Violet, pour la couleur des hématomes qui ornaient ton corps quand tu étais gosse. Le vieux Selwyn – ainsi surnommais-tu ton grand-père même si tu n'aurais pas eu l'audace de le lui dire en face – te frappait. Pas une fois par hasard, pas pour t'avertir quand tu dépassais les bornes, mais régulièrement parce que tu représentais tout ce qu'il haïssait. Tes cheveux longs, lisses et fins, associés à une carrure filiforme te donnaient une allure féminine quand il aurait souhaité que l'aîné de ses petits-fils soit un modèle de virilité, tes yeux clairs rappelaient sans cesse tes origines danoises et la pauvreté de ta famille maternelle qui, bien que sang-pur, était surtout composée de pêcheurs sur l'île de Bornholm quand il n'y avait rien de plus précieux au monde pour lui que la richesse et le pouvoir. Il avait prévu pour ton père un mariage fastueux avec une lignée puissante avant que tu ne viennes tout gâcher en arrivant au monde – tu connaissais l'histoire par cœur. Celle de la rencontre entre ta mère et ton père dans un bal où on avait invité la première par charité, parce qu'elle était sang-pur malgré la pauvreté de sa lignée. Celle de l'entente entre ces deux jeunes, elle de seize ans et lui de dix-sept, entente qui s'était prolongée de façon épistolaire puis physique durant les vacances scolaires et qui avait conduit à ta conception. Celle de la déception de ton sexe parce qu'on aurait pu te noyer et te prétendre mort-né si tu étais venu en tant que fille mais qu'on avait dû te garder puisque tu étais arrivé garçon et qu'on ne pouvait pas se permettre de manquer un héritier mâle dans les familles de sang-pur, même bâtard. Le résultat des courses se baladait dans les couloirs d'une des demeures Selwyn avec un œil au beurre noir, la lèvre inférieure fendue et des cicatrices dans le dos, soigneusement camouflées par des chemises taillées dans les plus belles étoffes. Tes grands-parents maternels étaient plus doux et tu n'aurais rien souhaité de plus au monde que de vivre avec eux, mais ta mère avait refusé, principalement parce que tu étais Selwyn et que tu devais apprendre à suivre les enseignements de cette famille que tu devrais honorer et représenter une fois adulte, d'autre part parce qu'elle ne souhaitait pas que tu connaisses la pauvreté dont elle avait été affublée toute son enfance. Tu n'étais pas certain, d'ailleurs, qu'elle connaisse les violences que tu subissais puisque tu entendais parfois ton grand-père justifier les marques sur ton visage par des chutes ou des accidents dus au caractère casse-cou des garçons lors des rares fois où elle venait te rendre visite. Tu ne bronchais pas. Trimballé entre la violence du côté de tes grands-parents et l'indifférence du côté de tes parents, tu avais pris l'habitude de te murer dans le silence et de ne jamais contredire les adultes. Ton avis n'avait pas d'importance. Toi-même n'avait pas d'importance. En dehors des instants où tu te plongeais dans la lecture et grâce à laquelle tu parvenais à t'évader, tu avais le sentiment d'être une coquille vide, sans réelles émotions ni sentiments. Plus jeune, jusqu'à tes cinq ans environ, tu recherchais l'approbation et l'affection des adultes, mais tu n'y étais jamais vraiment parvenu. Il n'y avait que la violence. Des sons de claquement, associés à des brûlures qui déchiraient ta peau. Un jour, l'année de tes cinq ans donc, il y en eu un de trop. Et tu ne ressentis plus rien envers les gens.

