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To make me feel this wayArrière boutique de Barjow & Beurk, Début février 2021 || ROXI VIII
Reportant la ligne du bon de commande sur le parchemin, Lexi appose ensuite sa signature sur celui-ci ainsi que son tampon de cheffe de service. Depuis la tenue du gala, Lexi ne regardait plus à la dépense, sachant qu’elle avait désormais les fonds nécessaires pour demander tout ce qu’elle nécessite pour continuer sa recherche. Le matériel médical, des fournitures pointues et spécifiques, ainsi que les ingrédients et potions nécessaires. Elle venait de tout consigner sur trois parchemins distincts selon le type de fournitures à commander. Levant sa baguette pour ensorceler les trois papiers à l’aide de sa baguette magique, seuls deux prennent finalement la direction du bureau de la comptabilité afin que le personnel puisse faire le nécessaire pour réapprovisionner les stocks et commander le matériel. Dans le creux de sa main, elle conserve la liste concernant les différents ingrédients qui commencent à manquer et elle la parcourt des yeux. Ses pensées se tournent vers Rory et la proposition qu’elle lui avait faite le jour du gala et une de ses mains vient trouver sa chevelure, pensive. Elle n’avait pas revu le fils Barjow depuis, cela faisait quelques jours maintenant. Sortant un autre parchemin pour lui écrire, Lexi se ravise en se levant soudainement. Elle range le parchemin dans son sac en cuir avec son attaché-case de recherche et quitte son bureau, se rendant dans les vestiaires. Ôtant sa blouse de médicomage, elle la pend dans son casier, passe son manteau pour quitter les lieux. Le bruit de ses pas résonne dans les couloirs sans que cela n’aide la jeune femme à y voir plus claire.

Aller chez Barjow & Beurk pour proposer à Rory un partenariat entre son étude et sa boutique n’est qu’un prétexte qu’elle se trouve pour ne pas s’avouer qu’elle avait envie de le voir. Étrangement, l’homme hantait de plus en plus ses pensées au point qu’il lui était difficile de demeurer totalement indifférente aux marques d’affections qu’il lui témoignait. Si Lexi n’avait jamais eu que faire des cadeaux ou des présents qu’on pouvait bien lui faire, préférant repousser ceux-ci afin de ne rien devoir à personne, elle avait pourtant accepté sans condition de retour ceux effectués par Rory. La somme d’argent qu’il avait généreusement donnée pour son étude avait touché Lexi et elle savait qu’elle lui était redevable, tout en sachant qu’elle n’oserait rien lui dire ; elle avait bien compris que c’était la raison de son mensonge lors de la soirée de charité et Lexi n’avait nullement envie de retomber dans un qui pro quo avec lui. Le deuxième présent, plus intime, Lexi ne le quitte plus. Ses doigts cherchent sans s’en rendre compte le tissu de soie dissimulé sous sa chemise blanche, vérifiant que le couteau papillon soit toujours bien en place. Cette attention là avait davantage troublée Lexi que la donation, plus formelle, moins personnelle. Savoir qu’il avait tenu à ce qu’elle soit confortable le jour du gala rendait Lexi reconnaissante. Grâce à lui, elle avait passé une belle soirée -si l’on oublie les quelques minutes où ils se sont fâchés- et elle s’était sentie à l’aise au milieu de tous ces gens qui ne cherchaient qu’à la faire tomber. Le monde de la recherche n’est pas épargné par la véhémence des détracteurs.

Quittant l’hôpital, elle transplane directement sur le Chemin de Traverse, plus précisément sur l’allée des Embrumes et entre directement dans la boutique de Barjow & Beurk. Quelques clients flânent entre les rayons mais Lexi ne s’attarde pas vraiment, passant directement au comptoir et appuyant rapidement sur la sonnette, prête à voir Rory débarquer à tout moment. Mais c’est le pas cliquetant de Beurk et de sa canne, qu’elle reconnaitrait entre mille, qui l’accueille. Lexi le connait mal mais disons qu’ils s’entendent. Bien cordialement serait probablement la formule de politesse qu’ils adjoindraient en fin de lettre s’ils avaient à s'écrire un jour. Mais la jeune femme sait qu’il est cher aux yeux de Rory, elle fera donc un effort d’amabilité, dans la mesure de ses possibilités, bien entendu. « Miss Fawley. » Elle répond : « Beurk. » C'est loupé pour l'amabilité. Elle rajoute un léger signe de tête pour tenter d'être plus sympathique. Mais nul besoin de davantage, elle entre directement dans le vif du sujet. De toute manière, il est fort probable que Beurk sache déjà ce qu’elle fait ici, ce n'est pas la première fois qu'elle demande ainsi après Rory. « Rory est là ? » Les yeux de Beurk la scrutent attentivement et il dit : « Monsieur Barjow est dans l'arrière-boutique. Je vais le prévenir de votre présence, je ne sais pas s’il est disponible tout de suite. » Lexi arque un sourcil et le fusille du regard alors qu'il la reprend sur Monsieur Barjow. Ravalant un commentaire sarcastique à son égard, elle le regarde s’éloigner et patiente, un nœud se formant étrangement dans le creux de son estomac. Rory a toujours du temps pour elle non ? Enfin… C’est ce qu’elle espère ? Réfutant cette idée, elle secoue la tête et desserre la ceinture de son manteau. Ses yeux se tournent vers Beurk lorsqu’il revient vers elle en lui faisant un signe de main. « Monsieur Barjow va vous recevoir. » Lexi lève les yeux au ciel et dit : « Merci pour votre sollicitude. » Veuillez agréer etc etc. Blablabla. Qu'est-ce qu'elle déteste faire cela, Beurk a de la chance qu'elle considère tant son associé.

Elle se dirige vers l’arrière-boutique et pousse la porte pour trouver Rory en pleine préparation laborantine. La tenue qu’il a enfilé ne laisse aucune place à l’interprétation avec sa blouse noire et sa paire de lunettes de protection scotchée sur son nez. Lexi a un bref mouvement de recul en le voyant ainsi, ne s’attendant pas du tout à le trouver ainsi puisqu’il avait accepté de la recevoir comme Beurk l’avait évoqué. Lexi avait imaginé qu’il faisait de la paperasse ou autre joyeuseté de ce genre. « Je te dérange ? » dit-elle sans faux-semblant. C’est inutile entre eux. « Je peux repasser plus tard si tu préfères. » Lexi avait en réalité plusieurs choses à évoquer avec lui et elle n’avait pas envie de le contrarier s’il était en plein milieu d’une expérience intéressante. D’ailleurs, que fait-il ? Travaille-t-il toujours sur son projet de e-bombs ? Lexi se rend compte qu’elle a tellement pris de place récemment avec ses inquiétudes concernant le gala qu’elle en avait oublié de s’enquérir des projets de son ami. Il allait falloir remédier à cela au détour de la conversation, si Rory avait effectivement du temps à lui consacrer maintenant, elle sait à quel point c’est frustrant d’être dérangé en pleine expérimentation. Elle patiente ainsi, attendant la réponse de cet homme dont elle apprécie de plus en plus la compagnie, comme s'il avait remué quelque chose en elle qu'elle n'oserait même pas formuler même en pensée.

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It's strange...Il y avait quelque chose de presque relaxant pour Rory dans le fait de passer des heures entières à préparer des potions et onguents. Tranquillement installé dans l’arrière boutique de Barjow & Beurk, seul, il s’affairait paisiblement à la tâche. Entre sélection d’ingrédients, préparations de ces derniers puis ajouts progressifs dans les chaudrons fumants… C’était son instant méditatif à lui. Des gestes qu’il connaissait par coeur, qui lui vidaient la tête et lui évitaient de voir ses pensées partir dans tous les sens. Un avantage de taille compte tenu de tout ce qui se passait actuellement dans son existence. Entre ces différents projets professionnels plus ou moins secrets qu’on lui confiait, la situation au manoir avec sa jeune soeur qu’il gardait toujours à l’oeil, l'annonce du mariage d’Harper et Abi qui le chiffonnait surtout à cause de sa conversation tumultueuse avec cette dernière et le flou artistique de son « amitié » avec Lexi. Un beau bordel atténué par la préparation massive de potions. Il n’avait qu’à se mettre en mode pilote automatique et se laisser porter par le mouvement. Raison principale pour laquelle il avait opté pour les potions et non les enchantements ce matin à son arrivée dans la boutique.

Exit le costume et bonjour les fringues plus simples à l’aspect grunge. Rory déposa son blouson en cuir dans son casier et récupéra sa veste d’expérimentations noire qu’il enfila par dessus son tee-shirt ainsi que sa paire de lunettes de protection. Au programme du jour : veritaserums, potions d’amnésie et d’oeil vif. Hors de question donc que les ingrédients puissent malencontreusement l’atteindre. Par rituels, l’héritier Barjow sélectionna la lame dont il allait se servir pour préparer ses différents ingrédients puis d’un coup de baguette installa le matériel. Chaudrons, fioles, herbes séchées, concoctions… Tout prit place doucement sur une extrémité de la puissante table centrale de son atelier. Il était temps de se mettre au travail.
Sérieux et méticuleux, les gestes de Rory étaient précis, sachant exactement quoi faire, comment et pourquoi. Le monde autour de lui pouvait bien s’écrouler qu’il ne le remarquerait pas tant il était concentré à la tâche, exécutant ce balais millimétré de la préparation de ses potions. Un exercice qui occupait tellement son esprit que bien souvent il ne voyait pas le temps passer et n’avait même pas conscience qu’on pouvait lui parler. C’est exactement ce qui se produisit aujourd’hui. Alors qu’il travaillait depuis maintenant plus de six heures sur ses préparations, ayant déjà rempli huit cartons entiers de fioles de potions d’amnésie, Rory attaquait les veritaserums. Plongé dans ses calculs de dosages, l’héritier Barjow n’entendit pas le son si doucement familier de la canne de son acolyte de toujours sur le sol pavé de l’atelier. Ce fut le contact de sa main sur son épaule qui le fit sursauter lui extirpant au passage un juron. « Putain mais tu pourrais prévenir ! J’ai failli me couper un doigt. » Grogna-t-il sans ménagement en déportant ses prunelles courroucées vers Beurk. Ce dernier eut pour simple réaction un léger haussement de sourcil accompagné d’un petit sourire narquois avant de prendre la parole. « Comme je disais : ton amie est encore là. » Face à l’incompréhension clairement affichée par Rory, il jugea bon de préciser. « Fawley ! Elle te réclame. Une fois de plus. » Pris entre deux eaux, les prunelles sombres de l’héritier Barjow quittèrent celles azurées de son comparse pour examiner les préparations qui mijotaient tranquillement, un dernier chaudron attendant les ingrédients qu’il était en train de couper. « Qu’est-ce qu’elle veut ? » Demanda-t-il alors en coupant à nouveau les herbes présentes face à lui. « Qu'est-ce que j'en sais moi, vois-ça directement avec elle. Je te l’envoie. La prochaine fois c’est toi qui ira l’attendre au comptoir. » Alors que Beurk repartait déjà vers la boutique, Rory ne put s’empêcher de lui lâcher, incapable de se défaire de leurs taquineries mutuelles. « Soit pas jaloux va, j’y peux rien si je suis plus populaire que toi au près de ces demoiselles. » Une pique de plus dans leur petit jeu.

A présent en partie concentré dans son travail, il était en train de verser les herbes ciselées dans l’eau frémissante du chaudron quand Lexi pénétra dans la pièce. Sa question lui fit relever la tête et il s’empressa alors de lui répondre après qu’elle évoqua le fait de repasser plus tard. « Non non, je finis juste ce chaudron et je suis à toi. » Dit-il en essuyant la lame sur un pan de sa blouse noire déjà tâchée ici et là par quelques extraits de concoctions. « Installe toi, j’en ai pour cinq minutes pas plus et après c’est bon. » D’un simple geste de menton il lui désigna un des tabourets à l’autre extrémité de la table tout en prenant une plume de Jorbarbille avec délicatesse. Il plongea cette dernière dans le chaudron puis d’un geste de baguette appliqua un lent mouvement perpétuel au liquide. Tandis qu'il prenait progressivement une couleur noire, Rory se saisit de deux nouvelles fioles dont il versa l’entièreté dans la préparation tout en murmurant de nouvelles formules magiques jusqu’à ce que la potion en préparation ne devienne aussi claire que de l’eau. Il reposa finalement sa baguette sur la table et laissa les quelques chaudrons mijoter tranquillement. Le veritaserum aura encore besoin d’un mois pour arriver à maturation, au moins le processus était lancé.

Ce fut tout en retirant ses lunettes de protection et déboutonnant légèrement sa blouse d’expérimentation qu’il rejoignit finalement Lexi, s’asseyant sur un des tabourets face à elle. « Tu venais pour quelque chose de particulier ? » Demanda-t-il alors de but en blanc, l’esprit encore un peu ailleurs comme à chaque fois qu’il travaillait sur des potions. Il ne l’avait pas revue depuis le gala et ne savait plus trop, pour ne pas changer, comment réagir face à elle. En effet, bien que le malaise entre eux ait été levé grâce à leur discussion en privé, ce qui avait suivi soulevait de nombreuses questions chez Rory. Pourquoi par Merlin avait-il cédé en l’embrassant ?! Pourquoi en étaient-ils allés jusqu’à coucher ensemble une seconde fois ? Mais surtout : pourquoi lui avait-elle volé ce baiser avant qu’ils ne retournent à la réception ?! Autant de questions qui restaient sans réponses et auxquelles Rory préférait ne pas avoir d’explications. Remuer un sujet si sensible, évoquer des réactions que lui-même n’était pas capable de justifier ne pouvait rien amener de bon. Ils finiraient une fois de plus par se disputer et il était las de cette nouvelle dynamique que prenait leur relation. Non. Mieux valait faire comme si de rien n’était, tout foutre sous le tapis et ne surtout pas y faire attention. Si on n’en parlait pas et faisait comme si ça n’était pas réel ça allait bien finir par disparaître, non ?! Oui. Disons ça ! C’était plus simple. Lexi devait donc avoir une raison valable de venir le voir à la boutique : une potion, un onguent, une commande peut-être plus conséquente. Il y avait une raison tout à fait rationnelle à sa présence. Il devait y en avoir une !

