Pour la première fois, Erin avait été soulagée de voir les vacances de Noël prendre fin. Pourtant, elle avait toujours aimé les fêtes de Noël. C'était un peu cliché mais elle s'en fichait, elle aimait les lumières allumées un peu partout, les décorations qui fleurissaient dans les maisons et surtout les moments passés en famille. Le froid ne la gênait pas parce que la chaleur était partout ailleurs et même si la neige venait s'infiltrer entre son écharpe et sa peau, elle ne parvenait pas à la trouver désagréable. C'était un spectacle qui lui plaisait trop pour qu'elle en voit les inconvénients. Comme toujours, la Serdaigle avait quitté le château de Poudlard pour se rendre à Paris et passer du temps avec sa famille avant de descendre plus bas en France pour rejoindre Balthazar chez lui. Sauf que ça ne s'était pas passé comme toujours. Cette fois, il avait fallu que le destin se montre cruel et que la pleine lune tombe pile à la fin du mois de décembre, venant tout gâcher sur son passage. Cette année, la joie des fêtes n'avait pas vraiment été au rendez-vous pour Erin, rongée par son secret qu'elle n'avait toujours pas dévoilée à ses parents et malmenée par les effets de la pleine lune. Evan avait fait de son mieux pour l'aider mais les émotions et le manque de sommeil avaient été plus forts que tous les efforts conjugués des jeunes Delacour. Erin s'était surprise à se prendre le bec avec sa mère pour rien et à s'agacer face à son père sans raison, elle qui aimait tant sa famille ça avait été une véritable épreuve. Elle avait évoqué la fatigue et la pression des études pour expliquer son comportement mais elle avait bien vu que ses parents n'y avaient qu'à moitié cru. La seule raison pour laquelle ils n'avaient rien dit, c'était que c'était la première fois qu'ils voyaient leur fille se comporter ainsi et qu'ils se disaient que si elle avait besoin d'aide, alors elle se tournerait vers eux comme elle l'avait toujours fait. Si ils savaient...

Alors quand était arrivé le jour de son retour à Poudlard, Erin en avait été soulagée pour la première fois. Elle avait un amour sincère et profond pour sa famille, mais leur mentir ainsi était trop difficile. Elle ne supportait plus de les voir la regarder avec inquiétude et lui poser des questions auxquelles elle ne pouvait pas apporter de réponse. Elle allait devoir tout leur dire, mais l'idée de partager son secret était encore impensable pour elle, pas alors qu'elle ne cessait de revoir la réaction violente d'Elise quand celle-ci l'avait confronté en novembre dernier. Si sa famille réagissait comme sa cousine, Erin ignorait ce qu'elle ferait. Elle savait juste une chose, c'était une expérience qu'elle ne voulait surtout pas vivre. Au final, revenir à Poudlard était plus facile. Il y avait plus de monde, pour la voir et pour l'interroger, certes, mais personne ne la connaissait aussi bien que ses parents alors elle parvenait à faire oublier les incohérences de son comportement. Après tout, si sa famille la connaissait par cœur, les amis pouvaient se tromper. De ce côté-là, Erin parvenait au moins à s’en sortir. Ses amis avaient l’air d’avoir noté qu’elle vivait des passes plus difficiles et lui posaient des questions, mais elle arrivait toujours à détourner le sujet ou à avancer des explications plausibles. L’exigence de ses études était bien sûr son excuse favorite, car non seulement ses amis étaient aussi concernés et pouvaient donc la comprendre, mais car ce n’était aussi pas un mensonge. Elle s’en voulait toujours autant de cacher la vérité à ses proches alors utiliser une vraie excuse était ce qu’elle avait trouvé de plus acceptable. Elle aurait préféré ne pas en avoir besoin, bien évidemment, elle aurait préféré que sa vie ne bascule pas, continuer le chemin qu’elle avait commencé à se tracer. Mais Erin avait désormais compris que dans la vie on n’obtenait pas toujours ce que l’on désirait.

La rentrée avait été un peu compliquée, mais au moins ça avait été le cas pour la plupart des étudiants. Les vacances de Noel n’étaient jamais véritablement reposantes alors quand tous les sorciers revenaient à Poudlard ça se sentait, au-delà de l’effervescence des retrouvailles, il y avait de longs moments de flottement et si les mines étaient ravies, elles étaient aussi en manque de sommeil. Au moins dans ce contexte, Erin n’eut pas de mal à camoufler que la nuit de pleine lune, qui avait eu lieu le 30 décembre, avait été aussi difficile à vivre que les suivantes. En un sens elle s’était sentie un peu moins seule mais ça n’avait pas vraiment été pour la consoler. Au moins, cette pleine lune était passée, ce qui voulait dire qu’elle se sentait enfin de nouveau elle-même et ça c’était à chaque fois un soulagement. Chaque fois, la Serdaigle craignait de ne jamais retrouver le contrôle complet de ses émotions, même si les mois défilaient et que le même schéma se répétait, elle avait peur qu’un jour la pleine lune passe mais que rien ne change. Se retrouver était la seule chose qui l’aidait à se raccrocher à l’idée qu’elle était encore humaine. Tant que ce serait le cas, elle saurait que le loup qui l’avait mordu n’avait pas gagné, qu’il y avait encore quelque chose à sauver chez elle. En attendant, les cours étaient exactement ce qu'il lui fallait pour se changer les idées et surtout pour rester assez occupée et ne pas totalement sombrer. Au moins de ce côté-là, Erin était servie, le cursus de droit magique était très exigent et les professeurs ne connaissaient aucun moment de pause même alors que les examens de mi-parcours avaient eu lieu avant les vacances de Noël. Dès la reprise, les étudiants avaient été replongés dans le bain sans même un instant pour souffler. Les cours, les rouleaux de parchemins et les devoirs s'accumulaient de nouveau comme si ça avait toujours été le cas. Cela n'avait jamais vraiment déranger Erin qui aimait ce qu'elle apprenait mais maintenant se concentrer sur ses cours lui donnait l'impression d'avoir une bouée de sauvetage à laquelle se raccrocher.

Cette journée s’était déroulée de la même manière que toutes les autres, à la seule différence que la Serdaigle sentait son énergie lui revenir et que ça lui faisait un bien fou. Et c’était tant mieux car le rythme ne faiblissait pas. Que les professeurs de Poudlard aient fait la fête pour le nouvel an, ou pas, ça ne changeait rien, ils étaient toujours aussi en forme quand il s’agissait de donner des devoirs à leurs étudiants. Même si ça n’avait jamais dérangé Erin de plancher ainsi, elle n’aurait pas été contre quelques jours pour souffler un peu. Mais ce n’était pas le cas alors la française s’efforçait de suivre le rythme. C’était sûrement son seul point de fierté sur ces derniers mois, elle parvenait à maintenir son niveau en cours, c’était difficile et lui demandait de nombreuses heures de sommeil en sacrifice, mais ses études avaient toujours beaucoup comptées à ses yeux. Puisque le reste de son monde menaçait de s’écrouler, il fallait qu’il y ait au moins encore une chose qui tienne, et pour elle c’était ses cours. Alors elle avait passé la journée à gratter dans les différentes matières qui composaient son emploi du temps de la journée, puis une fois les cours terminés, elle s’était accordé une pause avant d’aller à la bibliothèque pour travailler un peu plus. Les vacances de Noël avaient permis de remettre tous ses devoirs à zéros mais ce n’était pas pour autant que la blonde allait déserter la bibliothèque, elle le savait tout pouvait s’accumuler très vite, surtout dans le cursus de droit magique où il lui semblait que ses notes pouvaient facilement atteindre des kilomètres de longs. Erin se débattait avec bien assez d’aspects de sa vie comme ça, pour une fois son besoin presque pathologique de tout organiser et de tout contrôler lui était bien utile. Et puis elle l’avouait, elle aimait bien la bibliothèque de Poudlard, elle s’y sentait tranquille.

Tout le contraire de la Grande Salle durant les heures de repas. Oh pas que Erin ne s’y sentait pas bien, mais surtout que la tranquillité ce n’était pas là qu’il fallait la rechercher. Heureusement, une fois la fatigue de la pleine lune passée et en pleine possession de ses nerfs, la Serdaigle supportait parfaitement bien l’agitation des lieux. En fait, ce n’était même pas que ça ne la gênait pas, c’était qu’elle y trouvait sa place. Certes, elle ne faisait pas partie des élèves les plus bruyants, de ceux qui faisaient le pitre où se faisaient remarquer d’une manière ou d’une autre, mais elle aimait voir la Grand Salle remplie de tant de sorciers différents. Ca lui rappelait qu’elle n’était pas seule et que le monde était grand, même quand le désespoir lui donnait l’impression du contraire. Ce repas ne faisait pas exception à la règle, l’animation était partout, même à la table des sérieux Serdaigles. Autours de la française, les conversations allaient bon train, certains pariaient déjà sur le résultat du prochain match de Quidditch, d’autres échangeaient des potins ou se racontaient leurs vacances. Erin écoutait d’une oreille distraite tout en répondant aux questions de ses camarades sur ce qu’elle avait fait ces dernières semaines. Elle passa ainsi le repas à broder sur le déroulé de ses fêtes de fin d’année pour ne pas avouer qu’elle en avait passé la plus grand partie à souffrir du manque de sommeil et de ses nerfs à vif. Elle aurait presque pu y croire, elle aurait presque pu oublier, si seulement Elise n’était pas venue s’installer en face d’elle soudainement. « Erin » La française leva sur sa cousine un regard prudent. Elle avait bien senti que l’anglaise la regardait pendant le repas mais elle s’était efforcée de ne pas y prêter attention. Sûrement qu’Elise se demandait combien de personnes elle avait tué pendant ses vacances puisqu’elle la prenait pour un monstre sanguinaire.

« Est-ce qu’on pourrait se parler s’il te plait. » Erin se figea. Elise voulait parler. Cela faisait des mois qu’elles n’avaient pas échangé un mot, et maintenant elle voulait parler. La dernière fois que ça avait été le cas, l’anglaise l’avait accusé de tous les maux, l’avait regardé avec le plus pur dégoût. Elle avait été tellement persuadée qu’Erin était un loup-garou monstrueux qu’elle avait refusé de l’écouter, et maintenant elle s’imaginait qu’elles allaient tout simplement pouvoir discuter. Comme si tout ça n’avait pas profondément blessé la française. Elle baissa ses prunelles sur sa part de tarte aux pommes à moitié entamée. « Je ne sais pas. » Elle avait du mal à en voir l’intérêt, leur dernière conversation avait été terriblement dur à vivre pour elle alors elle ne voyait pas pourquoi elle s’infligerait de nouveau une telle épreuve. D’ailleurs elle se demandait bien ce qu’Elise faisait là, face à elle, n’avait-elle pas peur qu’elle tente de la croquer ? Que lui rappeler son existence lui donne envie de la chasser à la prochaine pleine lune ? Peut-être ne craignait-elle rien parce que son frère était en possession d’une lettre qui l’accuserait de tout. L’appétit coupé, Erin posa sa cuillère dans son assiette et la repoussa sur la table. « Il y a des accusations que tu as oublié la dernière fois ? » Reprit-elle à mi-voix pour éviter que les camarades encore installés non loin ne l’entende. L’amertume dans sa voix était palpable, tout comme la méfiance qui baignait ses prunelles. Il lui semblait pourtant qu’elles s’étaient tout dit lors de leur dernière conversation. De toute façon Elise avait été claire, elle ne voulait pas l’écouter, alors elle n’avait aucune raison de changer d’avis. « Ou alors cette fois tu veux avoir un public ? » Erin sentit sa gorge se serrer à cette idée. La Grande Salle était l’endroit parfait pour ça, elle aurait juste dû s’y prendre un peu plus tôt, les tables avaient déjà commencées à se vider.

