Cela faisait un peu plus d’un mois que Raphaël avait intégré les Ambassadeurs du Conseil d’Administration sorcier. Le français voulait changer les choses. Il voulait que la guerre entre les moldus et les sorciers cesse. S’il ne pouvait empêcher le Blood Circle d’agir, il essayait de convaincre la population moldue de ne pas suivre le gouvernement britannique dans son entreprise de chasse aux sorcières. Il présentait les sorciers comme étant les victimes de cette guerre ; mais le jeune homme savait que rien n’était tout blanc ou tout noir. Il était bien placé pour savoir que les sorciers n’étaient pas tous des agneaux inoffensifs. Il savait que certains sorciers haïssaient profondément les moldus et tout ce qui n’était pas issu de la magie. Au même titre que le Blood Circle cherchait à détruire tout ce qui était magique, les mangemorts cherchaient à tout prix à protéger leur monopole. Raphaël ne voulait pas laisser ces deux groupes jeter de l’huile sur le feu de la guerre. À cause des actions des mangemorts et du Blood Circle, un cercle vicieux sans fin s'était formé. Les mangemorts torturaient des familles de moldues, ce qui faisait grossir les rangs du Blood Circle et alimentait la haine contre les sorciers. En réponse, le Blood Circle s’en prenait à des sorciers innocents et pondait des lois de plus en plus liberticides envers les sorciers et suspicions de magie, même envers des individus non-magiques. Ces mesures entraînaient une peur, une méfiance, voire une haine des sorciers vis-à-vis des moldus qui permettait de légitimer de plus en plus les actions des mangemorts.

L’exécution de Harry Potter n’avait clairement pas arrangé les choses. L’Ordre du Phénix, auquel appartenait Raphaël, en avait été ébranlé. C’était le fondateur du nouvel Ordre, le leader. Raph ne connaissait pas les détails de la création de l’Ordre, il savait que Harry Potter ne l’avait pas inventé, mais il savait que c’était lui qui l’avait recréer et, même s’il ne l’avait jamais connu personnellement, qu’il n’était pas forcément d’accord avec les décisions politiques qu’avait pu prendre le sorcier… quelque chose en lui avait été tué en même temps que Potter. L’Ordre du Phénix n’était pas le seul impacté par la perte du sorcier, la quasi-totalité du monde sorcier avait été bouleversé. Harry Potter était un héros vivant, un symbole, une légende ; les grandes lignes de sa vie sont transcrites dans les livres d’Histoire du monde de la magie. La perte de ce symbole n’a fait qu’alimenter la haine et la peur des moldus. Le Blood Circle avait réussi là où les plus grands mages noirs avaient échoué. Le Blood Circle avait poussé les mangemorts et l’Ordre du Phénix à faire une trêve pour concerter leurs efforts afin d’empêcher les moldus de nuire. Le Blood Circle terrifiait les sorciers, tout comme les sorciers terrorisaient les moldus. Le rôle de Raphaël était d’essayer de montrer à chacun des deux camps qu’ils étaient tous humains, avec leurs qualités, et surtout leurs défauts. Les deux camps avaient leurs lots de psychopathes, de dégénérés et de fous furieux qui méritaient ni plus ni moins que la prison à vie. Ce n’était pas l’absence ou la présence de magie qui était en cause, mais bien les personnes elles-mêmes.

C’était le cœur et l’esprit plein de bonnes intentions que Raphaël avait postulé pour être ambassadeur. Il voulait être acteur de cette guerre, ou plutôt de la nouvelle paix à venir. Il savait qu’en agissant seul, ses vidéos n’auraient pas assez d’impact. Les témoignages étaient de plus en plus durs à recueillir (Surtout si le RPgiste met sa vie à répondre aux RP, cc  @Rachel White ) et les visionnages de ses vidéos n’étaient pas spécialement plus nombreux. Raphaël avait espéré que sa grosse vidéo en hommage d’Harry Potter et la publicité qu’il avait fait autour aurait eu plus d’impact, mais à part retrouver ses tracts dans des poubelles ou sur la voie publique, ça n’avait pas eu un grand effet sur la population moldue. Chez les sorciers en revanche, il avait réussi à prouver que des moldus étaient capables d’être des personnes de confiance. Il y avait davantage de sorciers qui étaient capables de reconnaître que, effectivement, il existait une poignée de moldus prêts à défendre la cause des sorciers ; et ce malgré le meurtre d’Harry Potter. Le Monde Magique restait cependant extrêmement méfiants vis-à-vis des être non-magiques et n’accordait que peu leur confiance à ceux qui étaient différents. Mais le travail de Raphaël lui avait permis de voir sa candidature pour être ambassadeur et ne plus être en attente pour être finalement validée.

