira par avoir ta peau que tu es incapable de t’imaginer mourir autrement), voyant l’escalier s’éloigner, tu as pris ton élan et tu as sauté.
Oui. Bon. Voilà.
Pas ton meilleur exploit. Au moins, tu t’en es sorti vivant, un peu sonné après avoir roulé sur les marches tant tu as eu peur de te rater – et c’est passé de justesse. Comme dans ces scènes de film où le personnage vacille sur un rebord et où un autre le rattrape à temps. Sauf que tu étais tout seul. (Cascade réalisée par un professionnel, ne faites pas ça).
Tu n’as pas recommencé, et tu as cherché comment les convaincre de t’obéir. Soit il y a une pierre à chatouiller ou à gratter quelque part (la différence est importante), soit il faut attendre parce que leurs déplacements sont tout bonnement aléatoires – pour certains, tu as réussi à identifier des schémas, des fréquences, mais ce ne sont pas les plus nombreux. D’où l’utilité des raccourcis qui permettent d’en contourner un certain nombre.
Ici, vous êtes encore dans un cas particulier et pas le plus simple. La Serdaigle te pointe un endroit en t’indiquant qu’elle vient de là, désemparée.

— Maintenant ? Il mène vers les salles de classe inutilisées du troisième étage, on n’y croise quasiment que des fantômes. Ou de vieux objets ensorcelés par d’anciens élèves, ce n’est pas le coin le plus sympa du château.

Sa moue mécontente te fait sourire intérieurement, tu ne faisais pas mieux à l’époque. Elle s’enthousiasme un peu plus en t’interrogeant, pleine d’espoir. Le fait d’être à présent parmi les élèves les plus âgés a parfois cet effet sur les plus jeunes, tu es celui qui « sait ». Ça te rappelle le chemin parcouru en quelques années.

— Si, il y a une manière de faire. En gros, pas mal d’escaliers ont leur petit caractère et il faut trouver la bonne façon de les faire réagir. Évidemment, ça change en fonction des escaliers, sinon ce serait trop simple !

Tu reprends :

— Celui-ci, par exemple, est assez contrariant. Plus tu lui demanderas d’aller quelque part, moins il t’y emmènera. Le truc, c’est de faire semblant de te désintéresser de lui et de ta destination, et il finira par y revenir. Ça peut prendre quelques minutes, mais on finira par pouvoir récupérer ton crayon. C’est pénible quand on est pressé, mais tu verras, au bout d’un moment, on maîtrise les techniques et ça ne se passe pas trop mal. Il faut juste ne pas être trop pressé ou prendre de l’avance. Tu voulais te rendre où au départ ?

La petite Serdaigle hausse les épaules quand tu t’excuses de lui avoir fait peur, elle semble sur le point de te répondre, mais se ravise. Tu espères que tu ne l’intimides pas ; les élèves plus âgés peuvent être intimidants pour les plus jeunes et tu en fais désormais partie – même si ton rapport à ton âge est un peu faussé, ça fait des années que tu as l’impression d’être grand, depuis que la cavale et les mensonges sont devenus ta routine.