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To make me feel this wayArrière boutique de Barjow & Beurk, Début février 2021 || ROXI VIIILexi patiente en attendant que le bruit caractéristique de la canne de Beurk ne revienne mais celui-ci tarde à se faire entendre. Cela prend donc tant de temps que cela d’annoncer sa présence ? Lexi se retient de faire cliqueter ses ongles sur le comptoir pour signaler son impatience. Ses yeux font plusieurs fois l’aller-retour entre l’arrière-boutique et le comptoir comme si cela allait faire revenir Beurk plus rapidement. Au bout d’un moment, ses prunelles ambrées se dirigent sans qu’elle ne le veuille vers l’endroit où elle a surpris l’altercation entre Rory et son père il y a de cela quelques mois maintenant. La jeune médicomage se souvient de la rage qui avait habité le fils Barjow et de la satisfaction qu’elle avait eu à le voir malmener son père de la sorte. Il faut dire que les modèles parentaux de Lexi et Rory laissaient clairement à désirer, au point qu’elle s’était proposée pour éliminer son paternel si Rory le lui demandait. Non pas qu’elle ne l’en jugeait pas capable, Rory n’avait jamais osé lever la main sur elle et elle n’avait jamais eu peur en sa présence, pour autant, elle sait qu’il peut rapidement sombrer dans la colère et qu’il n’aurait aucun scrupule à l’éliminer ; pour autant, dépasser les limites avec son père est exclu et Lexi sait pourquoi depuis cette échauffourée : Lilibeth. Sa jeune sœur toujours dans l’équation, il n’était pas question que le paternel ne disparaisse. C’était l’un des dilemmes de la vie de Rory qu’il lui avait alors confié cette fois-là, et Lexi avait pu entrer un peu plus profondément dans l’intimité de son ami, il lui avait accordé une place privilégiée en lui révélant une partie de ce secret de famille. Elle n’est pas revenue à la boutique depuis et alors qu’elle songe à la manière dont s’est terminé leur échange, elle se dit que l’arrière-boutique est tout autant un lieu propice aux confidences qu’aux émulsions professionnelles.

Beurk revient la chercher après ce qu’il lui semble des heures, au point que son cœur s’est légèrement emballé à son retour, craignant presque qu’il la congédie. Lexi n’a pas tellement l’habitude de passer à l’improviste, préférant les visites organisées, autant pour Rory que pour elle. Leurs emplois du temps sont bien chargés et il n’est jamais évident de savoir s’ils se dérangent l’un l’autre ou non. Lorsqu’elle pénètre dans l’antre de Rory, plongé en plein travail à en croire les chaudrons qui brumisaient sur le feu et les effluves qui en dégageaient, Lexi hésite. Elle qui n’en a jamais eu que faire des autres et de leurs ressentis, s’imposant si elle en ressent le besoin, voilà qu’elle se préoccupe de savoir si sa présence est souhaitée ou s’il a accepté un peu contraint et forcé. Se remémorant le gala et la manière dont la soirée s’est terminée, Lexi réfute cette idée mais demande néanmoins s’il souhaite qu’elle passe à un moment plus opportun. Lorsqu’il lui dit qu’elle peut rester, un vague sourire s’installe sur le visage de la jeune femme qui obéit docilement, s’installant sur l’un des tabourets qu’il lui désigne, ne pouvant s’empêcher au passage de zieuter dans les chaudrons qui bouillonnent. Repérant immédiatement à l’aide de la couleur et des ingrédients qu’il est en train de couper la potion qu’il confectionne, elle a l’impression de revenir quelques années en arrière, lorsqu’ils bossaient ensemble sur ces mêmes potions à Poudlard. Tout paraissait si simple lorsqu’ils n’étaient que des gamins. Depuis, ils avaient grandi et les relations humaines n’ont jamais paru aussi compliquées aux yeux de Lexi. « Merci. » Elle retire son manteau et le pose sur un des porte manteaux de l’entrée avant de s’installer sur le tabouret, mais garde son attaché-case. Elle réajuste sa chemise blanche sur son buste avant d’ouvrir son sac, sortant l’un des dossiers de sa recherche pour en parcourir quelques lignes en attendant que Rory termine ce qu’il est en train de faire.

En prenant le dossier, son regard est attiré par le nouveau numéro de médicomagie qui vient tout juste d’être publié et un sourire satisfait élit domicile sur ses lèvres. Elle avait fait grande impression, sa conférence faisait la une du numéro de février et elle en était très fière ; le directeur de l’hôpital l’avait félicité de ce succès et lui avait précisé que grâce à elle, l’hôpital était désormais en tête de course des meilleurs hôpitaux sorciers du monde. Une victoire qu’elle se doit à elle-même, mais pas que. Lexi lève un œil vers Rory, plongé dans le remplissage d’un nombre incalculable de fioles. Son regard s’immobilise sur l’homme qui lui a permis d’être davantage à l’aise lors de cette réception et elle en est consciente, sans son aide et son appui, elle aurait probablement été sur la défensive lors de la conférence et n’aurait peut-être pas tant brillé. Reposant les yeux vers son dossier, Lexi fait semblant d’en lire quelques lignes alors que son regard est ailleurs en réalité. Elle soupire doucement, perdue dans ses pensées si bien qu’elle ne remarque même pas Rory se diriger vers elle et s’asseoir en face d’elle. C’est sa voix qui la reconnecte à la réalité. Relevant ses prunelles vers lui tandis qu’il lui demande la raison de sa venue, elle lui répond : « Oui, j’avais envie de te voir. » Elle fronce les sourcils. Ce n’était pas vraiment la phrase qu’elle souhaitait dire mais c’est celle qui est sortie. Ne sachant pas bien par où commencer, elle dit : « Regarde. » Elle lui tend Innovations et progrès en médicomagie, volume 748. En première page, une photo d’elle datant de sa remise des diplômes lors de son discours en tant que major de promotion. En sous-titre, Portrait de la future étoile montante de la médicomagie. À l’intérieur de la revue, un article de plusieurs pages relatant son parcours et un autre exposant l’étude sur laquelle elle travaille depuis bientôt un an désormais. Il y avait également une page consacrée au gala et à la conférence. « Regarde les photos page 12. » Plusieurs photos prises durant le gala par l’un des photographes de la gazette du sorcier illustrent l’article sur le gala. Au milieu de quelques photographies animées de Lexi et son équipe de recherche et juste à côté d’une autre où Lexi pose, légèrement crispée au côté de son directeur, on y trouve une photo bien sérieuse de Lexi et Rory. Lexi avait presque l’impression que ses lèvres étaient encore gonflées par les baisers qu’ils venaient d’échanger une dizaine de minutes plus tôt mais peut-être n’était-ce que son imagination. Alors qu’elle le regarde feuilleter et parcourir en diagonale l’article, elle dit : « Je voulais te remercier. » Un silence s’installe alors qu’elle sent son regard remonter vers elle. Lexi n’a guère l’habitude de dire merci à qui que ce soit, elle a plutôt tendance à imaginer que tout lui est dû et qu’elle ne doit rien à personne. « Pour le gala. Pour la danse. Pour les cours. Tout ça. De ne pas être parti après... » Elle mord sa lèvre inférieure et ajoute dans un murmure : « Cela compte beaucoup pour moi ce que tu as fait. » Cette phrase chuchotée n’a l’air de rien mais pour une personne aussi fidèle au self-contrôle que Lexi, cela relève presque du miracle. La jeune Fawley ne s’attarde jamais sur des choses aussi superficielles que les émotions, considérant qu’elles ne mènent qu’à un embarras certain auquel elle ne veut pas être confrontée. Comme Lexi n’est pas très à l’aise avec ce qu’elle vient de dire, elle se concentre sur du factuel ; elle ouvre à nouveau son attaché-case et en sort une pochette blanche. « Ils m’ont consulté pour les photos dans la revue. Il y en avait d’autres. » Elle lui en tend une où Lexi dissimule son fou rire derrière une de ses mains alors que Rory la regarde d’un air malicieux. « Je crois qu’elle a été prise au moment où je me foutais de la gueule de Travers. » Lexi lève les yeux au ciel et dit : « Tu sais qu’elle a fait un deuxième don lorsqu’on est revenu dans la salle ? T’avais raison, ce sont vraiment des putains de vieilles chouettes. Les potins font couler de l’encre. En tout cas, la soirée a été un véritable succès, cela faisait longtemps qu’il n’y avait pas eu autant de donations pour des travaux de recherches. » Une pensée la traverse soudainement. Rory fait partie des donataires mais pas uniquement. « Faut que je remercie Beurk aussi ? » lui demandant son avis. « Je crois qu’il ne m’aime pas trop. » Passant du coq-à-l’âne en dix secondes chrono, Lexi hausse les épaules, laissant presque transparaître sa gêne. Avec Rory, elle ne sait jamais sur quel pied danser, rien n’est jamais simple et elle le sait. Elle pourrait néanmoins dire qu’elle se complait dans cette incertitude. Ce qu’ils ont lui suffit même si elle ne comprend pas le quart des sentiments ambivalents qui l’assaillent lorsqu’elle est avec lui.

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It's strange...Dès sa naissance, le destin de Rory Barjow était tout tracé. En tant que second né de la fratrie il n’était bon à rien aux yeux de son paternel. Une bouche à nourrir de plus qui n’allait rien lui rapporter. L’avenir de la famille, la gestion de la boutique, le bon mariage avec une héritière de sang-pur pour perpétrer la lignée… Tout ça était réservé à Caïn. Rory ne représentait rien de plus qu’un fardeaux dont il fallait s’occuper. Par chance, le jeune garçon semblait doté d’une tête relativement bien faite. Doué en potions, avec une appétence et des connaissances remarquables en botanique, fasciné par l’enchantement ainsi que les artefacts les plus obscurs, peut-être qu’au final il ne serait pas si inutile que cela pour son père. Ce dernier l’imaginait déjà en coulisse de la boutique, cantonné à la production pendant que Caïn et l’aîné Beurk gèreraient officiellement le commerce. C’était bien évidemment sans compter sur les aléas tragiques de la vie. Le premier né des Barjow définitivement écarté de l’équation, Rory prenait sa place avec toutes les obligations et contraintes que cela impliquait. Une responsabilité de taille quand on était familier avec le caractère peu sympathique du jeune homme en devenir. Non clairement, de premier abord, à moins d’être une ravissante jeune femme ouverte aux aventures d’un soir, vous n’avez pas envie de vous frotter à lui. L’héritier faisait d’ailleurs tout son possible pour que cela soit le cas. Il n’aimait pas s’embarasser avec un entourage trop fourni bien souvent source de problèmes divers et variés.

Il suffisait de voir ce que ses relations actuelles donnaient. Depuis l’annonce des fiançailles entre Abi et Harper il était toujours en froid avec cette dernière, la discussion ne s’étant pas franchement bien déroulée avec la première. Il évitait scrupuleusement Leah pour ne pas qu’elle puisse sentir le conflit interne qui faisait rage en lui. Anje et ses déboires amoureux lui servait d’excuse pour boire et se droguer plus que de raison et il nourrissait un complexe d’infériorité féroce envers Kesabel pour des broutilles, l’éloignant inévitablement de son ami. Tout ça pour en arriver à Lexi dont il était incapable de dire s’il avait envie de passer plus ou moins de temps avec elle tant il ne comprenait pas comment agir à ses côtés mais surtout ce qu’elle remuait au plus profond de lui. Une seule chose était sûre : dernièrement tout foutait le camp. Il n’y avait que le boulot qui restait constant, immuable, rassurant et un refuge parfait dans lequel se plonger quand tout semblait aller de travers. Bien évidemment certains petits éléments se glissaient ici et là comme le gala à l’hôpital qui, hormis leur nouvelle dispute et le dérapage monumental dans le bureau, s’était plutôt bien passé. Événement isolé au sein duquel il constatait avec dépit leur incapacité, une fois de plus, à communiquer clairement. Laisser couler, repartir à sa routine et espérer que les choses se tassent avait été ainsi l’option retenue par Rory. Sa relation avec Lexi n’était pas normale. Elle n’avait rien de naturelle. Comment en étaient-ils arrivés là ?! A coucher deux fois ensemble. A ce qu’elle compte trop pour lui. A ce qu’il ait envie de l’embrasser et toujours traîner avec elle. Il n’y comprenait plus rien. Ça n’était pas dans ses habitudes. Si le jeune héritier Barjow comptait dans son cercle proche de nombreuses femmes, il n’était attiré sexuellement par aucune d’entre elles. Il les savait belles, sexy même, n’avait aucun problème pour le reconnaître mais jamais ô grand jamais il n’avait ressenti l’envie de franchir le pas. Pourquoi donc, après toutes ces années, avait-il fallu qu’il essaye de séduire Lexi ?! Lexi ! De toutes celles qu’il comptait comme amie c’était bien la moins prédisposée pour ce genre de rapports. Elle n’était franchement pas un symbole en terme d’attachement ni même de bienveillance.

Hors de question de trop s’attarder sur toutes ces questions. C’était bien pour ça qu’il avait décidé de s’adonner à l’une de ses activités favorites : la confection de potions. Exit les relations compliquées qui lui donnent simplement envie de fuir et bonjour l’art millimétré et infini des potions. Malheureusement pour Rory c’était sans compter sur l’irruption de Beurk dans son antre. Les deux jeunes héritiers avaient beau s’entendre comme cul et chemise, sa présence pendant son travail ne pouvait signifier qu’une seule chose : un client voulait absolument lui parler. Rory avait ses habitués, ceux qui exigeaient de ne traiter qu’avec lui. Dans un sens il les comprenait. C’était lui l’expert en potions, poisons et enchantements. Il pouvait facilement dire ce qui était possible ou purement fiction. Cette fois-ci en revanche ça n’était pas un client mais bien Lexi qui le demandait. Un peu étonné et en même temps chiffonné à l’idée de la revoir si rapidement après le gala et ce qui s’était passé, il accepta tout de même qu’elle passe dans l’arrière boutique. Le souvenir de son courroux la dernière fois qu’il l’avait évitée était encore trop présent dans son esprit. Toutefois, le potionniste ne savait pas bien comment il allait gérer cette situation inédite. Ils ne pouvaient clairement pas continuer comme ça plus longtemps. Des amis qui couchent ensemble occasionnellement ça n’existe pas ! Il y a forcément un truc derrière et ça, toutes ces conneries sur les sentiments ou l’amour ça n’était pas sa came. Il suffisait de voir comment les choses avaient finies avec Naya…