En théorie, Raphaël s’était imaginé tenir tête au Conseil Sorcier qui ne voyait que des actions militaires contre le Blood Circle. Attaquer un QG pour porter un coup fort aux moldus. Attaquer l’Institut, libérer des prisonniers. Tenter de capturer des dirigeants du Blood Circle. Faire pression. Ne rien lâcher. Protéger les sorciers. Attaquer les moldus. Raph se voyait comme la voix de la paix. Tout ce qu’il regardait, c’était que chaque camp cherchait à anéantir l’autre et que la seule issue que chacun voulait à cette guerre, c’était que l’autre camp disparaisse. Mais une fois qu’il eut rejoint les réunions du Conseil, les choses étaient autres. La théorie faisait place à la pratique et quelque chose lui revint rapidement en mémoire : il n’était qu’un moldu. De ce fait, il ne serait pas vraiment pris au sérieux dans les hautes sphères du monde sorcier. Il avait l’impression de perdre son temps et de le faire perdre aux sorciers qui devaient  l’escorter à chaque séance pour sa sécurité ainsi que pour lui permettre de circuler dans cette partie du monde réservée aux sorciers. Il avait le sentiment d’être de retour au collège, au premier jour, quand on arrivait dans une classe et qu’on avait pas d’amis. Que les seuls regards qu’on recevait, on y lisait que de la méfiance. Que les seuls visages familiers, c’était des personnes qui te faisaient comprendre que s’ils te parlaient, ça entacherait leur réputation et qu’au collège, la réputation c’était important. Il avait évité de croiser les regards de Tobias, pour ne pas l’offenser. En fait, il évitait de croiser le regard de qui que ce soit, par précaution. Même Luca, qu’il connaissait, qui lui avait tatoué son phénix sur le bras, il n'arrivait pas le voir comme un soutien dans ces débats. Les séances du Conseil n’étaient qu’une vaste blague. Il pensait être là pour faire bouger les choses, mais il ne faisait qu’assister à un bras de fer constant entre les pro-mangemorts et les pro-phénix. Pour chaque sujet, le gagnant du débat ne gagnait qu’en usant les autres, non pas par ses arguments, mais par sa patience. Le moldu comprenait un peu mieux certaines décisions passées.

Depuis son intégration, il n’avait jamais osé prendre la parole lors des séances. Il ne se sentait pas légitime de parler alors que les siens massacraient les sorciers par dizaines, ou centaines ; personne ne lui accorderait le moindre crédit. Ainsi, lorsque cette jeune femme prit la parole pour demander à avoir accès aux balises anti-magie pour tenter de créer des artefacts magiques capables de contrer les effets des technologies moldues, Raphaël ne dit rien. Il ne dit rien quand les autres membres lui répondirent qu’elle avait déjà eu une balise. Il ne dit rien quand elle rétorqua que la balise était en trop mauvais état pour être exploitée. Il ne dit toujours rien quand elle vit sa demande refusée. Il ne dit rien. Il se contenta d’observer silencieusement la scène en se demandant quelles pouvaient être les raisons d’un tel refus. Est-ce que le Conseil avait d’autres projets ? Est-ce qu’elle non plus n’était pas prise au sérieux, parce qu’elle était trop jeune ? Ou parce qu’elle était une femme ? Si elle parvenait à mener à bien son projet, ça serait une sacré découverte pour le monde sorcier, et un atout majeur pour la lutte du Blood Circle et la Protection de la population magique. Il aurait aimé avoir le cran de la soutenir, de l’épauler. Mais qui était-il ? Il n’était qu’un moldu et sa voix n’avait aucune valeur. Pire que ça, s’il prenait son parti il risquait de la décrédibiliser, par le simple fait qu’il appuyait sa demande. Mais qu’est-ce qu’il foutait là ? À la fin de la séance, le jeune homme osa s’approcher de la sorcière pour l’aborder.

«Excusez-moi. Miss Greengrass ? Bonjour.»

Instinctivement, Raph faisait confiance à cette femme. Elle portait le même nom que Théo Greengrass qui l’entraînait au self-défense. Théo appartenait à l’Ordre. Même s’il était assez méfiant vis-à-vis des moldus, il n’avait pas les valeurs des mangemorts. Raph savait que les valeurs des mangemorts étaient principalement transmises par la famille. Il savait également que les sorciers n’étaient pas légion et qu’il y avait peu de chances que deux sorciers aient le même patronyme sans être de la même famille.

«J’ai… J’ai entendu votre requête tout à l’heure. Je trouve ça dommage qu’on ne vous encourage pas dans votre projet. J’aurais aimé vous soutenir, mais c’est un peu compliqué pour moi au milieu de toutes ces personnes importantes… » Raph se gratta l’arrière du crâne. «En tout cas, je vous ai trouvé vraiment courageuse. J’aimerai avoir autant de cran que vous… » Il fit une courte pause avant d’ajouter.  «Mais c’est pas seulement pour vous graisser la patte que je viens vous parler. Je sais que le Conseil ne veut pas vous livrer une des balises qu’ils ont en leur possession, mais peut-être que… Une balise qu’ils n’ont pas encore en leur possession serait un bon compromis ? Ça vous intéresserait ?»

Je laisse tomber ma tête sur le plan de travail. J’avais relevé mes cheveux et cela ne ressemblait à rien. Il devait être environ deux heures du matin et je m’exténuais à comprendre comment cette maudite balise anti-magie pouvait fonctionner. J’avais beau avoir retourné le problème dans tous les sens, allumé ou non, je n’avais rien constaté. D’ailleurs, j’avais été assez idiote sur ce coup-là. Elle ne marchait tout simplement pas. Le Conseil m’avait refilé un boîtier défectueux. Je ne m’exposais pas si fréquemment, mais s’il avait été en état, j’aurais forcément vu des impacts sur ma magie et ce n’était clairement pas le cas. Je doutais d’être immunisée naturellement à cet ustensile. J’avais donc perdu du temps et des heures de sommeil à travailler sur un objet caduc. Merci le Conseil d’administration pour cette efficacité sans nom. Moi qui espérais faire quelque chose de bien, c’était un raté total sur toute la ligne. Je devais admettre que je n’étais pas aussi bonne que je l’aurais voulu. J’avais clairement eu un loupé sur ce truc. Normalement, j’aurais percuté bien plus vite que cela ne fonctionnait pas. Ces derniers temps, je plongeais à bras le corps dans le travail que cela soit pour la boutique ou encore sur cette sottise qui avait été si chronophage pour rien. Cela me permettait de ne pas penser à Dimka et cette rupture que je n’avais pas voulu voir venir. J’en avais peur. Je redoutais les menaces de sa famille. Mais est-ce que je m’étais préparée à ce qu’il abdique ? Pas du tout. Il ne comprenait pas ma réaction, tout autant que j’étais perdue et en colère qu’il m’ait écartée sans même se battre. Pour mon bien. C’est ce qu’il m’avait dit. Il m’avait rendue furieuse de baisser ainsi les bras. Alors si je tentais de passer à autre chose par le biais du boulot, il m’arrivait quelques étourderies. Je soupire et balançais l’objet sur mon plan de travail. Je devais aller me coucher et me préparer mentalement à devoir affronter le Conseil.