Est-ce qu’un jour Erin allait connaitre de nouveau la tranquillité ? Aussi bien d’esprit, que de corps ? Depuis juillet dernier elle en doutait fortement. De base, la française n’était pas exactement l’esprit le plus tranquille au monde, si son besoin de tout contrôler révélait une chose, c’était bien ça. Elle voulait tout maîtriser parce qu’elle pensait trop, qu’elle anticipait trop, qu’elle se posait trop de questions et que si elle se laissait envahir par tout ça, ça finirait par se transformer en anxiété. Tout contrôler de A à Z était le seul moyen qu’elle avait trouvé pour ne pas se laisser submerger, mais cela voulait aussi dire qu’elle ne connaissait jamais la même quiétude que la plupart de ses camarades. Et si ça ne l’avait jamais vraiment dérangée -c’était juste sa manière de fonctionner et tant qu’elle trouvait le moyen de libérer un peu la pression ça allait très bien ainsi- désormais tout était plus compliqué. La tranquillité lui échappait, ce n’était pas juste la fatigue physique, mais aussi celle qui envahissait son esprit. C'était le poids du secret sur ses épaules, la menace constante de l'arrivée de la pleine lune, la fatigue qui s'accumulait et ses émotions qui se jouaient d'elle. Tout ça sans compter sur ses études à maintenir à flot et sa relation avec Balthazar qui la plongeait dans le désarroi le plus total. Quand certains parvenaient à souffler après avoir rendu un devoir ou passé une session d'examens, ce n'était pas son cas. Ce n'était plus son cas. Il n'y avait plus de moments de pause dans l'existence d'Erin, ces instants où elle pouvait se dire que tout irait bien, que tout s'arrangerait. Parce que même les jours qui suivaient la pleine lune, ceux où elle se retrouvait enfin, étaient envahis par les doutes et l'impuissance, par tout ce qu'elle ne parvenait pas à maitriser.

Même aujourd'hui, en plein repas, elle ne pouvait pas être tranquille. Et il ne s'agissait pas de souligner que c'était le bazar dans la Grande Salle, ça c'était toujours le cas au moment des repas. Ce n'était pas comme si réunir tous les étudiants d'une école de sorcellerie dans une seule et même pièce pour manger était l'assurance que ça allait se faire dans tout, sauf le calme. Même en tant que préfète, Erin ne tentait pas de calmer les élèves qui l'entouraient, elle avait compris depuis longtemps que c'était un combat qui serait vain. Bien sûr, elle empêchait les plus jeunes de se lancer dans des batailles de nourriture et confisquait toutes les bombabouses et autres accessoires à bêtises sur lesquels elle tombait afin qu'ils ne soient pas utilisés pendant les repas, mais ça s'arrêtait là. Elle n'avait jamais été une préfète particulièrement à cheval sur le règlement de l'école de toute façon. Ce n'étaient donc pas ses camarades qui l'empêchaient de goûter à un peu de quiétude, elle s'était depuis longtemps habituée aux repas bruyants et animés, mais plutôt la présence d'Elise qui venait de prendre place juste en face d'elle. Dans une autre vie, Erin aurait peut-être été capable d’ignorer sa cousine malgré sa présence plus que flagrante. Si elle avait été élevée autrement, la française aurait certainement pu tourner la tête sans la moindre gêne, faire mine de rien, qu’elle ne la voyait pas, que la Serdaigle n’était pas là. Prétendre que quelqu’un l’appelait, à l’entrée de la Grande Salle et se lever pour la planter là. Elle aurait pu se montrer terriblement grossière et ne même pas s’en sentir coupable. Se faire passer elle d’abord, penser à elle et se ficher complètement de sa cousine. Pour une fois, elle aurait été la priorité, et tant pis pour Elise. Elle l’avait déjà assez blessée comme ça.

Mais Erin n’était pas ainsi. Erin avait été élevée avec des principes et des manières. Trop bien élevée, certainement, dans ce genre de cas. Dans ce contexte, elle était bien incapable d’ignorer qui que ce soit, même si sa présence menaçait de lui faire plus de mal que de bien. Elle n’avait juste pas été éduquée ainsi et jamais elle n’avait cherché à renier l’éducation que lui avaient donné ses parents. Parce qu’elle était excellente, de ça elle en était certaine. Mais parfois elle se présentait comme un piège, la forçait à rester dans des situation où elle n’était pas à l’aise, à se montrer posée et polie alors qu’elle n’en avait pas réellement envie. Ah, il y en avait des choses qu’elle faisait, des mots qu’elle prononçaient, juste par politesse. Comme ne pas planter Elise là, ne pas l’ignorer ou ne pas tout simplement lui ordonner de la laisser en paix. Erin était incapable de faire tout ça, alors elle se contenta d’observer sa cousine avec un mélange de circonspection et de méfiance. Leur dernière discussion avait été particulièrement difficile à vivre pour la française, et depuis ça avait été silence radio entre elles. Toute cette situation avait grandement peiné Erin qui avait toujours été attachée à sa cousine, mais elle ne pouvait ignorer les accusations dont celle-ci l’avait couverte et surtout la manière dont elle avait refusé de l’écouter lorsqu’elle s’en était défendue. Désormais, Erin considérait sa cousine avec méfiance, un sentiment nouveau et qu’elle exécrait, mais qu’elle savait nécessaire. Elle devait se protéger, mais c’était terriblement dur de devoir le faire face à sa propre famille, exactement ce dont elle avait peur depuis toutes ces semaines, ces mois. Exactement les raisons de son silence.

Elise désirait lui parler. Franchement, Erin n’était pas sûre que ça soit une très bonne idée, pas après la manière dont s’était déroulée leur dernière conversation. Si c’était pour que l’anglaise puisse profiter d’avoir un public pour ajouter de nouvelles charges à ses accusations et la traiter encore de monstre, Erin préférait qu’elles s’abstiennent. Elle avait l’impression qu’Elise en avait assez dit comme ça. Elle n’avait pas l’impression que sa cousine pourrait avoir d’autres choses à lui reproches, mais elle pourrait encore être surprise, dans le mauvais sens du terme. « Qu’est ce que je m’en moque d’avoir un public. » Erin pinça les lèvres, s’empêchant de répondre. Elle, elle ne s’en moquait pas du tout d’avoir un public, bien au contraire. Encore moins après les accusations qu’Elise avait déjà eu à son encontre et qu’elle pourrait encore avoir. La française n’avait aucune envie que quiconque puisse entendre ce que ça cousine avait à dire. Elle savait bien qu’elle ignorait tout de ce qu’Elise devait avoir en tête, mais justement, elle préférait songer au pire, histoire de garder un minimum de contrôle. « Je n’ai pas oublié d’accusations et je ne veux pas d’un public mais j’ai envie de te parler, justement à ce sujet. » Alors franchement, la Serdaigle ignorait à quel jeu sa cousine jouait, et encore moins ce qu’elle espérait obtenir ainsi, mais ce n’était vraiment pas plus rassurant. « Je te promets que je n’ai l’intention de rien, est ce qu’on peut discuter ? » Face à l’insistance d’Elise, Erin retint un soupir et s’arracha à sa contemplation butée de son reste de tarte aux pommes dont elle ne profiterait plus, pour relever ses yeux bleus vers la sorcière. La française se rendait bien compte d’une chose : elle n’avait pas envie de parler avec Elise. Cette perspective l’emplissait de crainte et de méfiance, un mélange qu’elle trouvait vraiment désagréable. Or, Erin n’était pas une personne désagréable alors cette sensation, elle aurait préféré ne pas la connaitre. Encore moins face à sa cousine.

Sauf qu’elle connaissait Elise et qu’elle savait que celle-ci n’accepterait pas de refus de sa part. Elle avait beau lui poser la question, Erin savait que sa cousine avait déjà la réponse gravée dans son esprit. Si elle refusait, si elle quittait la table pour se rendre ailleurs, Elise la suivrait, purement et simplement. Elle la tannerait des heures durant jusqu’à ce qu’Erin craque et n’accepte finalement de l’écouter. La Serdaigle avait rarement rencontré une personne plus têtue que sa cousine. Souvent sa ténacité l’avait fait sourire, elle en avait même été fière car Elise savait se donner les moyens d’obtenir ce qu’elle voulait, mais aujourd’hui qu’elle en était la cible, elle appréciait beaucoup moins ce trait de caractère. « On peut aller ailleurs ? » La française l’observa un instant, tiraillée. Elle se sentait au pied du mur, et en toute honnêteté ça lui faisait peur. Elise avait beau affirmer qu’elle ne comptait pas l’accabler d’avantage, Erin avait le plus grand mal à la croire. Finalement, elle hocha la tête, clairement pas ravie à l’idée de ce qui l’attendait. « Très bien. » Erin attrapa son sac qu’elle avait déposé à ses pieds et se leva. Elle réfléchit un instant avant de jeter un coup d’œil à la Serdaigle. « Suis-moi, les cachots doivent être vides à cette heure. » Il y faisait froid et humide en hiver, donc personne ne s’y rendait pour traîner. Les élèves de Poudlard n’étaient pas stupides, ils préféraient la chaleur de leurs salles communes. Erin aussi aurait aimé y retourner, mais il était hors de question de discuter avec Elise dans une pièce remplie de jeunes sorciers qui pouvaient les écouter. Les cachots n’étaient pas l’endroit idéal, mais au moins elles seraient tranquilles, et loin des oreilles indiscrètes. Et puis, si ce lieu glauque faisait peur à Elise, rien ne la forçait à maintenir cette discussion.

Sans attendre, Erin quitta la Grande Salle, Elise sur les talons. Elle dépassa un petit groupe de Serpentards qui se dirigeaient vers leur salle commune pour bifurquer dans un couloir mal éclairé des cachots. Là, elle poussa la première porte déverrouillée qu’elle trouva et entra dans ce qui était une salle dédiée à l’étude des potions. Les paillasses couvertes de carrelage et les chaudrons vides pouvaient en attester. « Voilà. » Déclara-t-elle en embrassant la pièce du regard. Ce n’était vraiment pas un lieu accueillant, mais ça ferait l’affaire. Ce n’était pas le confort qu’Erin recherchait. Laissant le soin à Elise de fermer la porte derrière elles -ou pas si sa cousine avait trop peur qu’elle se jette sur elle pour la mordre- elle alla déposer son sac sur la table la plus proche mais ne chercha pas à s’assoir, elle avait l’espoir que cette conversation ne dure pas trop longtemps. Ceci fait, elle se tourna vers l’anglaise. « De quoi souhaites-tu discuter, Elise ? » Demanda-t-elle d’une voix qu’elle tenta de maitriser. Erin aurait aimé avoir l’air sereine et assurée, mais c’était un échec. Elle n’était clairement pas une courageuse Gryffondor, encore moins quand son secret était menacé. Elle prit une profonde inspiration, dans l’espoir sûrement vain de calmer ses nerfs et reporta ses prunelles sur Elise. « J’avais pourtant l’impression que tu avais tout dit, la dernière fois. » Et si elle n’était pas là pour ajouter de nouvelles accusations à sa liste déjà bien longue, alors que voulait-elle ?