Elle te parle de son problème avec ces fameux escaliers, qui ont déjà embêté des générations et des générations d’élèves, depuis des siècles. C’est presque étrange qu’aucun professeur ou directeur n’ait décidé d’intervenir, ou alors c’est toujours une façon de voir comment vous vous débrouillez pour arriver à l’heure en cours – et une façon de vous préparer au monde magique en général, où à peu près tout et n’importe quoi peut être ensorcelé, tenter de vous mordre, voire pire. Pas plus mal de se rappeler que même le plus banal des escaliers peut vouloir votre mort, rien de mieux pour entretenir sa vigilance et un rapport paisible au monde environnant.
Au moins, elle te parle de son problème, elle perdra peut-être moins de temps que toi à se repérer dans le château. Tu n’as jamais demandé d’aide, tellement tu étais décidé à ne pas nouer de lien et à te fondre dans la masse. Tu ne voulais pas attirer l’attention des autres étudiants, ni les amener à te poser des questions. Alors, tu t’es efforcé de te débrouiller par toi-même, avec un succès plus ou moins variable, entre explorations hasardeuses de l’école et écumage des rayons de la bibliothèque, traînant des ouvrages presque aussi lourds que toi jusqu’à la tour de Serdaigle. En soi, l’habitude de te débrouiller seul était déjà bien ancrée en toi : c’est ce que tu faisais pendant les longues heures d’absence de ta mère, quand elle travaillait et que tu étais en vacances. Tu arrivais globalement à t’occuper par toi-même, même si tu n’avais pas le droit de sortir – trop de risques que les hommes de ton père te retrouvent. Et puis, bien sûr, tu l’aidais autant que tu pouvais, participer aux tâches, c’était alléger un peu tout ce qu’elle avait à faire et des occasions supplémentaires de passer du temps avec elle. À dix ans, tu étais déjà très autonome et tu n’as fait que développer cette tendance à Poudlard. D’autant que selon tes critères, c’est un lieu globalement sûr – aucun risque de tomber sur ta famille. Un fantôme ou une armure énervés en revanche… Bref, ton exploration des lieux t’a pris du temps, tu en aurais sans doute gagné en demandant à d’autres personnes, mais ton goût de l’aventure était ravi, puis les autres ne sont pas toujours fiables, ils ne font jamais attention à toutes les issues d’une salle, donc c’était aussi bien que tu te fasses ton avis par toi-même. À présent, tu essaies d’aider quand tu peux, sans trop t’impliquer non plus. Tu t’efforces surtout de protéger les nés-moldus des abrutis de sang-pur – tu es passé par là toi aussi, mais ils ont vite compris qu’ils n’avaient pas trop intérêt à t’embêter. Tes compétences en arts martiaux comme en sortilèges t’assurent de l’emporter dans la grande majorité des cas.

Tu parles fantômes et objets du passé à la Serdaigle qui t’écoute avec intérêt – et tu espères que tu ne viens pas de lui donner l’idée de filer tout droit dans cette direction.

— Oui, aux banquets, on voit surtout les fantômes des quatre maisons, mais je crois qu’ils sont une vingtaine en tout, Poudlard est un des châteaux les plus hantés du pays ! Sans compter Peeves, l’esprit frappeur. Je ne sais pas si tu l’as déjà croisé ? Il vaut mieux l’éviter. Et les objets… euh, il y a plein de choses, des vieux grimoires qui te mordent les doigts si tu les ouvres, des horloges d’examen qui te hurlent l’heure, des vieilles théières qui balancent des gouttes de thé bouillantes partout, des boulettes de parchemin qui se battent tant qu’elles peuvent ou s’allient pour te poursuivre, les chaises et les bureaux ont aussi tendance à bouger quand tu ne t’y attends pas, enfin, voilà, ce genre de choses, et plein d’autres.

Tes explications l’intéressent, elle semble vouloir les prendre en notes… ce qui vous ramène à son principal problème : son crayon qui est tombé à distance lorsque les escaliers ont bougé. Tu lui expliques leur fonctionnement – pas le plus pratique de tous ceux qu’on peut croiser dans ces couloirs, malheureusement. Les escaliers avec l’esprit de contradiction sont parmi les pires, parce qu’il est difficile de ne pas penser à sa situation, de ne pas penser que la situation va se débloquer… et c’est reparti pour un tour. Parfois – souvent – tu te demandes comment le monde sorcier a pu résister aussi longtemps en étant si peu pratique. Sans être un partisan de l’optimisation forcenée, ben… il y a clairement des choses qui pourraient être améliorées. Comme par exemple installer un ascenseur – le ministère de la Magie en est bien équipé après tout, alors pourquoi pas le château ? La magie pousse les murs sans problème comme en témoignent les salles cachées ici et là. Parce que bon, se coltiner plus de sept étages plusieurs fois par jour, même en étant sportif, ça finit par être lassant – et décourageant quand on a une fringale nocturne et que les cuisines sont tout en bas. Et les raccourcis ne font pas tout, certains peuvent facilement piéger une jambe si on n’y fait pas attention. La vie à Poudlard est une aventure sans cesse renouvelée.
Bref.