La nuit fut agitée et courte, mais je me présentais au lieu de rendez-vous comme il en était l’habitude. J’avais fermé exceptionnellement la boutique pour assister à la réunion. Je n’avais pas les moyens de payer un employé pour assurer la permanence lorsque j’étais absente. Encore un tout autre projet. Je saluais les représentants déjà présents et m’installais autour de la tablée. J’observais la personne qui avait remplacé Harry Potter. Cela me faisait toujours une drôle de sensation que de savoir qu’il était mort. Cela m’avait d’autant plus donné envie de m’impliquer. Même si mes bijoux pouvaient aider les sorciers, je voulais aller plus loin et intégrer l’Ordre du Phénix, mais j’avais un frère qui semblait rejeter farouchement cette idée. Cela viendrait en temps et en heure, j’en étais pourtant persuadée.

La réunion débuta avec tous les sujets en cours. Autant le dire, le monde sorcier n’était pas au meilleur de sa forme. La perte de notre leader avait ébranlé la communauté. Le nouveau, Tinkson ne semblait pas avoir son charisme pour le moment. Il devait peut-être prendre ses marques. Lorsqu’ils ouvrirent enfin le sujet qui me concernait, je leur montrais le boîtier obsolète. Je tentais de leur expliquer qu’il ne fonctionnait plus, qu’il était trop détérioré pour en tirer quoi que ce soit. Tandis je leur en demandais un autre, j’essuyais un refus. J’insistais un peu avant de comprendre que cela ne servait à rien. Super. Je me laissais retomber sur ma chaise attendant la fin de cette mascarade. S’ils ne voulaient pas que je fasse de recherches sur ces objets, ils auraient du le dire avant que j’y passe autant de temps.

Enfin la réunion se termina. Je saluais plusieurs ambassadeurs, notamment Luca qui était devenu l’un de mes clients. J’allais m’éclipser quand une personne m’interpella. Je reconnus le moldu, ambassadeur lui aussi. Je crois bien que c’était la première fois que j’entendais le son de sa voix. Je n’avais jamais fréquenté de non-maj et les seuls qui m’avaient approché m’avaient tiré une balle dans le ventre. Je me souvenais également de cette attaque alors que je m’étais trouvé avec Grigori. Ces monstres… Je chassais cette idée de mon esprit. Même si je savais que tous n’étaient pas comme ça, j’avais une nature méfiante à leur égard. « Bonjour. Monsieur Millet, c’est bien ça ? » répondis-je avec un sourire poli.

J’écoutais ensuite ce qu’il commençait à me dire. Je ne comprenais pas vraiment qu’il n’ose pas prendre la parole. Si nos candidatures avaient été acceptées, c’est que nous avions du potentiel et qu’il ne fallait pas hésiter. Surtout qu’il représentait l’Ordre version moldue, ce n’était pas rien. « Vous savez, si cela peut vous rassurer, je n’ai pas dormi de la nuit. J’étais nerveuse de devoir annoncer que je n’avais rien réussi à faire. Et regardez, finalement, on en ressort entier. C’est dommage que vous n’osiez pas, si vous êtes là, c’est que vous les avez convaincus de votre utilité. Surtout… que vous représentez une minorité. » Par contre tandis qu’il reprit la parole, mes yeux durent se mettre à pétiller. « Et si nous allions parler de cela ailleurs ? Il y a un bar pas très loin… » proposais-je avec un sourire. J’attendais qu’il accepte et nous quittions les lieux ensemble pour nous rendre au Chaudron Baveur. Une fois installés à une table, ma curiosité se dévoila rapidement. « Alors, dites-moi tout ! »

Raphaël ignorait pourquoi le conseil refusait de livrer de nouvelles balises anti-magie pour les expériences de Miss Greengrass. Si elle parvenait à avoir des résultats, ça pourrait être un atout majeur dans la lutte contre le Blood Circle, ainsi que la protection de la population sorcière. Il aurait aimé la soutenir, mais il avait été trop lâche pour ça. Heureusement, il avait réussi à rassembler assez de courage pour aborder la jeune femme. Il avait été trop trouillard pour la défendre devant le Conseil et les autres ambassadeurs ; cependant, il ne voulait pas qu’elle pense qu’elle était seule contre tous. Il ne pouvait pas l’épauler publiquement, mais il ne voulait pas l’abandonner. Paradoxe difficile… La sorcière commença par lui répondre formellement, avec un sourire poli ; ensuite il lui avoua qu’il ne se sentait pas assez légitime pour prendre la parole. Il ajouta qu’il l’avait trouvée très courageuse et qu’il aurait aimé avoir autant de cran qu’elle. Il ignorait comment Miss Greengrass allait réagir, il espérait ne pas s’être fait une ennemie au sein des ambassadeurs. Heureusement pour lui, elle comprit dans quelle situation il se trouvait. Elle-même n’avait pas dormi de la nuit, tellement elle était nerveuse à l’idée de devoir parler devant le Conseil pour leur dire qu’elle n’avait eu aucun résultat. Mais elle en était ressortie entière. Elle ajouta que c’était dommage de ne pas oser prendre la parole, s’il était à la table des ambassadeurs, c’était qu’il avait fait ses preuves et convaincu le Conseil de son utilité. Raphaël acquiesça par politesse ; ce n’était pas que pour ça qu’il lui avait adressé la parole. Il avait peut-être un moyen de procurer du matériel pour ses expériences. La Conseil avait la mainmise sur les balises qu’ils avaient en leur possession, et refusaient d’en procurer davantage à la jeune femme pour ses expériences. Qu’en était-il de celles qu’ils n’avaient pas en leur possession ?