Eviter une discussion n’était pas vraiment dans les habitudes d’Erin. Il fallait dire qu’elle était sociable, la française, elle aimait se retrouver en groupe, passer du temps avec ses amis, discuter et échanger des points de vue. La solitude ne la dérangeait pas outre mesure et elle la trouvait parfois nécessaire quand elle avait besoin de se concentrer pour réviser ses cours, mais sinon elle aimait être entourée. Ca avait toujours été le cas. A part quand les examens approchaient et qu’elle se mettait la pression pour accumuler le plus de connaissances possibles afin d’obtenir des résultats brillants, Erin ne disait jamais non à une conversation, que ce soit pour papoter de choses et d’autres ou pour échanger sur des sujets plus importants. Alors bien sûr, il en avait toujours été de même avec Elise. Sa cousine était intelligente, avait de la répartie et des réflexions souvent fines qui appelaient à d’autres discussions. Erin avait toujours aimé passer du temps avec Elise, pas si éloignées que ça en âge, elles s’entendaient bien et trouvaient sans mal des terrains d’ententes et sujets de discussion variés. Ca avait toujours été avec plaisir qu’Erin côtoyait sa cousine anglaise. Du moins jusqu’à ce que cette dernière ne débarque dans son dortoir, des accusations plein la bouche et le mépris accroché au fond de ses prunelles. Cette conversation-là, la française n’en n’avait pas apprécié la moindre seconde et elle n’avait aucune envie de revivre ça. Devoir subir les critiques de sa cousine et faire face au dégout clair qu’elle avait pour elle, ça allait une fois mais pas deux. D’ailleurs même une fois ça n’avait pas été mais ce n’était pas comme si Erin avait eu le choix. C’était Elise qui était venue la trouver dans son dortoir pour l’accuser d’être un loup-garou, Erin n’avait pas eu son mot à dire, et si ça avait été le cas les choses auraient été complètement différentes.

Et là, avait-elle réellement le choix ? Elise lui demandait si elles pouvaient discuter mais la Serdaigle n’était pas dupe, ce que sa cousine voulait, sa cousine l’obtenait. Même si c’était une simple discussion. Erin savait qu’Elise était parfaitement capable de la suivre à la trace jusqu’à la fin de sa vie, jusqu’à ce qu’elle craque et accepte de l’écouter. Tout ça juste pour pouvoir dire ce qu’elle avait à lui dire. La réalité, c’était que non, la blonde n’avait aucune envie d’avoir une nouvelle conversation avec la de Lestang, la dernière qu’elles avaient eu l’avait bien assez marqué comme ça, elle n’avait aucune intention de revivre cette expérience. Mais la réalité, c’était aussi -et surtout- qu’encore une fois elle n'avait pas vraiment le choix. Cette conversation allait avoir lieu, que ça lui plaise ou non, alors autant tenter d’avoir un minimum la main en choisissant au moins le lieu où elles pourraient parler. La Grande Salle était hors de question, il y avait encore trop de monde et de curieux, la Salle Commune, c’était un peu la même conclusion, quant aux dortoirs, plus intimistes, ils étaient particulièrement loin et Erin n’avait pas envie de sentir Elise la suivre comme son ombre jusque-là. L’endroit parfait serait donc les cachots. Une idée qui convenait parfaitement à Erin mais absolument pas à sa cousine. « Les cachots, vraiment ? » La Serdaigle retint un soupir mais ne ralentis pas le rythme de ses pas. Cela faisait un moment qu’elle n’avait pas côtoyé Elise, elle avait oublié que la bleue était une trouillarde de première et qu’un lieu un tout petit peu sombre lui faisait tout de suite craindre le pire. En temps normal, Erin aurait été sensible à ses craintes et aurait choisi un autre endroit, ce n’était pas comme si Poudlard manquait de salles de cours vides, mais ce soir ce n’était pas vraiment le cas. « C’est à côté, il n’y a pas une centaine de marches à grimper » ce qui prouvait bien que malgré tout, Erin se souciait encore de sa cousine. Ce qu’elle n’aurait pas dû faire étant donné la manière dont Elise l’avait traité, mais certaines habitudes avaient la vie dure. « et il n’y aura personne à cette heure. Ca me parait le meilleur endroit pour discuter. » C’était bien ce qu’Elise voulait, non ? Elle pouvait faire ce petit effort.

Surtout qu’Erin n’était pas mesquine, elle n’avait pas l’intention de s’engouffrer loin dans les cachots, encore moins de trouver l’endroit le plus glauque pour pouvoir parler en s’assurant qu’Elise ne serait pas à l’aise. En fait, elle poussa l’une des premières portes qu’elles croisèrent et se retrouvèrent dans une des salles utilisées pour les cours de potions. « On a le droit d’être ici ? » La française adressa un regard blasé à sa cousine, elle n’allait quand même pas se plaindre d’être ici alors qu’elle accédait -de mauvaise grâce- à sa requête. Elle n’avait pas envie de discuter avec elle, Elise n’avait pas envie de se trouver dans les cachots. Parfait, comme ça ce soir elles étaient deux à faire ce qu’elles ne voulaient pas faire. « Je suis préfète, Elise. Je décide qu’on a le droit d’être ici. » Soupira-t-elle tout en posant son sac sur une des tables. Tant qu’elles ne dérangeaient rien, les professeurs n’auraient rien à leur reprocher. De toute façon ces salles étaient souvent utilisées en dehors des cours par des élèves qui voulaient travailler sur leurs potions alors elles ne faisaient rien de mal. Décidant que ce sujet-là était clos, Erin interrogea l’anglaise sur la raison de sa présence à ses côtés. « Je voulais te parler de loup-garou. » Erin pinça les lèvres. Ce n’était pas une surprise, mais clairement elle aurait préféré aborder n’importe quel autre sujet au monde plutôt que celui-là. Que la Serdaigle choisisse d’ensorceler la porte pour que personne ne puisse entendre leur conversation ne fut pas pour la rassurer mais Erin empêcha son esprit de divaguer dans trop de suppositions. La dernière fois qu’elle avait parlé loup-garou avec Elise, ça avait été affreusement désagréable et elle n’avait pas envie de recommencer. D’ailleurs elle pensait que sa cousine avait vidé son sac à ce sujet, quel dommage qu’elle se soit trompée en pensant cela. « C’est une façon de voir les choses. » Non, clairement, Elise n’était pas rassurante, pas du tout, et soudainement Erin eut de nouveau envie de tout faire pour éviter cette discussion.

« Je me suis trompée sur toi et sur ce que je t’ai dit, je suis sincèrement désolée Erin. » La française tourna de grands yeux vers Elise. Elle avait dit quoi ? Elle avait dû mal entendre, ce n’était pas possible. Erin s’était attendue à a peu près tout pour cette conversation, mais certainement pas à ça. Qu’Elise lui présente ses excuse lui semblait presque inconcevable, elle avait l’impression que d’un instant à l’autre, sa cousine allait claquer des doigts et que tout allait s’effacer. Mais elle eut beau cligner des paupières, Elise ne retira pas ses mots. En fait, elle continua. « Je pense que j’ai fait l’erreur d’exclure d’emblée certaines personnes de mon enquête et que la conséquence de cela, c’est que je t’ai accusé toi plutôt que de regarder ce qui était sous mes yeux depuis le début et je m’en excuse, tu ne méritais pas ce que j’ai dit. » Voilà qui plongeait encore plus la française dans l’incompréhension. Déjà, elle avait du mal à comprendre pourquoi est-ce qu’Elise s’était échinée de la sorte à trouver qui était le loup-garou dans son entourage, mais ça à la limite c’était sa cousine que ça regardait. Par contre, devait-elle comprendre qu’elle avait trouvé qui était le loup-garou parmi ses proches ? Aussitôt, les pensées d’Erin filèrent vers Aidan et elle fut bien contente qu’Elise ne puisse pas lire dans son esprit parce que le secret du Serdaigle aurait été dévoilé. Elise et lui avaient rompus depuis peu, Erin ne put s’empêcher de se demander si c’était à cause de ça, si sa cousine avait découvert son secret. Si elle n’était pas hermétique aux craintes de la petite blonde, Erin ressentit un élan de sympathie envers Aidan. Elle savait que voir son secret découvert lui faisait une peur bleue, tout comme c’était son cas à elle avec son propre secret, alors elle ne pouvait que se mettre à sa place. Et espérer qu’elle fasse fausse route avec cette supposition.

Gardant le silence, Erin choisit de laisser Elise continuer. Elle craignait de dire quelque chose qu’il ne fallait pas. De tirer les mauvaises conclusions et de trahir la confiance de son ami par une parole malheureuse. D’agir un peu comme Elise l’avait fait avec elle, en soi. « Je crois que je suis un peu paranoïaque lorsqu’il s’agit de loup-garou » A ces mots, les prunelles bleutées d’Erin filèrent aussitôt au plafond. Alors ça c’était l’euphémisme du siècle. Elle pouvait comprendre la peur d’Elise, craindre les loup-garou était assez commun chez les sorciers, encore plus si elle avait eu des problèmes avec l’un d’eux, mais ce n’était pas une raison pour l’agresser verbalement comme elle l’avait fait. Par Merlin, elle avait été jusqu’à la menacer de laisser une lettre à son frère où elle dévoilait sa soi-disant nature de louve. « Tu crois ? » Grinça-t-elle à mi-voix. Si ses raisons étaient compréhensibles, ses réactions et sa manière de gérer son problème restaient en travers de la gorge de la française. Avec toutes les difficultés qu’elle traversait en ce moment, elle n’avait vraiment pas eu besoin de ça en plus. Surtout que ça avait été une manière très brutale de voir comment certains pourraient vivre la révélation de sa morsure. Certes, elle n’était pas totalement louve -et elle ne savait toujours pas si elle devait remercier Merlin pour ça ou pas- mais ça ne changeait rien. « Et probablement que ça me rassurait de me dire que c’était toi le loup-garou que je fréquentais. » Lèvres pincées, Erin croisa les bras sur sa poitrine. Ah bon ? « C’était rassurant ? » Répéta-t-elle sans pouvoir retenir les mots. Ca l’avait rassuré de se dire ça ? La française n’avait pas du tout trouvé rassurant de se voir repoussée et menacée de la sorte. Ca avait été loin d’être un long fleuve tranquille pour elle. Plutôt une épreuve qu’elle avait peur de revivre un jour. Tout en s’efforçant d’assimiler tout ce qu’elle venait de lui dire,

Erin reposa ses prunelles sur sa cousine, laissa filer quelques secondes. « Qu’est-ce qui t’a fait changer d’avis ? » Demanda-t-elle après un instant de silence. Elle avait besoin de savoir, de comprendre. Elle pouvait deviner qu’Elise avait trouvé qui était le loup-garou parmi ses proches, mais elle préférait ne pas faire de suppositions sans preuves. Elle savait bien le mal que cela pouvait faire, elle en avait été victime lors de leur dernière conversation. « Tu es venue vérifier que j’étais bien dans mon dortoir les nuits de pleine lune et pas dans la forêt en train de chercher un sorcier à me mettre sous la dent ? » Ajouta-t-elle en haussant un sourcil. Est-ce qu’Elise avait au moins cherché à faire ce genre de chose ? A interroger une de ses camarades de dortoir pour s’assurer qu’elle était bien là à chaque pleine lune, et non pas changée en louve ? Erin en doutait fortement. Elle avait été prompte à l’accuser, mais quand il s’agissait de chercher des preuves, Elise n’en n’avait même pas été capable. Ca aurait été si simple pourtant, depuis la rentrée la française avait passé la plupart des nuits de pleine lune à souffrir d’insomnies -et à souffrir tout court- dans la salle commune des Serdaigles. Elise aurait pu l’y trouver et arrêter de l’imaginer en monstre. Mais bien sûr, l’anglaise n’avait pas été jusque-là. Ca avait été bien plus facile de l’accuser et de se cacher derrière sa peur. « Je n’ai rien changé de mon côté, tu t’en rends compte... » Mais quelque chose avait changé, ça c’était une certitude. Il lui manquait juste de savoir quoi.

