Le premier soir, une réunion de dernière minute avait retenu Azzio toute la soirée au garage. Et la fois suivante, il avait été dans l’impossibilité de se rendre au rendez-vous. La fois d’après, il avait tout simplement oublié tant il était préoccupé par les fleurs qu’il devrait choisir pour Alexis afin de la féliciter de son apparition dans la Gazette du sorcier. Et puis, il avait arrêté de proposer, se concentrant sur son travail et ce qu’il devait faire. Anjelica était toujours là, partout, à le surveiller sans rien lui dire et cela le rendait fou. Il n’avait aucune nouvelle sur le prétendu meurtrier de son frère jumeau. Et voilà qu’il devait songer à aller boire une bière ?

Et puis, un matin, il se réveille en sursaut après un rêve, plutôt plaisant, qui mettait en scène Adèle. Et son esprit retourne à toute allure pour séduire la jeune femme et ainsi réaliser le beau rêve précédent. Un sourire s’étire sur ses lèvres et il s’habille avec un soin tout particulier ce matin-là. Chose idiote puisqu’il porte une blouse de travail afin de ne pas se salir, mais Adèle est bien située à l’entrée du garage non ?

Heureusement pour lui, avec ses cours et sa vie plutôt prise, Adèle n’était pas chaque jour à l’entrée, il n’avait donc pas été juste un goujat immature qui l’ignore, tous deux avaient été pris par leur vie. C’était aussi simple que cela.

« Hello Adèle » commence-t-il en s’accoudant sur le rebord du bureau. « Bon, on a tous les deux été pas mal occupés, mais je veux me rattraper pour toutes ces visites de Londres que tu aurais dû me faire si j'avais pu être là… »

Azzio se rend bien compte qu’il parle trop et qu’il dit n’importe quoi, ce qui ne donnera sûrement pas envie à la jeune femme. Il reprend après une petite pause et un sourire.

« Je crois que Londres ne me convient pas encore et que je ne suis pas prêt à renoncer de râler. »

C’est la réalité, Azzio n’aime pas cette ville et ne veut pas encore s’y sentir bien et l’accepter. Il finira par le faire, mais pour l’instant, il choisit l’autre voix.

« Alors je te proposer de tester une autre ville d’Angleterre et je te promets que tu ne risques rien, est-ce que tu veux tenter cette folie avec moi ? »

Surprise totale pour Adèle, Azzio en fait sûrement un peu trop, mais c’est dans son caractère. Il a demandé de l’aide à un autre associé de la Cosa Nostra qui veut bien le faire transplaner à Liverpool, capitale de la musique pop. Azzio ne s’y connait pas des masses, mais il est prêt à tout découvrir juste pour se changer les idées. Une balade dans les rues animées puis un soirée dans un pub en compagnie d’Adèle… ok, ça fait très rancard, mais ils ne sont pas obligés si elle ne veut pas.

« Et c’est pas un date, parce que tu l’sais, je peux être rappelé n’importe quand à Londre par les Zabini, c’est vraiment juste histoire de sortir de Londres qui m’étouffe et que je n’arrive pas à apprécier. »

Il ne ment qu’à moitié et elle doit bien le comprendre. Azzio sourit.

« Dis-oui, s’il te plaît ! »

Il ne lui reste plus qu’à obtenir son accord et à 18h ils pourront quitter ces lieux de travail pour aller faire la fête loin des obligations habituelle. Est-elle déjà allée à Liverpool d’ailleurs ? Il lui demandera sur place. Enfin, sauf si elle dit non. Mais elle n’oserait pas… Si ?