Raphaël comprit rapidement que sa proposition avait fait mouche. Le regard de Miss Greengrass changea aussitôt et elle lui servit un large sourire pour lui proposer d’en discuter dans un endroit plus tranquille. Le jeune homme accepta sans sourciller.

«Pas de souci, je dois juste prévenir mes garde du corps que je ne vais pas avoir besoin d’eux pour partir aujourd’hui.» Ses gardes du corps. Il ne pensait pas dire ça sérieusement un jour. Bon, ce n’était pas exactement des gardes du corps, même s’ils s’assuraient en partie de sa sécurité. En tant que moldu, il ne pouvait pas accéder librement au ministère de la magie, les sorciers qui lui sont assignés par l’Ordre pour chaque réunion des ambassadeurs sont surtout là pour lui permettre d’entrer et s’assurer qu’il ne vagabonde pas n’importe où. «Je suis à vous dans un instant !»

Le jeune homme expliqua à son escorte qu’il partait boire un verre dans un bar proche en compagnie d’Alcyone Greengrass pour parler d’une affaire importante et qu’ils n’avaient pas besoin de l’accompagner. Ils se contentèrent de lui répondre un simple “Ok” en haussant les épaules. Le moldu retourna ensuite vers l’ambassadrice.

«Voilà, c’est réglé. »

Il quitta donc les lieux en compagnie de Miss Greengrass et, tous les deux, ils se dirigèrent en direction du Chaudron Baveur.

«Ah, je pensais pas qu’on irait au Chaudron.»

Elle avait parlé d’un bar pas loin, il ne pensait pas que c’était quelque chose d’aussi connu que ce pub sorcier. Une fois installés à une table, Miss Greengrass lui demanda de tout lui dire.

«Je pense juste prendre une bièraubeurre. » Il savait très bien qu’elle ne parlait pas de ça. «Pour en revenir à ce que je vous disais… Le Conseil refuse de vous donner une nouvelle Balise anti-magie pour vos expériences. Ils doivent avoir leurs raisons, bonnes ou mauvaises, peu importe.» Raph n’était pas d’accord avec la décision du Conseil… Mais il savait aussi qu'il n’avait pas tous les éléments. Ils ne devaient pas avoir un stock illimité de balises, et s’ils considéraient que les travaux de la sorcière n’étaient pas rentables, c’était compréhensif qu’ils gardent le monopole pour d’autres expériences… «Mais… Supposons… Admettons… que… hypothétiquement… une balise soit trouvée et qu’elle ne soit pas directement remise au Conseil. J’imagine qu’ils n’auraient pas encore de droit dessus, n’est-ce pas ? »

Le jeune homme ne savait pas trop si c’était légal. Il n’avait pas trop d’informations sur ce qui arrivait aux balises qui avaient été trouvées. Est-ce que, légalement, les gens qui trouvaient des balises étaient forcés de le signaler aux autorités magiques ? Ou… Est-ce que tout le monde le faisaient parce qu’ils ne savaient pas quoi faire d’autre ?

«J’ignore si c’est très légal ce que je vous suggère. Du coup… Euh… C’est comme vous voulez. Mais en gros… Mes colocataires appartiennent également à l’Ordre du Phénix, du côté moldu. Et ils ont été chargés de trouver des balises pour le compte du Conseil. J’imagine qu’ils ont remis leurs trouvailles au Conseil mais…» Connaissant Jonas, il était capable d’en avoir gardé une secrètement pour la bidouiller, mais Raph se gardait bien de balancer son pote. «Y’a un monde où ils pourraient m’aider à en chercher une…»

Mais encore une fois, la question de la légalité se posait. Est-ce qu’ils risquaient d’avoir des ennuis en faisant ce genre de proposition ?

«Miss Greengrass, sachez que je m’en veux beaucoup de ne pas vous avoir épaulée lors de votre demande… Je suis nouveau au sein des ambassadeurs. Et… Je ne suis qu’un moldu. Peu de gens donnent du crédit à ma voix. Je sais pas comment ma candidature a été acceptée mais je crois que ça relève un peu du miracle… Quand j’ai postulé, j’avais des rêves plein les yeux, je voulais… changer les choses… Mais une fois sur place, devant toutes les personnes les plus importantes du monde magique… » Je me rends compte que je ne suis rien, que personne ne m’écoutera. Que je ne suis qu’un moldu et que beaucoup me considèrent et me considèreront toujours comme un ennemi, ou du bétail. Il détourna le regard… «… c’est différent. Même si j’avais eu le courage, les tripes de parler et de vous soutenir… Je crois que ça aurait plus desservi votre cause. » Mais bon, il ne pouvait pas empirer les choses plus qu’elles ne l’étaient déjà. Il regarda de nouveau la sorcière. Personne ne lui donnait son soutien, il ne risquait pas de faire fuir ceux qui voulaient l’épauler. Il n’y avait personne. «Mais si vous ne voulez pas que j’essaye de me procurer une Balise pour vous, pour des raisons légales ou autre… Et que… vous voulez faire une nouvelle demande… Je… J’essaierai de dire quelque chose en votre faveur. Parce ce que je pense que votre travail est important.»