De toutes les conversations qu’Erin avait envie d’avoir, celle-ci se plaçait aisément à la dernière place. Il fallait dire que la dernière fois qu’elle avait eu une discussion avec Elise, celle-ci ne s’était pas exactement passé comme elle l’aurait aimé, alors ça n’avait rien d’étonnant. Pourtant, discuter avec sa cousine, Erin avait toujours trouvé ça plaisant. Elise avait un esprit affuté et toujours des points de vue intéressants à partager. Parler avec elle, c’était agréable, Erin savait qu’elles pouvaient discuter d’un peu de tout, qu’il s’agisse de leur famille, de leurs études ou de la société. Elles avaient toujours plein de choses à se dire et ça plaisait bien à la française. Erin savait que toutes les familles ne s’entendaient pas aussi bien que la sienne, mais elle était bien contente que les Delacour et les de Lestang ne suivent pas cet exemple, chaque fois qu’elle avait côtoyé sa cousine, elle avait passé de bon moments. Se retrouvé privée de tout ça aurait été bien dommage et pendant les semaines qui venaient de passer, Erin s’en était bien rendue compte. Ne plus côtoyer Elise lui avait laissé une sensation de vide au creux du cœur. C’était sa cousine, une membre de sa famille, elle ne pouvait pas juste lui tourner le dos comme ça. Pourtant c’était ce que l’anglaise avait choisi de faire, après l’avoir noyé sous les accusations et les reproches. Dans ses conditions, Erin n’avait pas cherché à la revoir non plus, elle avait déjà subi les critiques de sa cousine une fois, elle n’avait pas de raison d’endurer ça une seconde fois. Et encore moins de donner envie à la de Lestang de crier sur tous les toits qu’elle était un loup-garou. Cette conversation, Erin n’avait donc aucune envie de l’avoir, même si c’était Elise qui était venue la trouver. Il lui semblait que la dernière fois avait été plus que suffisante et elle préférait rester en froid avec la Serdaigle que de repasser par là. Mais c’était sans compter sur la ténacité de sa cousine.

Là où ce fut au tour d’Erin de se montrer têtue, ce fut quand il s’agit de choisir le lieu de leur discussion. Les cachots ce serait très bien, point. Qu’Elise ne s’inquiète pas, la française n’avait jamais entendu parler de la moindre attaque d’araignée géante dans ces lieux, et comme elle était préfète, elle pouvait décider des endroits où elles avaient le droit d’aller ou non. Au moins dans les cachots elles seraient tranquilles, ce qui était un critère déterminant pour la française vu la conversation qui s’annonçait. Conversation qu’Erin trouvait déjà particulièrement déstabilisante. Elise s’excusa et l’espace d’une seconde, Erin se demanda si elle avait bien entendu. Sa cousine n’aimait pas s’excuser, mais là elle le faisait, ce qui voulait dire qu’elle regrettait réellement ce qu’il s’était passé entre elles. La française était d’accord, elle ne méritait rien de tout ce que la Serdaigle lui avait balancé à la figure, mais si elle comprenait la plupart des propos qu’Elise avançait, l’entendre dire qu’elle avait trouvé ça rassurant de l’accuser elle, la fit réagir. « Je ne suis pas fière de moi, je pense que j'avais les bonnes clés entre les mains. » Erin se retint de soupirer. Elle avait les bonnes clés, la française pouvait arguer du contraire, elle le lui avait prouvé par ses arguments. Elle avait montré à Elise qu’elle faisait fausse route mais celle-ci avait refusé de l’écouter. Dans ses conditions il était difficile de lui accorder quoi que ce soit. « Je n'ai pas voulu voir cette vérité parce que ça me faisait souffrir. » Tout en contemplant sa cousine, Erin pinça les lèvres. Elise n’avait pas voulu souffrir, alors elle l’avait fait souffrir elle à la place. Oh, la Serdaigle pouvait comprendre cet égoïsme, ce besoin de se faire passer soi avant les autres. Parfois, si on ne le faisait pas alors personne ne le ferait. Mais ce n’était pas pour autant qu’elle allait l’accepter sans rien dire. « Tu crois que je n’ai pas souffert ? » Souligna-t-elle doucement. Elise avait peut-être ses raisons, mais elles avaient eu des conséquences.

« J'ai vraiment merdé avec toi, Erin. » L’inspiration de la française se bloqua dans sa gorge. Elle contempla sa cousine en silence. Oui, Elise avait merdé, et pas qu’un peu, au moins elle le reconnaissait. Elle lui avait fait du mal avec ses accusations et son mépris. Avec la peur et le dégoût qu’elle lui avait jeté en pleine figure. Elise lui avait montré la pire des réactions, celle qu’Erin redoutait plus que tout. Le pire, c’était que tout ça aurait pu être évité si facilement. Elles auraient pu se retrouver une nuit de pleine lune, rien que quelques minutes auraient été assez pour qu’Elise se rende compte qu’Erin ne lui mentait pas, qu’elle n’était pas un loup-garou. « Non je n'ai pas fait ça et tu sais pourquoi ? J'ai la trouille les nuits de pleine lune, je ne vais pas me balader dans les dortoirs, je reste planquée dans mon lit. » Erin s’efforça d’ignorer le rire d’Elise. Devait-elle souligner qu’elle n’était pas plus -ou pas moins- en sécurité dans son lit que dans la salle commune ou même le reste du château ? Que s’il y avait un loup garou qui se baladait parmi les élèves de sa maison ce n’était pas une simple porte en bois qui allait l’arrêter ? Erin jugea que ce n’était pas la peine. Si Elise se pensait parfaitement en sécurité en restant simplement dans son lit, ce n’était pas à elle de lui prouver le contraire. « C’est dommage, tu te serais vite rendu compte que tu faisais fausse route et on aurait pu passer à autre chose. » Souffla-t-elle d’une voix teintée de déception. Si Erin avait été un peu plus mesquine, elle aurait débarqué dans le dortoir de la Serdaigle une nuit de pleine lune. Il n’y aurait rien eu de plus efficace pour lui montrer qu’elle n’était pas changée en loup garou sanguinaire alors que la lune était ronde dans le ciel. Là au moins Elise aurait bien dû se rendre à l’évidence, les preuves auraient été irréfutables. Mais la Serdaigle n’était pas ainsi et elle n’en avait rien fait. De toute façon, les nuits de pleine lune étaient toujours une telle torture pour elle qu’elle n’avait aucune envie de les passer à faire face à sa cousine. Néanmoins, Erin était déçue. Sa propre cousine n’avait même pas fait ça pour elle, elle avait préféré la condamner directement plutôt que de faire un effort pour la croire.

Si Elise n’avait pas pris la peine de se lever une nuit de pleine lune pour s’assurer que sa cousine ne s’était pas changée en monstre terrifiant, alors qu’est-ce qui l’avait poussé à changer d’avis ? Pendant leur confrontation dans le dortoir, elle avait pourtant paru parfaitement sure d’elle. D’autant plus qu’entre temps, Erin n’avait rien changé à son comportement -ce qui était bien dommage vu comment elle vivait mal les pleines lunes- et ça, l’anglaise avait dû le réaliser. Au moins son mouvement montra qu’elle le reconnaissait. « C'est bien pour cela que je suis ici, je te l'ai dit, je me suis trompée sur toi. Je ne me suis pas trompée sur tout néanmoins. » La Serdaigle fronça les sourcils, se demandant où la bleue voulait en venir par-là exactement. Ca ne sonnait pas très rassurant. « Il y avait bien un loup garou parmi mes proches. J’étais trop aveuglée par mes sentiments pour m’en rendre compte. » Instinctivement, Erin retint son souffle. Même si elle n’était plus concernée par les accusations d’Elise, elle craignait d’entendre ce qu’elle avait à lui dire. Elle pouvait déjà le deviner, voir les mots se former sur les lèvres de la Serdaigle, et elle n’avait pas vraiment envie de les entendre. Mais le dire à Elise était impossible, alors elle garda le silence et la laissa continuer. « Il a fallu que ce soit une fille, qui à mon avis ne me voulait pas que du bien, qui vienne me dire les choses pour que je capte que le loup-garou, ça n’était pas toi mais bien Aidan le loup-garou. » Erin contempla sa cousine, les yeux agrandis de surprise. Non pas d’apprendre le nom du loup-garou qui faisait partie de son entourage, mais plutôt qu’elle le lui dise aussi ouvertement. C’était le secret le plus important du russe, et Elise venait de le lui révéler sans sourciller. « Aidan… » Souffla-t-elle à mi-voix. Elle ne put s’empêcher de songer que le slave devait être dévasté de la situation, elle savait combien voir son secret ébruité le terrifiait. Elle ne pouvait que le comprendre. « C’est pour ça que vous avez rompu j’imagine. » Parce qu’Aidan était un loup-garou et qu’Elise ne pourrait jamais passer au-dessus de ça. Erin avait bien vu qu’ils ne se fréquentaient plus et que le sorcier avait l’air particulièrement malheureux ces derniers temps, mais elle n’avait pas cherché à poser de questions, jugeant que ça ne la regardait pas.