L’arrivée de Lexi dans l’arrière boutique avait donc un goût spécial. A la fois curieux et anxieux de découvrir pourquoi elle prenait la peine de faire le déplacement quand un simple hibou suffisait pour passer commande. Comme ils l’avaient toujours fait jusque là. Tu vois avec tes conneries ?! Maintenant tu te fais prendre au piège de ton propre jeu, abruti. Il finit rapidement la préparation de ses potions de veritaserum qui allaient macérer pendant un cycle complet de lune avant de pouvoir être mises en fiole, laissant la médicomage s’installer. Incapable de gagner plus de temps que cela, il finit par la rejoindre, remarquant sa tenue différente de d’habitude. C’est quoi cette chemise ? Elle a dû faire une nouvelle conférence ? Un rendez-vous avec le directeur ? Malgré son étonnement de ne pas la voir dans un de ses habituels débardeurs noirs, il ne s’en formalisa pas et demanda directement à la jeune femme la raison de sa venue. Autant être direct. Absolument pas préparé à la réponse que lui fournit Lexi, Rory ne put s’empêcher de légèrement froncer les sourcils. Depuis quand se voyaient-ils juste comme ça ? Juste car l’envie s’en faisait sentir ? Ils avaient toujours une bonne raison d’être en présence l’un de l’autre. Non ça pue là… Vraiment ça pue. Je sais pas quel est le plan mais honnêtement… C’est pas bon signe. Entre choc et réflexion, l’héritier Barjow resta silencieux avant d’attraper la revue qu’elle lui tendait. Un léger sourire étira ses lèvres en découvrant le sous-titre ainsi que le cliché de la médicomage. « Pas mal dis donc ! La couverture et deux articles… C’est pas rien. » Sur ses indications il se rendit à la page douze et parcourut rapidement l’article avant que son attention ne soit attirée par les photos notamment celle où ils apparaissaient ensemble. Signe de sa nervosité, ses sourcils revinrent se froncer tandis qu’il se mordit doucement la lèvre inférieure. S’afficher avec elle en public ne lui posait aucun soucis, les rumeurs pouvaient courir, ça l’amusait plus qu’autre chose. Apparaître dans un magasine aussi célèbre que celui-ci en revanche c’était pas la même. Il continua de parcourir la revue en quête du reste concernant son amie jusqu’à ce que le son de sa voix ne retentisse à nouveau. La tête toujours baissée, il releva ses prunelles sombres vers elle. « Pour quoi ? » Demanda-t-il sans trop comprendre la raison de ces remerciements. Quand Lexi prit le temps de se justifier, Rory se redressa complètement alors qu’un maigre sourire revenait prendre possession de ses lippes. « T’as pas besoin de me remercier pour ça voyons. C’est normal. J’imagine que si t’avais demandé à Tobias ou Kesabel ils t’auraient également aidé, non ? » Ouai mais eux ils auraient pas fini dans un bureau à baiser sur les meubles. Enfin pas Tobias du moins… Chassant bien vite cette pensée de son esprit, il referma le magasine pour attraper cette fois-ci une photo qui lui extirpa un petit rire. Elle représentait tellement la quintessence de ces soirées mondaines qu’il comprenait sans grande difficulté pourquoi Lexi avait préféré ne pas la sélectionner. A son récit, il leva les yeux au ciel à son tour dans un soupir d’exaspération. « Toujours en quête du prochain potin à raconter putain… Enfin, l’essentiel c’est que tu aies l’argent nécessaire pour tes recherches à présent. Tu as vendu ta réputation de femme pour la science. Ça reste honorable. » Dit-il avec un petit rire en reposant le cliché sur la couverture du magasine. Si lui était habitué à ces jeux d’images, les ragots qui circulaient sur qui fréquentait qui, pour Lexi ça devait être tout un nouvel univers hostile dont elle ne possédait pas encore les codes et enjeux. « Le remercier ? Pour quoi faire ? » S’exclama-t-il alors qu’elle évoquait Beurk. Certes il lui avait dit que le don venait de la boutique et que c’était son associé qui avait proposé. Pour autant, il savait que le jeune homme n’irait pas s’offusquer d’une absence de remerciements. Ce qu’il perçut comme la véritable raison de sa préoccupation ne tarda pas à suivre. Un peu pris de court, Rory garda les sourcils froncés en la scrutant. Elle plaisante ou c’est moi qui ait mal entendu ?! Depuis quand elle se soucie de l’opinion qu’il a d’elle. « Qu’est-ce qui te fait dire ça ? » Demanda-t-il alors dans l’espoir de comprendre. « C’est parce qu’il t’appelle Miss Fawley ou parce qu’il est pas trop loquace ? » Par expérience, le potionniste savait que son acolyte de toujours pouvait ne pas avoir bonne presse. Ça c’était pour ceux qui le connaissaient mal. D’un autre côté, Rory n’était clairement pas le mieux placé pour parler du fils Beurk. L’admiration et la profonde affection qu’il éprouvait envers lui rendait son jugement plus que biaisé. Une bromance dans toute sa splendeur. Le seul hic ? Beurk n’était pas une femme et il n’était pas gay. « Tu sais, c’est juste un vieux ronchon qui se donne des airs mystérieux mais il est sympa à sa manière quand on prend le temps de le connaître. » Rory était trop habitué à chambrer son comparse qu’il continuait alors même que ce dernier n’était pas dans la pièce. En revanche, il avait du mal à croire que Lexi venait simplement pour lui montrer un magasine et parler de Beurk. Il y avait forcément autre chose qu’elle ne lui disait pas.

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To make me feel this wayArrière boutique de Barjow & Beurk, Début février 2021 || ROXI VIII
Une fois dans l’arrière-boutique, Lexi patiente tranquillement en attendant que son ami termine ce qu’il est en train de faire. La jeune médicomage devine aisément aux effluves qui s’échappent des divers chaudrons les potions en cours de préparation et comme une madeleine de Proust, cette vision lui rappelle les cours de potions à Poudlard et plus précisément les soirées au Club. Ayant toujours eu un attrait certain pour l’herbologie et les potions, son inscription à ce club lui avait paru comme une évidence à l’époque, un moyen de parfaire ses connaissances et d’occuper ses soirées. En tant que Serdaigle, Lexi avait sans arrêt le nez plongé dans ses bouquins mais elle adorait tout autant les exercices pratiques, surtout ceux sur l’art rigoureux de la préparation des potions. Elle s’était sentie totalement à son aise dans les cachots où de nombreux Serpentard élisaient domicile et régnaient comme si tout leur appartenait. C’est là qu’elle y a rencontré Rory. Elle se souvient encore de son entrée fracassante dans le cachot, elle revoit les autres étudiants se tendre sans qu’elle n’en comprenne la raison ; elle, petite nouvelle de première année, ne connaissait rien du passé tumultueux du jeune Barjow. Ce n’est que plus tard qu’elle avait compris la raison de son comportement, de pourquoi il était si colérique. Pour autant, Rory avait toujours été plus ou moins civilisé envers elle, probablement parce que le potentiel de la jeune femme a 11 ans dépassait de loin le niveau des autres étudiants. Un lien de confiance professionnel s’était alors établi entre eux, qu’un respect mutuel avait rendu possible. Leur relation a pris un tout autre tournant il n’y a pas si longtemps que cela finalement ; d’abord lorsque Rory a commencé à systématiquement la demander lorsqu’il se rendait blessé à Sainte-Mangouste puis lorsqu’elle l’a laissé entrer plus intimement dans sa vie en l’autorisant à se rendre directement chez elle. Tout cela demeurait récent et Lexi ne comprend pas toujours la nouvelle dynamique qui s’est installée entre eux, au point d’être particulièrement embarrassée lorsque les réactions de Rory sont irrationnelles. Si cela n’était pas lui, probablement qu’elle aurait laissé tomber depuis déjà des mois. Mais son attachement pour lui et ce qu’elle a pu comprendre de lui l’en empêche. Pourtant, parfois, elle se demande pourquoi elle continue à agir de la sorte avec lui. Il y avait toujours des hauts et des bas, un quiproquo, une parole mal interprétée, des sous-entendus mal compris, des comportements insaisissables. La constance ne fait pas partie de leur relation, ça non.

Pour autant, Lexi met un point d’honneur à demeurer égale à elle-même, bien qu’elle s’évertue à prendre des pincettes avec lui. Une vaste contradiction, une belle fumisterie. Pour faire simple, rien n’est simple. Lorsque Rory la rejoint, s’installant en face d’elle, elle évoque rapidement la revue, comme si c’était la raison qui l’avait poussé à venir le voir. Lui tendant le numéro, elle sourit également, fière d’elle, tandis qu’il lui dit que ce n’est pas rien. « Ils ont repris la photo du numéro 670, j’en faisais déjà la une en tant que major de la première promotion de médicomagie de l’Université, ils ont trouvé le parallèle intéressant. » Elle parait si jeune sur la photo, mais pourtant, elle transpirait déjà la suffisance ; déjà à l’époque, Lexi était sûre d’elle-même, sûre de ses compétences et de ses capacités. Lui intimant de se rendre à la page 12 pour découvrir de nombreuses photographies prises lors de la cérémonie dont l’une d’entre elles les représentent ensemble, Lexi le regarde froncer les sourcils. Peut-être qu’elle aurait dû lui demander son autorisation ? Son nom n’est pas cité mais peut-être qu’il ne voulait pas apparaître dans la revue ? Merde. N’osant rien dire, elle préfère se lancer dans des remerciements qu’elle estime nécessaire. Rory lui sourit faiblement et c’est au tour de la jeune femme d’arquer un sourcil. Qu’a-t-il ? Il semblait presque… fatigué ? Ailleurs ? Est-ce que parce qu’elle l’a dérangé en plein travail ? En tout cas, il avait l’air plus fermé que d’habitude. Prenant le pari de demeurer constante, Lexi quant à elle, continue comme si de rien n’était lorsqu’il évoque Tobias et Kesabel. « Mhum… » Prenant le temps de la réflexion, laissant le silence s’installer. « Je suis pas certaine. » Imaginant ses amis lui apprendre la valse l’a fait doucement sourire. « Tobias peut-être, Kesabel sûrement pas. » Enfin, elle croit ? Tobias avait l’habitude de ce genre de soirées guindées de par son rang, son métier et son allégeance aux mangemorts, mais Lexi n’est vraiment pas certaine qu’il apprécie tant que cela de danser. Quant à Kesabel, ce n’était même pas la peine de demander. « Je pense que t’étais le plus à même de m’accompagner. Et puis t’es sûrement le plus pédagogue des trois. » Puis Lexi avait l’habitude de bosser avec lui et même si elle avait été très tendue au début du cours, elle avait réussi à se calmer au final. Il y avait aussi le cadeau. Instinctivement, elle lève la main pour venir toucher le couteau papillon glissé contre sa poitrine mais se retient, venant plutôt effleurer du bout des doigts la sangle de couteau accrochée à sa cuisse droite. N’étant guère habituée à ce genre de discussion, préférant détournée celle-ci sur un sujet plus léger, elle lui montre d’autres photos effectuées au gala. « Elle m’a fait rire. » La photo, bien sûr. On pouvait y déceler une certaine complicité entre eux et si l’on regardait bien, la moquerie apparaissait évidente. C’est tout un art de bien paraître, et Lexi ne répondait pas vraiment à cette définition sur l’image enchantée. Voilà pourquoi elle lui avait plu.

Lorsqu’elle lui explique que Travers avait effectué un second don une fois leur retour dans la salle, Rory soupire d’exaspération et Lexi laisse échappe un léger ricanement lorsqu’il lui fait part du fond de sa pensée. « Ouais… Elle s’attend à un hériter dans l’année. » plaisante Lexi mais pas tant que ça. Elle a bien vu le regard de ces hommes et de ces femmes de la haute société alors qu’ils s’amusaient à en piéger certains : rien ne les intéresse davantage que de savoir si un mariage se dessine enfin dans l’ombre ou savoir si un polichinelle dans le tiroir poussait tranquillement dans le ventre de la médicomage. À l’idée même qu’un être vivant puisse élire domicile dans son utérus, Lexi frisonne. « D’ailleurs en y songeant, je me demande s’ils savent que je suis sang-mêlée parce que personne ne s’en est offusqué pendant qu’on joue à notre jeu. Eux qui accordent pourtant tant d’importance à la pureté du sang. » Lexi passe la main dans ses boucles auburn, replaçant l’une d’entre elles derrière son oreille. « Ou peut-être que mon cerveau et le fait que j’occupe une place importante rattrape mon rang d’impur. » dit-elle d’un ton sarcastique, une grimace naissant sur son visage. Lexi n’avait jamais ébruité le fait qu’elle n’était pas de sang-pur mais ne s’en était jamais cachée pour autant ; à vrai dire, elle s’en fiche comme de son premier chaudron. Cela n’a strictement aucune importance pour elle et ce n’est pas ainsi qu’elle choisit ses amitiés. Quant à Rory, il est fort à parier qu’il n’y accorde que peu d’intérêt non plus, sinon, il ne serait pas assis ici en face d’elle. « Je vends mon âme au diable pour des fonds d’investissement, tu crois que je vais aller en enfer ? » dit-elle en riant légèrement. Si c’est l’unique raison pour laquelle on l’envoie dans les tréfonds de l’univers, Lexi pourra s’estimer heureuse. « Oui, le gala a fait envoler les donations, et l’article dans le magazine va probablement apporter d’autres fonds. J’avais sous-estimé l’importance des médias dans la recherche, j’imagine donner des conférences de ce type un peu plus régulièrement pour garder les donataires en haleine. Mais j’espère que je n’aurai pas à me travestir encore une fois, c’était assez désagréable d’être ainsi le centre de l’attention lors du gala, je n’ai pas trop aimé. Au début c’est marrant, mais au bout d’un moment, c’est lassant. C’est toujours la même rengaine finalement. Heureusement que tu étais avec moi. » Ainsi, l’attention avait été déportée sur lui également mais Rory y était davantage habitué qu’elle, il avait des armes qu’elle ne possédait pas.

En parlant de la donation, elle repense à celle de Rory mais aussi à celle effectuée par Barjow&Beurk et elle se demande alors si elle doit remercier son acolyte. Lexi irait presque jusqu’à dire qu’elle apprécie Beurk pour son… attitude ? Une entente cordiale. Faisait-elle des efforts pour Rory ? Peut-être. Elle ne peut s’empêcher de sourire en écoutant les propos de Rory : « Depuis quand les gens peu loquaces me dérangent ? C’est pourtant ce que je préfère. » Elle laisse échapper un petit rire. « Miss Fawley… » Lexi secoue la tête de droite à gauche. « C’est tellement poli. » Elle se contente souvent de l’appeler « Beurk ». « J’ai confiance en ton jugement, c’était juste une réflexion que je me faisais à voix haute. » Lexi connait son attachement pour son associé, qui au-delà d’être le co-gérant de la boutique, est un véritable ami pour Rory. Peut-être même le meilleur d’ailleurs. Lexi lève les yeux vers Rory et lorsqu’ils en ont terminé sur ce sujet, le silence s’installe. Si Lexi est d’ordinaire habituée aux excentricités de Rory, elle n’est par contre pas tellement habituée à faire la conversation, laissant d’ordinaire Rory mener la danse à ce sujet-là. Repensant à la raison de sa venue, elle ouvre à nouveau son attaché-case et lui dit : « Durant le gala, on plaisantait sur l’idée d’un partenariat entre mon labo de recherche et la boutique concernant les ingrédients et diverses potions. » Elle ajoute : « C’était lancé juste comme ça, mais au final, je me disais que cela pourrait être une bonne idée. Cela me plaît assez de recollaborer avec toi professionnellement et je sais comment tu travailles et la qualité des produits que tu proposes. Il s’agirait surtout de commandes d’ingrédients assez rares et de quelques potions spécifiques, probablement à une fréquence mensuelle, peut-être plus en fonction de l’avancée des recherches. » Il est vrai que depuis leurs travaux pour Kesabel, ils n’avaient pas eu vraiment l’occasion de bosser ensemble à nouveau. Là, Lexi évoque davantage un partenariat financier donnant-donnant, mais en médicomagie, la qualité des ingrédients que l’on utilise dans la préparation des solutions médicomagiques peut avoir une importance capitale sur la finalité d’un projet. Autant mettre toutes les chances de son côté. « Cela serait en quelque sorte un retour sur investissement pour toi aussi, en quelque sorte. » Après tout, il avait mis une partie de son héritage dans son étude, pour Lexi, cela ne serait que le juste retour des choses. Elle lui tend la liste de ce dont elle pourrait avoir besoin et des quantités associées pour qu’il se fasse une idée, puis demande : « T’en penses quoi ? »

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Graviora manent

KoalaVolant

Les Récompenses:

INRP IRL

It's strange...Pour beaucoup de sorciers, l’art subtil de la confection de potions était une tâche longue, fastidieuse et parfois salissante. Ça c’était pour les novices, ceux sans talent ni appétence particulière pour le domaine. En ce qui le concernait, Rory y voyait plus un loisir, une véritable distraction plutôt qu’un travail à part entière. Depuis son plus jeune âge quand il avait commencé à s’y initier aux côtés de son père, les potions ne semblaient avoir aucun secret. C’était même devenu un jeu, un défi avec lui-même puisqu’il ne trouvait personne qui soit véritablement à sa hauteur. La désillusion avait continué jusqu’à Poudlard où les professeurs et camarades auxquels il était confronté s’avéraient être d’une banalité insipide. Lexi était toutefois sortie du lot par son jeune âge et ses connaissances avancées. Intrigué de faire enfin face à un potentiel qui pourrait égaler le sien, Rory avait daigné lui accorder un peu d’importance, curieux de voir si elle réussirait à l’intéresser. En même temps, vu l’ennui mortel qu’il ressentait en cours, il n’en fallait pas de beaucoup… Aujourd’hui encore le jeune héritier Barjow voyait les potions comme son petit plaisir solitaire. Fini le partenaire de laboratoire, sauf quand il était nécessaire, bonjour les longues heures passées à innover et se surpasser. Un bel exutoire pour fuir tout ce qui pouvait le tracasser au quotidien et par Merlin il y avait de la matière à refouler ces derniers temps.