J’étais clairement dépitée. J’avais passé plusieurs jours voir des nuits sur ce boîtier sans obtenir de résultats. J’avais fini par comprendre que l’objet ne fonctionnait tout simplement pas. Je n’avais pas été réactive sur ce coup-là. II fallait savoir reconnaître que je m’étais trompée et bien fait avoir par la même occasion. Le conseil n’avait peut-être pas confiance en mon travail… J’étais jeune, arrivée depuis peu. Je n’avais d’ailleurs pas de camp à proprement parler. Je penchais pour l’Ordre et j’y songeais depuis quelque temps déjà. Mais j’avais un frein pour partir à cette aventure. Il était de taille : il s’agissait de mon frère, Théo. J’étais persuadée qu’il ferait des pieds et des mains pour m’empêcher de rejoindre les Phénix. Juste le fait de prendre un appartement à trois pas de chez lui l’avait perturbé. Je n’imaginais même pas si je lui disais que je voulais m’engager… Il allait me faire un arrêt cardiaque. J’avais abordé le sujet avec Soledad et comme bien souvent elle m’avait proposé son aide pour discuter avec mon frère. Peut-être qu’une appartenance allait me donner plus de crédit aux yeux du conseil. D’ailleurs vu leur réticence et refus à me confier une nouvelle balise, je me sentis blessée. Je n’aimais pas échouer. Depuis que j’étais sortie de Poudlard, mon ambition avait guidé chacune de mes actions. Serpentard n’avait pas été ma maison pour rien. J’avais trouvé un travail où j’avais pris mes marques durant un an. Je m’étais acheté un appartement pour être indépendante. rip Theo désolée Et surtout, je m’étais prouvé que j’étais capable d’y arriver même sans le soutien de mes parents en ouvrant ma propre boutique sur le chemin de traverse. Vraiment, jusque là, tout marchait bien. Mon projet de créer des bijoux de protection avait pris rapidement forme et avait son petit succès au magasin. Ce qui m’avait amené à proposer mes services au conseil… Et voilà qu’une fois ambassadrice, je me retrouve avec des balises défectueuses. Comment élaborer une défense si je n’avais même pas le bon matériel entre les mains ?

Je laissais couler la fin de la réunion et m’apprêtais à partir sans demander mon reste quand un autre ambassadeur m’interpella. Nous n’avions jamais vraiment eu l’occasion de discuter. Mais tandis qu’il aborda les balises, je fus forcément très intéressée. Je lui proposais donc d’aller parler ailleurs. Lorsqu’il me dit qu’il devait prévenir ces gardes du corps, je l’observais un instant, étonnée. Qu’est-ce qu’il avait fait pour ça ? Je me demandais s’il était en danger pour une raison quelconque. De ce que j’avais compris, il avait évoqué dans les médias de la mort de Potter, peut-être que le Blood Circle était derrière lui à cause de cela… Puis je finis par réaliser que c’était un moldu… Il avait donc besoin d'intermédiaire pour parvenir à nous rejoindre… Sans sorcier, il ne pouvait pas s’introduire dans notre monde… J’étais vraiment fatiguée moi. Lorsqu’il revint en me disant que c’était bon, nous nous rendions vers le Chaudron Baveur. Je fus étonnée qu’il connaisse les lieux. « Vous êtes déjà venu ici ? » Pour un moldu, il semblait bien être au fait de nos établissements.

Tandis qu’on s’installait, je lui demandais plus de détails par rapport à ce qu’il m’avait évoqué. Je le regardais sans comprendre alors qu’il me parlait d’une Bieraubeurre. De l’humour de non-maj ? Ou une façon de se faire offrir un verre peut-être. Malgré tout il revint au sujet de départ et je l’écoutais m’expliquer son idée. Je réfléchissais à ses propos. « Il ne faudrait pas vous mettre avec vos amis dans une mauvaise passe à cause de ça non plus. Quelque part je me dis que le Conseil n’a même pas connaissance du nombre de balises exactes. Alors si une venait à disparaître… » Une personne arriva et pris notre commande ce que nous voulions boire et je demandais également une Bieraubeurre. Cela allait me rappeler mes sortes à Poudlard quand j’étais plus jeune.