La française remua sur la table où elle s’était perchée. Elle était franchement mal à l’aise face à toute cette situation. Qu’Elise vienne s’excuser et lui expliquer était positif, elle ne pouvait dire le contraire, mais ça n’effaçait pas les mots durs qu’elle avait eu envers elle. Et surtout, tout ça se faisait au détriment d’Aidan, qu’elle avait appris à apprécier, et ça la peinait. « Je n’aurais pas dû t’accuser comme je l’ai fait et peut-être que si j’avais enlevé mes œillères, j’aurais vu ce qui était sous mes yeux. C’est pour ça que je voulais te parler, pour t’expliquer tout ça et essayer de me faire comprendre. » Lentement, Erin hocha la tête. Elle prit le temps d’assimiler toutes les informations qu’Elise venait de lui donner et de les classer dans son esprit bien ordonné. Ca faisait beaucoup d’un coup. Les accusations de l’anglaise avaient déjà été difficiles à entendre, mais ses explications n’étaient pas beaucoup plus simples. Néanmoins, il y avait une chose qu’Erin pouvait admettre. « Je comprends, Elise. » Souffla-t-elle doucement. Elle prit une nouvelle seconde de réflexion avant de continuer. « Je comprends que tu aies peur des loup-garou. » Ca elle pouvait l’admettre sans problème. Elise lui avait dit qu’elle avait eu des problèmes avec un loup, c’était le genre de chose qui marquait. Pas besoin de subir une morsure pour être traumatisé. Même si sa cousine généralisait et qu’elle trouvait ça bien dommage, Erin ne pouvait que comprendre ses craintes. Car ça aussi, ça faisait partie de ses peurs. « Je ne peux pas dire que j’en sois particulièrement fan moi-même. » Avoua-t-elle avec un léger haussement d’épaules. La vérité c’était qu’avant sa morsure, elle n’en faisait pas grand cas, mais que maintenant ils la terrifiaient purement et simplement. La seule raison pour laquelle elle se forçait à fréquenter des loup-garou c’était parce qu’elle avait besoin de réponses et qu’elle n’avait pas d’autre choix. Se retrouver en compagnie de Greyback et de ses loups était chaque fois aussi difficile que la fois précédente. Si Erin se disait que ses peurs pouvaient finir par s’apaiser, elle doutait qu’elles disparaissent totalement un jour.

Erin se frotta machinalement les bras, il faisait frais dans les cachots et leur sujet de conversation n’était pas pour la mettre à l’aise. Si cette discussion n’était pas aussi difficile à vivre que la dernière qui les avait opposés, elle n’était pas simple pour autant. Car si la française comprenait les craintes de sa cousine, ça n’excusait pas la manière dont elle l’avait traité. Et surtout ça faisait remonter dans son esprit des questions particulièrement délicate. « Mais et si tu avais eu raison ? Si j’avais été mordue… » Elle hésita, chercha une seconde ses mots avant d’oser reprendre « Ca aurait vraiment fait de moi un monstre à tes yeux ? » Au fond, Erin connaissait déjà la réponse, le dégoût qu’elle avait lu dans les yeux d’Elise la dernière fois était une réponse particulièrement claire. Mais elle s’interrogeait et surtout, ça lui paraissait terriblement injuste. Tous les loups-garous n’étaient pas forcément des monstres, du moins pas sous leur forme humaine. Aidan ne pouvait pas être comparé au fou furieux qui l’avait mordu pendant l’été ou à celui qui avait tourmenté Elise ah si elle savait que c’est Kesabel. Elle ne pouvait pas être comparée à ces individus. Mais elle avait terriblement peur que ça soit le cas. « Tu ne penses pas que ça aurait été un drame pour moi ? » Demanda-t-elle en cherchant le regard d’Elise, le cœur déjà rempli de la crainte de l’inévitable.

Pour une conversation où elle recevait des excuses de la part de sa cousine, Erin ne la trouvait pas vraiment agréable. Elle aurait pu s'attendre à ressentir du soulagement en entendant les propos d'Elise, ou au moins le sentiment d'avancer et de pouvoir enfin tourner la page sur cette histoire. Erin préférait savoir tout ça derrière elle plutôt qu'en train de se balancer au-dessus de sa tête comme une épée de Damoclès. Elle avait déjà bien assez de secrets avec lesquels vivre, assez de menaces qui l'attendaient et lui pesaient lourdement sur les épaules. Si cette conversation n'était pas un soulagement, c'était déjà un poids de moins dans l'existence de la française et c'était déjà ça. En ce moment, Erin était prête à accepter tout ce qui lui rendait l'existence moins difficile, la moindre chose, même infime, et ça voulait tout dire sur l'état de son existence. Elle était bien loin désormais sa vie presque parfaite, un peu plus et elle allait oublier définitivement à quoi elle avait ressemblé. Ce qui ne serait pas forcément un mal, au moins Erin n'aurait plus à se désoler sur tout ce qu'elle avait perdu. Pour le moment, la Serdaigle se désolait surtout de l’attitude de sa cousine. Des accusations dont elle l’avait noyé ce fameux jour, de son entêtement face à ses explications, et maintenant de ses explications. Elise n’avait pas voulu souffrir, quelque part ça se comprenait. Bien évidemment, personne ne voulait souffrir, chacun cherchait à éviter ça le plus possible, c’était naturel, c’était humain. Mais au passage c’était Erin qui avait souffert et elle ne chercha pas à le cacher à sa cousine. « Sur le moment, ça me paraissait moins important. » Erin haussa les sourcils, franchement heurtée par cette déclaration insensible. Sa souffrance avait été moins importante que quoi ? Les doutes d'Elise sur un fait qui ne représentait pourtant aucune menace pour elle ? C'était vraiment difficile à entendre. Dire que c'était sa propre cousine qui lui disait ça. La française préféra cependant garder le silence, elle avait déjà souligné à Elise qu'elle lui avait causé du mal, elle n'avait pas besoin de s'attarder là-dessus. « C'était une erreur. Je n'aurais pas dû te dire tout ça. » Non, tout comme elle aurait dû l’écouter, lui laisser une chance. « J'aurais dû prendre en compte ce que tu me disais et ne pas être si... moi-même. » Erin eut un rictus presque amusé. Ca oui, Elise avait été elle-même du début à la fin de leur conversation, terriblement têtue, incapable de lâcher même quand on lui présentait des faits valable. Ce qu’Erin avait souvent vu comme une qualité. Beaucoup moins maintenant que cela s’était retourné contre elle.

C’était bien là tout le problème. Elise avait été elle-même, sûrement un peu trop. Car en ce faisant, elle avait non seulement refusé d’écouter Erin, mais elle avait aussi refusé de voir que la solution à toutes ses questions, à toutes ses accusations, se trouvait juste sous son nez. Pour vérifier que sa cousine était ou n’était pas un loup-garou, il n’y avait rien de plus simple : il lui aurait suffi de venir la trouver dans la salle commune des Serdaigles une nuit de pleine lune. En une poignée de secondes, Elise aurait vu, elle aurait su. Mais non, la de Lestang avait trop peur pendant les nuits de pleine lune et préférait rester enfermée dans son dortoir. Une solution qui n’en était pas une, si on demandait son avis à Erin, un loup-garou n’aurait que faire de la porte d’un dortoir. Ce n’était pas en restant dans son lit qu’Elise serait protégée si un loup-garou voulait la croquer. La française choisit cependant de ne pas dire tout ça à Elise, elle n’avait pas envie de la faire partir dans une spirale de paranoïa, elle n’était pas là pour lui faire perdre le sommeil les nuits de pleine lune. Elle se contenta donc de lui montrer qu’à cause de cette peur inutile, elles n’avaient pu éviter cette souffrance dont elles venaient de parler. « J'en suis bien incapable. » Erin prit une profonde inspiration mais garda le silence, ses prunelles bleutées posées sur sa cousine. Que pouvait-elle répondre à ça ? Encore un « c’est dommage » ? Ce n’était pas ça qui changerait les choses. Même, franchement, Erin était heurtée de voir que sa cousine, sa cousine avec qui elle s’entendait si bien, n’avait pas été capable de fournir ce petit effort pour elle. Qu’elle avait préféré rester sur ses accusations plutôt que de tenter de les dissiper.

De toute façon, il était trop tard maintenant. Erin n’était pas un loup-garou et désormais Elise le savait. Tout simplement parce que la Serdaigle avait découvert que le loup dans son entourage n’était pas sa cousine, mais son petit ami. Ou plutôt ex-petit ami. Aidan. Erin n’avait pu empêcher son cœur de se serrer en entendant que la bleue avait percé le secret du jeune homme. Elle savait combien il avait peur de ça -tout comme elle- il devait être au trente-sixième dessous. Mentalement, elle nota d’essayer de le croiser pour prendre de ses nouvelles. Elle se doutait que ça devait être dur pour lui, il n’avait pas perdu que son secret, il avait aussi perdu Elise. « Je ne suis pas certaine que ça soit que ça. Il n'y a pas que la trouille qui m'a fait prendre la décision de rompre. Je pense que les cachotteries y sont pour beaucoup. Je ne lui ai jamais caché ma crainte des loups garous. » Erin fronça les sourcils. Ce n'était pas seulement la peur qui avait poussé Elise à rompre avec Aidan ? Pourtant quand elle était venue la confronter, elle avait bien eu l'impression que c'était la peur -ainsi que le dégoût et le mépris- qui avait dicté son attitude. Erin avait du mal à croire que la peur n'ait pas plus pesé dans la balance que le reste. Mais peut-être que les choses étaient différentes quand c'était Aidan qui se trouvait face à Elise, une idée qui lui arracha un soupir. « ça ne me plaît pas beaucoup qu'il m'ait caché cela. Je ne dis pas que c'était facile ni que je n’aurais pas fait la gueule en l'apprenant mais tout vaut mieux que de cacher quelque chose d'aussi important. Il entraîne une fille pour en faire un loup-garou. » Ca, Erin ne pouvait que le comprendre. En fait, elle pouvait comprendre les deux points de vue. La nécessité de garder son secret, et la culpabilité qui l'accompagnait. Elle n'avait pas grand mal à se mettre dans la peau d'Elise, tout comme dans celle d'Aidan et ce n'était pas confortable d'un côté, comme de l'autre. Les propos de la Serdaigle la firent tiquer. « Tu penses que s’il ne te l’avait pas caché, tu aurais pu rester avec lui ? » Demanda-t-elle en posant un regard surpris sur sa cousine. Et surtout, est-ce qu'elle aurait pu accepter sa condition de loup ? C'était bien ce que ses paroles laissaient entendre. Mais vu la manière dont Elise l'avait traité quelques mois plus tôt, elle avait un peu de mal à saisir sa logique. Avant qu'Erin ne puisse se pencher davantage sur la question, il y eut autre chose dans les paroles d'Elise qui attira son attention. « Attend… Il quoi ? » Aidan entrainait une fille pour en faire un loup-garou ? Erin devait avoir mal entendu, ce n'était pas possible. Ca n'allait pas du tout ce que lui disait Elise, ça ne pouvait pas être vrai. Ca ne ressemblait pas à Aidan. « Comment on peut planifier une telle chose ? » Et pourtant l'anglaise paraissait sûre d'elle. Le regard plein d'effroi qu'Elise posait sur elle trouva son miroir dans les prunelles d'Erin. « Il y a vraiment des sorciers qui veulent devenir des loups-garous ? » Demanda-t-elle, complètement atterrée. Vouloir devenir un loup-garou volontairement, cette idée lui semblait absolument contre nature. Elle ne comprenait pas.