Etre ainsi dérangé en plein travail n’était pas dans ses habitudes. Connor avait appris suite à un événement traumatique que l’interrompre n’était pas l’idée du siècle, même Thalia savait que ce n’était pas recommandé. Le seul à pouvoir se permettre de le stopper était bien Silas. En revanche, Rory ne s’attendait pas que ça soit pour Lexi. La raison de sa présence devait être urgente et très importante pour ne pas avoir recours au hibou comme ils faisaient d’ordinaire. Un peu malgré lui, le potionniste accepta donc qu’elle le rejoigne dans l’arrière boutique. Quand il eut finalisé la tâche en cours, le sorcier la rejoignit en s’installant sur un des tabourets présents et ne tarda pas à s’enquérir de la raison de sa venue. Quelque peu intrigué par sa toute première justification, il n’en démordit pas face à la revue présentée par Lexi. Si constater sa présence sur la couverture et les nombreux articles à l’intérieur l’amusait tout en le ravissant, qu’elle se soit déplacée juste pour ça lui semblait un peu étrange. A ses explications sur la raison pour laquelle une photo d’elle si jeune avait été sélectionnée, il se contenta d’un vague hochement de la tête, quelque peu pensif. Tout en suivant ses indications, Rory se rendit aux différentes pages où figuraient les interviews mais également des photos de la soirée. Ses prunelles sombres furent retenue par un cliché magique d’eux, très sérieux mais posant côte à côté sans laisser planer le doute sur le fait qu’il avait été son cavalier pour cette soirée. Il ne suffisait donc pas que le gratin sorcier londonien soit au courant, maintenant c’était carrément tout le monde magique anglo-saxon qui allait se poser des questions. Putain mais quelle brillante idée ils ont eu… Entre dépit et résignation, son attention fut bien rapidement détournée par les remerciements énigmatiques de Lexi. S’il eut bien vite une justification de sa part, sa réponse lui extirpa un léger rire moqueur. Moi ?! Pédagogue ?! Elle est mal barrée putain ! « Si c’est moi le plus pédagogue que t’avais sous la main pour t’accompagner à ce gala c’est qu’il y a un problème. Va falloir commencer à élargir ton cercle d’amis Lexi. » Lâcha-t-il avec un sourire narquois, bien conscient que, tout comme lui, la médicomage préférait ne pas s’encombrer de trop de relations accessoires.

Si Rory était un peu chiffonné par la photo qui les représentait tous les deux dans le magasine, les nouvelles qu’il découvrit, notamment une où on les voyait clairement se moquer, le soulagement prit le dessus. Quitte à figurer dans un magasine, autant que ça soit avec un brin de dignité. « T’as bien fait de pas la choisir car sinon pas sûr que ça aurait fait bonne impression. Ça serait con d’anéantir tes efforts parce qu’on te voit te bidonner sur une photo… » Rory en savait quelque chose. Parfois mieux valait apparaître guindé et sérieux plutôt que naturel. Potentiellement plus dans son domaine d’expertise même ! En revanche, les potins ne connaissaient, eux, aucun répit. Lexi avait pu en faire l’expérience durant le gala mais il y avait fort à parier que s’il se rendait pour des obligations familiales dans l’une de ces soirées officielles, certains s’étonneraient de ne pas la revoir à son bras. « Elle risque d’être bien déçue ! » Affirma-t-il alors par automatisme. Tout le délire du mariage, des gamins et ces responsabilités à vomir ne l’avaient jamais enchanté. Rory était un électron libre. Il se voulait être sans attaches. Une mentalité dont Naya avait fait les frais à ses dépends. Alors même en plaisanter lui hérissait le poil, signe de ce dégoût profond bien ancré en lui. Les exemples sains ne s’étaient pas multipliés autour de lui aussi il faut bien l’avouer. Face à la nouvelle préoccupation de son amie, Rory fronça légèrement les sourcils alors qu’un maigre sourire amusé étirait la commissure de ses lèvres. « Soirées mondaines privées et galas de bienfaisances y a pas les mêmes critères sélectifs. Je pense même qu’ils ont dû trier sur le volet les invités pour prendre l’élite la moins regardante sur la pureté du sang. Y en avait forcément mais il leur faut aussi se faire bien voir et un gala à l’hôpital pour soutenir une recherche comme la tienne… Ça serait suicidaire pour certains d’afficher leur désapprobation que tu sois à la tête de ton service en étant sang-mêlée. Ils ont peut-être des idées très arrêtées mais ils gèrent parfaitement leur image. » Rory connaissait suffisamment bien ce milieu pour savoir que les vieux cons qu’ils avaient croisés quelques jours de cela s’étaient renseignés sur Lexi et son passé. Ceux qui avaient daigné s’y rendre le faisaient en toute connaissance de cause. Elle n’aurait, en revanche, aucune chance de se faire inviter à un événement privé. Sa présence en tant que sang-mêlé même avec un poste à Sainte-Mangouste ferait trop jaser. Il fallait être une star de renommée mondiale pour être convié à des soirées sélects. Le seul « sang-impur » qu’il avait croisé en soirée était O’Connor à l’époque où il faisait encore partie de l’équipe nationale de Quidditch. Elle n’avait donc aucun soucis à se faire là dessus. « Si tu finis en enfer juste pour ça… Je suis assuré d’aller au paradis alors. Ça me va. » Ironisa-t-il, bien conscient qu’aucun d’eux ne pouvaient véritablement se classer parmi les gentils et espérer avoir une place de premier choix si le bordel de l’enfer et du paradis existaient bel et bien. Il ne manquait plus qu’à espérer que l’enfer était pour les gens comme eux et inversement… Ouai, pas gagné. « Pour ce qui est des soirées, je pense pas que ton directeur va s’amuser à en faire systématiquement. T’as quand même eu un événement qui a bien marché, la conférence en plus et maintenant la couverture du magasine. Au pire si t’as à nouveau besoin de fric tu fais une nouvelle conférence et ça devrait suffire. » Du moins il l’espérait. Si la soirée ne s’était pas trop mal déroulée, Rory ne savait pas s’il supporterait participer à une nouvelle. Déjà que pour lui il faisait un effort considérable mais alors pour une amie…

C’était tout naturellement qu’il avait éludé le sujet de sa propre donation, ainsi que celle effectuée avec le compte de la boutique. Le souvenir de leur dispute à ce sujet et ce qui avait suivi était encore trop ancré dans sa mémoire pour qu’il choisisse délibérément de le faire mais Lexi semblait bien déterminée, elle. Ainsi, l’évocation de Silas le laissa perplexe. Pourquoi alors que depuis toutes ces années elle ne s’était jamais préoccupé de son associé, maintenant elle voulait soudainement le remercier et semblait même se soucier de l’avis qu’il avait d’elle ?! Un peu étonné, il lui fit part de ses réflexions sur le sujet. Le fils Beurk ne brillait pas pour son amour des autres êtres humains alors deux spécimens comme eux ensembles… Rory craignait le pire. Il haussa légèrement les épaules en laissant ses prunelles sombres courir sur les marbrures du bois de la table avant de lâcher un brin amusé. « Si tu veux tenter l’expérience écoute… Libre à toi hein. » Pour être honnête, il était curieux d’apprendre comment se serait déroulé cette « conversation » si on pouvait espérer l’appeler comme ça. Entre Lexi la reine des glaces et Silas l’antipathique… Une chose était sûre : il ne voulait pas en être. Toute excuse serait bonne si le moment venait pour s’éclipser habilement et les laisser en tête à tête. Après tout on ne sait jamais, autant de flegme pouvait peut-être créer un trou noir et engloutir toute forme de vie sur Terre ?! Qui sait ?! Perdu dans ses délires, il revint à lui quand sa voix perça le silence en évoquant l’idée de collaboration dont ils avaient vaguement plaisanté. Regagnant son sérieux, tout naturellement ses traits se durcirent comme à chaque fois qu’il était question de travail. C’était également pour cette capacité à aborder avec intensité son travail qui faisait de Rory un des meilleurs dans son domaine. On venait le voir spécialement pour ça. Il se saisit de la liste tendue par Lexi en explorant méticuleusement cette dernière. D’un coup de baguette il fit venir à lui l’imposant grimoire de l’inventaire pour vérifier la disponibilité de quelques ingrédients et potions avant de relever ses prunelles vers Lexi. « Ça pourrait être intéressant effectivement. Il faudra que je m’accorde avec ton responsable des achats sur certaines choses car même pour les sociétés que je livre, certaines potions et plantes sont compliquées à obtenir si on veut que leur qualité soient optimales. » Rory marqua une pause en posant la liste sur la table et plaça ses poings de part et d’autre de sa mâchoire, plongé dans une intense réflexion. Quelques instants plus tard il finit par se redresser et commença à sélectionner quelques fioles et bocaux sur les étagères derrière lui. « Je peux te proposer de tester des échantillons de mes ingrédients et concoctions. J’ai trois niveaux de qualité et même le dernier est supérieur à tout ce que tu pourras trouver chez un apothicaire classique ou même en passant par une firme de production en masse de potions.. » Il revint déposer le tout sur la table pour que Lexi puisse inspecter les différentes fioles. « Tu n’auras qu’à faire tes tests pour comparer les résultats et le niveau d’exactitude obtenu et en fonction tu me diras si tu constates une grande différence entre du un et du trois par exemple. » D’ordinaire, Rory aurait poussé son client à prendre le plus cher, après tout, il reste commerçant mais là il était plus question de rendre service et avoir une vraie collaboration avec l’étude de Lexi. « J’imagine que si une qualité moins extra fonctionne très bien, tes responsables seront d’autant plus ravis. » Ajouta-t-il pour finir avec un léger sourire en toute connaissance de cause.

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To make me feel this wayArrière boutique de Barjow & Beurk, Début février 2021 || ROXI VIII« Si c’est moi le plus pédagogue que t’avais sous la main pour t’accompagner à ce gala c’est qu’il y a un problème. Va falloir commencer à élargir ton cercle d’amis Lexi. » Lexi se mord la lèvre et ne peut s’empêcher d’éclater de rire, même si celui-ci ressemble davantage à un ricanement qu’à un rire. Lexi n’a jamais été friande des relations sociales. Elle n’a jamais eu beaucoup d’amis, se contentant de quelques personnes triées sur le volet. Lorqu’elle est arrivée à Poudlard, elle était plus ouverte, moins fermée, plus à même de s’ouvrir au monde mais la noirceur de la vie et son tempérament morose l’avaient entraînée sur d’autres chemins, plus sombres, plus brumeux, plus opaques. Pour autant, elle savait qu’elle pouvait compter sur son cercle restreint. « Je ne m’encombre pas de ça, j’ai trois amis, c’est suffisant. » dit-elle en haussant les sourcils. « J’ai pas besoin de plus, à quoi ça me servirait ? En tout cas, oui, parmi mes trois seuls amis, j’estime que tu es le plus pédagogue. » Elle n'arrive même pas à imaginer Tobias ou même Kesabel lui enseigner la valse. Cette vision sortait tout droit de la cinquième dimension. Lexi ajoute : « Et j’ai quand même réussi à apprendre en deux leçons, je veux bien que je sois très douée mais quand même… » Ce n’était pourtant pas dans les habitudes de Rory d’être modeste. Mais bon, peu importe. Repensant à sa phrase, ses doigts glissent sur son menton et elle demande : « Par contre, aucune femme dans mes amis, tu crois que je dois m’inquiéter ? J’ai peut-être besoin de quelqu’un pour parler robe et maquillage, depuis le gala, c'est maintenant une pratique que je maîtrise. » ironise-t-elle. Depuis qu’elle avait rayé Soledad de sa vie -et Soledad n’était qu’une amie dont elle se servait, elle n’avait aucune confiance en elle-, les relations féminines de Lexi se réduisent à peau de chagrin. Revenant sur le gala, elle dit : « Et je te signale que je m’étais résolue à y aller seule à ce gala, c’est toi qui a proposé de m’accompagner. » Après tout, Lexi se serait sans doute débrouillée sans homme à son bras, n’étant pas franchement du genre à avoir besoin de quelqu’un à ses côtés pour briller. Néanmoins, il est fort à parier qu’elle aurait été plus tendue, moins à l’aise, plus froide et probablement davantage sur la défensive si Rory n’avait pas été auprès d'elle. Voilà pourquoi elle a temps tenu à le remercier, même s'il semble n'en avoir que faire de ses remerciements, comme si cela lui passait au-dessus. Tant pis. « En tout cas, les photos sont réussies. » Si Lexi avait été consultée pour les photographies, il faut dire que celle où elle rit en compagnie de Rory l’avait amusée. C’était plutôt rare qu’on la voie aussi décontractée. Lexi ignore pourquoi le photographe a estimé que celle-ci pouvait faire l'affaire dans une revue médicale mais il était hors de question qu’elle y figure. Cette photo, c’était un morceau de son intimité, la preuve d’un lien unique qu’elle a créé avec Rory, un lien qui ne ressemble à aucun autre, un lien qu’elle ne comprend pas. Lorsque Rory dit que celle-ci aurait fait mauvaise impression, elle hoche doucement la tête avant que ses yeux ne se dirigent à nouveau sur celle-ci, ses doigts la tournant vers elle. « Je la trouvais drôle quand même. » dit elle en haussant les épaules. Évoquant par la suite les probables rumeurs qui vont probablement circuler après sa modeste entrée dans le monde, un sourire crispé élit domicile sur ses lèvres tandis que Rory exprime le fait que les commères risquent d’être déçues. « Mais on risque d’en entendre parler jusqu’à Noël… » soupire-t-elle, portant sans s’en rendre compte sa main sur son ventre plat. L’idée répugnante d’y accueillir un petit être la dégoute tellement.