Tu vois bien que tes explications font réfléchir la Serdaigle – après tout, vous n’êtes pas dans cette maison pour rien, même s’il y a des jours où tu préférerais ne pas te coltiner un heurtoir caractériel qui adore les énigmes. Les mots de passe, c’est très bien aussi. Bon, tu l’aimes bien, la plupart du temps, ce heurtoir, sauf quand tu rentres d’une vadrouille nocturne à deux heures du matin et que tu n’aspires qu’à retrouver ton lit.
Le côté magique des escaliers intrigue la Serdaigle.

— Oui, c’est la magie qui rend ça possible, elle les anime, même s’ils ne sont pas vraiment vivants. Elle leur donne un caractère, mais ils ne peuvent pas réfléchir ou décider d’agir autrement, ils réagissent toujours de la même manière. Ce sont des enchantements très puissants, surtout qu’ils durent depuis des siècles. Les sorciers d’autrefois aimaient bien se compliquer la vie.

Répondant à ta question, elle t’explique qu’elle se rendait dans le hall, avec l’idée de faire un plan du château. Tu lui souris.

— Tu vas le retrouver, ne t’en fais pas ! Et c’est une bonne idée ! Reste quand même dans les zones les plus fréquentées, il y a plein d’endroits où personne ne va jamais. On les reconnaît vite parce qu’il y a plus de poussière et les tableaux sont ronchons, ils n’ont pas l’habitude de voir des gens passer. Je crois que je n’ai plus le plan que j’avais fait en arrivant, sinon j’aurais pu te le passer, ça t’aurait fait une première base. Mais je peux te donner des indications si tu veux. Le plus important, c'est de repérer les lieux utiles, le reste viendra ensuite, petit à petit.

Une idée te vient.

— À la bibliothèque, tu devrais prendre « L’histoire de Poudlard », il y a quelques plans du château. Ils ne montrent pas tout, mais ça donne une bonne idée d’ensemble. Et si tu as des questions, tu peux me demander, à moi ou à d’autres élèves, en général, ça ne nous dérange pas d’aider les nouveaux. Au fait, je m’appelle Eirian, et toi ?

Tu es rarement aussi bavard avec les autres élèves, mais tu as envie de l’aider, au moins le temps qu’elle puisse poursuivre son chemin.

La petite Serdaigle te rappelle ta propre arrivée à Poudlard, lorsque tout ce qui appartenait jusqu’à présent au domaine des contes et des légendes s’est soudain incarné. Enfin, contes et légendes, pas tout à fait. Paradoxalement, tu as toujours su que la magie existait. Avec son appartenance au Blood Circle, ton père ne te l’a jamais caché – pas plus qu’il ne cachait qu’il voulait faire de ton frère et toi des tueurs de sorciers. Un projet qui a quelque peu capoté quand tes pouvoirs sont apparus. Mais à l’époque, tu te voyais comme un futur chevalier chargé de protéger les humains contre les vilains sorciers qui ressemblaient globalement à des démons et à des monstres dans ton esprit d’enfant. Quand la réalité t’a rattrapé, il t’a fallu beaucoup de temps pour l’accepter – tu as vite compris que tu faisais de la magie, mais tu as mis des mois avant d’admettre que cela ne te condamnait pas à devenir un monstre assoiffé de sang. Ta mère a dû déployer des trésors de persuasion – ce qui a mis fin à une grande période de cauchemars et de rejet de ta magie. Il était plus que temps d’ailleurs : tu n’en avais pas conscience à l’époque mais tu as compris il y a peu que ton refus de laisser ta magie s’exprimer aurait pu te transformer en Obscurial – tu avais déjà senti cette présence sombre en toi, qui a disparu quand tu t’es enfin réconcilié avec tes pouvoirs.
Au final, tu es arrivé à Poudlard en en sachant plus que les autres nés-moldus, mais aussi beaucoup moins d’une certaine façon, car beaucoup d’idées du Blood Circle sur le monde sorcier n’étaient pas… tout à fait à jour. Voire complètement erronées. Tu as passé tes premières semaines au château à l’explorer dès que tu avais un moment de libre, mais aussi à faire le tri entre les fausses informations et la vérité, en t’empressant d’écrire de longues lettres à ta mère pour tout lui expliquer – lettres qu’elle brûlait aussitôt après les avoir lues, comme elle le fait encore aujourd’hui, de la même manière que tu détruis les siennes. Pas de traces, jamais, rien de compromettant. C’est devenu un réflexe, une habitude parmi d’autres, à laquelle tu ne fais même plus attention.
Tu te revois plein d’enthousiasme et d’entrain, décidé à percer tous les mystères de l’école. Tu en as découvert pas mal au fil des mois et des années, et tu es sûr qu’un certain nombre t’échappent encore, mais tu as le temps de les découvrir, tu as encore quelques années à passer au château, dans la sécurité qu’il t’offre. Tu as appréhendé l’école avec curiosité et appréhension ; maintenant, le château ressemble à un vieil ami que tu retrouves avec plaisir au retour des vacances. Tu ne laisses jamais ta mère de gaieté de cœur, conscient que n’importe quoi pourrait lui arriver en ton absence, et elle t’accompagne toujours au Poudlard Express, comme un rituel, un dernier moment de complicité avant que tu replonges dans le monde de la magie – qui est autant le tien que celui des moldus, malgré ce qu’en disent certains.
Tu espères que ce sera le cas aussi pour la jeune Serdaigle, qu’elle finira par adopter le château, même s’il doit lui paraître bien impénétrable pour le moment. Deux jours, c’est à peine suffisant pour commencer à avoir conscience de son immensité et de ses ramifications.