Indigo, comme les motifs en relief de la couverture de l'un des nombreux livres traitant des arts sombres présents dans la bibliothèque familiale. Très tôt, tu as pris l'habitude de passer le temps en compagnie des livres, pour éviter les coups d'abord, parce que la compagnie humaine ne t'intéressait plus ensuite, une fois ta rupture mentale et ton dénuement d'émotions survenu. Les livres au moins, ne te blessaient pas. Contrairement à tes grands-parents qui t'humiliaient et te frappaient. Contrairement à tes parents qui t'ignoraient et ne s'occupaient pas de toi. Le seul moment que tu étais sûr d'avoir passé en leur compagnie était le jour de ta venue au monde, mais cela n'avait sûrement pas duré. Ton père venait de finir ses études et se plongeait dans le travail pour se faire bien voir dès le début dans le but de gravir rapidement les échelons, ta mère avait encore une année à passer au collège – ce qui ne changerait pas une fois diplômée parce qu'elle ferait connaissance avec le luxe après son mariage. Entrant dans le monde de puissance ou l'argent domine et ne fait jamais défaut, elle s'abandonna totalement aux bals, aux fêtes, aux soirées et préféra se concentrer sur ses activités de richissime maîtresse de maison plutôt que de s'attarder sur l'instinct maternel. Ni l'un ni l'autre n'ayant donc le temps et encore moins l'envie de s'occuper de toi, ils avaient délégué à ta lignée paternelle et tes grands-parents avaient eux-mêmes délégué, en partie à une nourrice, en partie à ta tante Margaret qui avait neuf ans de plus que toi, pour lui apprendre à s'occuper d'enfants en vue de la préparer à son futur rôle d'épouse digne de ce nom, avant qu'elle n'entre à Poudlard. Ludovick, ton oncle qui avait treize ans de plus que toi, intervint aussi à sa manière pour ton éducation, quoique plus tardivement puisqu'il n'aurait pas été convenable qu'il s'occupe d'un bambin encore en langes ; tu appris à lire au contact de ses parchemins et livres d'études lorsqu'il revenait en vacances du collège et qu'il se concentrait sur une matière, tu t'occupais de déchiffrer les écrits d'une autre avec l'aide de Margaret, tant bien que mal au début puis avec davantage de facilité au fur et à mesure des mois qui s'écoulaient, dès tes trois ou quatre ans. En quittant le domaine pour son mariage quelques années plus tard, il les laissa derrière lui et tu en profitas ainsi que de ceux de Margaret pour continuer à t'instruire seul de ton côté, aucun de tes grands-parents ne faisant pas grand cas de ton éducation et jugeant inutile de faire la dépense d'un précepteur pour celui qu'ils considéraient encore comme un bâtard malgré le mariage de tes parents entre temps d'une part et puisque tu semblais t'en sortir toi-même d'autre part. Il faut dire que tu n'avais pas grand-chose d'autre à faire dans cet immense manoir ; en dehors de recevoir des coups et des punitions, tu pouvais passer tes journées uniquement à te promener dans le domaine ou à lire et écrire.
Tu choisis les secondes options parce que durant les premières années de ta vie, vous habitiez en ville en bordure de Londres et bien que ce ne soit pas dans la métropole en elle-même et que le domaine ne se contentait évidemment pas d'un simple jardin de quelques ares, il était assez peu imposant comparé à d'autres que tu avais pu apercevoir lors de réunions de sang-pur. Cela n'avait pourtant guère d'importance parce que ta lignée possédait de nombreux domaines, parfois même dans des pays étrangers, qui servaient principalement pour les voyages ou les vacances, mais tu n'y étais que rarement invité ; on te laissait plus souvent avec les elfes et ta nourrice parce que tu étais trop jeune pour paraître en société, ta connaissance du monde se limitait donc principalement au domaine Londonien. Tu en faisais assez vite le tour au point de le connaître presque par cœur au fil des années et préférait donc t'enfermer dans la bibliothèque à longueur de temps par la suite – les connaissances apportées par les livres, elles, ne semblant jamais se tarir et présentant constamment de nouvelles découvertes. Et puis l'idée revenait toujours que les livres, contrairement aux gens qui t'entouraient, ne te blesseraient jamais. Certes, tu pouvais compter sur Margaret, lorsqu'elle revenait en vacances de Poudlard, malgré le départ de Ludovick, mais elle n'était ni ta mère ni ta sœur aînée et il te semblait souvent qu'elle te portait plus un vague intérêt mêlé de pitié face aux traitements qu'on t'infligeait qu'une véritable affection. Peut-être n'était-ce cependant que la surface de ta propre incapacité à ressentir des émotions envers les autres, tu n'en savais rien. Dès l'instant ou tu cessa d'éprouver de l'intérêt envers les autres, il te sembla malgré ton jeune âge que les moments ou tu avais pu autrefois en ressentir étaient flous, lointains, primaires comme s'ils s'étaient déroulés des mois voire des années en arrière. Et cela dura deux ans.