Ce n'était pas qu'elle avait particulièrement hâte de jouer les guides touristiques... Après tout elle n'était arrivée que depuis moins de trois ans, et n'était sans doute pas la mieux placée pour faire visiter la ville, mais elle avait trouvé sympa l'idée de passer un moment avec le bel Italien ne serait-ce que pour lui montrer qu'il y avait bien des avantages à vivre dans ce pays pluvieux. Bon sauf que plusieurs fois, il avait dû annuler. Elle savait que pour les membres de la Cosa Nostra, le travail au garage ne s'arrêtait pas à une heure réglementaire. Elle comprenait, enfin peut-être pas tous les enjeux, mais elle n'avait rien dit jusqu'à ce qu'il l'oublie. Et comme ce n'était vraiment pas son genre de trouver des excuses à quelqu'un qui avait osé la planter, elle n'avait pas desserré les dents pendant plusieurs jours. Ne parlons même pas d'excuses, non non ça aussi, il avait oublié. C'était comme s'il avait carrément oublié qu'il l'avait invitée à boire un verre. En fait, il valait mieux que ce soit ça, parce que sinon ça voulait dire que c'était un sale type. Finalement, elle avait vite cessé d'être vexée, parce que ça n'en valait pas la peine. Le peu de fois où elle l'avait aperçu ensuite, il n'avait pas semblé plus perturbé que ça. De toute façon, elle n'avait pas le temps, elle avait ses études, des dossiers à étudier pour ses stages et puis évidemment des examens de fin d'année à anticiper. Elle n'était pas si souvent que ça au garage... Franchement bien assez pour passer à autre chose. Et puis s'il n'était pas prêt à s'intégrer, ce n'était pas à elle d'aller le chercher pour le traîner à travers Londres. Elle était passée à autre chose, jusqu'à aujourd'hui. Elle l'avait regardé légèrement étonnée, s'avancer jusqu'au comptoir, s'y accouder et la saluer.

– C'est sûr qu'il y a du boulot, lâcha-t-elle alors.

Elle avait essayé de ne pas paraître trop sèche. S'il disait vouloir se rattraper, alors elle voulait voir ce qu'il comptait lui proposer, pas le décourager d'entrée de jeu. Ha... S'il repartait sur Londres qu'il n'aimait pas, elle allait peut-être finalement être moins sympa. Hors de question qu'elle l'écoute encore râler sur la ville qui était la sienne à présent. Sa moue se transforma cependant en une mine étonnée lorsqu'elle entendit sa proposition. Une autre ville ? Mais Adèle ne connaissait pas du tout d'autres villes en Angleterre. Et encore moins depuis que les moldus leur avaient déclaré la guerre. Et d'abord comment il pouvait mettre « folie » et « aucun risque » dans la même phrase ? C'était bien le genre de trucs que pouvait lui sortir Anjelica ça et généralement elle ne refusait pas. Sauf que là, son cerveau carburait à réfléchir à cette proposition. Elle ne ferait rien découvrir du tout, mais il l'invitait à sortir. Oui à condition que cette fois, il n'annule pas tout encore à la dernière minute. Elle n'avait rien prévu ce soir si ce n'est ses révisions habituelles qu'elle pouvait très bien reporter, mais elle hésitait. Il insista. Pas un vrai rendez-vous, toujours ses obligations habituelles, juste histoire de prendre l'air. Ok donc une simple sortie entre amis, enfin… Une sortie dans l'inconnu total aussi. Rien ne l’obligeait à accepter, d’ailleurs ce ne serait pas la première fois qu’elle éconduirait quelqu’un, mais c’était comme si quelque chose chez lui la poussait à accepter.

– C'est peu conventionnel comme excuses, en fait, commença-t-elle, C'est d'accord, mais cette fois
tu te débrouilles comme tu veux, pas d'annulation possible et surtout, surtout, tu ne me plantes pas. Ou je te jure que côté rancune je serais imaginative cette fois. Et si jamais tu dois revenir à Londres rapidement, tu ne m'abandonnes pas dans cette fameuse ville.

Est-ce qu'elle avait donné toutes ses conditions ? Peut-être qu'elle en avait oublié au passage, mais
l'essentiel était là non ? Il ne se défilait pas, il ne l'oubliait pas et il ne l'abandonnait pas au milieu de nulle part.

– Et on va où au fait ?

Pitié pas au milieu des moldus, ça allait la stresser. Elle avait encore trop de choses à rattraper sur leur monde pour réussir à ne pas se faire griller. Il lui avait dit qu'elle ne risquait rien non ?

Le ton sec et les mots peu aimable de la jeune femme font comprendre à Azzio qu’il a mal agi. Pas un seul instant il n’avait réellement pas bien agi avec elle. Azzio n’avait fait que badiner, sans plus, juste par principe, il n’avait pas saisit qu’il y avait un semblant d’accord tacite et qu’il aurait dû s’excuser… alors pourquoi n’en profite-t-il pas maintenant ? Il se dit que c’est trop tard, des excuses demandées ne sont pas souvent bien accueillie, mais s’il doit s’avouer la vérité, il y a autre chose. Azzio n’a pas envie de s’attacher, il agit peut être comme un connard de mec, mais il voulait juste faire chier Anjelica à la base, il n’y a rien de plus. Il faut bien qu’Adèle le comprenne. Si c’est agréable de discuter avec elle, pour l’instant, il n’y a rien d’autre. Elle n’a pas assez naïve et romantique pour croire l’inverse. L’est-elle ?