Tu lui parles un peu plus des fantômes, croisant les doigts pour ne pas la noyer sous les informations. Ça fait beaucoup à appréhender, et ce n’est pas forcément le plus important au sujet de l’école – sauf en ce qui concerne Peeves, qui garde ses mauvaises habitudes de jouer des plaisanteries à tout le monde. La Serdaigle secoue la tête quand tu lui en parles : elle ne l’a pas encore croisé. À mesure que tu lui décris les mystères du troisième étage, elle semble impressionnée.
Pourquoi les professeurs laissent tout ça dans cette aile… grand mystère !

— C’est dans un couloir et dans les salles autour. Comme c’est un coin où personne ne va, les professeurs ont tendance à laisser faire. C’est souvent comme ça dans le monde sorcier, il y a plein de petites bizarreries qui n’ont pas l’air très logiques, mais c’est ainsi que ça fonctionne. C’est surprenant au début, puis on finit par s’y habituer et on ne fait plus attention. Même les escaliers n’auront plus de secrets pour toi dans quelque temps et ça deviendra… plus ou moins normal.

Elle revient sur le cas de Peeves.

— C’est une créature qui ressemble à un fantôme mais qui n’en est pas un. Par exemple, les fantômes sont plutôt argentés et ne peuvent rien toucher parce qu’ils sont immatériels, alors que Peeves porte des vêtements colorés et, surtout, il peut toucher des objets. Il a très mauvais caractère, il adore poursuivre les élèves en leur criant des choses ou en leur jetant ce qui lui tombe sous la main. Il aime bien faire peur… donc moins on le croise, mieux ça vaut !

Tu marques une légère pause.

— Désolé, ça te fait beaucoup d’informations d’un coup… là aussi, ça deviendra plus facile avec le temps.

Tu développes quand même sur les escaliers, votre principal souci du moment. Le monde magique est déstabilisant quand on n’en connaît pas les codes, et il faut bien avouer que sur certains points les sorciers n’ont pas du tout la même façon de penser que les moldus. C’est presque… anachronique d’une certaine façon, comme si une partie de la société sorcière était encore dans le passé. Ce qui n’est pas faux en ce qui concerne certaines idées.
La Serdaigle et toi, vous êtes plutôt d’accord sur les bizarreries des sorciers, c’est vraiment un autre monde, et pas seulement pour la magie.