Pour autant, de nombreuses questions demeurent en suspens et Lexi les formule à voix haute, surtout celle sur le statut de son sang. La réponse de Rory l’éclaire en tout point. « Je n’avais pas pensé à ça. J’avoue être totalement étrangère à tout ça, tu sais bien. » Elle ajoute : « Mais au moins, j’suis tranquille, je risque pas de me faire inviter dans je ne sais quelle soirée pourrie. » C’est la mine réjouie qu’elle range dans son attaché-case la revue médicomagique après que Rory l’ait refermée. Ses lippes s'élargissent à nouveau tandis qu’il prétend qu’il ira au paradis. « Si cela te fait plaisir de le croire. » Aucun d’entre eux ne croient en une chose aussi insensée que l’enfer et le paradis mais il est fort à parier que dans tous les cas, si jamais l’un ou l’autre existe, Lexi et Rory iront droit aux enfers, en première classe, s’il-vous-plaît. Ils n’étaient pas foncièrement mauvais, ni l’un ni l’autre d’ailleurs, mais leurs intérêts passant avant tout, chacun d’entre eux pouvait s’affranchir du bien pour servir leurs propres besoins. Le reste n’avait que peu d’importe à leurs yeux. Sur ce point, ils s’entendaient. « Oh détrompe-toi… Il a déjà commencé à me parler d’une autre soirée de bienfaisance à laquelle il voudrait que je participe… Je lui ai dit que s’il voulait ma présence, il allait devoir m’augmenter, ça va le faire réfléchir. » dit Lexi, narquoise. « Pour ce que je suis payée… Je l’ai fait parce que j’ai envie que ma recherche avance, mais qu’il ne compte pas sur moi pour les autres secteurs, chacun sa merde. » Lexi est virulente, légèrement grincheuse à cette idée, n’ayant guère envie de perdre ses soirées à faire semblant d’apprécier les gens. « J’espère que ça lui suffira pour le moment, mais je devrais être tranquille pendant plusieurs mois. Peut-être même un an. » conclue-t-elle sur le sujet. Tant que les donations continuent de pleuvoir, elle ne risque rien. Et même si Lexi n’est pas du genre à regarder à la dépense pour sa recherche, chaque gallion est dépensé de manière utile et non superflu donc elle fera attention à ne pas dépenser inutilement ses subventions. Penser aux donations l’amène quasiment instantanément au don réalisé par la boutique et Lexi se questionne sur l’intérêt de remercier l’associé de Rory. Fronçant les sourcils en entendant la réponse de Rory, elle se contente de dire : « Je te demandais ton avis, vu que c’est ton ami en plus d’être ton associé. Mais si tu dis que c’est inutile, je vais passer mon tour. » Pour s'infliger cela après tout...

Lorsqu’elle évoque l’idée d’une collaboration future, Lexi voit Rory s’animer réellement pour la première fois depuis qu’elle est entrée dans la pièce. Perplexe, elle déballe ses intentions et l’idée de travailler avec la boutique lui plait assez. Les fournitures de Rory sont actuellement les meilleures sur le marché et si Lexi hésitait auparavant à se fournir chez lui par crainte du conflit d’intérêt, elle s’en fiche désormais comme de sa première chemise. Après tout, la boutique de l’apothicaire du Chemin de Traverse avait elle aussi effectué une donation à sa recherche, donc cela ne posait plus aucun problème. Après lui avoir tendue la liste, Lexi se trouve presque instantanément face à Rory Barjow, l’homme d’affaire. Il est vrai que son attitude depuis son arrivée laissait Lexi pantoise. Si elle avait au départ mis cela sur le compte du fait qu’elle l’avait dérangée dans ses préparations, elle n’en est plus certaine. Peut-être que quelque chose d’autre le tracasse ? Perdue dans ses réflexions, elle se reconcentre sur Rory lorsqu’il lui donne son point de vue. Se contenant d’acquiescer, elle le regarde réfléchir, préférant ne pas interrompre le cheminement de ses pensées jusqu’à ce qu’il se lève pour sélectionner diverses fioles sur une des étagères de l’arrière-boutique. « Ce serait parfait. » dit-elle lorsqu’il propose de tester ses produits. « Je ne m’inquiète pas tellement sur la qualité. » Elle sait comment il travaille, elle sait comment il se fournit, c’est l’une des raisons pour lesquelles il se blesse si souvent. Rory est parfois prêt à prendre des risques démesurés pour obtenir ce qu’il y a de meilleur, quitte à en payer les pots cassés. Il dépose les fioles sur la table et Lexi en sélectionne quelques-unes, inspectant les étiquettes et la date de récolte, de fleuraison ou d’autres indices pouvant témoigner de la qualité des produits. « Je demanderai à mon équipe de faire des tests, je te tiendrais au courant. » Elle ajoute : « Probablement oui, même si maintenant on a l’argent qu’il faut, je continue de faire attention aux dépenses. » conclue-t-elle. Sortant sa baguette, Lexi fait disparaître les fioles. « Tu m’enverras la facture pour les échantillons. Le service compta te remboursera. Quand on aura fait les tests, si tout est ok, tu me feras un devis et on pourra signer le contrat de collaboration. » dit-elle, satisfaite de la tournure que vont prendre les choses. Lexi veut travailler avec les meilleurs pour avoir les résultats les plus satisfaiants ; collaborer avec Rory ne pourra qu'être un plus.

Une fois la discussion terminée, le silence s’installe dans l’arrière-boutique. La jeune femme passe distraitement une main dans ses cheveux en soupirant doucement. Lexi n’a jamais été friande des discussions inutiles, pour autant, d’habitude, elle n'a pas besoin de faire la conversation, Rory parle souvent pour deux. Au bout d’un moment, elle lève les yeux vers lui et le fixe intensément, plongeant son regard havane dans ses prunelles sombres. Sans détour, elle pose la question qui lui brûle les lèvres depuis quelques instants : « Est-ce que tout va bien Rory ? Tu as l’air… » Soulé ? Agacé ? Énervé ? Aucun des mots qui lui viennent à l'esprit ne semble vraiment refléter le comportement de Rory. Il n'était pas comme d'habitude, voilà ce qu'elle constate. « Préoccupé. » finit-elle par dire, précautionneuse. Elle n’avait guère envie de repartir -encore- dans une guerre de tranchée avec Rory. Ses yeux glissent sur la table derrière lui et elle se souvient de la dernière discussion qu’ils ont eu ici, à propos de son père mais aussi de sa sœur. Il n’y avait pas tant de sujets qui pouvaient le tourmenter ainsi. Bien loin de se douter qu'elle est en partie responsable du comportement de Rory, Lexi se mord la lèvre inférieure, tout en continuant de le scruter dans ce silence qui devient pesant. Dans un murmure, elle ajoute faiblement, comme si elle craignait d'être entendue : « Est-ce que Lilibeth va bien ? » Lexi connait l'attachement de Rory pour sa sœur et c'est sans doute une des premières raisons qui pourrait expliquer son attitude.

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Les Récompenses:

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It's strange...Rory était loin de briller pour son aisance sociale et pourtant, par un miracle insondable, il réussissait à compter un cercle de proches relativement « grand » pour quelqu’un qui exécrait le genre humain. A croire que malgré tous les traumatismes vécus dans son enfance, cela ne l’avait pas empêché d’être sympathique et attachant pour certains. Un mystère pour lui mais bon, il n’allait pas s’en plaindre. Gagner avec le temps divers compagnons de beuveries, d’aventures et autres conneries ça avait du bon. Si certains sortaient clairement du lot comme Silas et Abi, ceux à qui il accordait véritablement toute sa confiance se comptaient sur les doigts d’une seule main. Ça n’était cependant pas pour autant qu’il n’appréciait pas les autres. Vis-à-vis de Lexi en revanche, Rory ne parvenait pas clairement à se positionner. Si la relation qu’ils avaient toujours entretenue jusque là, une amitié de respect principalement motivée par un aspect professionnel, lui avait toujours convenu force était de constater que quelque chose avait changé. Une approche avait été initiée de sa part, sans qu’il n’en comprenne la raison ou même l’origine. Probablement le fait d’avoir été mort pendant quelques secondes… Et puis il y avait eu deux événements regrettables. Deux fois où toutes les lignes avaient été franchies avec une telle facilité que ça en était déconcertant. Par quel dragon avait-il été brûlé ces jours là pour ne pas mettre fin plus tôt à ces conneries ?! L’appel de la chair avait toujours été plus fort que la raison chez Rory. Il suffisait de voir son tableau de chasse de conquêtes. Il se savait séduisant, accordait peu d’importance aux sentiments et par conséquent se laissait aller à un peu de luxure pour satisfaire ses envies. Un mode de fonctionnement si ancré en lui que les incidents avec Lexi en devenaient irrationnels. Une belle grosse connerie ouai, voilà ce que c’est.

Ainsi, sa réaction à la pique lancée sur le cercle d’amis de la jeune femme le surprit légèrement. Il la savait très sélective, presque rigide en ce qui concernait les personnes dont elle s’entourait. Pour une raison obscure, il en faisait partie. Probablement la confiance qu’il lui accordait pour le soigner, le fait qu’ils partageaient tous deux une histoire familiale chaotique ou alors ce respect professionnel mutuel… Qui sait ?! Haussant un sourcil à sa réaction, il esquissa un léger sourire aux explications qu’elle lui fournit alors que son regard glissait à nouveau sur le bois de la table. Sacrée tête de mule dis donc. Il préféra ainsi laisser glisser le fait qu’il soit « pédagogue », une sacrée blague quand on savait le manque cruel de patience qui caractérisait le jeune héritier Barjow. Connor était par exemple le premier à pouvoir en témoigner vu les colères monstres que Rory piquait au moindre faux-pas du jeune homme. Si cela n’avait pas été contraignant pour la gestion de la boutique, cela ferait longtemps qu’il se serait débarrassé de façon définitive du sorcier incompétent. Quand elle évoqua l’absence de femmes dans son cercle restreint, Rory eut un léger rire en haussant les sourcils d’amusement. Rien de bien étonnant là dedans. « En même temps t’as aucun centre d’intérêt féminin et ton caractère s’apparente plus à celui d’un mec donc bon… Ça me surprend pas personnellement. Par contre si tu te fais des copines aux galas c’est clairement un plus pour les subventions je pense. » La taquina-t-il, sachant pertinemment que le type de demoiselles présentes à ces événements n’avaient rien de très agréable ou étaient beaucoup trop féminines pour s’accorder avec Lexi. Son léger sourire en coin resta en place à l’idée qu’elle aurait pu y aller seule et il s’exclama alors. « Parce que je savais que si t’y allais seule t’aurais été fidèle à toi-même : froide et peu agréable. Pas franchement le type d’attitude qui donne envie aux vieux cons de te filer du fric si tu vois ce que je veux dire… Cela dit maintenant que tu as les codes tu pourras te débrouiller comme une grande pour les prochains galas. » En effet, Rory connaissait bien son amie, il savait que si elle y était allée seule ça aurait plus été un suicide social qu’autre chose. Pour lui qui connaissait bien ces soirées, comment y évoluer et quelle attitude adopter pour fasciner et en même temps s’imposer, ça avait été un jeu d’enfant. Une fleur qu’il lui avait fait donc, prenant sur lui pour aider la médicomage.

Il était toutefois loin de se douter que ce service rendu allait pouvoir être connu de tous. Soyons honnête, en dépit des apparences et de ses nombreuses frasques en haute société lui valant la réputation d’invité « compliqué », s’afficher à la vue d’un public bien plus large d’une manière qu’il ne contrôlait pas dérangeait l’héritier Barjow. Il aimait garder une certaine discrétion, un certain mystère autour de sa personne. Il vivait avec les « on-dit » depuis sa plus tendre enfance, continuer dans ce sens semblait approprié. Les photos, l’une formelle et la seconde plus « intime » étaient une preuve qu’ils s’étaient affichés ensemble à ce gala. Fait que maintenant tout le monde sorcier s’intéressant à la médicomagie pourrait savoir. Niveau discrétion et mystère on repassera donc. Il fallait en revanche admettre que le second cliché qui n’avait pas été sélectionné par Lexi montrait bien le ton qui régnait à cette soirée. Le véritable visage derrière les nombreuses courbettes qu’ils avaient pu effectuer avec les invités pour encourager les dons. Des acrobaties qui s’étaient soldées par une belle réussite. Le simple souvenir de certains convives lui hérissait toujours le poil, d’autant plus quand il apprit que certaines avaient été encore plus généreuses sur la fin… Rory ne préférait même pas y penser. Un moment de faiblesse qu’il ne comprenait pas, ne s’expliquait pas mais surtout auquel il ne voulait pas penser. Tout cela n’avait aucun sens alors autant faire comme si ça n’avait jamais existé. C’était plus simple comme ça. Après tout, Lexi faisait bien ainsi. Son attitude restait inchangée (même si venir juste pour ça semblait suspect) il n’y avait aucune raison qu’il n’en fasse pas de même. Bah oui, rien n’a fondamentalement changé, c’est une pote point. « Et encore c’est pas toi qui fréquente le milieu des sangs-purs. C’est à moi qu’on va rabâcher les oreilles avec toutes ces conneries. » Soupira-t-il déjà exaspéré des commentaires sur sa vie privée que certains vieux sorciers jugeaient de bon goût de formuler. Et c’était eux qui étaient censés avoir une meilleure éducation que lui ?! Bullshit. Le sujet des soirées mondaines sur le tapis, il clarifia les choses avec la médicomage qui s’étonnait déjà du « traitement de faveur » qu’elle avait reçu de la part des convives à l’hôpital et rajouta. « Non c’est sûr qu’il y a peu de chances que tu y sois conviée un jour. » Nouvelle génération ou pas, il restait quelques puristes extrémistes et c’était bien les seuls à vouloir perpétrer la tradition de ces soirées guindées où la seule et unique distraction était les potins. Il lui rendit le magasine tout en évoquant son point de vue sur de supposés enfer et paradis où ils pourraient respectivement avoir leur place. Un comble quand on connaissait les prouesses de l’un comme de l’autre. Accordant peu d’importance à toutes ces croyances bien moldues, Rory préféra se concentrer à nouveau sur le principal sujet de la discussion : les fameuses soirées avec pour but des conventions. Si un jour on lui avait dit qu’il épiloguerait là dessus… « Sérieux ?! Cela dit je suis sûr que tu trouveras une méthode pour ne pas avoir à t’y rendre et puis maintenant tu es rodée. Tu sais comment te débrouiller. » Si les quelques conseils qu’il lui avait donnés ainsi que son sacrifice en l’accompagnant avaient servis à quelque chose c’était bien ça : elle s’était jetée dans le grand bain. Elle avait expérimenté ce que c’était d’être au centre de l’attention et devoir convaincre. Il suffisait de constater la somme récoltée pour se rendre compte que ça avait été efficace. Toutefois était-il bien nécessaire de remercier tous les bienfaiteurs individuellement ?! Si Lexi ne l’avait pas fait à la soirée, pourquoi vouloir le faire avec Beurk. Connaissant son ami comme sa poche, il savait pertinemment qu’il ne s’en formalisait pas, après tout, il n’avait pas spécialement fait attention à la somme versée encore. Mieux valait donc qu’il l’apprenne de la bouche de Rory que par Lexi. Sans compter que malgré sa politesse légendaire à chaque venues, de plus en plus fréquentes il fallait bien l’avouer, de la médicomage Silas ne le trompait pas. Il se doutait bien qu’il avait du mal avec elle. D’ailleurs, c’est vrai ça, pourquoi subitement elle vient plutôt que d’utiliser un hibou comme on l’a toujours fait ?! Une question mise en suspens par la réponse de la jeune femme à laquelle il accorda un simplement haussement d’épaules désintéressé. Toute cette histoire ne le concernait pas et d’une certaine façon, vu leur caractères respectifs c’était mieux que Monsieur Flegme et Madame Frigide ne se fréquentent pas.

