"Règle numéro un : j'écouterais mes parents et je leur obéirais."
On l'espérait docile, bonne à façonner, bonne à dresser. Un bébé dont l'avenir était déjà tout tracé dès son premier cri. Nimue était une livre de chaire que l'on allait troquer au profit d'attentes et de désirs qui ne seraient pas les siens, mais l'enfant n'en savait rien. Cerclée d'une pureté qui ne dura qu'un temps, la petite fille sombra bien vite entre les mains de ses propres parents. Ils étaient fait de ténèbres, rongés par une noirceur que l'on ne peut saisir à l'oeil nu, et rien ne les empêcha de partager cette obscurité ave le fruit de leurs entrailles. L'amour qu'ils se portaient l'un l'autre était un mensonge de trop d'années passer à faire semblant, aussi leurs vaines tentatives pour apporter un réel sentiment à leur progéniture sonnait faux. C'était disharmonieux, malhabile, un malaise qui les encouragea à régir la maison à partir de codes et de règles.

"Règle numéro deux : je fréquente seulement les enfants que l'on me recommande."
Cette règle a plus d'importance que les autres. Elle révèle la nécessité de se replier sur soi, le besoin viscéral de ne rien voir par-delà du cercle déterminé par la famille. S'enfermer, entre eux, entre les enfants chéris des dernières familles considérés comme "noble" au risque de s'étouffer. L'innocence s'effaçant toujours plus, Nimue ne comprenait pas, mais c'était préférable. La page vierge qu'elle était se remplissait peu à peu de mauvaises pensées, dont ce rejet de l'autre qu'elle ne saisissait pas. Trop douce à la naissance, elle se gorgeait de tout ce qu'on lui confiait, notamment à voix basse jusqu'à ne plus voir qu'un monde jonché d'ennemis. Il y eut deux écarts, mais la punition fut si douloureuse que la gamine n'osa recommencer.
Ainsi, à force d'entendre le même refrain sans cesse de la bouche de son père, les habitudes devinrent des mécanismes. Aucun doute, juste une évidence ! Il ne fallait pas tendre la main à ceux qui le faisaient volontairement tandis que questionner sur les origines de tout un chacun était devenu indispensable.
Murée dans cette vie réglée à la seconde près, il n'y eut pas de place pour s'exprimer. Nimue devint donc aussi creuse que ses pairs, animée par un courroux qui sonnait toujours juste à ses oreilles.

"Règle numéro trois : je serais bonne élève et je m'appliquerais à faire mes devoirs."
L'enfant ne cessait de grandir dans cette bulle auréolé par de la colère. Partagée entre ce quotidien vibrant de rigueur et de sanctions, elle ne tardait pas à trouver une certaine liberté par le biais de l'école. Illvermony fut une nouvelle demeure. Elle y retrouva les mêmes bouilles, les mêmes noms... Rien ne changeait jamais. C'était comme si son contrôle s'exercait partout et dans tous les domaines, une vision biaisé d'une réalité qu'elle niait chaque. Membre de la maison des Guerriers, le coeur s'enhardit de cette présumé force jusqu'à la revêtir telle une armure. Rien n'était insurmontable ! Elle affrontait les examens de même qu'elle malmenait ses camarades aux situations moins louables que la sienne. Nimue était devenue un bourreau. Ceux que l'on adule pour ne pas les craindre. Ceux dont on vante les mérites avant de comprendre les effets dévastateurs d'une attitude si toxique...
La demoiselle s'en fichait bien tant qu'elle ramenait des bonnes notes, car il suffisait d'un pas de travers pour que les réprimandes soient sévères. L'escalade avait commencé dès le premier geste à son encontre et la course folle ne s'arrêterait pas de sitôt, alors il fallait faire bonne figure, ne serait-ce que sur le papiers.
Elle se transforma en une autre pour ses parents et les premiers masques entrèrent dans sa vie : un pour ses proches, le second pour ses amis et le troisième pour les professeurs. Merveilleuse invention que ces trois aspects... Bientôt ils seraient bien plus.

"Règle numéro quatre : je me tiens droite et je sais bien me comporter en société."
Dès l'adolescence, la représentation devint constante. C'était une question d'honneur, de prestige ! Les soirées où elle s'amusait autrefois devinrent une autre forme de communication pour s'entretenir avec les autres sang pure. Droite, souvent corrigé par un regard de sa mère, Nimue avait l'allure d'une femme avant l'heure. Elle travailla son art du paraître, son franc parler, de même que celui du mensonge à ces nombreuses occasions. Les langues, quant à elles, devinrent des atouts qui glissèrent sur ses lippes jusqu'à s'imprimer en elle comme une musique. Pas même adulte, mais déjà bouffé par le nom qu'elle portait, elle avançait, le menton relevé fièrement. C'était tout ce qu'on lui demandait : elle était parfaite, collant à l'idéal qu'on s'était évertué à fantasmer depuis son premier souffle en ce bas monde.