— Oui, tout à fait ! Et oui, c’est assez bizarre, mais j’ai l’impression que les sorciers aiment beaucoup enchanter les objets, il y en a plein dans leurs maisons, de ce que j’ai compris. Mais je suis d’accord que ce n’est pas toujours hyper pratique.

Au-delà des objets du quotidien enchantés pour se faciliter la vie (tu aimerais bien pouvoir utiliser la magie à la maison, histoire que la vaisselle se lave toute seule ou presque, sans parler du ménage – ce sera pour la fin de l’été prochain, lorsque tu seras majeur), tu as parfois entendu tes camarades de classe parler d’horloges qui faisaient plus que donner l’heure et de tout un tas d’objets, souvent anciens, qui se déplacent, sautent, peuvent attaquer, plus ou moins parler et effectuer tout un tas d’actions diverses et pas toujours rationnelles. Tu ne comprends pas bien ce qui a mené à certains choix et les livres ne t’ont pas beaucoup éclairé sur le sujet. Et tu n’es encore jamais entré dans une maison sorcière, à part Poudlard évidemment. Ce n’est pas près d’arriver, vu les distances que tu maintiens avec les autres élèves, précisément pour ne pas être invité chez eux et devoir leur rendre la pareille. En tout cas, il y a une part d’absurde un peu désuète dans la magie, qui crée une partie de son charme.

La Serdaigle écoute avec attention les informations que tu lui donnes, tu te doutes que son carnet va se couvrir de notes une fois qu’elle aura récupéré son crayon. Elle doit quand même être un peu perdue avec tout ce que tu lui apprends, et ce n’est pas évident de faire le tri dans toutes les particularités de Poudlard, surtout pour quelqu’un qui n’avait sans doute aucune idée de l’existence de la magie quelques mois plus tôt. Vraiment, est-ce que ça coûterait tant au Ministère et à l’école d’éditer une sorte de guide pratique de Poudlard et du monde sorcier pour celles et ceux qui le découvrent totalement ? Comme si ce n’était pas assez difficile comme ça ! Même maintenant, alors que tu attaques ta sixième année, il y a encore des choses que tu découvres qui ont l’air d’aller de soi pour les autres. Ce sont surtout des détails, à présent, tu es globalement à jour sur le monde magique, mais c’est quand même désagréable.

Tu souris à Elida lorsqu’elle se présente.

— Bien sûr, tu fais comme tu préfères ! Je me suis beaucoup amusé à tout explorer à l’époque, le château est vraiment impressionnant et plein de recoins à découvrir. Mais n’hésite pas à demander de l’aide quand tu as besoin, ça peut faire gagner pas mal de temps et je pense que ça ne dérangera pas grand monde de te répondre, on a l’habitude des élèves qui découvrent et on est passés par là aussi. Et surtout, il faut y aller petit à petit, tu ne retiendras pas tout dès le début, mais tu t’habitueras vite aux trajets vers les salles de cours et tu pourras explorer le reste plus tranquillement.