Quand il se remit à parler, je lui adressais un sourire. « Bon déjà, si on laissait tomber les formules de politesse ? J’ai l’impression de prendre dix ans à chaque fois que vous dites Miss Greengrass. Moi c’est Alcyone… »  J’attendais qu’il me donne son accord afin qu’on puisse échanger de façon un peu moins formelle. C’était la première fois que je discutais avec un moldu. Le fait d’être dans mon univers me laissait penser qu’il n’y avait aucun risque, surtout qu’il faisait partie de l’ordre et des ambassadeurs. J’entendais Theo me dire qu’il fallait toujours se méfier d’eux, mais après tout, autant me faire mon propre avis. « Qu’est-ce qui a changé une fois sur place ? » lui demandais-je pour essayer de comprendre quels étaient les freins qu’il ressentait. Je tentais de le rassurer d’un nouveau sourire. Toujours se méfier d’eux, mais après tout, autant me faire mon propre avis. « J’ai entendu parler de ta euh… vidéo ? » Je n’étais vraiment pas au fait des technologies moldus. J’avais été élevée dans la tradition des sang-purs… mon père était un mangemort… Si je vivais à présent ma vie selon mes volontés, je n’avais pas vraiment eu l’occasion de me pencher sur le sujet des moldus. Toujours se méfier d’eux, mais après tout, autant me faire ma propre idée« Tenter de nous défendre dans ton monde, c’est déjà énorme. Je pense que si l’Ordre s’est ouvert de votre côté, c’est qu’ils savent l’importance que vous avez. Après, faudrait peut-être pas demander l’avis des Mangemort sur ce sujet… » je concluais avec un petit rire. Toujours se méfier d’eux, mais après tout… « Pour la balise, je veux juste pas que ça attire des ennuis à qui que ce soit. Mais si cela peut se faire discrètement… je serais preneuse, j’aime pas rester sur un échec. » Nos boissons arrivaient à table et leur odeur raviva des souvenirs qui me semblait lointains. « J’hésite à rejoindre l’Ordre de mon côté pour être tout à fait honnête. Pour avoir plus de crédit en partie… J’ai l’impression qu’être neutre et jeune, ça ne donne pas beaucoup de points pour être entendu… »

Raph était surpris d’arriver au Chaudron Baveur ; il pensait que si la sorcière n’avait pas donné le nom du bar, c’était parce qu’il était peu connu et, de ce que Raph en savait, le Chaudron baveur était probablement le pub sorcier le plus connu de Londres, ne serait-ce que par la possibilité d’accéder au Chemin de Traverse. Alcyone semblait être surprise, à son tour, qu’il connaisse le lieu et demanda s’il était déjà venu.

«Bien sûr ! Le gérant fait partie de ma famille !» Il rit de sa propre plaisanterie. «Blague à part. C’est l’un des rares endroits où je peux discuter en tête-à-tête avec des sorciers pour mes travaux.» Sa présence avec elle en ce lieu en était une parfaite illustration. «Et pour aller sur le Chemin de Traverse, pas le choix.»

La jeune femme ne releva pas sa blague sur la bièraubeurre et il décida donc d’enchaîner rapidement sur le sujet de leur rencontre. Alcyone Greengrass n’avait pas l’accord du Conseil d’Administration pour exploiter une autre Balise Anti-Magie pour ses expériences. Le Conseil avait la mainmise sur les balises rapportées et il en gérait le stock comme bon lui semblait. Cependant, il était hypothétiquement possible qu’une balise soit trouvée et pas remise immédiatement au Conseil. Une telle balise ne leur appartiendrait donc pas et ils n’auraient aucun droit dessus. Il fit part de cette hypothèse à la sorcière, craignant un peu sa réaction. Ce qu’il lui proposait n’était peut-être pas officiellement interdit, mais ça devait être très à cheval sur la limite du légal.

Elle lui répondit tout d’abord qu’il ne devait pas se mettre en danger ; ni lui, ni ses amis. Mais quelque part… Elle devait admettre que le Conseil n’avait pas forcément connaissance du nombre de balises déployées, et qu’une de plus ou une de moins en leur possession ne devait pas faire de différence. Quelqu’un prit leur commande et Raph reprit en expliquant à quel point il se sentait mal de ne pas l’avoir soutenue, de l’avoir laissée seule face à tout le monde. Avant toute chose, elle l’implora de laisser les formules de politesses pompeuses qu’ils devaient utiliser au Conseil et de l’appeler par son prénom : Alcyone.

«Oui vou… Je veux dire, t’as raison. Tu peux m’appeler Raphaël. Ou Raph. »

Elle lui demanda ce qui avait changé une fois sur place, pourquoi il existait un tel contraste entre ses projections au sein du Conseil, ce qu’il envisageait de dire et faire une fois ambassadeur, et ce qu’il faisait vraiment.

«Je sais pas. La réalité du terrain, j’imagine. Au sein de L’Ordre les sorciers ont appris à me faire confiance et à me connaître. Pas tous, évidemment mais… En dehors des sorciers de l'Ordre, je vois bien que quand les sorciers savent que je suis un moldu, ils vont avoir tendance à se diviser en deux principales catégories. Soit ils me méprisent car ils me voient comme une chose inférieure, soit ils me craignent à cause des agissements du Cercle. Autant dire que l’assassinat de Harry Potter n’a pas arrangé les choses… »

Le fait d’avoir rencontré des gens qui étaient prêts à accepter ses projets, à témoigner et à l’aider avait conforté Raphaël par rapport à sa place au sein du monde sorcier. Mais les sorciers qui acceptaient les moldus étaient une minorité. Une minorité de plus en plus faible depuis la mort de Potter. Les gens ne voyaient que le moldu en Raph. L’un de ceux qui avaient abattu leur leader, leur symbole, leur héros. Et le français ne pouvait pas leur en tenir rigueur. Il haïssait le Blood Circle qui ternissait salement la réputation des moldus. Il aurait préféré que cette balle ne se loge jamais dans la tête de Harry. Il aurait aimé parvenir à sensibiliser davantage de moldus pour que cela soit empêché. Il aurait aimé faire condamner Kane et ses sbires pour ce qui avait été fait. Il avait l’impression que c’était son impuissance, son incompétence qui avait appuyé sur la gâchette. C’était comme s’il avait tiré sur Harry Potter.

Alcyone avoua avoir entendu parler de la vidéo du moldu. L’intérêt du jeune homme était piqué.