Bleu, comme la couleur observée pour les yeux de la plupart des nouveau-nés caucasiens à la naissance. Naya ne fit pas exception à la règle et ce fut au moment ou ton regard clair croisa le reflet de ses yeux bleus océans que ta vie prit un tournant définitif. Elle venait de naître, l'année de tes sept ans, alors que tu n'éprouvais plus aucun intérêt pour les autres depuis deux ans déjà. Tes grands-parents vinrent voir l'enfant par politesse, quoiqu'ils auraient préféré qu'elle soit un garçon pour assurer la pérennité de la lignée de Ludovick – contrairement à toi qu'ils auraient préféré voir naître fille – mais ce dernier avait simplement haussé les épaules, déclarant qu'il aura l'occasion d'avoir un fils plus tard. Pour ta part, cousin ou cousine t'importait peu et tu ne fis pas grand cas du bébé les premiers instants, préférant te concentrer sur un livre que tu lisais tranquillement, assis sur la chaise près du bureau style secrétaire de la chambre. Il fallut que Lucie t'interpelle avec douceur, te demandant si tu ne voulais pas toi aussi venir voir ta cousine de plus près, pour que tu te décide à te rapprocher de ce petit être inconnu que tu n'avais pas, au premier abord, spécialement envie de connaître et qui ne t'attirait pas plus que le reste du commun des mortels. Ne tenant pas à désobéir, tu t'étais exécuté malgré tout et t'étais vaguement assis sur le lit dans l'intention d'y rester le moins longtemps possible… Une poignée de secondes à peine. L'instant après, le poupon avait accroché ton attention et tu rectifia ta position pour t'asseoir normalement, ton regard intrigué observant la petite fille. Posant ton index droit avec une douceur dont tu n'avais plus fait preuve envers autre chose que les pages des livres depuis deux ans, tu effleuras sa peau délicate en faisant attention de ne pas trop appuyer pour la blesser. Et la demande vint, naturellement, sans que tu n'ai le temps de l'empêcher de s'échapper d'entre tes lèvres. Est-ce que je peux la prendre dans mes bras ? Lucie sembla surprise mais acquiesça après un bref instant d'hésitation. Elle te fit corriger la position de tes bras pour former une sorte de demi-cercle, dans lequel elle fit glisser délicatement la petite Naya et tu resta là, silencieux, observateur, presque solennel devant ce petit être. Sans même que tu ne t'en rende compte, tes lèvres s'étirèrent doucement dans un sourire, ton corps sembla se remplir d'une chaleur étrange, celle que tu n'avais plus ressenti depuis deux ans. Il te faudrait des années pour mettre un mot sur la sensation que tu ressentis à ce moment précis, quoiqu'aujourd'hui encore tu ne sois pas sûr de pouvoir réellement bien l'expliquer ; un sentiment mêlé de bienveillance et de tendresse, d'envie de protéger cette petite poupée qui semblait à la fois on ne peut plus forte et on ne peut plus fragile, que tu n'avais jamais ressenti envers personne et que personne, excepté peut-être Margaret, n'avait sans doute jamais ressenti envers toi. Tu en aurais presque tremblé tant la chaleur qui se répandait dans ton cœur à ce moment précis t'avais rendu fébrile. Et la décision s'imposa d'elle-même dans ton crâne d'enfant de sept ans : tu voulais passer ta vie à protéger les autres, les plus faibles comme le semblait Naya à cet instant, surtout. Tu ne savais pas encore dans quelle branche, mais tu te résolus à faire un métier utile, altruiste. Encore troublé par ce contact étrange, qui avait fait voler en éclat tout le négatif dû au peu de vie que tu avais déjà passé sur cette terre, cinq ans de souffrance et deux d'instabilité émotionnelle, tu réagis à peine lorsque Ludovick puis tes grands-parents t'interpellèrent et il fallu que le vieux s'avance, attrapant le col de ta chemise dans un geste menaçant, pour que tu réagisse. Tu jetas alors un dernier regard curieux à Naya, cherchant encore à comprendre le contact qui venait de se produire et tout ce qu'elle venait de déclencher de positif en toi, puis la remis doucement dans les bras de sa mère.

