La journée s’étirait inexorablement en longueur bien que rythmée par les allées et venues de nombreux clients. Principalement des badauds, attirés par cette malheureuse une de journal évoquant sa reconversion forcée et l’ouverture de cette boutique sur le Chemin de Traverse. Sept mois qu’il était ouvert, sept mois que l’article était paru et sept mois que les lieux ne désemplissaient pas, lui laissant ainsi que peu de temps pour son activité principale : la confection de balais. Une réorientation professionnelle complètement absurde et frustrante au possible mais nécessaire. C’était soit ça soit le suicide alors autant faire quelque chose de ses dix doigts. Pour être honnête, il craignait que Maxime ne parvienne à exécuter ses menaces un peu folles de parvenir à venir lui foutre une dérouillée même parmi les morts. Elle est tellement déterminée quand elle a un truc en tête qu’elle serait encore capable de trouver une façon de me ramener à la vie… Avoir à se tuer une seconde fois semblait déjà plus périlleux si vous voulez son avis. Elwyn s’était donc résigné. Non sans mal et bien loin d’admettre qu’il allait mieux mais il s’était fait à l’idée que rester à se tourner les pouces semblait peu constructif. Pour l’hyperactif qu’il était, ne rien faire constituait la pire des tortures avec écouter des vieux cons déblatérer pendant quinze minutes sans s’arrêter sur leurs prouesses de l’époque sur un balais. Ni son air las, ni son absence de réponse ou même d’intérêt à ces histoires insipides ne semblaient pourtant les dissuader de continuer. Etait-ce la présence d’un ancien champion du monde qui les rendait soudain complètement cons ou bien l’étaient-ils déjà de base et Elwyn avait le don de sublimer leur connerie ? Mystère et chocogrenouilles !

La mâchoire appuyée dans le creux de sa main, complètement avachi sur son comptoir, l’ancien champion poussa un profond soupir d’exaspération face au vieux croulant enthousiasmé par le récit de ses propres souvenirs de jeunesse. Je vais le buter c’est pas possible… C’en était trop. La coupe était pleine. Elwyn se redressa subitement, passant la main dans sa chevelure brune qui lui tombait sur les yeux et s’exclama avec un timbre de voix suffisamment fort pour se faire entendre de tous les clients présents. « Monsieur Abbott ! Y avait-il quelque chose que je puisse concrètement faire pour vous ?! Un balais sur-mesure tout confort spécial pour les seniors peut-être ? A moins que c’était simplement un autographe que vous étiez venu chercher mais n’osiez pas me demander ? » Face à l’air incrédule du vieillard et les quelques sourires timides provoqués dans la boutique, Elwyn s’exprima à nouveau histoire de pouvoir enfin espérer fermer pour la journée. « Comme vous êtes mon dernier client du jour Monsieur Abbott je vais vous faire une fleur. Un autographe et un bon de réduction à valoir sur votre prochain achat. » Il s’empara d’un bout de parchemin arraché à la va-vite, signa ce dernier comme il avait eu l’habitude de le faire à l’époque et griffonna qu’il pourrait bénéficier de cinq pour-cent de réduction pour la prochaine fois. Il tendit ce dernier à l’homme subitement bien silencieux et ne put s’empêcher d’ajouter avec un léger sourire moqueur au coin des lèvres. « J’ai entendu dire qu’ils s’amusaient à faire des rassemblements d’anciens élèves de Poudlard dans un manoir de la campagne londonienne. Cela me semble être le parfait endroit pour partager vos souvenirs de Quidditch à un public intéressé… » Monsieur Abbott opina docilement de la tête en s’emparant du bout de parchemin qu’il glissa dans sa poche et ne se fit pas prier pour quitter les lieux, progressivement suivi par le restant de la clientèle. En dix minutes Elwyn put enfin retourner l’écriteau sur sa porte et officiellement clôturer sa journée.

L’enfer de cette journée achevée, la perpective de la course clandestine de ce soir vint égayer son esprit. Un simple transplanage lui suffit pour rejoindre son domicile en périphérie de la ville et une fois changé ayant revêtu des vêtements noirs juchés d’une veste en cuir au dos de laquelle son pseudo « Hell » était inscrit en lettres rouges accompagné d’un diablotin magique animé venant provoquer quiconque le regardait. Il sortit sa moto volante du garage, celle-là même qu’il avait fait fabriquer par Anjelica sans révéler son identité et se rendit au point de rendez-vous par les airs, prenant le soin d’activité le charme d’invisibilité. Une moto dans les airs n’avait rien de bien naturel pour un oeil moldu… Comme à chaque fois, l’ancien champion avait obtenu l’adresse par un contact travaillant au garage sorcier, devenu plus que familier de ces rassemblements clandestins où il remportait quasi systématiquement les courses auxquelles il participait. Ça n’était même pas les pourcentages des paris sur sa victoire qui le motivait mais bien le puissant rush d’adrénaline provoqué à chaque fois qu’il s’élançait à pleine vitesse, prenant les virages les plus serrés pour battre ses adversaires. Un balais et une moto n’avaient rien à voir, il avait fallu tout réapprendre mais l’effet restait le même. Il pouvait obtenir son rush et évacuer toute sa frustration de la journée. C’était l’essentiel.