Tu as beau être pleinement convaincu que monde sorcier et monde moldu ont beaucoup à apprendre l’un de l’autre et pourraient cohabiter, les différences entre les deux sont quand même importantes. Ce n’est pas du tout le même état d’esprit, sans que tu comprennes bien pourquoi, comme si les sorciers restaient tournés vers le passé tandis que le monde moldu continuait d’avancer. Réaction, repli sur soi, tu ne sais pas, mais tu trouves ça dommage. Surtout que venant du monde moldu, tu as bien vu la différence de traitement entre les élèves comme toi et ceux déjà habitués au monde sorcier et à toutes ses bizarreries. Tu regrettes que le Ministère ne fasse pas plus d’efforts pour intégrer les né-moldus. Tu trouves ça aberrant qu’on n’envoie qu’un sorcier une fois pour expliquer rapidement la situation, et ensuite « débrouillez-vous ! » Est-ce qu’ils ne se rendent pas compte à quel point ils bouleversent des vies tant la magie est normale pour eux ? Peut-être.
En tout cas, tu trouves les né-moldus bien plus courageux que les autres vu la façon dont ils sont lâchés sans repère dans le monde de la magie et tu t’efforces d’aider ceux que tu croises. Tu ne crées pas vraiment de lien avec eux, puisque tu te refuses toujours d’avoir des amis, mais au moins tu ne les laisses pas livrés à eux-mêmes dans l’immensité du château. Et tu ne comprends pas non plus pourquoi tout le monde a l’air de trouver ça parfaitement normal, professeurs compris. Est-ce qu’il n’y a jamais eu de né-moldu parmi eux ? Est-ce que c’est juste un « on a toujours fait comme ça et personne n’en est mort, pourquoi changer » ? Ta mère, à qui tu en as parlé, pense que les sorciers ne traitent pas mieux les différences que les moldus. Bien sûr qu’il suffirait de pas grand-chose pour faire évoluer la situation, encore faut-il en avoir envie. Et cette absence de motivation t’échappe.
Il n’y a qu’à voir la petite Serdaigle : personne ne l’a mise en garde contre les dangers que peut recéler l’école ou même les humeurs étranges des escaliers, alors que c’est la base pour circuler ! Habitué depuis tout jeune par ta mère à être responsable, l’inconséquence des professeurs te dépasse. Ils sont quand même en charge des élèves ! Et autant tu sais que tu as une indépendance bien supérieure à ce qu’on pourrait attendre d’un étudiant de seize ans, autant tu n’es pas pour la loi de la jungle ou la loi du plus débrouillard.
Enfin bon.
Ce n’est pas aujourd’hui ni demain que ça changera, alors tu fais ce que tu peux en expliquant la situation à la Serdaigle. Sa remarque te fait sourire.

— Eh non, tu vois, je commence ma sixième année et ça reste encore un peu bizarre même si j’ai l’habitude ! Mes parents sont des moldus, je n’ai pas grandi dans ce monde. Par contre, oui, pour les sorciers qui connaissent ça depuis toujours, c’est parfaitement normal et ils ont du mal à comprendre que ce soit étrange pour d’autres. Mais de leur côté, c’est la technologie moldue qui leur paraît très bizarre et illogique.

Tu détailles le cas des fantômes et des esprits frappeurs. Normal, si on veut ! Tu sens la nervosité derrière son rire, c’est clair que ça aussi, ça change du monde moldu. D’une certaine façon, le monde sorcier est plus dangereux et plus sauvage que son voisin.

— Normal, oui et non, les esprits frappeurs ne sont pas très courant et personne n’a envie de les croiser, c’est au moins un point commun pour tout le monde.

Elle s’inquiète pour les cours et tu secoues la tête.

— Non, il a compris qu’il ne devait pas embêter les professeurs. Je pense qu’il peut y en avoir dans les maisons, mais j’imagine que les gens s’arrangent pour les faire partir.

Tu te rends compte de la somme d’information que ça représente déjà et t’excuses de lui en dire autant d’un coup, alors qu’elle prend à peine ses marques dans le château. Pas la peine de la noyer sous des distinctions pas très importantes, elle aura le temps d’en découvrir une partie par elle-même.

— Ça m’a fait bizarre au début aussi, mais avec le temps, on s’habitue et on comprend mieux comment ça marche.

Les escaliers restent la principale préoccupation du moment, celle où il y a besoin d’une réponse immédiate, qui pourra l’aider aussi dans les prochains jours. Les sorciers aiment enchanter toutes sortes d’objets, tu te dis qu’ils se sentiraient mal à l’aise dans une maison moldue où rien ne bouge, où même les photos ne s’agitent pas et où les personnes restent sagement dans leurs cadres sans rendre visite aux voisins.

— Oh oui, ça peut être pratique, tu peux avoir une théière qui verse le thé toute seule, comme ça, tu n’as pas à le faire, tu peux ranger ton armoire ou faire en sorte que la vaisselle se lave elle-même d’un sort… Les photos peuvent s’animer aussi, elles ne parlent pas, mais c’est plus vivant. C’est très varié.