Erin n'irait pas jusqu'à dire que tous les sorciers atteints de lycanthropie étaient sain d'esprit. Elle ne pouvait pas affirmer qu'il n'y avait pas d'exception ou de monstres, surtout parce qu'elle en avait rencontré un. Mais tout de même, devenir un loup-garou ça n'avait rien de positif et tous les sorciers le savaient. C'était une malédiction, ça entrainait des conséquences terribles, aussi bien au niveau physique que pour l'insertion dans la société sorcière. Personne ne pouvait souhaiter ça, être mordu c'était un drame pour la victime, alors elle avait du mal à comprendre pourquoi c'étaient elles qu'on blâmait. Pourquoi est-ce que sa propre cousine aurait pu la traiter comme un monstre alors qu'elle n'aurait rien choisi de tout ça. « Il n'y a pas que le fait d'être un loup-garou à prendre en compte. » Erin haussa un sourcil. Ah bon ? Elle garda le silence pour encourager sa cousine à continuer. « Il y a une différence entre se faire croquer par un loup-garou par accident et vouloir être un loup-garou. » Oui alors ça, Erin ne comprenait toujours pas. Aidan ne lui avait jamais donné l'impression d'avoir été mordu de son plein gré. Qui pouvait bien vouloir ça ? Et surtout pourquoi ? Elle ne voyait pas quel avantage cela pouvait donner d'être un loup-garou. Etre enchainé à la pleine lune, dépendant d'une potion pour ne pas laisser le loup faire des massacres autour de soi... Sans parler de la douleur provoquée par la morsure, et ça elle en savait quelque chose. Franchement elle ne voyait rien de positif à cette vie. Que des sorciers puissent s'entrainer pour devenir des loups lui semblait complètement aberrant. « Aucune relation, peu importe sa nature ne peut se baser sur des cachotteries. Cacher des choses pour se protéger, pour protéger les autres. » La française se retint de soupirer. Elise n'avait pas tort, elle voulait bien le reconnaitre. Ce n'était jamais bon pour une relation d'y introduire du secret, Erin le voyait bien dans sa relation avec Balthazar. Mais ce n'était pas aussi simple que ça. Il ne s'agissait pas seulement d'ouvrir la bouche et de dire les choses, il y avait des nouvelles qui pouvaient tout détruire bien plus efficacement que des secrets, et c'était de ça dont elle avait peur. « Je ne te dirais pas que je prendrais la nouvelle avec le sourire, ni même que je ne serais pas réticente, ce serait mentir. Il est cependant certain que si je l'apprenais en menant l'enquête, qu'à cause de cette enquête, j'accusais les mauvaises personnes parce que tu me cachais la vérité à la base. J'espère bien que tu te sentirais mal. A un moment donné comment tu veux que je change d'avis si les personnes les plus proches de moi jugent que le mieux c'est de se taire ? » La Serdaigle eut un sourire un brin désabusé, ça elle l'avait bien remarqué qu'Elise ne prendrait pas ça avec le sourire. Plutôt avec crainte et dégoût. Et Erin ne s'était pas juste sentie mal, elle s'était sentie dévastée. Elle avait la claire impression que même si elle avait choisi de partager son secret avec Elise, ça n'aurait rien changé à son avis sur les loups-garous.

« Pour toi c'est OK de ne pas dire les choses ? » Erin prit une profonde inspiration. C’était là tout le problème pour elle. Garder son secret lui était nécessaire, mais en même temps elle s’en voulait de cacher une telle chose à ses proches. Elle savait que ce n’était pas la bonne solution, qu’elle devait en parler, mais ça la terrifiait. Rien que cette conversation la mettait mal à l’aise, même si elle avait été tout à fait consciente qu’elles finiraient bien par en arriver là quand elle avait interrogé Elise. Se retrouver face à ses contradictions et difficultés n’était tout simplement pas aisé. « J’ai besoin de tout savoir, me faire des nœuds au cerveau, ça ne me plait pas vraiment. » La blonde afficha une moue. Oui, alors ça elle l’avait bien vu et pour avoir été la cible d’Elise, ce n’était pas vraiment le truc le plus agréable au monde. Erin décida cependant de ne pas commenter cette dernière phrase, soucieuse de ne pas mettre inutilement de l’huile sur le feu. « Non, bien sûr que non ce n’est pas OK de cacher des choses. » Ca au moins elle pouvait l’affirmer sans mentir. La pointe de culpabilité qui ne la lâchait pas depuis des mois en était la preuve. Elle s’en voulait, mais elle ne pouvait pas s’en empêcher. Parce que parfois les secrets n'étaient pas si faciles à accepter. Le sien, Erin était loin, très loin de vivre en paix avec. « Mais je me dis aussi que ça fait partie de ces drames qui demandent du temps pour être accepté. Comment est-ce que quelqu’un peut partager ce genre de chose avec ses proches s’il ne le comprend ou ne l’accepte pas lui-même ? S’il sait que ça va être mal reçu, que ça va tout changer ? » Ce n’était pas comme si la société accueillait les loups-garous à bras ouverts. Ou était l’équilibre dans tout ça ? Entre dire la vérité et perdre ses proches ? C’était ça qui faisait le plus peur à Erin, perdre ceux qui comptaient le plus pour elle, voir tout le monde lui tourner le dos. Comme Elise avait été prête à le faire. Comme elle l’avait fait pendant des semaines, d’ailleurs. La sincérité, Erin y croyait, mais tous les secrets n’étaient pas forcément bons à partager. Sa cousine pourrait bien arguer que ceux qui l’aimaient vraiment seraient capables d’aller au-delà de son secret, mais Erin ne pouvait s’empêcher d’en douter. Encore une fois, Elise lui en avait apporté la preuve. « Je ne sais pas… Je me dis qu’il y a peut-être des circonstances atténuantes ou… » La française était consciente qu’elle se cherchait des excuses, des explications, de manière détournée. Et que le résultat, s’il pouvait se comprendre, n’était pas fameux pour autant. « J’en sais rien. » Elle regarda sa cousine et haussa les épaules, un peu découragée. Prendre sa propre situation en exemple, sans en avoir l’air, n’était pas exactement l’exercice le plus facile à faire. Ca la mettait en face de tous ses manquements. « Ce n’est pas comme si c’était facile à vivre, de se faire mordre par un loup-garou alors je ne sais pas s’il y a vraiment une bonne marche à suivre. » Sauf pour ceux qui en faisaient un objectif de vie, apparemment, une idée qui ne cessait de faire frissonner Erin.  

Désormais Elise savait que ce n’était pas Erin le loup-garou qu’elle recherchait si ardemment. Sa cousine lui avait présenté ses excuses, elle avait admis qu’elle s’était mal comportée, qu’elle n’aurait pas dû s’emporter. Pourtant, face à tout ça, Erin peinait à se sentir satisfaite. Elle ne pouvait pas trouver de réconfort dans cette situation quand elle apprenait en même temps que si Elise avait cessé de croire qu’elle était un loup-garou, c’était parce qu’elle avait percé le secret de son petit ami -maintenant ex-petit ami- Aidan. Au final c'était le Serdaigle qui avait vécu exactement ce qu'elle craignait de vivre, Elise avait appris son secret, elle avait découvert sa nature, et elle avait choisi de le repousser. La de Lestang avait beau être parfois peu claire dans ses cheminements de pensées, Erin comprenait surtout qu'elle était terrifiée des loups-garous et que sans cela Aidan et elle seraient toujours ensemble aujourd'hui. Ce qui voudrait certainement dire qu'elle aurait continué de considérer sa cousine comme un monstre, mais là n'était pas vraiment ma question pour le moment. Aurait-il été possible pour l'anglaise de passer au-dessus de cette révélation si Aidan avait choisi de la partager avec elle ? De passer au-dessus de sa peur, de sa méfiance ? Erin se posait sincèrement la question et ce n'était pas vraiment désintéressé de sa part. Si Elise pouvait accepter ça malgré ses craintes alors ce serait peut-être aussi le cas de Balthazar. A l'expression qui apparut sur les traits de sa cousine, elle put deviner aisément la réponse qu'elle allait lui donner. « Je pense que cacher des choses et espérer que l’autre comprenne n’a aucun intérêt. » La française retint un soupir. Ce n'était pas la réponse qu'elle aurait aimé entendre, mais en même temps elle avait toujours su que les chances d'entendre autre chose de la part d'Elise étaient faibles. Voire inexistantes. « Tu as sûrement raison. » finit-elle par souffler après un instant. Oui, Elise avait raison, et c'était bien le problème. Sans compter que ce n'était pas exactement le plus choquant dans ce que venait de lui révéler la Serdaigle. Entre Aidan qui entraînait une sorcière pour qu'elle devienne une louve et celle-ci qui était motivée à cette idée, Erin ne savait plus où donner de la tête.

En réalité, Erin aurait certainement dû s’arrêter là, accepter les excuses d’Elise et ne pas chercher à en savoir plus. Elle aurait dû la remercier et lui annoncer qu'elles pouvaient repartir sur une meilleure base désormais et essayer de retrouver le lien quelles avaient toujours eu. Ca aurait été plus sage, et habituellement elle ne manquait pas de sagesse, en bonne Serdaigle qu’elle était. Elle avait toujours vécu ainsi et ça lui avait toujours réussi. Mais voilà, puisqu'elle était une bonne Serdaigle, la française ne pouvait s'empêcher d'être curieuse et de s'interroger. Elle voulait en savoir plus, tout le temps et sur tout. Elle était comme ça, Erin, à se creuser la tête sans cesse, au-delà de vouloir savoir, elle voulait comprendre. Cette fois, même si une part d'elle lui soufflait que ce n'était pas prudent, quelle courrait au-devant de nouvelles déceptions mordantes, elle ne parvint pas a réfréner ses questions pour Elise. La Serdaigle avait les loups garous en horreur mais prenait elle en compte que les loups eux-mêmes pouvaient regretter leur état et mal vivre leur condition ? N'était-ce donc pas plus un drame d'être mordu par un loup garou et de devoir vivre avec les conséquences qui venaient avec que d'apprendre qu'un de ses proches en était un ? Erin voulait bien comprendre les raisons des craintes de sa cousine, mais elle tentait aussi de voir la situation d'une manière un peu plus globale, de voir au-delà du bout de son nez. Le moins que l'on puisse dire, c'était que les deux cousines étaient bel et bien des dignes Serdaigles, pas de doute le choixpeau ne s'était pas trompé lors de leur répartition. Rien n'était simple et droit au but avec Elise, mais Erin ne pouvait pas le lui reprocher, elle savait que par bien des aspects c'était également son cas.