Arrivé sur le terrain vague, les coureurs se rassemblèrent autour d’un des organisateurs, casque sous le bras, pour déterminer les groupes de passage. Suite à un bref tirage au sort magique, Elwyn eut la chance de faire partie des premiers avec quelques conducteurs qu’il connaissait déjà. Un avantage considérable pour anticiper leurs tactiques et surtout les surprendre avec de nouvelles méthodes, toujours à la limite du règlementaire car pourquoi rester dans les clous quand on pouvait jouer avec ?! A califourchon sur sa moto, attachant son casque et ajustant ses lunettes de vol sur ses yeux, Elwyn enfila méticuleusement ses gants en cuir pour garantir une meilleure accroche et se mit en position, affichant un air concentré peu enclin à entrer dans les démonstrations de testostérones affichées par ses concurrents. A peine le coup d’envoi lancé que la moto de Hell se propulsa à vitesse grand V dans les airs, partant comme une balle pour dépasser en hauteur toutes les autres. Au sol, un écran magique apparu dans le ciel pour retransmettre les images et un bref aperçu du parcours avec la position des coureurs. Perché sur son engin motorisé volant à une bonne dizaine de mètres de ses adversaires, Elwyn prit la peine d’analyser le style de ceux qu’il ne connaissait pas encore et alors que le premier virage comportant les plots de validation arriva, le Diable Rouge accéléra puis plongea en piquet devant le peloton de tête, semant la panique derrière lui. Certains furent poussés à faire un écart, d’autres ralentirent et il sécurisa ainsi un premier virage pour remettre les gaz sur la ligne droite suivante. Ce petit jeu du chat et de la souris s’installa alors parmi les premiers coureurs et Elwyn, ce dernier réussissant systématiquement à les déstabiliser avec son style dangereux et très borderline. Il était constamment là où on ne l’attendait pas, cassait les codes et jouait avec les nerfs des compétiteurs, parvenant toujours à valider les étapes du parcours et gagnait même en avance. Ce fut après quinze minutes d’une course riche en rebondissements et à l’intensité grisante qu’il sécurisa sa première place et regagna le sol sous les acclamations des spectateurs.

Un très maigre sourire satisfait vin fendre son visage quand il vit « Hell » s’inscrire en lettres dorées sur l’écran magique et commença à défaire son casque et remonter ses lunettes. L’ancien champion se gara non loin de la foule massée pour observer les courses suivantes, salua quelques visages familiers, se préoccupant peu des regards noirs que lui lançaient certains de ses précédents adversaires. Tous savaient que si différent il y avait, c’était sur le siège d’une moto et dans les airs qu’il fallait le régler. A ce type d’événements les poings et les baguettes n’avaient pas leur place. Il mit finalement le pied à terre et après avoir déposé son casque, ses lunettes et ses gants sur le siège de sa moto, Elwyn remarqua un regard insistant. Si au début il prit ça à la légère, plus les minutes passaient et plus il commençait à perdre patience. Dans un profond soupir d’agacement, ses prunelles azur devenues orageuses sous l’exaspération se déportèrent une bonne fois pour toute sur la silhouette du jeune homme un peu resté en retrait qui visiblement avait du mal à ne pas le regarder. « Qu’est c’tu veux ?! » Putain, tout sauf encore un de ces fans écervelés qui savent pas se tenir et peuvent pas s’empêcher de me fixer avec leur fucking air niais transpirant le manque cruel d'intelligence… Oui, Elwyn avait eu beau gagner haut la main sa course, on ne pouvait pas dire qu’il était de très bonne humeur. En même temps, Elwyn O’Connor de bonne humeur c’était un peu antinomique.

