Pour savoir qui tu es, il faut savoir d'où tu viens. Cette histoire, c'est d'abord celle d'Isobel. Sa mère était française, une sang-pur très attachée aux valeurs qui en découlaient et qui s'était résignée à accepter le mariage arrangé que sa famille lui imposait. Elle n'avait rencontré que peu de fois le père d'Isobel avant de l'épouser, un sang-pur irlandais qui lui l'avait aimée dès le premier regard. Parce qu'une bague à un doigt ne pouvait pas signifier uniquement un contrat scellé par le désir de leurs parents, l'Irlandais prit le temps de construire sa relation avec sa femme, lui faisant découvrir qu'un mariage arrangé n'était pas nécessairement sans amour. C'est ainsi que de cette histoire, naquit leur fille, ta mère.

Isobel était une enfant au tempérament de feu qui ne supportait pas de vivre la vie de la petite fille modèle que lui imposait sa mère. Son mari avait su pourtant la faire relativiser sur ces valeurs auxquelles elle attachait tant d'importance, mais celle-ci ne supportait pas l'idée qu'on puisse la juger. Qu'allaient dire leurs parents ou les gens à ces dîners importants auxquels ils se rendaient, s'ils voyaient que leur fille n'était pas capable de se tenir ? La relation d'Isobel et sa mère était souvent conflictuelle, mais ce n'était rien comparé à ce qu'elle devint après sa transformation en loup-garou. Cela survint l'été de ses quinze ans. Ses parents l'avaient envoyée chez ses grands-parents en France. Elle se lia d'amitié avec une jeune fille plus âgée qu'elle. Cherchant à échapper à l'atmosphère stricte de la demeure de ses grands-parents, elle ne se méfia pas. Elle se retrouva au cœur d'un enlèvement orchestré par une fratrie qui rançonnait les familles aisées. Un frère et une sœur manipulateurs qui savaient saisir les opportunités pour survivre, car rejetés par la société depuis toujours, le premier étant lycan. La famille d'Isobel ne céda pas au chantage et organisa le sauvetage de leur fille. L'affrontement eut malheureusement lieu la nuit de pleine lune, le père d'Isobel parvint à abattre le loup, mais pas avant qu'il eut d'abord blessé sa fille. Les parents d'Isobel s’évertuèrent à étouffer l'affaire et elle fut contrainte de poursuivre sa scolarité avec ordre de ne jamais révéler à quiconque sa nouvelle nature. Secret qu'elle réussit à garder étant plutôt futée pour tromper ses camarades et jouant de son côté aventurière pour expliquer ses escapades nocturnes.

1er août 1996 Isobel se souviendrait toute sa vie de cette date comme d'un virage qu'elle avait été forcée de prendre. Elle était au ministère ce jour-là, ayant débuté sa formation d'Auror. Sa mère avait débarqué dans la pièce où elle s'acquittait de l'ingrate tâche de l'archivage de vieux dossiers. Elle était gravement blessée et venait lui apprendre la tragédie qui s'était déroulée dans la nuit. Elle les avait retrouvés. Elle ? La sœur du lycan responsable de la condition d'Isobel. Trois ans plus tôt, lors du sauvetage, elle avait été livrée aux autorités et enfermée à Azkaban. Elle s'était échappée lors de la grande évasion de janvier de cette année et s'était constitué un petit groupe de loups-garous pour mener sa vendetta contre ceux qui lui avaient pris la vie de son frère. Son père avait été exécuté froidement et sa mère laissée dans cet état. Isobel n'eut pas le temps de l'amener à Sainte-Mangouste, elle décéda dans ses bras sur le chemin. Avant, celle-ci la supplia de fuir, car elle viendrait pour elle aussi. Seule, avec une guerre qu'elle savait sur le point d'éclater, la jeune femme fuit.

Isobel débarqua aux États-Unis et une amie de sa mère l'aida à intégrer le MACUSA. Là, elle s'éprit d'un jeune politicien ambitieux qui la rejeta lorsqu'il prit connaissance de sa nature de loup-garou. Celui-ci s'évertua dès lors à la faire éjecter des services d'Auror qu'elle avait intégrés après son diplôme. Isobel n'était clairement pas du genre à se laisser intimider, mais l'ultimatum qu'il lui posa « son secret ou sa vie en Amérique » l'encouragea à ne pas faire de vagues. Elle avait déjà tellement perdu et savait qu'avec son secret révélé, sa vie serait bien plus difficile. L'amie de sa mère l'aida à rejoindre le ministère russe dans lequel elle avait des contacts et où elle pourrait se faire une place. L'amie de sa mère l'orienta également vers son oncle, un apothicaire réputé de Moscou. C'était un vieil homme un peu bourru qui l'aida à maîtriser la langue du pays, ses coutumes et surtout qui la fournit en potions tue-loup. Anton devint le protecteur de ta mère et il fut le premier à remarquer ton existence qu'Isobel tentait de dissimuler au reste du monde. Par la suite, il devint la figure masculine dont tu n'avais pas pu bénéficier. Une sorte de grand-père de substitution qui te prit lui aussi sous son aile dès lors que tu montras le bout de ton nez. Et cela arriva un 15 juin de l'année 2000. Ta mère n'avait jamais su s'arrêter, ce qui avait bien entendu suscité de grands débats houleux entre elle et Anton. Tu décidas de venir au monde alors qu'elle se trouvait encore au bureau, rédigeant des comptes-rendus pour ses collègues. Les contractions commencèrent alors et elle ne traîna pas pour se faire conduire à l'hôpital sorcier moscovite. Malgré cette obstination à vouloir travailler jusqu'au bout, ta mère t'aima dès les premiers instants et prit le temps de t'accueillir en ce monde comme il se devait avant de reprendre sa vie d'Auror.