«Tu l’as regardée ?» Le jeune homme soupira. «J’avoue que j'espérais qu’elle aurait eu plus d'impact. On avait distribué des tracts dans tout Londres pour la promouvoir. Dans toutes les boîtes aux lettres qu’on pouvait trouver. L’aide de sorciers volontaires a énormément aidé. La magie c’est pratique quand même. Mais niveau organisation c’était moyen. Il aurait fallu faire ça dans toute la Grande-Bretagne pour avoir un réel impact. Mais les délais étaient trop courts, et on n’était pas assez pour ça.»

Les moldus n’en avaient rien à foutre de Harry Potter. Ils ne le connaissaient pas et n’avaient pas envie de le connaître. La vérité… C’était que la propagande de Kane était bien montée. Il faisait passer ses opposants pour des cinglés du ciboulot et malgré tous les moyens développés par Raph et ceux qui l’aidaient… La majorité des habitants de Londres, et de Grande-Bretagne, ne semblaient pas être des plus réceptifs.

Raphaël resta silencieux lorsque Alcyone lui révéla qu’elle trouvait était impressionnée par son projet qu’il tente de défendre les sorciers dans le monde moldu et que s’il y avait une branche moldu au sein de l’Ordre, c’est qu’ils savaient l’importance des moldus. Il ne lui confia pas que ce projet était un projet commun avec Nymphéa, son ex-petite amie ; que leur but était d 'unifier les deux mondes. Quels naïfs… et pourtant, même en connaissance de cause, le moldu se bornait à continuer jusqu’au bout.

La sorcière revint sur le sujet de la balise que Raph lui proposait. Elle ne voulait pas mettre Raph et ses amis en danger, mais elle ne rejetait pas la proposition. Raph ignorait si Jonas en avait une, ou plusieurs, en réserve pour ses propres expériences. Il savait juste que leur première escapade pour chercher des balises s’était passé moyennement bien et que le Cercle avait dispersé plusieurs pièges anti-sorcier autour d’elles.

«On sait pourquoi on a signé en prenant position et en rejoignant l’Ordre du Phénix. On ne fait pas avancer les choses sans prendre de risque. Je vois avec eux en rentrant, et je t’envoie un hibou à l’occasion pour te tenir au courant.» Raph fit la moue. Les boissons arrivèrent et il prit une gorgée de bièraubeurre avant d’enchaîner «Je serai pas trop explicite dans mon mot, au cas où le message serait intercepté. J’aime être prudent.»

La jeune femme avoua finalement qu’elle aurait aimé rejoindre l’Ordre du Phénix, ou du moins que c’était quelque chose qu’elle hésitait à faire. Elle pensait qu’appartenir à l’Ordre lui accorderait plus de crédit aux yeux des gens.

«Tu es ambassadrice pour le Conseil. Si tu es là, c’est que tu as réussi à les convaincre de ton utilisé » Raph sourit mesquinement puis ajouta plus sérieusement. «Je pense que si tu veux intégrer l’Ordre, il faut que tu le fasses par conviction, et non pour le pouvoir que ça t’apportera. Surtout que je pense que ça changera pas grand-chose au regard que les gens auront de toi. On préjuge avant de connaître. Je comprends pas trop les subtilités de tes travaux, tu crées des artefacts magiques c’est ça ? Tu t’es faite une place toute seule, t'es pas un phénomène de curiosité comme moi» Il sourit tristement. Il porta de nouveau la boisson à ses lèvres avant de reprendre, un peu moins cynique. «C’est quand même cool que ton hésitation se porte sur l’Ordre et pas les Mangemorts. Je connais un Greengrass au sein de l’Ordre, je sais pas si vous êtes proche mais je suppose que du coup t’as quand même pas mal grandi dans les valeurs de l’Ordre.»

Les réunions avec les ambassadeurs ainsi que les membres du Conseil étaient assez spéciales ces derniers temps. Le fait qu’ils ne veuillent pas accorder à Alcyone une seconde chance en lui laissant une seconde balise avait un goût amer. Elle ressentait un échec dans cette démarche. D’une part, ils lui avaient fourni un boîtier qui ne fonctionnait pas… C’était pour elle un manque de confiance. Ils ne lui donnaient pas un réel crédit. Quand les autres ambassadeurs s’exprimaient, comme Luca ou encore Tobias, ils semblaient davantage être pris au sérieux. Qu’est-ce qui faisait vraiment la différence  ? Le fait qu’elle soit jeune ? Que ce soit une femme ? Toutefois, lorsque Raphaël s’était présenté à elle, elle avait clairement compris qu’il ressentait la même chose qu’elle dans le fond. Ce manque de légitimité aux yeux de ces personnes. L’Étoile avait pourtant une certaine assurance la concernant. Elle avait quitté Poudlard depuis presque deux ans, elle était parvenue à percer dans un milieu qui lui tenait à cœur. Sa propre boutique commençait réellement à bien fonctionner et ces bijoux de défense se vendaient comme des chocogrenouilles. Elle avait conscience de son talent dans son domaine et elle était loin d’être une idiote. Mais aux yeux de ces dirigeants, elle n’était pas grand-chose. Juste une petite fournisseuse d’objet qui permettait de dresser un peu de barrières contre les assaillants. Elle avait encore des difficultés à se positionner dans ce rôle qui lui tenait particulièrement à cœur pourtant.