Quand elle aborda finalement la question des commandes de potions et ingrédients Rory sembla reprendre un peu vie. Non parce que discuter galas etc c’est marrant cinq minutes mais bon… Au moins avec le sujet d’une collaboration pour fournir certaines matières premières à Sainte Mangouste, le potionniste évoluait en terrain connu. Exit l’inconfort et welcome la routine confortable. Immédiatement en parcourant la liste du regard Rory pouvait tout de suite analyser ce dont il disposait, ce qui pourrait nécessiter des ingrédients d’une meilleure qualité que la normale ou encore le travail nécessaire à fournir pour honorer une si grosse commande. Tout en sélectionnant quelques échantillons qu’il déposa sur la table, il expliqua alors son plan avec la méthodologie qu’il pensait appliquer pour pouvoir être le plus efficace. Il redevenait ce business man au discours bien rodé. Si c’était Silas qui s’occupait de l’aspect vente, Rory prenait parfois le relais dès qu’on venait les voir pour quelque chose qui touchait à ses domaines d’expertise. Les clients tatillons ou avec une vision bien précise de ce qu’ils souhaitaient savaient qu’il fallait passer par lui pour du sur-mesure. Il la laissa donc observer les échantillons proposés hochant simplement de la tête à ses remarques. « Je te fais envoyer la facture et mon employée joindra un catalogue résumant les tarifs de nos différentes gammes de qualité comme ça ton équipe puis le service comptabilité de l’hôpital pourront s’accorder sur le choix. En fonction tu recevras mon devis par hibou et pour le contrat je pense qu’il faudra voir ça avec mon employée en charge de la partie légale. C’est elle qui s’occupe de cet aspect là à présent. » Et pour cause, ils étaient complètement débordés. Heureusement qu’il avait eu la brillante idée d’embaucher Thalia quand cette dernière s’était présentée à la boutique fin de l’été dernier. La jeune sorcière qu’il connaissait depuis des années lui était d’une aide précieuse, le délestant du poids administratif si barbant de certaines tâches comme les signatures de contrats, conformités et autres joyeusetés.

Un peu naïvement, Rory crut que leur entrevue s’arrêtait là. Après tout pour quelles autres raisons pourrait-elle passer à la boutique en plein milieu de la journée. Ça n’était pas son style. Lunettes de protection en main, il s’apprêtait à retourner à ses potions quand il constata qu’elle n’amorçait pas de mouvements. Au contraire même, elle le fixait. Ça pue la merde… Perplexe, son expression plus amicale suite à l’évocation d’un partenariat se mua bien rapidement pour se fermer. Sourcils légèrement froncés, Rory la regardait avec une certaine défiance. Qu’y avait-il pour qu’elle le dévisage ainsi par tous les sangs ?! La sentence tomba finalement, lui glaçant le sang. Presque par réflexe, il haussa cette fois-ci les sourcils en affichant clairement son incompréhension. Mais putain à quel jeu elle joue encore ?! Préoccupé ? Lui ?! Oui c’était son attitude étrange à elle qui le préoccupait. C’était à ne plus rien y comprendre. Tout dans l’attitude de la jeune femme semblait comme différent et c’était lui qui était bizarre ?! Alors qu’il réfléchissait à une façon de se justifier qui ne la ferait pas partir immédiatement dans les tours, sa question à peine soufflée lui fit reporter son attention sur elle. Pourquoi parlait-elle de Lili ici et maintenant ?! Evoquer le sujet de sa petite soeur était déjà suffisamment sensible sans qu’en plus elle l’aborde dans la boutique. Par Merlin, si jamais son père avait installé un système espion qu’il ne pouvait pas détecter par ses sorts de protection… Cette simple éventualité suffisait à le faire paniquer compte tenu qu’il n’avait pas de ses nouvelles depuis plusieurs semaines à présent. Hiboux, sms, elle ne répondait plus à rien. Un silence radio qui ne lui ressemblait pas. Lors de leurs précédentes engueulades Lili finissait toujours par lui répondre mais là… « Préoccupé ?! J’suis pas préoccupé d’où tu sors ça ? » A cet instant précis Rory était plus agacé. Une émotion d’ailleurs qu’il ne se privait pas de clairement afficher, n’en faisant, comme à son habitude un peu qu’à sa tête. « Et puis tout va bien oui. Je vois pas où est le problème ! » Annonça-t-il en préférant mentir délibérément pour ne surtout pas prononcer le prénom de sa petite soeur ou même encore s’étaler sur ce sujet. Qui sait tout ce que son père pouvait capter ?! Les informations qu’il glanait ici et là sans même qu’il ne s’en rende compte. Hors de question donc d’évoquer son nom à voix haute ou même d’aborder la question de sa relation avec la cadette Barjow. Lexi allait devoir se contenter de ça. « C’est toi qui agit de façon étrange. » Conclut-il finalement.

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Date d'inscription : 12/04/2020

What a wicked game to play
To make me feel this wayArrière boutique de Barjow & Beurk, Début février 2021 || ROXI VIIILexi n’a jamais été le genre de femme dont on aime s’entourer. Étrangement, la plupart des gens la fuient comme la peste, considérant que son air affable suffisait à montrer qu’elle n’était pas encline à se plonger dans une relation sociale, et encore moins dans une relation amicale. Il faut dire que la médicomage a rarement eu l’occasion de faire confiance aux gens, se convainquant qu’il était inutile de présenter un cercle d’amis très large puisqu’il suffisait d’avoir quelques personnes de confiance, quelques personnes pour qui elle donnerait sa vie sans hésiter et sur qui elle pouvait compter en toutes circonstances. Lexi, au-delà des aspects inhérents à sa personnalité, s’était forgée une carapace impossible à percer tout au long de ses années et les seules personnes qu’elle a laissé entrer dans sa vie sont des gens qui savaient, des gens qui pouvaient comprendre, des gens qui avaient vécu la même chose qu’elle. La peur, la solitude, l’angoisse, la trahison, l’incompréhension, la douleur. Il était pour facile d’éviter le jugement des autres quand on sait que l’autre a fait pire. Lexi ne se considère pas comme étant une personne foncièrement mauvaise, elle sait qu’elle n’a pas gagné à la loterie de la vie : pour autant, elle avait trouvé un but dans son existence et son travail l’aide énormément à garder la maîtrise d’elle-même. Lexi sait qu’elle est une acharnée du travail bien fait et c’est une des qualités qu’elle possède, à défaut d’être sympathique. Mais « sympathique », Lexi pouvait l’être avec ses proches, lorsqu’elle relâche toutes les barrières, lorsque ses défenses sont abattues, lorsqu’elle sait qu’elle peut être elle-même. Avec Tobias et Kesabel, ses amis d’enfance, si on peut les qualifier ainsi, il n’y avait pas de jugement, pas de faux-semblants et Lexi pouvait leur rentrer dedans sans que cela n’occasionne une dispute prolongée, sans qu’ils se vexent, sans que cela ne change quelque chose dans leur façon d’agir et de se positionner les uns par rapport aux autres. Avec Rory, et bien qu’elle lui fasse tout autant confiance qu’à eux, Lexi se sent comme si elle faisait du hors-piste ; il y avait des obstacles, des retours en arrière, des chutes inévitables. Jusqu’à présent, la jeune femme s’est toujours relevée, s’imaginant qu’il fallait du temps pour qu’ils puissent trouver un mode de communication qui leur convienne à l’un et à l’autre. Après tout, s’il avait été aisé de devenir amie avec Tobias, avec Kesabel cela n’avait guère était simple de comprendre comment fonctionne l’autre donc elle peut tout à fait concevoir que son amitié avec le jeune Barjow nécessitait des « ajustements ». Lexi n’a pas pour habitude de faire des concessions mais Rory avait su se montrer suffisamment patient avec elle lors de l’apprentissage de la valse ainsi que lors des cours de bienséance pour qu’elle daigne se montrer elle aussi attentive.

A vrai dire, Lexi a toujours été plus à l’aise avec les hommes qu’avec les femmes, peut-être parce que son attitude et sa franchise faisait régulièrement tâche en société. On attendait peut-être d’une femme qu’elle soit douce et maîtrisée, Lexi préfère de loin rentrer dedans et frapper là où ça fait mal. En toute discrétion bien entendu. Lorsqu’elle devait paraître face au monde, il fallait bien qu’elle se contente de faire des efforts. « Le lancer de couteau n’est pas mixte ? » dit-elle en plaisantant lorsque Rory lui fait remarquer qu’elle n’avait aucun intérêt féminin. « Puis maintenant, je danse la valse, peut-être que cela m’aidera dans mes prochaines soirées. » Vaste fumisterie, Lexi espère bien ne jamais devoir y remettre les pieds, du moins pas si cela ne lui rapporte rien. Lorsqu’il évoque les femmes du gala, Lexi arque un sourcil : « Plutôt mourir. » Ses mains se joignent et elle passe nerveusement ses doigts sur ses avant-bras pour chasser le frisson qui la parcourt. « Des copines, manquerait plus que ça. » Lexi s’imagine dans une de ses soirées à parler chiffons et maquillage et cette simple pensée lui suffit pour lâcher une grimace. Rory, quant à lui, semble s’amuser de la situation puisqu’il la taquine et sourit légèrement tout en lui faisant remarquer qu’elle n’aurait probablement pas été aussi à l’aise sans cavalier. Lexi relève la tête. Sans lui, en réalité. « J’aurai été capable de sourire et d’être sympathique, n’exagère rien. » dit-elle. Après tout, Lexi sait faire semblant quand il faut. « Mais j’aurai probablement été bien plus tendue, c’est vrai. » admet-elle. Faire semblant paraît simple lorsqu’on n’est pas le centre de l’attention. Mais au gala, tous les regards étaient tournés sur elle, tous ses faits et gestes avaient été épiés et scrutés. Supporter cela toute la soirée seule l’aurait probablement mis dans l’embarras. Elle ignore si elle aurait pu le supporter. En cela, la présence de Rory lui avait été bénéfique. Parce qu’elle savait, au fond d’elle, qu’il serait là pour jouer les garde-fous, qu’il serait là pour répondre à sa place si jamais une remarque l’avait décontenancé, qu’il serait là pour l’épauler, pour la soutenir. C’était précieux, voilà tout.

Évoquant ensemble les souvenirs de la soirée, Lexi se remémore chacun des instants tandis que Rory ronchonne et bougonne, persuadé qu’il allait maintenant être la cible des commérages de la sphère très privée et très huppée des Sang-Pur. Lexi hausse les épaules et dit : « T’as qu’à leur dire la vérité. » Les doigts de la jeune femme viennent titiller son menton tandis qu’elle se demande soudainement de quelle vérité parle-t-elle. Qu’ils soient seulement des amis et non pas un couple prêt à se marier et à enfanter comme ils avaient pu le laisser croire en piégeant certains invités, ou bien qu’ils soient au final plus que cela, plongés dans un entre-deux délicat d’une amitié améliorée dont les tenants et les aboutissants ne sont pas clairement définis ? Lexi ne sait pas bien quoi répondre à cet état de fait. « Puis c’est pas comme si tu te rendais à ce type de soirée tous les quatre matins, ils trouveront bien un autre sujet à se mettre sous la dent d’ici là. » conclue Lexi sur le sujet. Ce type de soirée mondaine, Lexi n’y sera probablement jamais invitée comme Rory le lui fait remarquer et elle sait bien pourquoi. Pour une fois que son statut de sang-mêlée lui sert à quelque chose… Cela lui évite bien des corvées. Lexi relève les yeux vers son ami alors qu’il lui dit qu’elle saura se débrouiller seule maintenant qu’elle est rodée. Se mordant l’intérieure de la joue, encore une fois pensive, elle soupire de manière quasi imperceptible et se contente de dire : « Oui, oui. » Non, non. En réalité. Elle n’imagine pas se rendre à une autre soirée comme celle-là prochainement, mais elle avait plus ou moins acté dans son esprit que si cela était amené à se reproduire, elle pourrait compter à nouveau sur la présence de Rory à ses côtés. Après tout, il avait presque insisté pour être son cavalier non ? Ne lui avait-il pas fourni tous les arguments nécessaires pour lui montrer à quel point il pouvait lui être utile et à quel point sa présence auprès d’elle lui serait bénéfique ? Au-delà des aspects formels, c’est sincèrement le type de situation où Lexi ne se sentirait pas vraiment d’être seule.

Une fois le sujet du gala totalement clos, l’idée du partenariat brièvement évoquée lors de la soirée occupe une autre partie de la discussion. Lexi lui expose ses besoins en termes de potions et d’ingrédients et lui demande si cela est dans ses cordes ou non. Ravie de pouvoir traiter à nouveau avec lui de manière professionnelle, Lexi sait ce qu’elle a à y gagner ; si la boutique de l’apothicaire du Chemin de Traverse convient pour les potions et recherches usuelles et bas de gamme, rien ne vaut la qualité des produits de chez Barjow&Beurk, bien loin de la médiocrité des herbes et ingrédients fabriqués dans l’industrie herbologique magique. Rory semble s’éveiller face à sa proposition et Lexi retrouve là l’adolescent torturé qui avait insisté pour être son coéquipier durant les cours du club de potions. Un sourire amusé s’installe sur les lèvres de la jeune femme tandis qu’il lui explique comment il souhaite procéder. En accord avec cela, elle se contente d’hocher à plusieurs reprises la tête, posant de temps à autre une question ou deux. « C’est noté. » Une fois la partie administrative réglée, le silence s’installe dans la pièce.