Azzio dissipe ses doutes par un sourire, c’est plus simple. Mais pas un sourire victorieux ou soulant, juste un léger sourire qui signifie excuse-moi, tu as raison, c’est plus simple de faire parler son visage plutôt qu’utiliser sa bouche.

Mais elle l’écoute, elle accepte au moins de lui donner son temps pour ça et Azzio se sent réconforter, peut être qu’il arrivera à fuir Londres assez longtemps pour être heureux pour de vrai. L’ambiance tendue au garage, les coups bas avec Anjelica, la peur de comprendre ce qu’il se passera quand ils trouveront le meurtrier.. Oui, l’italien veut fuir tout ça, et rapidement.

Il écoute ses conditions et il sourit, il aime qu’elle prenne les choses en main, qu’elle choisisse et qu’elle affirme ce qu’elle veut. Il acquiesce à toutes ses demandes.

« Je comprends, tu as totalement raison, et je voudrais m’excuser si tu as pensé que j’étais un connard, c’était vraiment pas le but. » Il soupire et se passe la main dans les cheveux « vraiment, j’ai juste été happé par le boulot, par les bécanes, par … »

Il ne le prononce pas, elle sait. Les Zabini ont toujours des choses à leur faire faire.

Il se redresse un peu et sourit.

« Si je te le dis, c’plus une surprise. »

Il a tenté de s’écrier, mais en la regardant, il remarque qu’elle n’a pas l’air sereine. Il se décide à lui dire alors.

« Ok ok, je pensais à Liverpool, le quartier sorcier dédié à la musique est juste splendide ! » s’exclame-t-il. « J’pensais juste me balader, écouter des trucs et boire une bière et promis, je me plains pas une seule fois de Londres, c’toi qui parle ! »

Enfin si elle a envie de lui raconter des trucs. Ce qui n’est pas gagné pour l’instant, malgré son accord à mi-mot. Azzio continue d’expliquer pour tenter de la rassurer.

« J’ai demandé à Fab’, un collège de nous y faire transplaner, vu qu’il y est déjà allé, et au retour on transplane ensemble. » offre-t-il comme gage de bonne foi. « Sinon, on y va en moto. » propose-t-il.

Ce n’est pas hyper proche, mais ça fait une balade où ils peuvent discuter, si elle aime la moto. Lui, il adore, bien sûr. Mais il ne veut pas la faire paniquer. Alors il lui laisse le choix.

« Je serais là à 18h, tapante, promis, promis, promis ! »

Ses yeux se font brillants et son sourire charmeur. Maintenant qu’il en a parlé, il a trop hâte. Cette atmosphère étouffante lui serre la gorge et il veut s’y échapper, juste pour une soirée.

Quelques heures plus tard, juste avant que dix-huit heures sonnent au lointain, Azzio se relève de sa moto, range ses affaires, prends une douche et se rend à l’accueil. Il est propre, beau, bien habillé et il a hâte qu’elle lui redise oui.

« Alors ? Prête ? » demande-t-il.

Il attend toujours la confirmation, car elle peut encore dire non. Et puis, il attend de savoir comment elle veut s’y rendre. La balle est dans son camp, dans tous les cas.

Le sourire d’Azzio avait ce quelque chose qui lui faisait vite s’effacer la colère et le ressentiment qu’elle avait pu éprouver. Ce n’était pas juste d’être ainsi doté de ce genre de charisme. Fort heureusement, elle n’en perdait pas non plus tout sens de la raison et pouvait encore énoncer toutes ses conditions pour éviter de se retrouver humiliée ou pire abandonnée en terre inconnue. Une fois oui, mais pas deux. Il s’excusa et elle sentit ses dernières réticences s’évaporer. Elle le laissa se justifier. Le boulot, la Cosa Nostra… Et le temps qui passe. C’est tout et c’était sûrement suffisant pour elle. Après tout, s’il tenait à se rattraper, il était temps de laisser de côté le passé et les erreurs et de se focaliser sur le temps présent. Oui, mais pas aveuglément, Adèle avait besoin de savoir où il comptait l’emmener et lorsqu’il lui parla de surprise, elle garda une moue dubitative. A vrai dire, elle n’était pas franchement adepte des surprises ayant besoin de contrôler un minimum les choses. La Française se détendit finalement lorsqu’il lui révéla leur destination. Si c’était un quartier sorcier, déjà elle pouvait respirer et arrêter d’essayer de se rappeler toutes les informations techniques nécessaires à sa survie.