C’est très riche, même si ce n’est pas toujours sans danger. Est-ce que c’est parce qu’ils vivent dans un monde où les dragons et les loups-garous existent que les sorciers ont un rapport différent au risque ? Et ça te va bien de dire ça, toi qui vis dans un danger permanent – mais justement, tu ne comprends pas pourquoi la plupart des sorciers ont l’air de rechercher ça. Toi, tu donnerais beaucoup pour avoir une vie tranquille.
Tu encourages Elida à explorer le château comme tu l’as toi-même fait – et continues de le faire encore, parce que tu doutes que ta scolarité suffise pour en connaître tous les recoins. Même si tu as un certain nombre de raccourcis, passages secrets et lieux étranges à ton actif. L’habitude de toujours connaître ton environnement t’a bien aidé à pousser tes explorations.

— Certains professeurs sont indulgents au début, mais pas tous malheureusement. Le mieux, c’est de rester avec les autres élèves de ta classe, c’est aussi plus facile de se repérer quand on est à plusieurs.

C’est bien une Serdaigle, en tout cas, à se réjouir des salles de classe et de la bibliothèque et ça te fait sourire.

— Oui, elle est vraiment grande !

Ah, l’escalier bouge enfin ! Il est assez sorti de vos pensées au fil des échanges pour revenir à sa place, parfait. Tu suis Elida au bas des marches où elle peut enfin récupérer son crayon. C’est mignon, sa façon de lui parler. Il y a une forme d’enthousiasme et d’innocence chez elle que tu trouves touchante et tu espères que tout se passera au mieux pour elle. Tu souris quand elle te dit que tu avais raison – non, en effet, tu ne lui as pas raconté n’importe quoi au sujet de l’école. Tu mens sur à peu près tout et n’importe quoi, mais pas ça.

— De rien, c’est normal ! Je n’allais nulle part en particulier, j’aime bien me balader un peu dans l’école en revenant de vacances. Je peux t’accompagner si tu as peur de te perdre, ça ne me dérange pas, sinon on se recroisera sans doute à Serdaigle. J’espère que ton année se passera bien !

Tu te retrouves beaucoup dans la façon dont Elida découvre l’école et la magie, tu n’étais pas très différent à son âge, l’esprit empli de ce qui est normal et courant dans le monde moldu, en train de basculer dans une autre réalité. Une réalité qui est pratiquement un autre monde tant il y a de différences, de choses à intégrer et à comprendre. Une réalité qui t’a fait te sentir étranger un moment, où ta mère ne pouvait pas t’aider, et dont tu as petit à petit intégré les codes jusqu’à sentir que tu en fais globalement partie, malgré ceux qui prétendent le contraire. C’est difficile de voir tous ses repères ainsi bouleversés, aussi jeune. C’est peut-être aussi ce qui donne à la plupart des nés-moldus et des sang-mêlés une plus grande ouverture d’esprit : vous savez naviguer entre deux mondes totalement différents et accepter la logique de chacun même si elles sont contradictoires.

Le fait que la technologie moldue puisse paraître illogique aux sorciers perturbe Elida. Ah, certes, science et magie ne font pas bon ménage. Ou disons que la magie obéit à une autre théorie que celle qui fonctionne dans le reste du mode. Il y a sans doute des sorciers qui ont tenté d’expliquer une telle différence de paradigme. Tu n’imagines pas le nombre et la taille des thèses qu’il doit être possible d’écrire sur le sujet… sans vraiment pouvoir y apporter de réponse. La magie fonctionne selon ses propres règles, ses propres fondements, et il faut arriver à l’accepter. Et clairement ce n’est pas simple.

— Oui, la magie n’a rien à voir avec la science, elles cohabitent et je ne crois pas que quelqu’un ait réussi à expliquer un jour comment ça marche. Plutôt que de la science, c’est comme une énergie qu’on peut canaliser à travers des sortilèges. Et quand on a grandi avec seulement cette énergie, la technologie peut paraître très bizarre. Comme la magie pour nous.

