Dans la mythologie grecque, Erebe est la progéniture du Chaos, dieu primordial des ténèbres et personnification des Enfers.
Quelle ironie ...

Extrait du London Evening Standard du 7 août 1972 - page 26
"Lord & Lady Mackenson ont l'honneur de nous faire part de la naissance de leur fils premier né, hier dans la matinée. Mère et enfant se portent bien. Ceux qui voudraient leur offrir un présent pour célébrer cet heureux évènement sont invités à se rendre au domicile de la famille, un majordome vous donnera la marche à suivre. Nous souhaitons au nom de toute la rédaction tous nos vœux de bonheur à notre fervent lecteur, soutien et ami Lord Mackenson et son épouse.


Il n'y a jamais eu de conte m'ayant bercé jusque dans les bras de Morphée. Pas un roman fantastique dans la bibliothèque pourtant massive qui ornait le plus grand mur de ma chambre d'enfant. Celle-ci était garnie de livres d'histoire, de science, d'encyclopédies et de biographies. Sur ma table de chevet, un exemplaire de L'art de la Guerre de Sun Tzu ou Le Prince de Machiavel. Lorsque je me plaignais à mère que les autres garçons de l'école avaient le droit d'avoir des bandes dessinées américaines avec des héros dedans, elle me disait "Toi, Erebe, tu n'as pas besoin de ce genre de lecture. Elle est bonne pour ceux qui ne sont capable que de rêver à leur avenir. Toi, tu as un grand destin à accomplir. Et pour ça, tu auras besoin d'un esprit fort, ton savoir sera ta plus grande arme." Et elle refusait de m'en dire plus quand je lui demandais de quel destin elle me parlait. Des années plus tard, j'aimerais lui répondre que mon arme la plus létale à ce jour reste mon bon vieux SA-80, mais je comprends ce qui était sous entendu entre les lignes. Et je ne remercierai jamais assez cette femme d'avoir frustrer un enfant pour lui permettre de devenir un grand homme.


J'ai 14 ans depuis deux jours à peine. Mon père ma expliqué qu'aujourd'hui, j'allais venir faire une partie de chasse avec lui. Je suis tout excité. J'ai déjà assisté de loin à ses départs de chasse à courre, et l'ambiance est à chaque fois si grisante que le matin du jour J, je saute du lit après une courte nuit. Pourtant, je m'étonne de voir mon père m'attendre devant une voiture. Pas de chevaux, pas de chiens, seulement un vieux modèle de 4x4. Il ne prononce pas un mot, m'indique d'un signe de tête de monter. Il démarre. Roule. Un kilomètre. Deux. Dix. Le silence est lourd. Je sens qu'il veut me dire quelque chose. Pèse ses mots.

Nous n'allons pas chasser comme tu le crois, aujourd'hui. Il tourne son visage vers moi. Devant mon visage, il continu. Salem, 1692, ça te parles ? C'était dans tes livres à lire avant ton anniversaire, alors je vais partir du principe que tu comprends de quoi je parle. Il y a eu beaucoup de théories. Hystérie collective, ergotisme, superstitions ... Mais ces pseudos historiens ne connaissent rien à la vérité. Il se gare soudain devant une cabane, perdue dans les bois, et me fais signe de descendre et le suivre. Le cabanon est un banal abris de chasse, sauf qu'en déplaçant un bibelot sur une des étagères, un pan de mur semble s'ouvrir vers un escalier plongeant vers les ténèbres. En silence, dans la pâle lueur d'une lampe torche, je le suis dans ce qui ressemble à une chapelle creusée sous le sol, sauf que cette chapelle n'a rien de très catholique, et qu'ici, des hommes m'attendent. Se jour là, j'apprendrais la vérité sur ma famille, apposerai mon nom sur le livre, et recevrai la marque au fer rouge, témoin discret de ma nouvelle allégeance. Ma formation passera par bien des étapes, certaines dont vous connaissez déjà le cuisant souvenir. Mais le jour de mes 18 ans, j'étais prêt, officiellement un membre à part entière du Blood Circle, fier héritier du travail de mes ancêtres.


À la fin de mon second cycle en école militaire, m'engager n'a pas été une question. Moi, jeune éphèbe, déjà persuadé d'être un héro moderne, pourfendant les créatures des ténèbres, bien sûr que j'allais continuer sur ma lancée, car après tout, mon seul est unique but était le bien de l'humanité. J'étais candide à l'époque, et pourtant c'est toujours cette ferveur qui guide mes actes. Je sais que j'agis pour le bien commun, pour la survie de mon espèce, menacée depuis trop longtemps dans le secret par des monstres abominables. Jusqu'à mon dernier souffle, je me battrai pour mon pays, pour le bon, le juste, et pour ma race, j'en ai fais le serment. Je peux vous sembler froid et brutal, je le conçois. Mais ne vous y méprenez jamais. Je suis le gentil dans cette histoire, et rien de ce que vous pourrez me dire ne me convaincra du contraire. C'est grâce à ma force d'esprit que j'ai gravi les échelons.


Je n'ai pas pleuré, ce jour là, au cimetière. Je savais que cela arriverait, d'une façon ou d'une autre. Il n'aura pas aimé que je pleure, de toute façon. Ce n'est pas ce que fait un homme. Il est mort comme il le devait, et comme il m'en incombe un jour également. Au combat, se battant pour la liberté de notre espèce. Il est mort en héro de guerre, et me laisse aujourd'hui porter le titre qui me revient, celui de patriarche des Mackenson. Jamais il ne m'aura dit qu'il était fier de moi. J'ai longtemps cru que j'avais besoin de l'entendre, mais alors, j'ai compris mon erreur. Il ne me l'a jamais dit, mais jamais il n'aurait accepté d'abandonner la vie si il ne me croyait pas être son digne successeur. Il n'avait pas besoin d'un fils, mais bien d'un héritier. Car son combat, le combat de notre famille, ne pouvait pas disparaître avec lui. Je saurais me montrer digne de sa confiance.


La vie n'est pas un long fleuve tranquille, mais la mienne n'est pas si mal. Une femme aimante, des enfants obéissants, une carrière militaire couronnée de succès, et aujourd'hui, une guerre ouverte contre cette race contre nature. Je n'ai plus besoin de me cacher pour faire valoir ma vertu. Accompagné de Kane et de Terry, c'est d'une main experte que nous couvrons les domaines d'influence de notre organisation. Et si je ne suis pas toujours en accord avec les méthodes de mes compagnons (vraiment, le bon docteur prend beaucoup trop de plaisir à la torture, alors qu'une balle dans la tête règle les choses une bonne fois pour toute et est une méthode beaucoup moins salissante). Peut-être que je me vois comme un sauveur de l'humanité. Oui, c'est possible. Mais finalement, ai-je tors ? Je suis Erebe, personnification des Enfers qui consumeront les ennemis de l'humanité.