- Ça me va, je ne pense pas être difficile à ce niveau-là, je retiens ta promesse aussi, ajouta-t-elle dans un grand sourire amusé, et je parle d’accord, mais toi aussi, sinon je risque de finir par te saouler avec mes études. Je suis certaine que tu as des choses intéressantes à raconter aussi.

Elle n’était pas une grande bavarde alors s’il ne la relançait pas, soit elle allait tourner en rond en parlant de médicomagie, soit elle ne saurait vite plus quoi dire. Et elle avait envie de tout sauf d’être chiante comme la pluie. Rappelons-le, il n’aimait pas ça, la pluie. Côté trajet, il lui laissait le choix, le transplanage ou la moto. Anjelica l’avait initiée depuis longtemps en l’emmenant faire des tours, alors elle connaissait. Liverpool ce n’était pas à côté de mémoire, donc il y aurait sans doute une grosse part en vol aussi. Être dans les airs n’était pas ce qu’elle préférait, mais avec le temps elle ne gardait qu’une légère appréhension.

- Ça peut être sympa d’y aller en moto, je ne suis pas contre en tout cas, répondit-elle.

Il lui promit d’être à l’heure et elle se dit qu’il avait plutôt intérêt maintenant qu’il lui avait fait miroiter une belle soirée qui la sortirait de son quotidien d’étudiante et lui changerait les idées. Elle pourrait toujours le maudire sur plusieurs générations, mais ça ne lui enlèverait sans doute pas la déception et la rancune qu’elle risquerait de ressentir. S’il ne respectait pas sa promesse cette fois, aucun sourire charmeur ne viendrait le sauver.

- Je serais là alors !

Elle le regarda s’éloigner tout en laissant dériver ses pensées. Mettre de côté ses cours, ne plus penser à ses problèmes le temps d’une soirée, c’était parfait comme plan. Plus tard, elle se déplaça dans la boutique, s’arrêta un instant pensive et s’observa dans le rétroviseur d’un véhicule exposé. Elle replaça une mèche avant de passer une main sur le col de son chemisier. Elle n’aurait pas l’occasion de repasser au château se changer, mais même en toute simplicité cela ferait l’affaire. Et puis, elle n’avait pas dit non au voyage en moto, alors une robe par exemple, aurait été une mauvaise idée. Lorsqu’il vint la retrouver, elle dissimula son soulagement. Il n’avait pas du tout l’allure de celui qui s’apprête à tout annuler et soudain elle se sentit presque gênée de sa tenue des plus banales.

- Euh, je crois oui. On opte pour le trajet à moto du coup ?

Elle attrapa sa veste et le suivit. Ils n’avaient pas encore bu ce fameux verre, mais c’était plutôt bien parti cette fois, non ?

Elle est belle Adèle quand elle se détend, quand son visage cesse d’arborer ce petit pli serré au-dessus de ses lèvres. Il commence déjà à reconnaître certaines de ses expressions et à en apprécier d’autres, il se dit que c’est mal barré, qu’il ne cherche absolument pas ça à la base, mais bon, finalement, c’est peut être un mal pour un bien ? Apprécier Adèle lui fera sûrement apprécier Londres. Les deux semblent tellement liées qu’il ne peut pas les dissocier.

Le fait qu’elle veuille l’écouter parler le fait sourire, doucement, presque timidement. Elle ose dire les choses, puis elle est en train de tomber sous son charme. Enfin, c’est la conclusion qu’il en tire du moins. Quand elle propose la moto, les yeux du brun s’illuminent de joie. Il aime tellement voler et rouler, que savoir qu’elle apprécie ou qu’elle se force pour lui, lui fait plaisir.

- Génial ! s’écrit-il sans feindre.