Les courses de motos volantes étaient une maigre consolation quand Elwyn se trouvait en manque d’adrénaline. Si pourfendre les airs avait toujours été sa méthode de prédilection pour obtenir sa dose d’émotions fortes, le véhicule utilisé s’avérait être un élément clé de son plaisir. Une moto était un engin imposant, lourd, peu maniable comparé à un balais et pas franchement élégant dès qu’il s’agissait de se lancer dans des acrobaties aériennes. Dans un autre contexte, dans une autre réalité, Elwyn n’aurait même pas eu besoin de se rendre sur ce terrain vague à concourir contre des brutes peu futées. Un simple match de Quidditch aurait pu faire l’affaire dans sa quête de plaisirs dangereux. Tout était dans la poursuite du vif d’or en semant par la même occasion l’attrapeur de l’équipe adverse dans des manoeuvres toujours plus risquées. Il aimait innover, surprendre, se mettre en danger et frôler systématiquement avec la mort. Un goût du risque qui ne lui avait même pas offert la chance de le faucher au sommet de son art. A la place c’était un coup à pas de chance. Ce fucking destin à la con marquant à tout jamais son épiderme d’une imposante cicatrice, rappel constant qu’il ne serait plus jamais un champion du monde. Maintenant il devait se contenter des motos volantes. Un sport clandestin qui avait une saveur bien particulière, teinté d’amertume surtout quand l’engin entre ses cuisses avait été préparé par son ancienne amante. De quoi bien remuer le couteau dans la plaie mais que voulez-vous, Hell est un être compliqué bien loin de se targuer d’avoir une quelconque once de logique en lui.

Uniquement venu pour les courses, le hasard l’avait fait concourir en premier. Il ne lui restait plus qu’à attendre que tous les participants puissent s’élancer dans les airs pour espérer voler une seconde fois. Pour quelle autre raison ferait-il le déplacement sinon ? La compagnie ? L’ancien champion s’illustrait de part son tempérament froid et clairement imbuvable, le rendant plus antipathique qu’agréable. Observer les autres voler ? Leur style était sans intérêt, classique et franchement peu enclin à pimenter le spectacle. Rien de très transcendant qui pouvait justifier sa venue. Tout naturellement, Elwyn chercha donc à s’isoler de la foule visiblement captivée par le spectacle d’une banalité à pleurer offert par les cinq motards en lice. La perspective d’attendre avant de pouvoir à nouveau entrer en compétition n’était certes pas réjouissante mais celle d’avoir à faire la conversation avec ce qu’il identifiait au premier abord comme un fan écervelé était bien pire. Pourquoi le fixerait-on autrement ? Par expérience, Hell savait que les regards insistants de la sorte ne signifiaient que deux choses : soit on le connaissait déjà et la personne n’osait pas venir lui parler, soit il fascinait par sa démonstration et venait potentiellement de gagner un nouveau fan. Dans les deux cas c’était fâcheux, sans oublier ennuyeux à mourir. Sans grande surprise, son ton agressif et son attitude fermée ne découragea pas l’importun à déporter ses prunelles, bien au contraire même. Elwyn était habitué. Très tôt il avait appris à gérer les sans-gêne. Une question demeurait toutefois : de quelle sorte était-il. Quelques mots et voilà que le garçon avait sa petite étiquette sur le front, « putain-de-je-sais-tout-mieux-que-tout-le-monde » à laquelle s’ajoutait aux vues de sa carrure et son jeune âge apparent « sans-savoir-de-quoi-je-parle ». Un des pires. Enfin… Tous ceux qui osaient venir lui parler alors qu’il montrait tous les signes évidents que ça n’était pas le bon moment se trouvaient sur la première place du podium.

Un profond soupir d’exaspération lui échappa donc, levant les yeux au ciel sans se préoccuper des bonnes manières vu que le gosse ne s’était pas gêné, pourquoi mettre les formes de son côté. Tout chez ce gamin avait le potentiel de l’irriter, son sourire à la con, son air assuré alors qu’il n’avait jamais probablement posé son cul sur une moto ou même conduit le moindre engin de sa vie et il pensait pouvoir lui donner des conseils ?! Il parlait même efficace et « truc un peu stupide ». Clairement il n’avait aucune idée de qui se trouvait face à lui. Parler efficacité à Elwyn O’Connor c’était comme vouloir faire sécher du linge en plein orage : complètement absurde. Ses prunelles revinrent se poser sur sa frêle silhouette, haussant un sourcil alors qu’il affichait très clairement la lassitude provoquée par son commentaire. « Le jour où je me préoccuperais de mon « efficacité » je ferrais appel à toi pour des conseils. » Lâcha-t-il avec flegme, pas franchement enclin à accompagner sa raillerie du moindre sourire moqueur, il n’en valait de toute évidence pas la peine. Quand d’ordinaire d’autres auraient pris son sarcasme comme le signe qu’il fallait partir et ne surtout pas continuer de titiller le dragon, l’inconscient jugea bon d’un peu plus se rapprocher et osa même tendre sa main vers sa moto.