Vert, à l'égal du blason des Serpentards que tu aurais normalement du porter et que la plupart des enfants que tu croisas durant les derniers bals de l'été 1991, organisés par des familles présentant une dernière fois les garçons avant leur entrée à Poudlard, étaient destinés à revêtir sous peu. Mais tu ne vivais plus au Royaume-Uni depuis deux ans, n'y venant plus que pour certaines vacances à la demande expresse du vieux Selwyn, et tu reçus donc une lettre de l'académie Durmstrang plutôt que de Poudlard. Drago Malefoy en sembla presque jaloux lorsque tu la montras aux enfants de la société de sang-pur, parce que son père avait souhaité l'envoyer là-bas également mais que Narcissa s'y était apparemment opposée, jugeant le collège trop loin et préférant garder son fils dans les parages. Il chercha à te déstabiliser une partie de cette soirée, appuyant sur le fait qu'on t'envoyait dans cette école nordique pour se débarrasser de toi en t'exilant, mais tu n'y accorda pas d'importance. Tu n'accordais de toute façon pas trop d'importance aux Malefoy dans leur ensemble, préférant passer du temps avec Théodore Nott ou d'autres futurs étudiants de famille aussi purs mais moins prétentieux – le seul vague intérêt que tu pouvais leur porter était du aux cheveux longs de Lucius qui se raccordaient aux tiens et te servaient de prétexte lorsque ton grand-père souhaitait faire couper les tiens trop courts, jugeant que leur descente au niveau de tes omoplates te donnaient une allure trop efféminée. On avait commencé à t'introduire à la société magique l'année de tes huit ans, à commencer par une visite dans la famille Lestrange dont le jeune héritier, Apollon, semblait prometteur, autant qu'il puisse l'être en ayant trois ans de moins que toi toutefois. Mais tu tâchais de ne pas te lier. Tu préférais ne pas te créer d'attaches puisque tu savais que tu n'étudierais pas au même endroit qu'eux et que tu ne les reverrais que durant quelques vacances lors des années à venir.. Tu te contentais de passer du temps avec Ludovick, qui te faisait parfois venir quelques jours chez lui pour passer du temps parce que sa femme ne parvenait pas à lui donner le garçon qu'il attendait tant, et avec Naya au passage, mais tu n'avais plus de nouvelles de Margaret. On l'avait mariée peu après sa sortie de Poudlard à un type que tu n'avais jamais pu voir et qui n'avait probablement d'intérêt dans cette union que le fait d'avoir un pied à terre en Angleterre, puisque tes grands-parents avaient cédé le domaine Londonien en guise d'une partie de la dot et que vous aviez déménage depuis dans une autre de leurs demeures, en Ecosse. Tu n'avais vu Thorfinn Towsen que rarement, parce que tu ne l'approchais pas dans les réunions de sang-pur si Margaret n'y était pas et qu'à l'époque des jours précédant le mariage, quand il venait chez vous pour fréquenter sa future épouse, on t'envoyait voir ailleurs parce que tu n'avais pas besoin de connaître les détails matrimoniaux qui se décidaient entre adultes.
Une seule fois tu lui avais adressé la parole quand tu avais neuf ans, à un moment où il était entré dans la Bibliothèque en compagnie de ton grand-père –  heureusement parce que tu en serais venu à penser que Thorfinn s'était perdu autrement, tant il n'avait pas l'air d'un type féru de lecture – qui lui faisait visiter le manoir de ville Londonien promis en guise de dot avant que vous n'en déménagiez. Tu avais arqué les sourcils, observant l'homme avec une sorte de complaisance mêlée d'impertinence malgré ton jeune âge – tu le plaignais plus que tu ne le méprisais, cependant, lui qui avait l'air d'un fils à papa et ne semblait posséder que l'héritage et la puissance de sa lignée pour avancer dans la vie, mais qu'est-ce qu'un Nom et une fortune sans aucune once d'intelligence ? Notre