Il veut lui montrer qu’il est touché de ses mots, qu’elle a fait le bon choix pour se le mettre dans la poche au moins. Il sourit et commence à réfléchir à ce que ce trajet pourra impliquer. Il la quitte sur la promesse renouvelée et son ton indique clairement que c’est sa dernière chance. Il fera tout pour ne pas rater son coup cette fois-ci. Il incline doucement la tête et s’éloigne vers l’atelier.

A l’heure dite, il est prêt. Il s’est fait beau autant qu’il a pu, parce qu’elle mérite qu’on fasse des efforts. Ou alors c’était juste pour faire chier Anjelica, la limite est très mince et lui-même ne sait déjà plus trop où se situer. Heureusement, ils sortent rapidement du garage et la pensée des Zabini s’efface en même temps que les portes.

- Voilà la bête. annonce-t-il avec une pointe de fierté dans la voix.

Sa moto l’a suivie depuis l’Italie, et chaque jour il se rappelle son pays en traversant Londres dedans, mais non plus avec cette haine farouche de la capitale anglaise, plutôt comme un petit bonheur, comme un bout de son coeur, comme une douceur mangée sur la plage. Il sort deux casques et en tends un à Adèle. Les motards roulant sans casques sont des imbéciles inconscients, et là dessus Azzio ne rigole pas.

- C’est partiiiit.

Et la moteur se met vibrer sous leurs jambes et la moto s’emballe. Grâce aux nombreux sorts d’amélioration, la moto roule sans le moindre accroc ni le moindre problème et l’air se rafraîchi - ou se réchauffe - au contact de la moto, suivant la température extérieure.

- Le voyage dure 4h bonnes heures normalement, mais en volant on réduit drastiquement le temps.

On part d’une bonne heure de route quand même, mais pas beaucoup plus. C’est vraiment pratique d’être un sorcier tout de même. Ils continuent de rouler dans Londres, mais en s’éloignant du centre, laissant peu à peu le monde derrière eux jusqu’à atteindre le nord ouest de la ville, puis la campagne. Une fois qu’ils sont seuls au milieu de nul part, Azzio relève sa moto qui s’élève doucement dans les airs. Evidemment, les sortilèges de protections pour les rendre invisible se sont activés avant ça et soudain, les voilà en l’air.

- J’espère que t’es confortablement installée, maintenant c’est la partie plus cool du trajet, pour moi du moins. Pas trop le vertige ?

Ce n’est pas très futé de le faire remarquer si elle a le vertige, mais eh, on ne se refait pas. Il se accélère un peu, cherchant un sujet de conversation, mais il n’arrive pas à savoir quoi lancer. Il n’est pas si bon pour se faire des amis, il sait charmer, sourire, mais s’intéresser ? Elle lui a déjà fait remarquer qu’il posait trop de question et il ne va pas recommencer à se confier, si ?

- Comment t’es arrivée au garage en fait ? Tu as trouvé un boulot au pif, ou tu cherchais spécialement dans les voitures, motos et cetera ?

Si elle était fan des deux-roues, elle ne serait sûrement pas à l’accueil, mais dans l’atelier avec eux. Mais, sait-on jamais. Finalement, il l’a posée sa question.

Même après tout ce temps à fréquenter le garage, Adèle n’était pas très calée en moto. Elle avait essayé de s’y intéresser, mémorisé quelques histoires de pièces, grimacé quand certains employés s’emballaient dans les explications et finissaient par la perdre, mais elle n’avait jamais réussi à reconnaître une bonne bécane. Oh elle trouvait ça fascinant ce qu’ils pouvaient faire parfois avec quelque chose qui avait l’air bon à jeter, ou même la façon dont ils remettaient en état des véhicules ou encore la magie qu’ils utilisaient pour leur permettre de voler. Aussi, lorsqu’il lui montra sa moto, elle n’était pas certaine de savoir l’apprécier à sa juste valeur. Au son de sa voix néanmoins, elle sut tout de suite qu’elle lui était précieuse. Alors elle sourit et attrapa le casque qu’il lui tendait. Elle s’installa derrière lui et s’accrocha naturellement à sa taille comme elle avait déjà pu le faire par le passé avec Anje. Elle ne savait pas conduire, n’avait jamais vraiment voulu apprendre sans doute par manque de confiance en elle dans ce domaine. Azzio avait l’air de très bien maîtriser sa conduite et Adèle décida de se détendre pour profiter du voyage. Sinon quelle idée d’accepter la virée en moto si c’était pour être en état de stress permanent jusqu’à l’arrivée. Une heure en plus…

- D’accord, je devrais survivre, plaisanta-t-elle.