L’amorce de mouvement effectuée par le gamin lui fit instantanément voir rouge. Les traits déjà tendus d’Elwyn se durcirent un peu plus, ses prunelles foudroyant le jeune et sa main tendue. Sans bouger d’un iota, toujours appuyé sur sa bécane, un bras posé sur le guidon, l’ancien champion le détailla des pieds à la tête. On pouvait aisément lire mépris et suffisance dans son regard, évaluant clairement l’incapacité du garçon à tenir trente secondes sur un engin aussi puissant alors oser espérer le faire rouler et voler… Il y avait là le potentiel d’un bon fou-rire ! Délibérément il choisit d’attendre quelques instants avant d’enfin daigner lui répondre, incapable de ne pas se montrer agressif. « Qu’est-ce que ça peut bien te foutre ? » Oui, non la politesse et Elwyn ça avait toujours fait deux. La vie lui avait appris à constamment se battre pour ce qu’il voulait et aimait, montrer les crocs, grogner et parfois mordre pouvait être nécessaire afin de sécuriser son dû. Un gamin comme lui ne l’impressionnait pas. Sa question était mal venue. Qu’est-ce qui lui garantissait qu’il n’espionnait pas pour le compte d’un autre compétiteur jaloux ?! Se renseigner sur la moto d’un conducteur c’était une question intime, presque tabou. « Si c’est de l’action que tu cherches, va poser cette question aux autres motards présents… J’peux te garantir que tu vas te prendre la dérouillée du siècle. » Un simple commentaire pouvant être perçu comme conseil dissimulé par les plus optimistes. Tout en tirant son paquet de cigarette de la poche de son blouson en cuir, Hell redressa ses prunelles azurées sur le jeune un peu trop confiant et alors qu’il plaça un petit cylindre blanc entre ses lippes pour l’allumer, rajouta. « Par contre tardes pas trop, j’aimerais au moins assister à un peu d’action ce soir. » Un sourire mauvais vint enfin glisser sur ses traits, rajoutant une couche au personnage déjà méprisable qu’il lui offrait depuis seulement quelques minutes. A se demander comment et pourquoi certains l’appréciaient tant.

Faire chier son monde, Elwyn connaît bien. Dans une tentative désespérée d’attirer l’attention pour qu’on daigne enfin le remarquer et pas simplement s’arrêter à sa belle gueule, il avait longtemps usé et abusé de cette technique. Une méthode qui colle à la peau. Une façon d’exister qui avait fini par s’ancrer en lui, le rendant amer et plus que désagréable avec son prochain. Une attitude qu’il retrouvait comme par miroir chez le petit con venu l’emmerder après sa course. Comme quoi, même dans un milieu où le Quidditch se fait supplanter par les motos, certains trouvaient encore le moyen de le faire chier. Un peu comme s’il dégageait une sorte d’aura pour attirer les casses-couilles. Depuis le temps, l’ancien champion ne cherchait même plus à comprendre pourquoi lui plutôt qu’un autre ? Quand certains auraient pu être flattés d’autant attirer l’attention après s’être rangés, Elwyn était juste fatigué et agacé. Un mélange de sentiments qu’il ne se privait pas d’ailleurs d’afficher face à l’importun. Un peu comme pour lui faire passer un message. Qu’importe à quel point il s’acharne, mieux valait abandonner tout de suite cet échange peu constructif déjà de base et passer son chemin. Si sa réplique avait pour objectif de clore le sujet, le garçon semblait guère enclin à saisir sa chance, préférant continuer son petit jeu puéril. « Les niffleurs auront appris à voler bien avant que j’ai besoin de ta soit-disante « aide ». » Lâcha-t-il avec un calme olympien qui cachait la profonde lassitude inspirée par le jeune insolent. Si son but était de se faire casser la gueule il était plutôt bien parti, en revanche s’il cherchait véritablement des « clients » à coacher car il possédait des compétences indéniables en courses de motos volantes… Il ne savait clairement pas s’y prendre, en plus de miser sur le mauvais compétiteur. Déjà que les courses étaient simplement un pur loisir pour Elwyn, s’embarrasser d’un merdeux à la langue bien pendue, très peu pour lui ! Il avait des tendances masos mais pas à ce point.