Bibliothèque donc. Enfin maintenant la vôtre et celles de vos futurs enfants. avait murmurré rapidement ton grand-père. Tu avais arqué les sourcils, camouflant derrière une revue sur les animaux fantastiques le sourire narquois qui s'était dessiné sur ton visage en observant Thorfinn hausser les épaules en découvrant le lieu sans prononcer un mot – au moins semblait-il avoir la décence de se taire pour ne pas s'enfoncer davantage. Le pire chez les imbéciles, c'est qu'ils ne peuvent parfois pas s'empêcher de l'ouvrir avais-tu déjà entendu dire. Vous pouvez toucher les livres. Ils ne vont pas vous mordre. La ferme, Heimdall. Personne ne t'a demandé ton avis. Ce fut à ton tour de hausser les épaules, pouffant de rire malgré tout. On dit que certains idiots se vengent sur les autres en tentant de les humilier et de les rabaisser. Vous avez l'air vraiment peu instruit, mais est-ce que vous êtes cruel ? Il avait tourné son regard vers toi, t'accordant de l'importance pour la première fois depuis les quelques temps qu'il était fiancé avec ta tante. Je… Tu ne l'avais pas laissé finir, fermant ta revue dans un mouvement sec. Si vous faites quoi que ce soit de mal à Margaret, je vous tuerais. Peut-être pas tout de suite, mais quand je serais adulte. C'était le vieux qui avait réagi en premier. Au moment ou tu prononçais tuerais il s'était brusquement avancé et à l'instant ou tu terminais ta seconde phrase, sa cane d'ornement s'abattait violemment en plein milieu de ton visage, te brisant le nez au passage. Le sang giclant était allé s'échouer sur le sol et les tranches de quelques livres. Il t'avait attrapé par les cheveux, t'arrachant du fauteuil dans lequel tu étais assis pour te jeter au sol et frapper. Longuement. Avec sa cane, ses pieds, puis ses poings et enfin sa ceinture. Quand il en eut fini avec toi, tu n'étais plus qu'une plaie vivante ensanglantée, la tête bourdonnante. Il t'avait relevé par la manche de ta chemise, t'envoyant valser contre une des nombreuses étagères de la bibliothèque. Tu ne pleurais pas – cela faisait longtemps, même si tu n'étais plus la coquille vide depuis que tu avais fait la connaissance de Naya – et tu avais largement pu apercevoir le regard satisfait, intéressé même par ce qui venait de se produire, de Thorfinn. Et tu en eu la certitude, ce type là était un sadique en plus d'être un primate dénué de cervelle. La vue du sang qui coulait de ton nez et de celui qui tâchait tes vêtements semblait lui procurer une euphorie intense. Tu eus une envie violente de céder directement à ta pulsion précédente et de te jeter sur lui pour tenter de l'étrangler malgré votre différence de force apparente – mais le vieux Selwyn étouffa cette tentative dans l'œuf, t'attrapant de nouveau et te jetant vers le futur marié. Mets-toi à genoux et demande pardon. C'est à ton futur oncle par alliance que tu viens de parler. Il fera partie de ta famille et on ne menace pas sa famille. Cela vaut aussi pour toi, aussi bâtard que tu puisse être. Tu avais refusé. Plutôt crever que de t'humilier devant ce type. Et crever, tu faillis bien le faire cette fois-là. Ton grand-père enragea définitivement devant ton obstination et recommence à te frapper, jusqu'à ce que tu t'évanouisses. Tu avais passé les jours suivants rongés par la fièvre, crachant du sang, vomissant tout ce que tu pouvais mais n'expulsant jamais ta haine envers le Towsen qui s'accrochait à rester en toi.
Alors dans les bals de sang-pur ou tu le croisa dans cette période estivale qui signait la fin de ton enfance, tu l'évitas soigneusement. Quand vos regards se croisaient par hasard lorsque l'un de vous deux balayait la foule du regard, tu tâchais pourtant de faire en sorte qu'il comprenne que tu n'oubliais pas, en concentrant toute la rage et la rancune possible dans tes yeux.