C’était vraiment une sensation à part, qu’elle n’avait jamais ressenti ailleurs. Quelque chose d’agréable et de vivifiant, rien à voir avec le transplanage qui certes était rapide, mais franchement pas accompagné de la sensation la plus idéale pour voyager. A l’abri des regards Azzio décolla. Elle retint son souffle le temps de la manœuvre qu’elle trouvait toujours impressionnante, resserrant peut-être inconsciemment son étreinte.

- Oui, tout va bien, dit-elle avant d’observer le sol et de regarder les lumières des villes qu’ils survolaient, et en fait c’est drôle, j’ai longtemps cru que j’avais le vertige parce que j’ai toujours été très mauvaise en vol, mais en fait je me suis rendu compte que le problème c’était les balais. Je déteste ce moyen de transport ! Quand Anjelica a voulu me faire découvrir la moto, je me suis dit que j’étais folle d’accepter, et en fait j’ai trouvé que c’était une chouette expérience.

La blonde ne se souvenait pas avoir décliné une proposition d’Anje. Elle avait une confiance aveugle en elle, certaine que si l’Italienne faisait quelque chose, c’était forcément que ça devait être un truc génial. Et c’est vrai que très souvent, lorsqu’Angelica l’entraînait, elle passait un bon moment.

- Quoi ? Oh non, répondit-elle en laissant échapper un petit rire, j’ai dit une fois que la médicomagie c’est comme de la mécanique, on répare les corps, mais en vrai, on est d’accord ça n’a rien à voir. Je suis arrivée au garage grâce à Anjelica. Ma famille m’a coupé les vivres à la veille des vacances d’été. Trouver un job à cette période de l’année, c’était mission impossible et je n’avais jamais vraiment fait attention à mes dépenses avant. J’en ai parlé à Anje et elle m’a proposé le poste à l’accueil. Grâce à elle, j’ai pu poursuivre mes projets ici.

Avec ses petits revenus et une meilleure gestion de ses économies, Adèle s’était rapprochée de son rêve et s’était affranchie de sa famille. Ce job était tombé pile au bon moment, et même s’il avait été étrange de la voir atterrir dans cet univers au début, elle s’y était vite intégrée.

- Désolée, je ne suis pas spécialement passionnée des motos et de la mécanique, mais je me plais bien au garage. Les gens sont sympas et j’aime bien l’ambiance, ça me sort la tête des livres et des révisions.

Elle avait beaucoup changé depuis son arrivée en Angleterre. Certes les épreuves qu’elle avait dû affronter y était pour beaucoup, mais elle savait aussi que son job à l’accueil et les employés du garage avait contribué à la rendre plus ouverte aux autres.

- Et toi, tu es dans la Cosa Nostra depuis toujours ? Ou tu y as été intégré plus tard ? C’est pas une question piège, quoi que tu répondes, je ne m’enfuirais pas.

Et pas seulement parce qu’à cette altitude, ce serait compliqué. Elle savait qu’il y avait deux façons de faire partie de l’organisation. En y étant né comme Anje et Luca, ou en versant le sang de l’ennemi comme Jaeden. Elle était juste curieuse d’entendre la réponse pour mieux le connaître.

La moto s’envole et Azzio se permet de regarder la ville qui rapetisse. L’avantage c’est qu’il n’y a pas grand monde dans les airs, ils volent trop bas pour les avions moldus et vu le sens dans lesquels ils vont, ils ne risquent pas de croiser grand monde. Puis, les sortilèges de désillusions lancés sur la machine sont assez puissant car lancés par différents sorciers au moment de la construction. Il savoure jusqu’à ce qu’Adèle se mette à parler d’Anjelica. Malgré lui, Azzio serre les dents. Il ne dit rien et, à part ses dents, sont corps ne traduit pas le moindre signe de tension. Il essaie de rester serein, normal, comme si Anjelica n’avait pas détruit sa vie.

- Nickel alors ! Anjelica a parfois de bonnes idées.

