La déception se lisait clairement dans le regard de Ludovick Selwyn, l’homme qui avait à peine 21 ans se tenait dans le fond de la chambre en compagnie de la sage-femme qui avait assisté l’accouchement. Tout s’était merveilleusement bien déroulé et Mme Selwyn se portait comme un charme. En effet Ludovick pouvait voir Lucie cajoler la petite chose gémissante qu’elle venait de mettre au monde. Il soupira, ce n’était pourtant pas si compliqué, un fils comme premier enfant, ensuite peu lui importait… Les filles étaient bonnes à créer des liens avec d’autres familles influentes de sang pur, ça Ludovick ne pouvait le nier, mais il aurait tant aimé avoir un fils dès le départ, aucune mauvaise surprise que l’aîné fasse des siennes en réclamant son droit d’aînesse s’il était un garçon. Il devrait faire avec donc, il était bien sorcier, mais la magie ne pouvait pas arranger certains désagréments comme celui-ci.

Mr Selwyn s’approcha de sa femme et posa sa main droite sur sa tête, geste affectueux que Lucie prit avec soulagement. La jeune femme de dix-neuf ans découvrit le petit être qui s’était endormi contre elle pour le montrer à son mari, celui-ci sourit faiblement, mais sourit tout de même. Il aurait un garçon plus tard voilà tout, cette enfant n’était pas un fiasco, elle portera le nom des Selwyn avec honneur et sera mariée à une noble famille de sang pur.


Je grandis, de poupon je devins une enfant, suivant mes parents dans les soirées mondaines du monde des sorciers dès que j’eus l’âge de marcher. Fillette souriante et bien élevée, je faisais le bonheur de ma mère qui me donnait tout l’amour qu’elle possédait. De mon père je subis une éducation ferme que je me fis un devoir de suivre sans me plaindre, je voulais le rendre fier et par quel autre moyen je pourrais y arriver sinon celui-ci. Je restais enfant unique jusqu’à mes sept ans, durant ces sept années mes parents se disputèrent régulièrement. Maman ne parvenant pas à tomber de nouveau enceinte ce qui frustrait Ludovick. Leurs cris me parvenaient clairement à l’étage là où se trouvait ma chambre et à chaque dispute mon père crachait ces reproches, une dispute sur deux il rajoutait que j’étais la cause d’une partie de ses problèmes… Si seulement j’étais un garçon, toutes ces disputes n’auraient pas lieu d’être. Ainsi dès que je sus lire je cherchais discrètement un moyen de devenir un garçon, feuilletant livre après livre de notre énorme bibliothèque à la recherche d’un moyen de satisfaire mon père et de le rendre fier. Je voulais tellement voir cette lueur de fierté dans ses yeux lorsqu’il me regarderait, mais je ne voyais qu’un froid distant à chaque fois que ses yeux se posaient sur moi.

Un jour alors que je venais d’avoir sept ans je dus me rendre à l’évidence que je ne pourrais pas devenir ce que je voulais. Je n’étais pas un métamorphomage et le polynectar n’était certes pas la solution. Ma mère était à nouveau enceinte, les disputes avaient cessé et mon père s’occupait d’elle avec toutes les plus belles attentions du monde, créant une atmosphère beaucoup plus détendue dans le manoir familial. J’en venais presque à éprouver de l’affection pour mon paternel, le voir comment il s’occupait de maman me rendait heureuse. Certes il ne me lâchait pas d’une semelle au niveau de mon éducation et jamais je ne l’avais vu m’adresser ne serait-ce qu’un sourire, mais ma mère rayonnait et cela comptait énormément pour moi.

La naissance de Nathan créa une tout autre atmosphère dans le manoir, tout y était plus léger. Ludovick s’était découvert une patience nouvelle pour tout, homme habituellement très dur et distant il lui arrivait maintenant de me permettre de choisir la matière lors de mon apprentissage. Il lui arrivait même d’écourter la séance lorsque je répondais bien à ses questions!
Lucie rayonnait, les disputes avaient complètement disparu et même si elle donnait beaucoup d’attention à Nathan jamais elle ne me laissait de côté, me permettant même de m’occuper de mon frère. Depuis sa naissance, la vie semblait beaucoup plus légère. J’aurais pu ressentir de la jalousie envers Nathan, mais j’en étais tout simplement incapable, je me sentais responsable de lui, j’étais sa grande sœur après tout et j’allais être là pour lui… pour toujours.