Au prime abord, les yeux de Lexi glissent vers la petite boîte d’un noir mat d'une sobriété qui lui ressemblait qu’elle avait conservé dans son sac jusqu’à sa prochaine entrevue avec Rory mais vu l’ambiance glaciale, elle ne sent vraiment pas de la donner maintenant. Remettant la remise du paquet à plus tard, s’inquiétant pour Rory, son regard fixe le potionniste, cherchant à y lire ou à y déceler la moindre explication sur son attitude. D’ordinaire, elle n’avait pas vraiment besoin de faire la conversation elle-même, il s’en chargeait bien lui-même. Mais depuis son arrivée, au contraire, elle avait mené la barque et avait engagé la discussion sans qu’il ne lance un autre sujet et Lexi se demande si c’est parce qu’elle l’a vraiment dérangé et qu’il a été trop poli pour le lui dire ou si quelque chose d’autre le tracassait. L’hypothèse de la politesse est rapidement exclue, Rory n’était pas vraiment du genre langue de bois sur ce sujet-là et si elle tombait vraiment mal, il le lui aurait dit. Restait donc la seconde possibilité. Évoquant Lilibeth dans un murmure, elle voit Rory se fermer davantage et il ne lui en faut pas plus pour comprendre qu’elle a vu juste, du moins, probablement en partie. L’agacement se lit sur son visage tandis que la nervosité s’installe sur les traits de Lexi qui s’évertue à rester calme, toujours immobile sur son tabouret. Je vois pas où est le problème ! scande-t-il. « Très bien. » dit-elle, ne croyant pas un mot de ce qu’elle dit mais cherchant à apaiser son ami, préférant ne pas aller au conflit. Peut-être qu’il n’avait pas envie de parler d’elle ici. Pourtant, elle se tenait quasiment au même endroit lorsqu’il lui avait fait une des révélations les plus intimes qui soient concernant sa cadette. Alors que Lexi ouvre la bouche pour lui proposer d’aller en échanger ailleurs, Rory reprend la parole et c’est au tour de Lexi d’être surprise. Étrange, elle ? Qu’avait-elle d’étrange en réalité ? En dehors du fait qu’elle était particulièrement loquace aujourd’hui, ravie d’avoir pu lui obtenir les subventions qui lui permettaient de continuer son travail, satisfaite de pouvoir travailler de nouveau avec lui. Oui, Lexi est particulièrement de bonne humeur aujourd’hui, c’est assez rare pour qu’on daigne le souligner. « Comment ça étrange ? » Lexi fronce les sourcils, se mord à nouveau la lèvre et ses doigts viennent se perdre dans son cou, venant chatouiller la lame du couteau papillon glissé sous sa chemise. Sans transition, elle demande à nouveau dans un chuchotement, à peine audible : « Tu veux que je parte ? » Lexi n’ose même pas imaginer qu’il puisse dire oui. Mais soudainement, elle se sent de trop dans cette pièce dans laquelle elle a pourtant passé de nombreux autres moments. Quelque chose perturbe Rory, elle ne sait pas quoi, elle ne sait pas qui. Cela la met mal à l’aise parce qu’au-delà de ce constat simple, elle n’était pas certaine qu’il accepte son aide, même si elle le lui proposait. Rory était comme elle ; il avait sa part d’ombre, sa part de noirceur. S’abandonner et faire confiance n’avait rien d’acquis, jamais. C’est difficile, douloureux, pénible. Mais c’était aussi pour cela qu’ils s’étaient rapprochés.

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It's strange...Plus les participations de Rory aux soirées mondaines s’étaient raréfiées, accompagnées systématiquement d’une attitude provocatrice et hautaine, plus il avait été qualifié de fils « indigne ». Ce petit sobriquet n’était pas arrivé seul. Traître à son sang, héritier de pacotille, admirateur des sangs-de-bourbe et autres insultes gentillettes qui lui glissaient dessus. Il était plus curieux de découvrir ce qu’on disait de lui suite à certaines frasques toujours plus spectaculaires qu’intéressé par la soirée en elle-même et ses enjeux. Si beaucoup s’y rendaient pour faire affaire et entretenir leur réputation dans le cercle très fermé de l’élite sorcière, Rory estimait qu’il n’avait pas besoin de cela pour attirer une clientèle fortunée et exigeante dans sa boutique. Après tout, quand il s’agissait d’acheter une potion de qualité, faire confectionner un artefact bien précis ou encore s’assurer de la discrétion du commerçant, Barjow&Beurk était LA boutique dans laquelle se rendre. Toutefois maintenant qu’il avait accompagné Lexi au gala de l’hôpital, s’étant exposé aux yeux de tous en sa compagnie et ayant laissé planer le doute sur la nature de leur relation, il savait quel type de sujet animerait les futures soirées mondaines. Autant dire qu’il n’allait pas y remettre les pieds avant que le tout ne se tasse. Le type de population qu’on trouvait à ces événements était loin de lui correspondre, l’époque où il pouvait « jouer » avec la progéniture turbulente d’autres sangs-pur semblait révolue. Imaginer son amie y participer sans y être contrainte était donc risible. Si déjà un gala dans son propre intérêt s’avérait stressant, qu’est-ce que cela serait si il n’y avait aucun enjeux pour elle ?! A sa plaisanterie sur les hobbies dont elle pourrait discuter avec les demoiselles présentes, il laissa échapper un léger rire amusé. Elles étaient rares les jeunes femmes de grande lignée à se prendre de passion pour ce qui était, à tort, attribué aux hommes. Seule Anjelica lui venait en tête. Sang-pur. Fougueuse. Téméraire. Pas franchement féminine. Bagarreuse. Qui sait ? Peut-être que si elles venaient à se croiser elles auraient des points communs à évoquer ensemble… Il se contenta toutefois de commenter avec un léger sourire narquois. « Les seules qui pourraient partager des centres d’intérêts similaires aux tiens n’y vont pas donc il est clair que ça serait plus une perte de temps. » Conclu-t-il dans un bref haussement d’épaules avant d’évoquer la raison pour laquelle il avait souhaité l’accompagner au gala. Sa réponse le laissa plus que dubitatif, haussant un sourcil en la fixant avec une moue circonspecte. Elle ? Souriante et sympathique avec des étrangers ? Si déjà avec lui elle semblait bien froide, il n’osait même pas imaginer ce que ça pouvait donner avec d’autres, même si elle se forçait. Rory se contenta donc d’un simple acquiescement de la tête, pensif mais franchement pas convaincu par ce qu’elle avançait comme arguments.

Une chose était sûre : la soirée avait été un succès et il avait rempli sa mission. Non seulement il l’avait accompagné pour qu’elle soit moins stressée mais en plus il avait su user de ses talents de beau-parleur pour lui obtenir de nombreuses subventions. Les rumeurs qui allaient courir à leur sujet en revanche était bien loin de l’enchanter. Si Rory n’avait aucun problème à se comporter comme le dernier des enfoirés en société par pur jeu et défiance, qu’on s’intéresse directement à sa vie privée avait toujours eu le don de l’agacer. Bien qu’habitué des rumeurs sur sa vie sentimentale, après tout il avait eu trois fiancées, trois échecs et on cherchait toujours à le caser avec « le meilleur parti », il se montrait plus virulent que jamais quand le sujet arrivait sur le tapis. « Effectivement je n’ai pas prévu d’y remettre les pieds à moins d’en être contraint et forcé et puis… Visiblement il y a déjà un nouveau sujet de conversation tout trouvé pour ces vautours. Je suis sûr qu’ils sont déjà passé à plus brûlant comme rumeur. » Dit-il en évoquant simplement la une du journal à scandale qu’il avait aperçu pas plus tard qu’hier soir. Une lecture que Connor semblait apprécier, le rendant ainsi un peu plus antipathique aux yeux de Rory (visiblement c’est possible). Il y avait reconnu sa meilleure amie Anje en compagnie de l’ancien attrapeur et champion de Quidditch. Les dires de l’article laissant sous-entendre qu’ils auraient passé un moment animé à cette soirée, de quoi faire tenir des mois de ragots à l’élite friande du moindre détail croustillant qu’ils pourraient colporter voire même inventer.

Au moins les efforts déployés lors du gala n’étaient pas vains. Outre les rumeurs qui circuleraient pendant un temps sur la véritable nature de leur relation, Rory estimait en ressortir gagnant. Une sensation confirmée par la proposition que lui fit Lexi. Si à la base il n’espérait pas en retirer quoi que ce soit de précis, après tout il était simplement là pour épauler et soutenir son amie dans une situation stressante, la nouvelle avait de quoi le réjouir. Un partenariat était toujours une bonne chose à prendre. Surtout quand ce dernier se faisait avec une institution publique et aussi prestigieuse que l’hôpital de Sainte Mangouste. S’il jouait bien ses cartes, il réussirait peut-être même à intéresser d’autres études menées par certains médicomages de renom, se positionnant ainsi en tant que leader des ingrédients et potions de premier choix loin devant l’industrie magique spécialisée dans ce milieu. Dans ce genre de moments il était impossible pour Rory de dissimuler son entrain. Parler boulot, inventions, potions et autre était peut-être le sujet parmi tous qu’il préférait. Un terrain connu dans lequel il n’avait plus ses preuves à faire. Il brillait de par son intelligence et créativité, l’égo-boost parfait ! En revanche, s’étaler sur du personnel n’avait jamais été sa tasse de thé. Même en bon anglais qu’il était, il préférait se refermer comme une huître au moindre problème plutôt que de s’épancher sur ce qui pouvait bien le tracasser. Silas faisait office d’exception et leur relation si complice avait l’avantage qu’il ne lui était parfois même pas nécessaire de parler pour se sentir soutenu. En dehors de l’héritier Beurk avec qui il partageait la gérance de la boutique, Rory avait appris à gérer seul. Il comptait des amis très proches vers qui se tourner pour se changer les idées et récolter un peu d’affection mais dès qu’il était question de sujets sensibles, tous avaient appris que Rory Barjow préférait le silence aux mots. Lexi allait devoir l’apprendre à la dure car la patience et la diplomatie étaient bien loin de caractériser l’animagus.

La simple évocation du prénom Lilibeth suffit à ce qu’il se ferme. S’il lui avait confié la nature cracmolle de sa soeur cadette ici même dans un souffle, il ne s’attendait pas à ce qu’elle lui en parle à nouveau, certainement pas dans l’arrière-boutique. Nerveux, Rory ne pouvait s’empêcher de regarder autour de lui comme à la recherche d’un espion magique enchanté par son père qui aurait pu se déclencher. Ce vieux fou était prêt à tout pour perpétrer son règne de terreur. Surveiller son seul et unique héritier en faisait partie. Voilà pourquoi Rory n’excluait pas la possibilité d’être sous-écoute et d’autant plus si certains sujets venaient à être évoqués entre ces murs. Son ton glacial, dissimulant à peine l’agacement mit rapidement fin à l’interrogatoire. Au moins elle savait qu’il ne fallait surtout pas jouer les enquêtrices et poursuivre dans une direction qui aboutirait à un cul-de-sac. Par mécanisme de défense il retourna le « blâme » contre elle, l’accusant d’agir de façon étrange mais visiblement la principale concernée ne semblait pas être du même avis. « Tu te pointes en plein milieu de la journée pour « me remercier », tu me montres un magasine et parles business alors que d’ordinaire on l’aurait fait par hibou, tu parles de remercier Beurk alors que tu ne t’es jamais préoccupée de lui jusque là et maintenant tu prononces son nom, ici… » Accentua-t-il tout en scrutant les étagères en quête du moindre signe suspect parmi les objets qui y étaient entreposés. « Oui, tu es étrange aujourd’hui. Je sais pas quel dragon t’as brûlé mais t’es pas comme d’habitude. » Finit-il par lâcher en replaçant ses lunettes de protection sur ses yeux pour ouvrir le couvercle au dessus d’un des chaudrons dont le contenu mijotait tranquillement depuis le début de leur conversation. Son oreille fine lui permis tout de même d’entendre le murmure qu’elle lâcha et haussa les sourcils dans un profond soupir mêlant une nouvelle incompréhension à de l’agacement. Décidément, il ne comprenait pas son attitude du jour. « Si t’avais d’autres choses à voir avec moi on peut en discuter sinon… Fais comme tu veux. » Grommela-t-il en touillant lentement le liquide dorée qu’il avait préparé, rapprochant son visage du contenant pour s’assurer que l’odeur dégagée était la bonne. Au moins voilà une chose constante, qui ne risquait pas d’évoluer étrangement. Les ingrédients avaient été mis dans le bon ordre, dans la bonne quantité, en suivant le bon protocole. Si les relations pouvaient être comme la préparation de potions, tout serait bien plus simple. Soit ça marche comme sur des roulettes, soit ça explose très très rapidement. L’entre-deux n’existait pas.

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What a wicked game to play
To make me feel this wayArrière boutique de Barjow & Beurk, Début février 2021 || ROXI VIIILexi rejoint Rory lorsqu’il exprime l’idée qu’il est peu probable qu’elle rencontre dans ces galas des personnes susceptibles d’éveiller son intérêt. Elle le sait, elle se sent davantage à l’aise avec ceux qui partagent, comme elle, une part d’ombre et de ténèbres. Chacun son lot de souffrance, chacun ses traumatismes latents. Il y avait eu Kesabel, puis Tobias. Chacun a sa manière avait apporté à la jeune femme. Il y avait eu les contacts avec Soledad après la mort de son père ; encore une fois, un simple carton de condoléances avait suffi à raviver la flamme d’une amitié juvénile à laquelle Lexi avait mis un terme. Puis Rory, récemment. Ils avaient partagé et vécu ensemble des moments particuliers qui laissent Lexi penser qu’il pourrait occuper une place plus privilégiée dans sa vie. Pour autant, s’il paraissait facile de comprendre ses amis de longue date, Rory demeure encore une belle énigme à ses yeux. Ne cherchant pas à relancer la conversation sur ce sujet, Lexi se contente d’hausser les épaules à son tour. Elle ignore si elle pourrait vraiment créer de nouveaux liens aujourd’hui avec qui que ce soit, cela lui semblait presque surfait, en définitive. Inutile en réalité. Pourtant il lui arrive parfois de se sentir seule. Mais laisser quelqu’un l’approcher, c’est aussi prendre un risque incroyable et Lexi préfère de loin l’épreuve du temps pour savoir en qui elle pouvait placer sa confiance. Peu peuvent se targuer de cela en réalité.

Concluant sur le sujet du gala, Lexi enchaîne rapidement sur la proposition professionnelle à laquelle elle songeait depuis quelques jours. Après tout, avec les moyens mis désormais à sa disposition, son équipe allait enfin pouvoir mettre les bouchées doubles et les partenaires habituels de l’hôpital pour la fourniture des ingrédients et potions spécifiques n’allaient pas pouvoir lui adresser ce qu’elle demandait dans des délais raisonnables, avec une qualité suffisante pour obtenir des résultats rapidement. Voilà pourquoi elle avait pensé à Rory. Elle connaissait ses compétences et avait toujours voulu en tirer profit. Après tout, ils avaient été partenaires à Poudlard alors qu’ils n’étaient que des gamins avant de collaborer à plusieurs reprises sur d’autres projets plus professionnels mais aussi personnels ; celui-ci était d’une autre envergure mais pourrait rapporter gros à la boutique. Lexi n’est pas du genre à apprécier les conflits d’intérêt, mais elle est d’un naturel pragmatique. Sur ce domaine, Barjow&Beurk se situe parmi les meilleurs et elle a besoin du meilleur pour avancer dans ses recherches. Si cela peut, un tant soit peu, permettre à Rory de gagner davantage d’argent… Pourquoi pas après tout. Une fois les détails sur l’éventuel partenariat réglés, Lexi se demande si elle doit quitter les lieux. Rory n’a pas l’air dans son assiette, il est plus froid que d’ordinaire et le seul moment où il a manifesté un peu d’entrain lors de la conversation c’est lorsqu’ils ont parlé du travail. Se questionnant sur les raisons qui pourraient le pousser à être si taciturne avec elle, Lexi ose prononcer le prénom de trop. Àà la réaction du fils Barjow, elle comprend qu’elle n’aurait pas dû sans savoir pourquoi. Après tout, ils se trouvaient quasiment au même endroit que la fois où il lui avait délivré le secret sur sa petite sœur mais quelque chose a changé depuis le mois de décembre. Rory semble se tendre à sa simple évocation et Lexi se demande comment elle doit réagir. Surtout lorsqu’il lui dit qu’elle semble étrange. Étrange est un doux euphémisme, après tout, Rory et Lexi apparaissent étranges pour la plupart des gens, mais d’ordinaire, cela ne le dérangeait pas outre mesure. À moins qu’il n’y ait autre chose qui le tracassait ? Sa nervosité semble transpirer par tous les pores de sa peau, Lexi décide de ne pas insister, cela ne semble pas être le moment en réalité.