L’intérêt soudain du morveux pour sa moto fut bien le signe de son inconscience. Il va vraiment se faire casser la gueule ce soir lui… Pas par lui mais s’il s’amusait à ce petit jeu avec les autres, aucun n’aura autant de patience que lui, ça c’était sûr. Hell répondit ainsi comme il savait si bien le faire : par l’agression verbale. Des mots et une attitude qui étaient bien loin de déclencher le mécanisme de survie du gamin, probablement déjà habitué à se faire péter les dents par plus fort que lui. En même temps vu sa dégaine c’est pas bien compliqué. Sans vraiment relever sa question rhétorique, il tenta de le mettre en garde sur son comportement et ses questions plus que déplacées dans un tel événement et auprès d’un public si…particulier. Quoi qu’il pourra lui sortir comme baratin, Hell savait que c’était bel et bien sa première fois. A moins qu’il se soit pris un cognard en pleine gueule récemment, personne ne pose de questions personnelles sur les motos des coureurs. Faut vraiment être un noob pour oser demander. Ou complètement con, ou les deux. Vu par la réponse rétorquée sans le moindre embarras par le chieur, c’était visiblement les deux. Déjà bien saoulé par son attitude clairement provocatrice, Hell se réfugia dans ce qu’il connaissait le mieux dans ces cas là : une de ses petites drogues du quotidien. Sur ce coup l’ancien champion opta pour le tabac à défaut de pouvoir snifer de sa poudre noire magique et se saouler la gueule. Après tout, s’il parvenait à se débarrasser du gamin qui lui collait aux basques, il avait toujours l’intention de participer à encore au moins une ou deux courses. Mieux valait garder les idées claires !

Le rire visiblement provoqué par ses paroles chez le garçon lui fit simplement hausser un sourcil, dubitatif. Il lui manque une case au chiard, c’est pas possible autrement… Littéralement interloqué par ce qu’il avait pu dire de « drôle », sa réponse eut pour effet qu’un long et profond soupir d’exaspération lui échappe. Dans un bref mouvement de tête, il la pencha en avant pour pincer l’arrête de son nez de deux doigts avant de tirer une longue taffe sur sa cigarette. C’était plus un joint dont il avait besoin à vrai dire mais il fallait faire avec. Il allait lui falloir contenir sa colère au mieux face à cette grande gueule qui, au final, n’était que ça : une grande gueule. Elwyn releva très légèrement la tête, ses prunelles orageuses le foudroyant sur place avant d’être un instant voilées par le nuage de fumée qui s’échappa de ses narines. Le silence qui s’était installé entre eux fut meublé par les cris et bruits de pots d’échappements, Hell le dévisagea longuement avec ce même air hautain et dédaigneux, presque écoeuré par la silhouette du gamin. Il en avait cognés et s’était énervé pour bien moins que ça mais c’était visiblement ce qu’il cherchait. Ce petit malin voulait le pousser dans ses derniers retranchements, l’insulter ouvertement, le provoquer sans cesse pour le faire sortir de ses gonds. Sa technique grossière et ses propos acerbes peu recherchées devaient marcher à merveille avec des plus simples d’esprit. Lui ? Il avait connu bien pire…

Bien décidé à ne pas lui donner ce qu’il voulait, Hell tira une fois de plus sur sa cigarette, l’orage dans ses prunelles laissait à présent entrevoir une pointe de mépris. « Sombre merde que tu es… » Siffla-t-il en italien, une vieille habitude d’y avoir recours, la considérant un peu comme sa langue maternelle quand il raillait ceux qu’il n’estimait pas assez pour les insulter dans leur propre langue. Une méthode qui au final s’appliquait à merveille qu’importe qui il avait en face de lui. Faut bien qu’il y ait un avantage à être polyglotte : insulter des gens de différents pays dans différentes langues. « Je l’ai eu en échange de gallions. » Répondit-il alors avec un air mauvais venant fissurer son visage jusque là froid. Elwyn adorait jouer au con. Le gamin lui avait demandé « comment », il répondait à « comment ». Rien de plus simple à ce niveau là. Toutefois bien conscient que ça ne suffirait pas à ce cherche-merde, il continua en prenant une dernière taffe sur sa cigarette qu’il vint finalement écraser à même le sol. « Elle vient de l’étranger. » Une demie vérité si on considérait le fait que les mains ayant assemblé sa moto étaient belles et biens étrangères en plus d’être magnifiques mais appartement à la personne la plus chiante de cette terre. C’était vague et en même temps suffisamment clair pour lui faire comprendre qu’il avait peu de chance de se procurer pareil engin de luxe. « Maintenant va demander aux autres où ils ont acheté la leur si tu veux une adresse pour en avoir une à petit prix. » Sa phrase avait été formulée avec une expression presque écoeurée, laissant facilement comprendre ce qu’il pouvait penser des vendeurs aux rabais de pareils engins. Au final c’était un peu comme avec les balais, plus on les trouvait pas chers et fabriqués à la chaîne, plus on pouvait être sûr qu’ils allaient finir par nous claquer entre les doigts. Après, l’orienter vers un constructeur peu scrupuleux dont les motos étaient réputées pour avoir des problèmes n’était peut-être pas une si mauvaise idée… Au moins il s’assurait que le gosse ne vienne plus jamais le faire chier comme ça. Putain pas con !!!