Cet évènement eut deux autres conséquences ; premièrement, on t'envoya dès que tu cessa de vomir et que la fièvre chuta chez ta famille maternelle pour achever ta convalescence. Ce furent les moments les plus heureux de ta vie, au grand air sur une île qui semblait infinie pour toi qui avait surtout connu la bordure d'une métropole jusqu'à présent. La sensation du vent marin dans tes cheveux, les effluves des herbes et des arbres, la rudesse des rochers des falaises sur lesquelles tu grimpais avec tes cousins et oncles même et desquelles vous vous jetiez parfois dans un lac, tout te semblait enchanté et fantastique. Elle est sûrement là, la raison pour laquelle une fois de retour en Royaume-Uni à l'âge adulte, tu t'es offert un domaine sur l'île de Skye, pour retrouver cette sensation de liberté pure qui te donnait la sensation d'un bonheur éternel. Mais au temps de ton enfance, tout avait une fin même la liesse la plus extrême ressentie durant ces quatre mois. Tes hématomes se résorbèrent, tes cicatrices se refermèrent et le temps du retour au Royaume-Uni qui aurait du arriver ne vint pas. Ce fut la seconde conséquence. S'il ne cessa pas de te frapper et de te mépriser dans les années suivantes lorsque tu venais en vacances chez lui, ton grand-père semblait vouloir se faire plus ou moins pardonner d'un accès de violence trop mal dominé et te laissa demeurer au Danemark jusqu'à ce que tu reçoive ta lettre de Durmstrang, ne te réclamant que pour les vacances d'été et de fin d'année qui étaient celles ou le plus de réunions de sang-pur étaient organisées. Il alla même plus loin, envoyant là-bas un précepteur pour les dix-huit mois précédant ton entrée au collège. En cet été 1991 donc, tu en savais autant que les autres sur bien des domaines, notamment les langues étrangères qui étaient la chose la plus difficile à apprendre seul.

Jaune pour le fond doré de l'emblème du MACUSA ou tu commenças à travailler à dix-neuf ans. Après la guerre, tu t'étais éclipsé vis à vis de ta famille, principalement parce que tu avais aidé les Aurors à traquer les Mangemorts en fuite après la bataille de Poudlard même si tu l'avais fait secrètement. Tu n'avais pas dénoncé tes proches pour autant ; les menaces répétées du vieux au sujet du respect sur la famille avaient fait leur effet mais tu n'avais de toute façon pas le cœur à les vendre. Tu préférais en partie couper les ponts. Tes années scolaires s'étaient déroulées avec brio et tu sortais de Durmstrang avec un dossier scolaire presque parfait. Ton intérêt pour la magie noire s'était développé au plaisir de ton grand-père, qui n'en savait pourtant pas la véritable raison ; tu voulais surtout la connaître pour mieux la combattre. Tu cachas si bien cette motivation secrète qu'il finit par vouloir t'enseigner la légilimencie dès tes treize ans, en te faisant t'entraîner sur des enfants ou adultes affaiblis, mais tu n'y parvins pas à l'époque. Il l'accepta plus ou moins, d'autres pratiques de la magie noires te posant moins de problèmes à réaliser et compensant ton échec sur ce plan et corsa les choses au fil des ans.
En quatrième année, tu eus l'occasion de visiter Poudlard durant plusieurs mois, à l'occasion du tournoi des trois sorciers – Karkaroff avait tenu à t'emmener avec la délégation parce que ta maîtrise de l'anglais pouvait être utile à certains de tes camarades. Tu en étais heureux, intrigué de découvrir le lieu ou tes cousins feraient leurs études un jour. En effet, d'autres enfants étaient nés depuis. Margaret donna naissance à Tobias en 1992 puis à Amber en 1999, quelques mois après ton départ pour les Amériques. Dieter, ton petit frère, vit le jour la même année que Tobias et Nathan, le fils tant attendu par Ludovick, vint les rejoindre trois ans plus tard. Tu continuais d'écrire à une partie de ta famille malgré ton exil. Naya et Ludovick répondaient régulièrement à tes courriers, parfois en y joignant des dessins ou des mots maladroitement tracés puis de plus en plus assurés du petit Nathan, de même que Dieter qui calligraphiait de son mieux pour te répondre. De Margaret en revanche, tu n'avais plus aucune nouvelle. Les premiers temps, tu écrivais dès que tu le pouvais puis tu espaça tes courriers aux occasions spéciales en ne recevant aucune réponse, réfléchissant que son mari lui interdisait probablement de les lire. Tu finis au fil des années qui défilaient par ne plus écrire qu'à Noël et au nouvel an, en espérant que tes courriers se mêleraient aux vœux adressés par d'autres familles et qu'ils échapperaient à la haine que Thorfinn te vouait, mais même avec cela ni les parchemins adressées à Margaret ni les cadeaux envoyés à ses deux enfants n'eurent jamais de retour. Et puis, quelques années plus tard, tu eus tes propres enfants et tu te soucia moins du passé pour construire leur avenir même si tu continuais de correspondre, ou de tenter de le faire pour Margaret.