Et Elida n’est sans doute pas au bout de ses peines avec la magie, vu tout ce que renferme Poudlard entre objets ensorcelés, fantômes et esprit frappeur. Et certains sont dangereux même si les sorciers ne semblent pas conscients du problème. Peut-être que là aussi, à force de vivre avec des objets et des créatures plus ou moins dangereux, ils ont fini par s’y habituer au point de considérer que ça fait partie de la normalité. Si on trouvait ne serait-ce qu’un des dangers de Poudlard dans une école moldue, ce serait amplement suffisant pour provoquer un scandale de grande ampleur. Peeves pourrait hanter bien d’autres lieux, mais l’école s’accommode de sa présence. Autant les fantômes ne sont pas bien méchants, même s’ils ont parfois une aura inquiétante, autant lui… Enfin, bon, ça reste une nuisance moins pire que certains élèves.

— Ah ça, je ne sais pas ! S’il se plaît à ce point ici, le forcer à partir risquerait d’attirer des représailles et je pense que personne ici n’a envie de voir Peeves en colère, vu ce que ça donne déjà quand il est plutôt calme…

Tu as bien conscience que cela fait beaucoup à appréhender pour la nouvelle Serdaigle. Elle aura le temps de prendre ses marques au cours des prochaines semaines et des prochains mois, et bientôt, tout ceci aura la même familiarité que le monde moldu.

— Oui, c’est difficile au début, puis ça devient de plus en plus facile avec le temps. Dans quelques mois, tout ça te paraîtra normal, tu t’y seras habituée.

Et tu ne doutes pas qu’elle y arrivera tant elle a l’air curieuse et avide d’apprendre – une parfaite élève de Serdaigle, en somme ! Tu lui détailles quelques particularités du monde magique, peut-être un peu plus rassurantes que les fantômes et les esprits frappeurs – merci, Eirian, d’effrayer les élèves de première année avec certains des pires côtés de Poudlard, mais tu ne penses pas que ça fasse du bien à qui que ce soit de se bercer d’illusions et d’une sécurité qui n’existe pas réellement dans cette école. Mais tu ne développes pas davantage sur ce sujet.
Tu souris devant l’enthousiasme d’Elida.

— Peut-être pas tout, mais oui, elle compense largement la technologie moldue sur pas mal de choses.

Par contre, réanimer les morts ou apporter de la nourriture à volonté, ce n’est pas encore ça, mais… ce n’est pas non plus un sujet à aborder avec une élève de onze ans, même toi, tu en as conscience.
La conversation dérive un peu plus vers la scolarité et l’immensité du château ainsi que les difficultés pour s’y repérer – qui concernent à peu près tous les élèves, famille sorcière ou pas. Les sept étages et leurs multiples recoins et détours sont plus qu’impressionnants, et il faut du temps pour s’y habituer, accepter de se perdre un peu au début. Et rester en groupe sur le chemin des cours, l’intelligence collective pouvant aider, et c’est ce que tu conseilles à Elida.
En dignes Serdaigles, vous ne pouviez pas faire autrement que de parler de la bibliothèque, peut-être le lieu le plus important de Poudlard. Tu ne comptes plus le nombre d’heures que tu y passes, à la fois pour tenir tes distances avec tes condisciples et, bien sûr, pour te perdre dans les grimoires anciens, en quête de sortilèges utiles à ta survie. Et de nouvelles connaissances sur le monde magique qui continue de te fasciner, même six ans après ton entrée. Parfois, tu trouves les sorciers particulièrement blasés sur leur propre monde alors qu’il y a tant de choses à découvrir.

Enfin, l’escalier revient à son emplacement d’origine, ouvrant la voie à Elida pour récupérer son crayon et reprendre sa course dans les couloirs de Poudlard. Tu lui offres ton aide pour la suite de son périple, mais elle te remercie et préfère continuer à explorer seule. Ce que tu comprends totalement. Ça t’a occupé pendant des heures, toi aussi.

— Bonne exploration, profite bien ! À la prochaine !

Nul doute que vous aurez l’occasion de vous recroiser au moins dans la salle commune et dans la Grande Salle. Tu espères qu’elle n’aura pas trop de mal à faire son chemin à Poudlard. À ton tour, tu reprends ta propre route.