Pourtant Erin tentait tant bien que mal d'interroger sa cousine, de comprendre son point de vue tout en lui montrant que son opinion ne pouvait pas juste être toute noire ou toute blanche. Garder un tel secret ce n'était pas si simple et la Serdaigle était bien placée pour le savoir. Tout partager avec ses proches, dire la vérité, c'était bien beau mais ce n'était parfois pas si facile à faire que ça. La réaction d'Elise le lui avait montré, il y avait des nouvelles qui ne pouvaient tout simplement jamais être bien prises. Si Erin savait qu'elle avait tort de cacher son secret à ses proches, c'était aussi une nécessité pour elle. Il y avait des choses qui demandaient du temps. Jamais elle ne pourrait imposer sa condition à sa famille si elle-même ne l'acceptait pas. « C’est abstrait, rien n’empêcherait le loup-garou de se dire que ce temps pour accepter sa condition c’est toute la vie. » Erin se retint de soupirer. Si encore une fois elle ne pouvait pas prétendre être en désaccord avec sa cousine, elle avait aussi le sentiment qu'élise faisait un peu exprès de tirer le trait pour coller à sa vision des choses. « Je ne partais pas autant dans les extrêmes, Elise. » Bien sûr, que n'avait aucun sens de parler d'avoir besoin de temps si cette notion englobait toute une vie, mais Erin n'allait clairement pas jusque-là. La blonde n'était pas du genre à jouer avec les règles ainsi. Sur Le principe, ça lui paraissait sensé d'avoir besoin de temps pour digérer une telle nouvelle avant de la partager à son entourage. Encore et toujours, Erin savait de quoi elle parlait. Entre sa culpabilité liée à son secret et ses craintes quant à sa condition, elle avait de quoi faire. « Il faut faire un choix je suppose, qu'est ce qui a le plus de risque de faire capoter une relation le fait d'être un loup-garou ou le fait de cacher des choses. » Alors ça, ça promettait d'être un choix peu simple à faire. Comme tout depuis le début de cette conversation en réalité. Comment savoir ce que ses proches pensaient réellement des loups garous ? Avant leur dernière conversation Erin ignorait totalement qu'ils terrifiaient Elise. Ce n'était pas exactement le sujet qui sortait en repas de famille, et puis ça ne voulait pas dire grand-chose. C'était aisé de ne rien avoir contre les loups garous, quand c'était un inconnu qui était concerné. Quand il s'agissait d'un membre de sa famille, les réactions pouvaient être totalement différentes. Comment savoir, ça c'était la question. « Ca dépend sûrement de combien la personne en face a peur des loups-garous. » finit par souffler Erin avec un haussement d'épaules désabusé. Malgré les excuses et leur discussion, elle n'était pas près d'oublier la réaction de sa cousine. Celle-ci s'était gravée dans son esprit et ressortait brutalement chaque fois qu'elle songeait à partager son secret avec quelqu'un. Ce n'était vraiment pas ça qui allait l'aider à surmonter ses propres peurs.

Au fond, Erin cherchait de quoi se rassurer, mais sûrement ne le faisait-elle pas auprès de la bonne personne. Elise n’avait jamais été du genre à simplement aller dans le même sens que les autres sans réfléchir, alors la française aurait dû s’attendre à se retrouver face à des questions et réflexions qui piquaient un peu plus que prévu. La situation dans laquelle elle se trouvait n’était pas simple, mais en parler à demi-mot avec Elise rendait le tout plus complexe encore. Comme quoi, tout était possible. « Tu entends quoi par circonstances atténuantes ? » Erin prit le temps de la réflexion, bien consciente que sa cousine ne laissait rien passer, mais aussi qu’elles parlaient d’elle sans l’avouer. Pour la Serdaigle, son cheminement de pensée faisait sens, mais pour une personne extérieur il pouvait en aller autrement. Encore plus pour une personne qui partait avec un apriori négatif sur les loups et les secrets. Alors quand on mêlait les deux c’était pire encore. « Eh bien, le besoin de comprendre ce qu’il arrive, déjà. Peut-être de chercher des solutions ou de quoi minimiser les effets. » Erin savait qu’elle n’était pas très précise dans ses propos, signe qu’elle était loin de maîtriser ce sujet qui pourtant la touchait de bien trop près. Néanmoins, elle faisait de son mieux pour rester fidèle à elle-même. Car si elle se cherchait un peu des excuses, elle croyait aussi en ce qu’elle disait. Ces réflexions, ce n’était pas seulement pour la curiosité d’Elise, c’était aussi ce en quoi elle croyait. « J’imagine que c’est sûrement préférable d’annoncer ce genre de chose à ses proches quand on a déjà des solutions plutôt que de laisser ça faire l’effet d’une bombe et possiblement tout détruire. » Erin n’était pas du genre à rester passive face à l’adversité. Elle n’était pas du genre à foncer tête baissée dans un combat, elle n’était pas comme les Gryffondors, mais elle était plutôt du genre à se creuser les méninges pour trouver des solutions afin d’éviter que tout ne s’effondre. Même face à l’inévitable, elle refusait de rester sans rien faire. A quoi servait son intelligence si ce n’était à trouver des solutions ? C’était ce qu’elle faisait avec sa propre situation, même si elle savait également que cette manière de faire était aussi un moyen de lui faire gagner du temps. « Il faut dire la vérité je suis d'accord. Mais je me dis aussi que si on peut rendre cette vérité moins brutale, alors c'est sûrement mieux. » Elle haussa de nouveau les épaules. Erin faisait de son mieux pour se dire que si le jour où elle décidait de partager son secret avec sa famille il serait mieux vécu si elle venait aussi avec des explications et des solutions, mais quelque chose lui disait que c’était un espoir vain.

« J’en connais une qui a l’air de trouver ça génial de se faire mordre par un loup-garou… dans quel monde elle vit, je ne sais pas mais ça l’air de la faire kiffer. » La Serdaigle ignora le ton sarcastique d’Elise. Elle savait bien d’où il venait et surtout qu’elle ne le changerait pas, ce qui lui importait le plus, c’était les questionnements que ces paroles soulevaient. Vouloir volontairement devenir un loup-garou. Se faire mordre, subir les changements, la douleur, la fièvre, possiblement frôler la mort, pour ensuite se changer en loup à chaque pleine lune… C’était tout ça que certaines personnes voulaient. Et ça, vraiment ça plongeait Erin dans l’incompréhension la plus totale. « Je ne comprends vraiment pas… » Elle fronça les sourcils. Elle avait beau réfléchir -et ça, la Serdaigle savait faire- mais elle ne voyait vraiment pas. Les tenants et les aboutissants ne voulaient pas se connecter dans son esprit. « Tu crois qu’il y a quelque chose qu’on ne sait pas sur les loups-garous ? » Demanda-t-elle, toute à ses réflexions. Si ce n’était pas ça, alors elle ne comprenait vraiment pas. D’accord, avec la potion tue-loup qui s’était quand même bien améliorée depuis des siècles, être un loup-garou ce n’était plus aussi terrible que ça avait pu l’être avant ça, mais tout de même. Elle ne voyait pas pourquoi quelqu’un de sensé pourrait vouloir s’infliger ça volontairement. Peut-être qu’il y avait quelque chose qu’elles ignoraient sur la nature des lycanthrope, quelque chose qui expliquerait tout. Mais pour avoir été mordue elle-même et ressentir certains effets communs avec les loups-garous, Erin ne voyait vraiment pas ce que cela pouvait être. Tout ce qu’elle voyait, c’était qu’à ses yeux devenir loup ne pouvait pas être aisé.

« Je ne comprends pas que ça soit pris si à la légère par les autorités. Il devrait y avoir des sortes de couvres feus pour éviter que les sorciers oublient que c’est la pleine lune et qu’ils tombent nez à nez avec un loup-garou. » Erin ne put retenir un haussement de sourcils. Un couvre-feu, carrément. La blonde savait que sa cousine était terrifiée des loups-garous mais à ce point c’était un autre niveau. Une partie d’elle avait envie de lui rappeler que la potion tue-loup n’existait pas pour rien et que la plupart -et elle disait bien la plupart- des loups-garous y avaient recourt et ne constituaient donc pas un plus grand danger que les sorciers lambdas les soirs de pleine lune, mais elle doutait que cet argument fasse mouche. De toute façon, elle n’eut pas le temps d’ouvrir la bouche que déjà Elise reprenait. « Quoi qu’ils sont dangereux même en dehors des pleines lunes… Ouai, j’ai pas de solution viable… se planquer h24 dans son dortoir me paraît la solution idéale mais en même temps c’est vite très peu fun et je ne suis pas certaine que je supporterais d’être h24 avec certaines personnes. » A nouveau, Erin eut la vague idée de rappeler à Elise qu’en dehors de la pleine lune, les loups-garous étaient des sorciers comme les autres, et donc pas plus, comme pas moins, dangereux, mais pour la énième fois depuis le début de cette conversation, elle sentit qu’arguer quoi que ce soit serait inutile. « Je crois que personne ne trouverait très fun d’être enfermé h24 dans un dortoir, peu importe la raison. » Commença-t-elle à la place, en laissant un léger sourire flotter sur ses lèvres. Il était grand temps d’essayer d’alléger un peu l’atmosphère. « Peut-être même que ce sera toi la première à vouloir mordre tout le monde. » Ajouta-t-elle, amusée. Oh non pas comme un loup-garou, mais Elise n’avait pas besoin de crocs pour se montrer piquante.

Elles étaient censées faire quoi déjà ? Discuter tranquillement pour qu’Elise puisse s’excuser de son comportement passé et Erin accepter ses excuses ? Oui, alors c’était un peu loupé pour le coup. Enfin pas totalement, Elise s’était bel et bien excusée et Erin avait accepté ses excuses, mais pour ce qui était de la discussion sereine, elles pouvaient repasser. C'était dommage parce que la française aurait bien aimé pouvoir mettre toute cette histoire derrière elle et ne plus avoir à en parler. Elle n'irait pas jusqu'à dire qu'il serait facile de retrouver sa relation d'antan avec sa cousine, mais elle était prête à laisser un peu d'eau couler sous les ponts pour retrouver ensuite un meilleur lien avec elle. Erin avait toujours beaucoup aimé Elise et si sa réaction l'avait profondément blessée, elle pouvait aussi comprendre d'où tout cela venait. Le temps ferait son œuvre et elle était prête à le laisser faire. Mais le problème avec Erin c'était qu'elle était une Serdaigle jusqu'au bout des ongles, l'esprit sans cesse en ébullition, toujours à réfléchir. Elle aimait comprendre, elle aimait s'interroger et clairement sa situation lui posait question. Il aurait été bien plus prudent de simplement accepter les excuses de sa cousine et d'en rester là. Elles avaient toutes les deux mieux à faire que de débattre au sujet des morsures de loup garou mais clairement maintenant il était trop tard pour ça. Erin s'interrogeait parce que le point de vue de ceux qui avaient été mordus par un loup garou, elle pouvait le comprendre. Certes elle ne de transformait pas, merci Merlin, mais elle connaissait le poids qu'avait ce genre de secret sur une existence. Et toutes les difficultés qu'on pouvait avoir à le dévoiler.