Malgré l'absence de père, ton enfance ne manqua pas d'amour. Ta mère ne pouvant se résoudre à te laisser à une nourrice inconnue pendant ses absences, tu grandis auprès d'Anton. Son arrière-boutique était ton terrain de jeu et c'est d'ailleurs là que tu fis tes premiers pas. Anton n'avait pas eu la chance d'avoir des enfants et s'occuper de toi lui offrit la possibilité de partager son savoir avec quelqu'un. De tes premiers apprentissages aux notions les plus complexes, ce fut lui qui se chargea de ton éducation. Lorsqu'elle ne travaillait pas, ta mère te dédiait tout son temps libre. Elle ne souhaitait pas que tu ressentes ce qu'elle avait subi avec sa propre mère. Orpheline, rejetée par ton père, tu étais ce qu'elle avait de plus précieux et elle n'aurait pas supporté qu'il t'arrive quoi que ce soit. Et pourtant, son passé la rattrapa encore une fois et c'est toi qui en payas le prix.
Dix ans après le meurtre de tes grands-parents, celle qui en était à l'origine n'en avait pas fini avec sa vendetta et elle retrouva la trace de ta mère. Découvrant ton existence, elle avait décidé de prendre à ta mère la vie de celui auquel elle tenait le plus. Elle avait toujours tenu Isobel pour responsable de la mort de son frère et comptait bien lui faire éprouver la même souffrance que la sienne.

Une nuit de l'année de tes six ans, tu vis s'introduire dans ta chambre une louve, mais celle-ci n'était pas ta mère. Ce qu'Isobel ignorait, c'était qu'elle n'avait pas été la seule mordue lors des événements à l'origine de sa condition. Tu te souviens du moindre détail de cette nuit. Tu te souviens du baiser sur ta joue que ta mère t'avait donné avant qu'elle n'aille se transformer à l'étage inférieur. Tu te souviens que tu n'arrivais pas à trouver le sommeil à cause d'une légende qu'Anton t'avait contée le jour même. Et puis il y avait eu le bruit de cette fenêtre brisée lorsque l'animal était entré afin d'en finir avec toi. Tu l'avais regardé approcher avec tes yeux d'enfants curieux. Sachant ce que ta mère était, tu n'avais jamais été comme les autres enfants et tu n'avais jamais craint le loup, celui que l'on imaginait se terrer sous le lit. Tu te souviens alors très bien de la douleur que tu avais ressentie lorsque celle-ci avait planté ses crocs dans ta chair. Tu n'avais pas pu te retenir de hurler et tu avais vu à nouveau la gueule de la bête plonger sur toi pour déchirer à nouveau ton corps d'enfant. Sauf que cette gueule n'avait jamais pu te toucher une seconde fois. Tu te souviens d'avoir vu le corps lupin de ta mère se jeter sur ton assaillante, de la peur qui te serrait le ventre en voyant le combat impitoyable qui se déroulait alors sur le plancher de ta chambre. Tu te souviens aussi d'Anton qui était venu te chercher pour t'emporter à l'abri et de tes larmes silencieuses qui roulaient sur tes joues tandis que l'endroit où ta chair était trouée te brûlait. Tu te souviens du hurlement en provenance de ta chambre et du silence qui avait ensuite régné. Puis du temps atrocement long qu'il avait fallu avant d'apercevoir le pelage de ta mère couvert de sang descendre les escaliers pour vous rejoindre. Tu n'avais jamais pu oublier aucun des détails de cette nuit, celle qui avait changé ta vie pour toujours.  