Pourquoi fallait-il qu’il attire toujours les cherche-la-merde ? Dégageait-il quelque chose de spécial ? Une odeur particulière qui le rendait reconnaissable à des mètres à la ronde par les connards en manque de sensations fortes ? Un phéromone à la con le transformant en aimant à emmerdeurs ? Non sérieusement ! Il y avait forcément quelque chose chez lui qui le rendait si prompt à attirer la merde. Probablement son air renfrogné et sa façon si délicate (c’est faux) d’accueillir quiconque osait passer la barrière du mec désagréable qui vous fusille du regard si vous avez le malheur de lorgner sur lui. Sauf bien sûr si vous êtes une charmante demoiselle aux courbes généreuses. Là, étrangement, Elwyn devenait tout de suite plus agréable et sympathique. Dommage pour le morveux qui avait jugé bon de le dévisager puis le provoquer par la suite, il en était dépourvu. A l’inverse, il possédait la panoplie complète du petit con qu’il aurait bien démonté en deux-deux. Cela dit, l’idée de provoquer une bagarre en pleine course plaisait peu à l’ancien champion. Il préférait passer inaperçu, naviguer sous les radars une fois la raison principale de sa venue achevée.

Billie venait perturber ses plans, l’assaillant de questions toutes plus intrusives les unes que les autres. Son pseudo intérêt pour la disciple était bien loin de convaincre Hell. Persuadé qu’il s’amusait à juste l’emmerder, il fallait bien admettre qu’il savait s’y prendre. Une réussite en demie-teinte cela dit, tout et n’importe quoi avait le don de profondément exaspérer l’Irlandais. Rien de bien original donc à faire naître chez lui les signes évidents de la colère et l’agacement. Harcelé sur la provenance de sa moto, la nouvelle question de Billie lui fit lever les yeux au ciel. Il lâche jamais le morceau ce con, ça en devient exaspérant. « Du Vanuatu. » Quoi ? Vous vous attendiez vraiment à ce qu’il lui dise la vérité ? C’est mal le connaître. Elwyn était un joueur invétéré. Sur un balais ou avec les mots, il aimait se jouer de tout et tout le monde. Hors de question de lâcher le morceau, même si ça signifiait avoir sur le dos ce morveux plus longtemps encore. Il voulait vraiment avoir des infos viables sur les motos volantes ? Qu’il arpente le Chemin de Traverse un après-midi et il aurait des réponses à ses questions. Il pouvait littéralement poser la question à n’importe qui et il serait mieux reçu qu’avec lui. Le gosse avait zéro instinct de survie.

Malgré l’évidence qu’Elwyn se foutait de sa gueule, il lui suggéra tout de même d’aller s’enquérir de ces infos auprès d’autres coureurs. Après tout, s’il venait tout juste de gagner sa course, le gosse n’aurait qu’à attendre les résultats de la suivante pour aller emmerder le prochain vainqueur. Pas sûr qu’il soit particulièrement bien reçu mais avec un peu de chance il repartira avec un oeil au beurre noir et de vraies réponses à ses questions. Visiblement non. C’est pas ce qu’il veut ?! Mais il veut quoi au juste à part me les briser menu ?! Cette foutue nouvelle génération et sa manie de tout vouloir savoir sans prendre la peine de faire les recherches elle-même de façon approfondie. Moldus comme sorciers, ils étaient tous atteints du même maux. Au nouvel assaut de questions proféré par le jeune, Hell poussa un profond soupir parfaitement audible. Il n’avait jamais caché son agacement jusque là et comptait bien ne pas changer les choses, pire même, clairement afficher son exaspération. Qu’est-ce qu’il lui voulait au juste à poser autant de questions ?! Ne s’était-il pas renseigné avant de venir sur comment fonctionnaient les courses et les règles de cet univers de la nuit illégal ?