Puis j’eus onze ans, l’année tant attendue où j’allais enfin faire mon entrée à Poudlard. C’est à la gare, juste avant de prendre le train que je me souviens avoir eu une marque d’affection de mon père pour la première fois. Il s’était agenouillé pour être à ma hauteur, Ludovick étant un homme plutôt grand et moi une jeune fille petite pour mon âge. Il posa son regard acier dans le mien, me forçant à soutenir ce regard si imposant. Puis je lâchais un petit cri d’étonnement, il m’avait pris dans ses bras, je n’eus pas le temps de répondre à cette étreinte car elle ne dura qu’un court instant, déjà mon père s’était relevé et avait pris le chemin du retour, je le regardais avec étonnement quitter la gare par le passage, un mélange de joie et de stupeur tourbillonnait à l’intérieur de mon cœur.
Je fus sorti de ma stupeur par Lucie qui s’était penchée à son tour, le visage souriant. Je me souviens de mon petit frère, en larmes car ont ne se reverraient qu’aux vacances de Noël. Les derniers aux revoir échangés je montais dans le train, agitant ma main par la fenêtre ouverte de ma cabine et envoyant des baisers à Nathan.


Dès mon entrée à Poudlard je fus entrainée dans un cercle d’amis de sang pur, les mêmes enfants que je côtoyais déjà lors des soirées mondaines, nos maisons d’appartenances comptaient peu, bien sûr l’éternelle rivalité entre les serpentards et les gryffondors restait bien présente, mais la plupart du temps nous nous entendions bien. Moi je fus envoyée dans la même maison que mon père, soit serdaigle. Lors d’une lettre où j’annonçais à mes parents ma maison, ma mère me fit part que mon père était fier… Jamais je n’ai su s’il l’avait été vraiment ou Lucie avait pris la liberté d’écrire à sa place, mais je garde encore cette lettre dans ma boîte à souvenirs… Un des rares moments où mon père fut fier de moi.

Ainsi je passais mes sept années à Poudlard sans encombre, mes notes étaient presque toujours parfaites et je réussi mes buses avec mention optimale. Lors de ma cinquième année lorsque j’eus le résultat de mes buses mon père m’écrit personnellement une lettre et pour la deuxième fois de ma vie Ludovick Selwyn fut fier de sa fille.
Lors de mes études je fus également membre du club de duel, club dans lequel je me démarquais par mon agilité et ma grande connaissance des sortilèges offensifs.
Je terminais mes études à Poudlard sans encombre et rentrais à la demeure familiale où je fus exhibée par mon père dans les soirées mondaines, cherchant à me fiancer à un jeune homme de bonne famille. Moi je voulais faire carrière, je fis donc mon entrée au ministère, commençant en bas de l’échelle, mais je pris une pause de mon travail lors de mon entrée à l’université en 2009, choisissant comme cursus la médiation magique.

En 2006 mon père réussi à me fiancer. Je connaissais de nom et de réputation le jeune homme en question, mais malgré cela la curiosité prit le dessus sur l’appréhension et j’acceptais la proposition. Sans entrer dans les détails, notre relation prit fin le 14 février 2007, soit deux jours avant la fête de Nathan et le comble le jour de la St-Valentin.
Ce fut ma seule véritable relation, bien sûr j’ai eu quelques fréquentations, mais rien de véritablement sérieux et depuis la fin de mes études universitaires en 2012 je suis retournée au ministère et après un travail des plus acharné je suis devenue après quelques années directrice du département de la coopération magique. Ma rupture me permit de me jeter corps et âme dans mon travail, je suis devenue plus sûre de moi. Ainsi Ludovick et moi avons à chaque repas de famille la même discussion se terminant en engueulade sur de future fiançailles, je ne ressens plus le besoin de rendre fier mon paternel, mon frère est maintenant là pour sa! Je veux moi-même choisir de mon avenir et surtout je ne veux pas devenir une mère au foyer comme ma mère même si je l’aime de tout mon cœur, je préfère nettement me consacrer à ma carrière.

Aujourd’hui on me retrouve principalement dans les soirées mondaines et au ministère, dirigeant mon département d’une main de fer dans un gant de velours et jouant de temps à autre de mes atouts pour ne pas rentrer seule la nuit venue.