Il te fallut apprendre à vivre avec ta nouvelle condition, à supporter des transformations douloureuses que tu ne pouvais pas maîtriser, à te familiariser avec cette potion qui neutraliserait ta sauvagerie et à apprendre à dissimuler ta vraie nature. Ton éducation, tu la poursuivis avec Anton, il t'apprit tout ce qu'il savait et ne manqua pas de venir répondre à ta soif de connaissances. Curieux, tu aimais apprendre et surtout comprendre les choses. Tu étais vif d'esprit et tu avais vite compris que si tu voulais devenir quelqu'un, il te fallait être persévérant. Ta mère, elle, t'apprit ses secrets pour que ta malédiction ne soit jamais révélée. Elle te préparait doucement à ta scolarité à Durmstrang où il te faudrait redoubler d'ingéniosité pour ne pas être exposé. Pour elle, la meilleure manière de ne pas attirer l'attention, c'était de se fondre dans la masse. Elle te présenta à ses connaissances pour que tu t'intègres au monde. Elle t'emmena à ces soirées mondaines qui lui avaient permis elle-même de s'intégrer dans la ville moscovite à son arrivée, afin que tu te sociabilises avec les enfants de ton âge. Elle ne te cacha pas les difficultés que pouvait éprouver votre espèce à être reconnue par le monde sorcier. Elle te partagea sa crainte de la discrimination que tu pourrais subir si quelqu'un découvrait ton secret. Elle t'encouragea à leurrer les autres et à duper ton entourage pour que tu puisses vivre une vie où personne ne te rejetterait pour ce que tu es. Dans son désir de te protéger, elle ne se rendit pas compte qu'elle ancra chez toi une peur maladive d'être rejeté par les autres.  

Durmstrang, une école secrète pour ceux qui n'y avaient jamais mis les pieds. Ta mère ne pouvait donc pas t'aider à exploiter au mieux ses ressources pour maintenir ton secret et Anton dut la rassurer. Tu saurais t'en sortir, il en était certain. En cinq ans, tu avais acquis beaucoup de réflexes et tu ne manquais pas d'arguments pour endormir les soupçons. Tu avais d'excellentes capacités d'adaptation et tu te familiarisais aisément aux nouveaux lieux que tu arpentais. Ta première pleine lune passa inaperçue comme toutes les suivantes et tu te retrouvas vite à connaître les raccourcis, les détours et les recoins de cette école des pays froids. Le clan des perspicaces et des sages, des patients et des avides de connaissances t'avait accueilli, mais ouvert et sociable, tu te lias avec de nombreux élèves qu'ils soient comme toi ou d'un caractère différent. Tu ne pouvais bien sûr pas t'entendre avec tout le monde, certains ayant des valeurs bien trop éloignées des tiennes, mais tu n'étais pas du genre à chercher les problèmes. Tes enseignants n'eurent jamais rien à redire sur ton travail ou ton comportement. Tu étais l'adolescent lambda, celui qui aspirait à travailler dans la justice magique. Tu acceptais les relations avec quelques filles auxquelles tu ne t'attachais pas vraiment. Tu avais intégré l'équipe de Quidditch de ton clan pour déverser ton trop-plein d'énergie et pour conforter cette illusion du type à la vie la plus normale possible. A aucun moment, personne ne sembla se douter du lourd secret que tu cachais.

Tu avais quinze ans lorsque tu souhaitas rencontrer ton père. Tu savais parfaitement qui il était et pourquoi il avait rejeté ta mère. Celle-ci ne t'avait jamais rien caché à son sujet, jugeant qu'il y avait déjà bien assez de secrets dans vos vies. Lui il ignorait ton existence, mais toi tu avais besoin de cette rencontre pour comprendre qui tu étais. Tu voulais savoir si tu manquais quelque chose et si vraiment ton père ne pourrait pas un jour prendre sa place. Pourtant ta mère refusait de répondre à ta requête. Elle avait assez souffert à cause de lui et ne voulait pas que tu endures cette douleur à ton tour. Cet été-là, tu avais repéré cette conférence. Une qui te concernait directement et une à laquelle il serait présent. Tu avais fait appel à un ami plus âgé qui avait le permis de transplanage et il t'avait emmené à New York pour assister au débat. Tu avais finalement eu ta rencontre, bien loin de tes espérances, mais qui avait au moins pu te permettre de passer à autre chose et de faire le deuil de l'absence de ton père.

La réapparition des Mangemorts mit ta mère sur le qui-vive. Tu savais qu'avoir été obligée de fuir pour sa vie lors de la précédente guerre était resté un regret chez elle. Si elle n'avait pas eu besoin de fuir, elle se serait probablement battue aux côtés de l'ordre. Avec appréhension, elle finit par t'annoncer l'année de ta septième année qu'elle avait demandé sa mutation pour le ministère de la magie britannique. Toi tu ne voyais pas où était le problème. Tu aurais aimé que ta mère cesse de s'inquiéter pour toi, qu'elle voie que tu savais parfaitement te débrouiller sans elle. Tu voulais qu'elle suive ses convictions et qu'elle arrête de vivre sa vie en fonction de toi. Toi, il y avait longtemps que tu avais fait tes choix d'avenir et tu souhaitais rejoindre l'université de Poudlard l'année suivante. Tu rejoignis la capitale britannique à la fin de l'été, laissant ta vie en Russie derrière toi. Tu devrais te réadapter à de nouveaux lieux, mais cela ne t'inquiétait pas. Tu souhaitais à ton niveau pouvoir faire avancer les choses pour un monde plus juste.