Pris entre deux eaux, Elwyn hésitait entre l’irrépressible envie de lui tomber sur le lard ou répondre par une nouvelle agression verbale. Qu’est-ce que ça pouvait bien lui foutre de savoir comment ça lui était venu ? Il faisait son interview ou quoi ?! Il avait pas remarqué le stand d’inscriptions plus loin ? Certes il fallait être déjà équipé pour participer mais pourquoi le faire chier lui pour des questions aussi futiles ? Sans un mot, Hell récupéra son casque posé sur l’assise de sa bécane et enfourcha cette dernière, les pieds au sol, il mit la clef sur le contact. Une façon passif-agressif de lui signifier que sa présence commençait à devenir indésirable. S’il n’en venait pas au fait ou ne parvenait pas à se montrer plus intelligent dans la formulation de ses questions, Elwyn allait lui compliquer la tâche. « Qu’est-ce que j’ai à y gagner de répondre à tes questions ?! Et me sort pas le coup du « plus tôt tu auras répondu, plus rapidement j’arrêterais de te faire chier » car je peux me barrer si tu me les brises trop. » Et tant pis pour une seconde course. Il le mettait au pied du mur. Le gamin voulait jouer ? Il venait de réveiller l’animal. Autant jouer carte sur table en explicitant clairement ses intentions plutôt que de le chercher et l’interroger sous couverts de remarques agressives. A croire qu’il cherchait la méthode la plus rapide et efficace pour le faire sortir de ses gonds. Peut-être travaillait-il pour la presse à scandales et cherchait-il à provoquer l’ancien champion. Une façon comme une autre d’avoir un titre tapageur. « Elwyn O’Connor, l’ancien attrapeur national, perd les pédales et m’agresse gratuitement à une course de motos illégales. » Il voyait déjà les gros titres et les fans débarquer à la boutique pour avoir le fin mot de l’histoire. Ce gamin avait intérêt à juste être complètement ignorant et un peu fou pour oser l’emmerder plutôt que d’appartenir à la presse.

Faire preuve de patience, pédagogie ou encore diplomatie… Elwyn ne savait pas faire. Lui, il arrivait systématiquement à la case fuck this !!! sans passer par la case tentative de compréhension. Héritage de son enfance mouvementée, traits de caractère ou expression de vieux traumas ? Allez savoir. Le résultat n’en restait pas moins explosif. Une personnalité clivante, qui ne laissait pas indifférent, avec ses rares qualités et ses multiples défauts aussi néfastes pour son entourage que pour Elwyn lui-même. Véritable cauchemar sans fin, ponctué ici et là d’instants de douceur, de personnes de confiance absolue comme Moïra ou Maxime avant de sombrer un peu plus dans la noirceur d’un monde sinistre et cruel. Rien de plus étonnant donc qu’il se montre particulièrement désagréable avec quiconque osait le fixer ou était suffisamment fou pour lui adresser la parole de but en blanc. Quand ça n’était pas ses anciens talents d’attrapeur pour l’équipe professionnelle de Quidditch qui attirait, c’était visiblement ses compétences en course de motos. Le second découlant du premier.

En revanche, jamais jusque là il n’avait attiré pareille sangsue… Pareil emmerdeur de première que ce jeune garçon à l’allure juvénile. Ayant probablement tout juste atteint la puberté. Son cerveau était-il tellement bombardé d’hormones débilitantes qu’il se sentait pousser des ailes là où, tout être censé, aurait très vite abandonné pareille entreprise vouée à l’échec. Pour être honnête, si Elwyn ne lui avait pas déjà cassé la gueule c’était pour ne pas se faire remarquer plus que cela. Sans compter qu’il préférait ne pas un peu plus ternir son image en s’abaissant à frapper un gamin à l’allure chétive. Oui, quand bien même il pouvait lui taper sur le système, Hell préférait serrer les dents en attendant qu’il se lasse de son absence de réponses concluantes. Chose que le jeune ne fit pas. Visiblement dépourvu des signaux sociaux les plus basiques qui soient. Aurait-il été, à l’instar du célèbre Harry Potter, gardé enfermé dans un placard sous l’escalier lui aussi ? À moins qu’il s’agisse d’un trait de sociopathe, prenant un malin plaisir à clairement le faire chier. Pas impossible.