Avoir des enfants. C'était peut-être la seule chose pour laquelle tu avais eu du mal avec Emma, bien plus que pour le mariage. Tu avais eu mal aussi sur ce point parce que tu n'y croyais pas vraiment en ayant vu l'échec de celui de tes parents mais tu avais accepté pour la rendre heureuse. Les enfants étaient la suite logique mais ton mental s'y était longtemps opposé, parce que tu ne voulais pas reproduire sur eux les violences que tu avais subies. Et puis au bout de quatre ans, tu avais cédé. L'arrondissement croissant de son ventre t'avait terrifié. Tu avais passé la majeure partie de sa grossesse à souffrir d'insomnies, à penser dans le noir et tenter de faire le point sur son passé, avec la même question qui se posait en boucle : qu'adviendrait-il si tu ne parvenait pas à aimer cet enfant à naître ?

Orange pour l'appréciation universelle de cette teinte, considérée par exemple comme sacrée en Inde ou signe de bonne santé et d'humilité au Tibet, notamment chez les Bouddhistes. Dans les années qui suivirent la mort d'Emma, tu eus l'occasion de découvrir, en voyageant à longueur de temps, les symboliques des nombreuses couleurs d'un pays à l'autre. S'il y avait énormément de variations de pensées pour pas mal de teintes, l'orange ressortait quasiment partout comme étant un signe positif. Les voyages te formèrent d'une nouvelle manière – tu restais lié au MACUSA mais tu te chargeais désormais des mandats internationaux, parce que tu ne supportais plus de rester à New York. Tes motivations vis à vis de ton métier étaient de toutes façons assez floues. Tu savais juste que tu voulais aider les gens en ralentissant la criminalité. Au début, tu t'étais formé en tant qu'Auror puis tu avais dérivé sur le métier de tireur délite de baguette magique parce tu considérais que le mal n'était pas forcément là ou on l'attendait et que les mages noirs n'étaient pas les seuls à commettre des atrocités. Et tu te retrouvais là, à devoir gérer les cas des pires dérangés – parce que ceux qui faisaient l'objet de mandats internationaux étaient évidemment loin d'être des agneaux. Cela ne te posait pas de problèmes pour autant, c'était même facile. Tu savais exactement ce que tu devais accomplir dans ton boulot – ta vie privée, par exemple, était bien plus angoissante à gérer. Tu t'en sortais mal avec les mômes, jamais violent mais toujours maladroit, porteur d'une affection incomplète et rarement démontrée. Tu ne parvenais même plus à te mettre en couple – tu te contentais de rencontre rapides, un soir, une semaine, et tu mettais les voiles. Bouger t'arrangeait bien. Cela t'évitait de te devoir te poser et faire le point sur tes pensées trop nombreuses.

Rouge comme la cire du cachet de la lettre d'admission pour Poudlard, que les gamins reçurent les uns après les autres. Ils auraient aussi bien pu aller à Mahoutokoro parce que tu avais passé pas mal de temps à apprendre la culture asiatique, où à Ouagadou vu le temps que tu avais passé en Afrique pour apprendre la magie sans baguette mais non. Tu avais préféré ne pas les trimballer avec toi, jugeant qu'ils étaient assez perturbés par le décès de leurs mères et n'étant toi même pas un modèle de stabilité émotionnelle, les confiant la plupart du temps à ton jeune frère au Royaume-Uni de manière à ce qu'ils vivent de façon stable pendant que tu jouais les nomades, même si tu leur écrivais et revenais les voir autant que possible. Rouge comme le sang qui coule en temps de guerre, aussi. Ce furent les deux raisons qui te poussèrent à te poser au Royaume-Uni pour une longue durée. Tu repris du service dans l'Ordre par rapport au Blood Circle, sans te cacher de ta famille cette fois. Tu transféras tes affiliations avec le MACUSA au ministère anglais pour de nouveau exercer dans un seul pays en tant que tireur d'élite. Tu retrouvas tes attaches de l'époque, principalement dans les soirées mondaines mais aussi au ministère pour Naya par exemple.
Tu ne savais pas quoi penser à l'époque et tu ne sais toujours pas trop maintenant. La stabilité n'a jamais été ton fort mais tu savais que cela ne serait pas éternel et que tu devrais te poser un jour. Tu aurais préféré que ce soit ailleurs que dans ce pays, mais tu as eu bien souvent l'occasion d'apprendre qu'on n'a pas toujours le choix.
Autant t'y faire et voir ce que l'avenir donnera.