"Règle numéro cinq : je deviens la meilleure dans mon domaine."
Son diplôme en poche, la liberté aurait pu s'esquisser... Oui, elle aurait pu. N'ayant pas le désir de contrarier papa et maman, Nimue accepta de poursuivre son cursus en s'aventurant dans la filière du droit magique en Angleterre. Heureusement que l'argent coulait à flot.
Quel ennui ce fut ! Quelle horreur ! La jeune femme ne cessait de s'agiter nerveusement en soupirant lourdement. Le temps était long, si long que c'était insupportable. Elle qui avait passé son temps à se contenir plus jeune aspirait à davantage de mouvement, mais on la plaçait dans cet enfer lettré, sans issue potentielle.
Ce fut la première bascule. Les menaces glissaient sur son derme si aisément désormais qu'elle eut le premier élan de courage pour s'opposer à son paternel. La tempête fut monstrueuse, mais l'entêtement de l'enfant triompha contre toutes attentes après un supplice dont elle n'a jamais parler.

Un premier souffle d'air frais. C'était merveilleux !
Le terrain devint rapidement son quotidien suite à cette réorientation. A défaut d'écouter dans un amphithéâtre, elle appliquait les règles en direct. Apprenti puis tireuse d'élite à la baguette magique, elle se fit une petite réputation qui ne manqua pas de gonfler son ambition ; Nimue pouvait viser haut, du moins, c'était ce à quoi elle aspirait.

"Règle numéro six : je suis dévouée aux mangemorts et à leur cause."
Dès que les mangemorts se reformèrent, les O'Connell furent de la partie, car ce présage leur inspirait des rêves oubliés. Nimue embrassa aveuglément la cause de ses parents pour briller dans les rangs des mages noires. La remise en question était dérisoire tant elle avait soupé les mêmes dires depuis l'enfance, c'était inenvisageable... Cette réaction était donc des plus logique. Enracinée à l'Angleterre par obligation, le pays devint sa terre de renaissance, voire de consécration.
La marque à même la peau, l'esprit s'enfonça davantage dans une prison dont elle ne sortirait pas.
A force de persévérance, l'américaine se fit une place, grimpant les échelons avec envie et ténacité intacte en dépit des aléas de l'existence. Etrangère devenue alliée de qualité, Nimue put se féliciter plus d'une fois de ce succès.  

"Règle numéro sept : je fais perduré la lignée en épousant l'homme choisi par mon père."
Le reste de son existence se résumait au vide entre les voyages. Cela causa le désespoir de sa mère qui lui proposa plus d'une fois un mariage, mais la réponse était la même dès que le sujet était mis sur la table : non. Il cinglait jusqu'à fendre l'air. Nimue n'avait besoin de personne, si ce n'était d'elle-même. Pas d'amant non plus disait-on... Quoique cela ne fut nullement vérifier.
Ainsi poursuivait-elle sa vie dédiée à faire régner l'ordre dans le chaos ambiant. Travaillant en équipe, elle demeurait toutefois solitaire, se perdant dans ce trop plein qui débordait certains soirs. Il n'y avait jamais de larmes, juste un silence et le noir, complet, total et rassurant.

"Règle numéro huit : j'honore ma famille."
Il n'y aurait ni mariage, ni enfant. Il n'y aurait rien. Une résolution prise à la suite d'une mission il y a de cela quelques mois. Celle qui se pensait intouchable avait fini trahi par son assurance : les canines d'un garou avait perforé la peau pour condamner la sorcière a devenir une autre chaque soir de pleine lune. Punie pour son arrogance et cette fierté incandescente, Nimue avait songé à quitter son emploi pour faire autre chose. Le prétexte ? Qu'elle se serait lassée, même si cela sonnait atrocement faux tant elle aimait partir sur les routes, traquer...
Y avait-il une autre solution ? La combattante avait cherché longuement. C'était un traquenard à chaque perspective esquissé.
Il y avait ensuite eu cette proposition, curieuse certes, mais alléchante. Un certain Barjow espérait qu'elle puisse infiltrer ses propres enfants ! Une mission à la hauteur de la belle qui n'avait pas tarder à accepter. Cette opportunité était trop appréciable à saisir après tout, notamment quand la situation financière se faisait moins stable, et cela aurait le mérite de l'écarter des sentiers habituels qu'elle empruntait.

Laissée à elle-même avec son dégoût, la petite fille devenue cette plante séduisante tente donc d'accomplir ce pourquoi on l'a embauché. Il y a cette course avec la lune qui perdure.. Enième mensonge à taire et dissimuler.
Mieux vaut vivre loin de cette famille si douloureusement importante à son coeur, d'autant qu'elle ne les regrette pas tant que ça tout compte fait.

Seul compte son nouvel objectif désormais... Et par Merlin que cela paraît complexe à bien y regarder.