Par pur esprit de contradiction couplé à une envie féroce de tout faire pour ne surtout pas l’aider, Elwyn prit un certain plaisir à lui fournir de mauvaises informations. Ce sur quoi le jeune ne sembla pas franchement réagir. En revanche, bien décidé à écouter leur entrevue il s’amusa à lui demander en quoi l’aider pourrait lui être profitable. Car, soyons à nouveau honnête, tout découlait de ça. Qu’est-ce que lui avait concrètement à y gagner ?! Rien n’est gratuit dans ce monde, l’équilibre naturel des choses, tout ça tout ça… La diarrhée verbale dans laquelle se lança alors le gamin, Elwyn n’y était pas préparé. Il en avait des choses à dire en réponse à une question en apparence toute simple ! L’air fermé, l’ancien champion écouta alors le début de ce qui s’annonçait comme étant un monologue. Un simple « Exact. » lui échappa pour confirmer les dires du gosse. Si Hell était imbuvable, il s’appliquait à pratiquer l’honnêteté quand cela ne lui coûtait rien. Admettre qu’il avait raison sur ce point était simple.

La seconde partie de ce qui était devenu un discours à présent extirpa un profond soupir d’agacement chez Elwyn. Ses prunelles roulèrent dans leur orbite, exaspéré par ce que lui apprenait l’impertinent. Se poser en victime du fait qu’il ait été désagréable, avouer que son énervement l’amusait, qu’il le trouvait « intéressant »… Autant d’éléments donnant envie à Elwyn de revoir sa politique de « surtout ne taper personne ici ». Oui, il n’en avait strictement rien à foutre qu’il puisse être intéressant à ses yeux ou qu’il pense ne pas avoir mérité son dédain. Ça lui faisait une belle jambe tout ça ! Ainsi, avec un calme olympien, toujours aussi impassible, il ponctua. « Une fois de plus : exact. » Vaste affirmation qui en réalité ne faisait que souligner sa dernière phrase, bien loin d’approuver tout son petit discours. Et il n’avait pas fini !!!

À l’instant même où il reprit la parole, sa mâchoire se crispa, laissant clairement transparaître tout le mépris qu’il lui inspirait à l’instant précis. Il croyait quoi le gamin ? Qu’en lui avouant bien l’aimer que ça allait le rendre plus sympathique ? Qu’il allait miraculeusement accepter de l’avoir trainant dans les parages à forcer son chemin dans son existence ? Il rêvait éveillé ! « L’air vachement cool », « pas difficile pour moi de m’habituer à ton côté grognon »… Il le prenait pour un putain d’animal de compagnie ou quoi ?! La colère faisait son petit bonhomme de chemin en lui jusqu’à sa phrase finale, confirmant son hypothèse du début : il ne savait pas qui il était. Au moins c’était déjà ça de prit ! Les mains toujours agrippées à son guidon, guettant d’un oeil la piste de départ des courses alors que la foule acclamait le retour des coureurs, il lâcha. « Ça n’est pas réciproque et tu as faux sur toute la ligne ! » Bien avant son « côté cool » ou « mal luné », c’était pour ses exploits en Quidditch que les femmes étaient attirées par lui. Probablement aidé par sa belle gueule. A Poudlard comme après, Hell avait collectionné les aventures, aucune demoiselle ne prenant vraiment le temps de percer sa carapace d’homme bourru. Seul Anjelica avait fait cet effort, seule elle avait eu ce privilège. Probablement car elle se désintéressait complètement du Quidditch et avait pris le temps d’apprendre à le connaître. Un effort que les autres n’étaient pas prête à faire. L’avantage et en même temps le revers de la médaille à être connu. Le gamin avait donc tout faux sur ce point là.

« Un conseil, trouve-toi un nouveau passe-temps, va poser tes questions à ceux dont ta présence ne leur donnera pas de l’urticaire et peut-être que t’auras des réponses… » Suggéra-t-il avant de tourner légèrement la tête en direction de la piste de départ alors que son surnom « Hell » venait d’être appelé par un sort de mégaphone avec les trois autres participants pour la nouvelle course. « En attendant moi j’ai une autre course à laquelle participer qui va débuter. Au plaisir de ne plus jamais revoir ta gueule, gamin. » Lâcha-t-il sans afficher la moindre once d’émotions sur ses traits au naturel fermé. Il n’avait plus de temps à perdre avec ce gosse insupportable à l’assurance aussi infecte qu’une dragée de Bertie Crochue au goût vomi. Grâce à un sortilège informulé et dans un vrombissement tonitruant, sa bécane redémarra en décollant du sol alors qu’à quelques mètres les coureurs de la prochaine course commençaient à se masser près de la ligne d’arrivée. Il rejoignit donc cette dernière, ses lunettes de vol revenant prendre position sur ses prunelles azurées afin de vivre cette envolée dans les meilleures conditions.