Ce n’est pas la meilleure réplique pour se la mettre dans la poche, mais Adèle est trop futée et trop au courant de la haine entre les deux Italiens pour qu’il puisse se permettre de faire semblant. Autant dire la vérité. Et Azzio doit bien reconnaître que ça l’est. S’il déteste Anjélica, elle est tout de même douée dans ce qu’elle fait et elle le fait bien. Même si ça lui arrache la bouche de l’avouer.

- J’espère que cette expérience sera encore plus chouette.

Ses mots volent dans le vent et Azzio les savourent un instant. Car il avait oublié qu’il cherchait quelque chose, lui aussi. Il n’est pas juste là pour faire chier Anjelica, il est aussi là parce qu’Adèle dégage un petit quelque chose qui lui donne envie de creuser, parce qu’Adèle est belle et intelligente, parce qu’elle lui donne des répliques et le teste aussi. Azzio il aime gagner, alors ce jeu l’amuse. Il n’y a rien de sérieux, rien d’une promesse de relation, non, ils n’en sont pas là, ce n’est qu’une soirée qui va leur faire du bien à tous les deux, voilà tout.

- Ah merde, les cons !

Il ne peut s’empêcher de retenir le juron qui s’échappe de ses lèvres. Il espère qu’Adèle n’a pas pardonné à ses parents, Azzio ne sait pas ce qu’elle a fait, mais il est entièrement de son côté. Il se rend compte qu’il a de la chance d’avoir une famille soudée comme la sienne, même s’il n’a pas parlé à ses parents depuis les six mois qu’il est arrivé à Londres, il sait qu’ils répondront présent au moindre appel de sa part.

- Bon et bien, médicomagie, c’est intéressant ça ! Quelle branche ?

Il flirte avec elle depuis des mois et il ne savait toujours pas ce qu’elle faisait, c’était un peu honteux, il faut le reconnaître. Mais au moins, il n’a rien d’un stalkeur glauque qui se renseignent un peu trop sur ses victimes, non ? N’est-ce pas un bon point ?

- Dommage pour toi. souffle-t-il quand elle reconnaître ne pas avoir de passion pour les motos mais t’inquiète, j’apprécie aussi les gens qui sont en dehors du circuit.

Il blague bien sûr, mais il ne peut s’empêcher de penser à Lexi. Cette nana totalement dingue qui l’a fasciné il y a quelques semaines. Il est temps qu’il tourne la page et cesse de penser à cette furie. Par contre, les livres et les révisions d’Adèle lui font tirer la langue.

- J’ai fait mes études avec applications à BeauxBâtons, mais j’ai jamais été un grand travailleurs, j’t’admire de continuer.

C’est sincère, vraiment. Il trouve ça fou - et bienvenue - les sorciers qui continuent d’apprendre dans des bouquins, plutôt que par la pratique. Même si elle fait les deux, lui ne s’occupe qu’avec ses mains.

La question sur la Cosa Nostra le surprend. Il savait qu’elle savait, mais c’est toujours… étrange d’en parler ouvertement avec quelqu’un qui n’est pas dans la famille. Il grince des dents à l’avance parce qu’il sait ce qu’il va devoir dire pour mieux expliquer.

- Comme les Zabini, j’suis né d’dans. 


Parce qu’ils étaient voisins, enfants, parce qu’ils se connaissent depuis toujours, parce qu’Azzio était le mouton noir, parce que s’il est né dedans et qu’il a toujours fait de son mieux, c’était Andréa qui excellait en tout. C’est Andréa qui le poussait à être meilleur, Andréa qui lui a ouvert toutes les portes. Il chasse ces sombres pensées de son esprit et reprend doucement.

- D’toute manière, t’enfuir risque d’être compliqué, mais t’inquiète j’suis pas un gros bras ou l’un des plus dangereux, tu côtoies Anjelica en vrai, donc bon.

C’est qu’à moitié une vanne, Anjelica a plus de sang sur ses mains qu’moi, c’tout ce que je tiens à dire là. J’avale ma salive, cherchant les bons mots à dire.

- Je suis principalement transpoteur, tu sais, j’suis plutôt tout en bas d’la pyramide, crois pas qu’j’suis un gangster prêt à tout.

Est-ce mieux ? ou pire ? Suis-je en train de la rassurer ou de me dénigrer ? Qu’importe, c’est elle qui choisira ce qu’elle préfère.