Gardant le silence, écoutant ses justifications, Lexi arque un sourcil, comme elle en a l’habitude lorsqu’elle sent que quelque chose lui échappe. Ne comprenant pas ses remarques ou plutôt ses reproches à demi-voilées, Lexi se contente d'hausser les épaules. « Enfin Rory… » Elle soupire doucement, se demandant si elle doit se contenter de partir immédiatement ou si elle doit le mettre face à certaines de ses contradictions. Prenant ce parti-là de lui expliquer que non, elle n’était pas étrange, elle ouvre de nouveau la bouche. « C’est comme ça que je suis avec mes amis. » Elle garde pour elle ses doutes et continue : « Je comprends pas. Cela s’appelle joindre l’utile à l’agréable non ? » Cela lui semble-t-il si inconvenable qu’elle apprécie passer du temps avec lui et qu’elle préfère passer le voir plutôt que de coucher sur écrit de longues explications qui pourraient être dites en dix minutes lors d’une simple conversation ? « Tous les regards étaient portés sur nous et il a fallu supporter ça sans broncher, cela me paraît juste normalde t’adresser mes remerciements pour m’avoir accompagnée et supportée. » Elle ajoute, vexée : « Et ce n’est pas un simple magasine, c’est une revue médicale extrêmement cotée dont je fais la une. » Ce n’est qu’une question de terminologie, mais le poids des mots a toujours eu son importance pour la jeune femme. Ce n’est pas rien de faire la couverture de cette revue après tout… Répondant à chacune de ses remarques, elle continue : « Parler business par hibou oui, pas quand ça concerne un contrat qui pourrait s’avérer juteux pour vous, je préférais avoir ton avis directement et pouvoir échanger de manière plus rapide. Et je te signale que toi aussi, tu as débarqué l’autre fois sur mon lieu de travail pour rien et je n’en ai pas fait tout un plat. » Et concernant Beurk : « Pour Beurk, je voulais juste être polie. Vous avez fait une importante donation au nom de la boutique. Je pense que la plupart des gens attendent effectivement des remerciements dans ce genre de cas. Je connais pas assez Beurk pour savoir si c’est le genre de chose qu’il accepte ou non. C’est pour ça que je te demandais ton avis et je l’ai eu. » Dans un murmure, elle termine : « Et pour le reste, je ne savais pas que c’était interdit. » dit-elle sans préciser qu’elle parle de Lilibeth, il comprendra aisément sans qu’elle ne prononce une nouvelle fois son nom puisqu’apparemment, c’est proscrit.

Lexi comprend que c’est la fin de la discussion lorsqu’il replace ses lunettes sur son nez et qu’il vérifie le contenu de ses chaudrons. Lui demandant s’il souhaitait son départ étant donné son humeur exécrable, Lexi n’insiste pas. La concernant, elle est d’humeur égale ces derniers temps mais tout semble davantage lui sourire dans sa vie professionnelle et elle n’a pas vraiment envie que cela change. Pour autant, concernant sa vie sociale, elle le sait, des efforts sont encore à fournir. Quant à Rory, elle ne souhaite pas s’attarder si sa présence n’est pas désirée. Elle se lève tranquillement et enfile son manteau. Pour autant, ne pouvant se résoudre à partir dans ce silence, elle contourne la table pour rejoindre son ami. S’assurant qu’il l’ait bien vu pour ne pas le surprendre dans sa préparation, elle pose délicatement sa main sur son épaule et dit : « Écris-moi si tu as besoin de quoi que ce soit ou passe à l’appart. Je ne suis pas totalement idiote et j’aime pas te voir comme ça. » La fin de sa phrase s’achevant dans un chuchottement, Lexi retire sa main aussi vite qu’elle ne l’a posé. Reprenant son attaché-case, laissant la photo sur la table en bois, Lexi quitte l’arrière-boutique non pas sans jeter un dernier regard à l’homme torturé qui officie derrière son chaudron. « Au revoir Rory. » Le jeune Barjow avait ses secrets et ses propres démons et elle ne peut pas l’en blâmer. La vie ne les avait pas épargnés. Faire confiance n’est pas aisé, difficile même. Il s’agissait d’un travail de longue haleine en réalité.

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It's strange...Putains de conventions sociales. Putains de relations humaines. On ne pouvait pas dire que Rory Barjow excellait dans ces deux domaines, au grand damn de son paternel et du statut d’héritier qui lui incombait depuis la mort de Caïn. Savoir se tenir en société, interagir avec ses semblables, se plier à une relation sentimentale imposée conventionnelle ou encore perpétuer la gloire et le rayonnement du patronyme Barjow… Autant de responsabilités dont Rory s’était affranchi non sans fracas. Il faut dire que les conditions dans lesquelles il avait grandi ne l’avaient clairement pas aidé à se montrer enclin à courber l’échine, accepter une vie bien rangée et obéir aux moindres ordres de son cruel paternel. Bien au contraire même. Il s’était rebellé, entraînant systématiquement de nouvelles marques à vie sur ce qui était à l’époque sa frêle carcasse. Si par la suite d’autres stigmates s’étaient ajoutés, parfois liés à son manque cruel d’égard envers sa propre existence ou bien à des soirées qui tournaient mal, elles étaient toutes là pour lui rappeler d’où il venait et qui il était. Elles agissaient en point d’ancrage mais l’emprisonnaient dans la croyance qu’il ne méritait pas mieux qu’une vie de souffrance, condamné à revivre les mêmes épreuves traumatiques du passé. Si rien ne se crée et tout se transforme, son existence semblait destinée à rester figée dans une noirceur parsemée ici et là de faibles lueurs salvatrices sans jamais pour autant dissiper le voile habitant son coeur. Pourquoi mériterait-il autre chose ?!

Ainsi la visite surprise en pleine après-midi de Lexi, d’autant plus pour parler soirées mondaines, rendait Rory perplexe. On pouvait difficilement affirmer que les deux jeunes gens appréciaient ce type d’événements alors revenir sur le sujet maintenant que le gala était passé… Il était un peu perdu. Certes, il avait fait preuve de générosité, suffisamment du moins pour que cela soit notable et c’est dire tant l’héritier pouvait se montrer égoïste, il était resté alors qu’il aurait pu partir, il lui avait permis d’obtenir plus de subventions (du moins il aimait à le croire) mais de là à encore le remercier pour ça et surtout se déplacer… Rory préférait croire qu’autre chose se cachait derrière cette visite. L’évocation d’un contrat de partenariat aurait pu le convaincre si la discussion et tous les détails avaient pu être évoqués mais ça n’avait même pas été le cas. Non, décidément c’est étrange. Bien plus simple que d’admettre qu’il n’aimait pas être dérangé en plein travail, plus simple que d’admettre qu’il avait beaucoup trop de choses qui le préoccupaient pour en plus penser aux autres (déjà que d’ordinaire c’était loin d’être sa tasse de thé), plus simple que d’avouer que sa présence le mettait un peu mal à l’aise suite à tout ce qui s’était passé ces derniers mois en cumulé. Ça faisait trop pour que son esprit torturé ainsi que son égo protecteur et surdimensionné (ne nous le cachons pas) ne prennent pas le relais, préservant sa fierté en se renfermant comme une huître. Oui. C’est bien plus simple ainsi. Une méthodologie qui avait souvent fait ses preuves pour décourager les curieux. Toutefois, il fallait croire que Lexi ne faisait pas partie de cette catégorie quand elle osa prononcer le prénom de Lilibeth, sous-entendant qu’elle pouvait être la cause de son attitude plus taciturne qu’à l’ordinaire. A cet instant précis il s’en voulait d’avoir déchargé une partie de son fardeau, surtout si c’était pour qu’elle en reparle, encore plus en ces lieux où les murs pouvaient littéralement avoir des oreilles. Ça n’était pas pour rien qu’il le lui avait confié dans le creux de l’oreille alors qu’elle osait le dire à « voix-haute ».

Pouvoir verbaliser, mettre des mots concrets sur les raisons pour lesquelles il trouvait son comportement différent n’eut pas l’effet escompté. Mais en même temps est-ce bien surprenant ?! S’il y avait bien une chose que Rory n’appréciait pas c’était qu’on le contredise. Encore plus quand il pensait avoir raison et le voir affirmer qu’il existait ne serait-ce qu’une infime possibilité que cela ne soit pas le cas ou même admettre qu’il avait tort… C’était un peu comme trouver un dragon aussi docile qu’un chaton, ça n’était pas prêt d’arriver. Ainsi, quand elle lui affirma se comporter ainsi avec ses amis, il ne put s’empêcher de la fixer avec défiance, perplexe à l’idée qu’un Kesabel pour ne citer que lui s’étale sur le sujet du dernier gala et les commérages qui en résultent. Non vraiment, ça semblait… Surréaliste. Et puis, joindre l’utile à l’agréable ?! Revenir sur quelque chose d’aussi barbant que les soirées mondaines sorcières avec leurs nids de vipères assoiffés de scandale elle appelait ça agréable ?! Pour le coup Rory n’y comprenait plus rien. Qu’y avait-il de plaisant à venir parler de tout cela avec lui alors qu’ils devaient avoir tous deux bien mieux à faire. Si ça c’était normal, il devait se retrouver par le fruit d’un hasard merdique dans une autre dimension où Lexi trouvait ça amusant de venir lui parler soirée mondaine, ragots et le remercier. Depuis quand elle s’encombre de ça ?! « Je ne te savais pas si procédurière et encline à des remerciements répétés. » Lâcha-t-il alors simplement. Après tout, elle l’avait déjà remercié une fois, c’était amplement suffisant. Pas besoin d’en rajouter une couche. Il préféra ne pas s’attarder sur la question du magasine ou plutôt « revue médicale extrêmement citée dont elle fait la une » comme elle l’avait appelée, là aussi quelque peu surpris de la voir accorder autant d’importance à ce qu’on pouvait penser d’elle. Certes, son travail était reconnu et ça signifiait beaucoup pour ses recherches mais la voir ainsi vexée l’étonna. Soit. Visiblement déterminée à démonter les raisons que Rory estimait légitimes pour qualifier son comportement « d’étrange », il la laissa continuer, de plus en plus agacé qu’elle ose s’attaquer à son ressenti. Comme si ses raisons valaient mieux que les siennes. Dans un soupir il ferma les yeux en baissant la tête, préférant se contrôler pour ne pas formuler de remarque au sujet de leur collaboration. Déjà car il ne voulait pas que les paroles cinglantes qui franchiraient très probablement la barrière de ses lèvres y mettent fin mais surtout car il estimait qu’après tout, chacun sa façon de procéder. Il ne lui était pas rare d’entièrement échanger par hiboux ou même via feu de cheminette pour parler affaire. Si Lexi ne voulait pas procéder ainsi, libre à elle. En revanche, ses prunelles revinrent capter les siennes quand elle évoqua son passage à la morgue, un léger claquement de langue témoignant de l’agacement que cela provoquait. Non. Il n’était pas passé pour rien. Connor était en soins au sixième étage après s’être pris une balle. Plutôt que d’attendre qu’on le soigne il avait préféré faire un crochet par la morgue. Ça c’est joindre l’utile à l’agréable. Bon peut-être pas pour Lexi mais ça c’était encore autre chose. En revanche, la question de Silas touchait un point sensible. Impossible d’avoir quoi que ce soit à redire puisqu’il lui avait menti. Le fils Beurk n’était pas au courant de la donation qu’il avait faite au nom de la boutique. Il savait d’ailleurs qu’une discussion l’attendrait à ce sujet et la perspective d’un contrat bien juteux ferait très probablement mieux passer la pilule de la somme versée. Le reste. Une nouvelle fois, un profond soupir quitta ses lippes, détournant le regard en se redressant légèrement, signe s’il en fallait un de plus, de son inconfort. Sujet tabou, Lilibeth n’était clairement pas un sujet dont il parlait. Depuis toujours habitué à garder ce qui entourait sa jeune soeur cadette secret, pas même Silas ou Abigail n’avaient le droit d’entendre ses états d’âmes concernant sa relation tumultueuse avec celle qu’il appelait affectueusement sa « petite princesse ».

Las de la tournure prise par cette visite surprise qui au final tombait plus mal qu’autre chose, Rory préféra replacer ses lunettes sur son nez et se préoccuper du contenu d’un des chaudrons, répondant de façon évasive à sa question. Si récemment le jeune héritier s’était montré relativement agréable avec elle, il semblait replonger dans ses vieux travers, ses conflits internes et ceux qui secouaient sa relation avec Lili ne l’aidaient clairement pas à lâcher du lest et se montrer agréable avec son amie. Ainsi, il lui jeta un bref coup d’oeil quand elle posa sa main sur son épaule et eut un bref hochement de tête à ses paroles. Une façon tacite d’approuver tout en montrant qu’il savait pouvoir compter sur elle. Etait-ce pour autant qu’il irait la voir pour s’épancher sur ses problèmes ?! Plutôt crever. Oui non ça n’était pas le style de la maison. Même Silas avait droit à un silence de mort dans lequel lui seul parvenait à déceler les tourments qui agitaient son ami d’enfance. Abi en revanche avait le don pour l’acculer dans un coin et lui tirer les vers du nez un par un avec une douceur et une méthode bien à elle pour ne jamais trop brusquer le renard apeuré qui sommeillait en lui. Il se surprenait parfois lui-même à évoquer en sa présence des épisodes troubles de son histoire sans jamais complètement rentrer dans les détails ou même lier ces vieux traumatismes à ses blessures actuelles. Abi faisait les liens et tirait ses conclusions comme une grande. Non, si Rory devait faire face à ses problèmes ça serait plutôt en noyant le tout avec de l’alcool et de la drogue. Voilà ce dont il avait besoin. A quoi bon discuter quand on peut oublier. Même si c’était temporaire. Même si ça ne durerait que jusqu’au prochain verre, jusqu’à la prochaine ligne… C’était toujours moins douloureux que d’en parler. « A plus Lexi. » Se contenta-t-il alors de formuler, le nez au dessus de sa potion dont il inspectait avec sérieux la consistance. Voilà au moins une chose qu’il maîtrisait sans trop de problèmes : les formules des nectars qu’il réussissait à vendre à prix d’or. Sa seule et unique constance dans un chaos ambiant.

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