Selon Erin, si le silence n'était pas acceptable sur le long terme, il était tout de même compréhensible. Une morsure ce n'était pas rien, c'était un drame qui bouleversait une vie, il fallait du temps pour l'accepter, ou du moins pour s'y faire. Une manière de voir les choses qui ne parlait absolument pas à Elise. « C’est quoi du temps pour toi alors, un mois ? un an ? Dix ans ? Tu te rends compte que ça n’est pas viable une relation où on cache quelque chose d’aussi important pendant plus de trois mois ? » Erin secoua la tête. Évidemment qu'Elise avait raison et c'était précisément ce qui réveillait sa culpabilité. Mais la bleue voyait tout de suite tout dans les extrêmes. Quand Erin parlait de temps, Elise s'imaginait tout de suite des années alors qu'elle n'avait jamais voulu aller jusque-là. Bien sûr que garder un tel secret pendant des années ce n'était pas possible, Erin était d'accord. « Bien sûr que ce n'est pas viable. Je pense juste que quand on voit sa vie autant bouleversée, c’est compréhensible d’avoir besoin d’un peu de temps avant de pouvoir en parler. » Répondit-elle en prenant soin d’insister sur le un peu histoire qu’Elise cesse de s’imaginer qu’elle parlait d’années d’attente. Parce que le temps qui filait, Erin le voyait bien, elle en ressentait chaque jour, et ça ne faisait que faire grandir un peu plus la culpabilité qui lui rongeait l’estomac. Mais cela voulait aussi dire qu’elle savait de quoi elle parlait. Ce n’était pas facile de dévoiler ce genre de secret, entre la peur, le dégoût de soi, l’incompréhension, mais aussi les sentiments des autres, il y avait bien des choses qui entraient en compte et qui ne facilitaient pas la situation. Erin voulait bien admettre que l’honnêteté était importante, encore plus dans une relation proche. Mais entre l’honnêteté et le risque de perdre l’autre, ce n’était pas simple. Surtout quand on savait que la personne en face avait peur des loup garou. « Alors imagine un peu les dégâts que ça peut faire mentir sur son statut de loup-garou pendant des mois à une personne qui est effrayée. » Erin soutint le regard de sa cousine, elle voyait bien que ses paroles faisaient mouche, mais en même temps elle ne s’en cachait pas. Vu les réactions d’Elise, lui dévoiler ce genre de secret n’était peut-être pas la meilleure des idées. Mais elle avait aussi raison, les autres avaient le droit de savoir, le droit d’agir en connaissance de cause. Même si ça voulait dire briser une relation importante. Une idée qu’Erin trouvait terrifiante tant elle la concernait. « Je sais, Elise. J'ai juste l'impression que c'est une situation impossible des deux côtés. » Si Elise n’appréciait clairement pas les réflexions d’Erin, cette dernière devait admettre que l’inverse était également vrai. Sa cousine avait le plus grand mal à se mettre à la place de la personne mordue. Mais vu ses craintes, ce n’était pas vraiment étonnant.

Au fond, la logique d’Erin était simple. Une personne mordue voyait sa vie changée à jamais, elle devait donc avoir besoin de temps pour comprendre ce qu’il lui arrivait et trouver comment mieux vivre tout ça. C’était plus que simplement logique, c’était cohérent, c’était nécessaire. Il n’était jamais bon de venir exposer un problème sans avoir de solutions à proposer avec. Rien de tout ça ne semblait tiré par les cheveux à la française, mais encore une fois sa cousine ne semblait pas convaincue. « Crois moi, ils ont un odorat qui sort de l'ordinaire, il doit être simple pour eux de trouver des compagnons pour les aider à comprendre. » Erin cligna des yeux, un peu prise au dépourvue. Comment ça les loup garous pouvaient utiliser leur odorat pour se retrouver entre eux ? Ils pouvaient se sentir ? C’était une idée à laquelle la française n’avait jamais pensé et qui lui donnait un peu le vertige. Et faisait aussi naître de nouvelles interrogations en elle. Soudainement, elle se demandait si elle avait une odeur, un parfum particulier depuis sa morsure et si quelqu’un pouvait le sentir. Si un jour quelqu’un allait lui tomber dessus pour cette raison, sans qu’elle ne puisse le voir venir. Elle se demandait si elle-même pourrait sentir quelque chose et si elle devait s’inquiéter si un truc elle trouvait une odeur particulière à l’un de ses camarades il a juste besoin d’une douche tkt Erin. Ca ouvrait de nouvelles perspectives et elle n’était pas franchement sûr de les apprécier. « Je n’avais jamais imaginé qu’ils pourraient se sentir. » Souffla-t-elle doucement. Ainsi même en dehors de la pleine lune, les loup garous avaient des sens plus développés que la moyenne. Peut-être que ça n’aurait pas dû l’étonner. Il allait falloir qu’elle pose plus de questions à la meute Greyback. « De quelles solutions parle-t-on ? S'il attend de trouver la potion annulant le gène loup-garou, je crains que ça soit une tâche vaine. Si par solution on parle de potion pour les nuits de pleine lune, avec un peu de recherche, il me semble facile de trouver de quoi se documenter et quand bien même la potion devrait être complexe, quand il est question de massacre d'innocents, il faut se bouger. » Oui alors ça, Erin espérait bien que ceux qui se faisaient mordre pour de bon se bougeaient, comme le disait Elise, étant donné qu’ils allaient se changer en loup sanguinaire et surpuissant dès la prochaine pleine lune. Même si elle n’était pas concernée par ces transformations, Erin s’était efforcé de trouver des informations pour comprendre ce qu’il lui arrivait, pour un véritable loup, c’était encore plus nécessaire. « Je pensais surtout à la potion tue-loup. Savoir où s’en procurer, voir si l’organisme y réagit correctement, ce genre de chose. » Expliqua-t-elle calmement, refusant de se montrer aussi véhémente que sa cousine. Pour des loup garous, la potion tue-loup était certainement ce qui s’approchait le plus d’une solution. Mais est-ce que tous les potionnistes en vendaient ? Est-ce que c’était sûr de s’en procurer ouvertement ? Est-ce que l’organisme avait besoin de s’y habituer ou est-ce que certains pouvaient la rejeter. Soudainement, trouver une solution paraissait loin d’être simple à Erin.

Il y avait également autre chose que la Serdaigle ne comprenait pas : ceux qui voulaient volontairement devenir un loup garou. Alors ça, elle avait beau essayer, elle ne saisissait vraiment pas le concept. Déjà, une morsure faisait atrocement mal, jamais la française n’avait connue une telle douleur, mais en plus on risquait s’en mourir si l’organisme ne le supportait pas. Et puis la suite n’était pas vraiment mieux. Les transformations n’avaient pas l’air d’être une partie de plaisir, sans compter sur la fatigue que cela devait engendrer, et puis bien sûr cette envie de meurtre qu’il fallait combattre pour éviter de chasser de l’humain. Vouloir devenir un loup était aberrant pour Erin, pourtant certains le désiraient réellement, ce qui la poussait à se demander s’il y avait des choses qu’elles ignoraient sur les loup garous. « C’est possible. » Les traits de la Serdaigle affichèrent une moue à leur tour. Peut-être existait-il des avantages à être loup garou. Des choses qu’elles ignoraient et que les principaux concernés se gardaient bien de dévoiler. Elle avait du mal à imaginer quels avantages cela pouvait être exactement, mais sinon elle ne voyait pas non plus de raison de vouloir se faire mordre. « Mais comment elle serait au courant, tu crois que ses parents sont des loups-garous ? » Alors ça, c’était une bonne question. De ce qu’elle avait compris, la fille dont parlait Elise était juste une étudiante parmi tant d’autre. Pas une enfant de grands universitaires, pas la fille de l’ancien Ministre de la magie qui aurait pu avoir accès à des documents classifiés… Juste une jeune sorcière avec les mêmes ressources qu’elles. Et aussi une envie de devenir une louve. « Je ne sais pas, je ne crois pas que ça soit héréditaire. » C’était quelque chose qu’elle avait retenu de ses propres lectures. Si ça avait été le cas, il y aurait bien plus de loup garous, et surtout l’information aurait été dévoilée. Alors cette supposition-là, Erin avait du mal à y adhérer. « Je ne suis pas sûre de vouloir enquêter là-dessus. » La française croisa le regard de sa cousine. Elle savait qu’Elise était à peu près aussi curieuse qu’elle, qu’elle aimait tout comprendre, tout décortiquer. Qu’elle choisisse de ne pas en savoir plus sur le sujet n’était pas anodin. « Tu as raison, il y a sûrement des choses qu'on préfère ne pas savoir. » Soupira Erin en haussant les épaules.

Tout cela était tout de même bien compliqué. Entre ce qu’elles savaient, ce qu’elles ignoraient et leurs ressentis personnels, tout était bien emmêlé et Erin doutait de trouver une solution à tout ça un jour. Au contraire de sa cousine qui s’essaya à un plan. Un plan assez simple en réalité : se planquer non-stop dans son dortoir. C’était un plan qui comportait déjà un problème de taille, rester dans son dortoir ça voulait dire manquer les cours, or, Erin savait combien l’anglaise tenait à ses études. Et puis le second problème était aussi évident, se planquer avec ses camarades de dortoir, ça voulait dire les supporter et parfois c’était vraiment trop difficile. Enfin, ça c’était si on supportait de rester enfermé aussi, rien que pour ça, Erin émettait quelques doutes. Elle ne trouvait pas l’idée d’être enfermée très amusante, même si c’était pour se protéger. « Même si la personne avec qui tu es enfermée, c’est Balthazar ? » La question arracha un rictus amusé à la française. Oui, bon, d’accord, il y avait quand même quelques exceptions. Elise la connaissait quand même bien. Erin voulait bien s’imaginer enfermée dans son dortoir avec Balthazar. Là il était sûr qu’elle se plaindrait bien moins et qu’elle passerait un bien meilleur moment. « D’accord, là c’est différent. » Admit-elle en roulant des yeux, amusée. Se retrouver enfermée avec Taz aurait peut-être été l’occasion d’arranger enfin les choses entre eux, et Merlin savait que ça, Erin en crevait d’envie. Bien plus que d’être planquée avec n’importe qui d’autre. D’ailleurs une autre raison pour laquelle le plan d’Elise n’était pas au top, connaissant sa cousine ce serait certainement elle qui mordrait quelqu’un au bout de quelques heures à peine. Le rire que cette remarque fit naitre en Elise rassura Erin. L’atmosphère se détendait enfin entre elles et ça lui faisait du bien. « En même temps, tout dépend avec qui je suis, il y a certaines personnes qui sont vraiment des têtes à claque dans cette école. » Ce fut au tour d’Erin de lâcher un petit rire. Elise et les autres c’était quand même toute une histoire. Surtout en sachant de quel genre d’étudiant elle était entourée au quotidien. « C’est vrai que toi tu es gâtée avec tes camarades de promo. » Erin eut un petit sourire pour sa cousine. Elle se rappelait encore toutes les fois où Elise s’était plaint de ses camarades neuneus, ça avait toujours été de grandes histoires. Préférant ce sujet de conversation à tous les autres, elle enchaina sur un ton léger. « Il sont toujours aussi terribles ? Ca fait longtemps que tu ne m’as pas raconté leurs exploits. » Bon, en même temps c’était parce qu’Elise ne lui avait pas parlé pendant des semaines parce qu’elle s’imaginait qu’elle était un loup garou. Mais chut, pas la peine de le souligner. Cette conversation là était tout de même bien plus agréable, autant en profiter.