Elle esquissa un sourire tandis qu’il disait que le gérant était de sa famille alors qu’elle s’étonnait qu’il connaisse les lieux. Il semblait vraiment familier du monde sorcier et Alcyone avait du mal à réaliser à quel point il parvenait à y être à l’aise. « Je suis surprise en tout cas. Je ne sais pas grand-chose du côté moldu pour ma part. » avoua-t-elle finalement. Elle n’avait clairement pas grandi dans un univers enclin à aller à leur découverte. Ses parents n’y étaient pas favorables et Theo ne les appréciait guère. Reconnaître aurpès de Raphaël qu’il était le premier à qui elle discutait réellement, c’était peut-être étrange…

Une fois installés, ils se mirent à parler un peu plus sérieusement de ce qui les avait amenés ici. La brune lui proposa d’échanger comme deux jeunes et non comme s’ils avaient cinquante ans et étaient de vieux collègues distants. « Alcy. » ajouta-t-elle alors qu’il lui disait qu’elle pouvait l’appeler Raph. Alcyone avait plusieurs surnoms, mais Alcy était le plus courant. Elle grimaçait légèrement tandis qu’il mentionnait le décès de Potter. Sa mort avait tout changé. Le Conseil n’était plus pareil depuis et c’était étrangement dérangeant. « Je pense que nous sommes habitués à vivre entre nous pour la plupart. C’est compliqué de s’ouvrir. Notre secret… je ne sais pas si réellement une bonne chose qu’il ait été ainsi dévoilé, mais cela attise la suspicion. C’est réducteur de restreindre les moldus au Blood Circle, mais la méfiance est là. » La jeune femme marqua une pause pour réfléchir quelques secondes. « Je reconnais ne pas être du tout familière de ton monde, mais j’essais de ne pas faire d’amalgame. Quand les Blood Circle ont attaqué l'université et que j’ai reçu une balle, je me suis beaucoup posé de questions. Du genre : doit-on tous les mettre dans le même panier ? » Elle n’apportait pas de réponse mais sa présence en face de Raphaël laissait comprendre qu’elle avait finalement décidé de ne pas le faire. Sinon jamais elle n’aurait accepté de rester en sa compagnie.

Elle hocha positivement la tête alors qu’il lui demandait si elle avait pu regarder sa vidéo. « J’ai une amie qui a un téléphone et qui me l’a montré oui. » C’était audacieux. Mais visiblement les moldus n’avaient pas tant été touché que cela par son entreprise. Elle avait cherché à comprendre pourquoi il y avait une telle haine et elle pouvait se mettre à leur place. La magie pouvait faire de grande chose et ils l’avaient gardé pour eux. Mais jusqu’où ils auraient été exploités s’ils s’étaient dévoilés pour aider ? Cela aurait certainement changé le monde. Malheureusement, la vérité avait éclaté et il n’en découlait rien de bon à présent. Le jeune homme lui indiqua qu’il allait se renseigner pour les balises et qu’il lui adresserait un hibou. Elle l’écouta et ne put se retenir de lui demander. « Tu possèdes un hibou ? » Alcyone n’avait pas de téléphone elle. C’était étrange qu’il puisse se plier à leurs us et coutumes sans problème. Peut-être l’empruntait-il tout simplement quand il venait sur le chemin de traverse.  

Elle ne put s’empêcher de rire quand il reprit ses paroles. « Ok, un point pour toi. » Elle bu une gorgée de sa choppe. Cela faisait longtemps qu’elle n’avait pas dégusté de bierraubeure. Cela lui rappelait les sorties ici alors qu’elle était encore à Poudlard. Elle l’écouta attentivement et hocha doucement la tête. « J’ai une bijouterie magique. L’idée m’est venue de créer des pièces de défenses. J’ai mêlé sortilèges et potions pour ça. » Elle tendit la main pour lui montrer sa bague. Un serpent enroulé finement autour de son annuaire. L’Étoile le fit tourner et lorsqu’elle orienta sa paume vers le ciel, une dague s’y trouvait à présent. « J’ai aussi des pendentifs qui peuvent exploser, paralyser. Je travaille sur des amulettes en ce moment. C’est plus complexe. Il y a toute une étude de lithothérapie à réaliser pour les associer aux bonnes décoctions ou formule, mais par exemple, ça te défendrait sur un impardonnable.. L’idée globale de mon entreprise en dehors de la partie esthétique, c’est d’avoir de quoi se protéger rapidement si nous n’avons pas notre baguette à portée de main. Je voudrais aider davantage. C’est ça qui me motive. Intégrer l’Ordre c’est pouvoir apporter mon expertise à un niveau différent. Mais c’est compliqué… »

Un petit rire s’échappa d’entre ses lippes alors qu’il parla d’un autre Greengrass. « Theo ? C’est mon grand frère. Et pour te répondre… Nous venons d’une famille de sang-purs très… traditionnelle. Personnellement, j’ai coupé les ponts avec eux. Je ne vois plus que Theo. » Elle n’allait pas lui étaler de but en blanc que son père était un Mangemort, qu’elle s’était retrouvée fiancée sans qu’on ne lui demande son avis ou encore que sa mère considérait que son travail était tout simplement ridicule. Medicomage, ça, ça aurait été honorable…

Une fois encore, la sorcière ne cacha pas sa surprise à propos des connaissances que Raphaël puisse avoir du monde sorcier. De son côté, elle n’avait que très peu de connaissances du monde moldu.

«J’ai été bien entouré. Ma meilleure amie est issue d’une famille de sorciers, et… Mon…» Il eut un moment d’hésitation pour parler de sa relation avec Nymphéa. «J’ai une autre amie proche qui est sorcière. Et puis avec le temps j’ai rencontré d’autres sorciers au sein de l’Ordre du Phénix. Quand on est curieux et qu’on a des gens pour aider, on apprend très vite.»

La jeune femme se présenta sous le surnom d’Alcy quand lui-même déclara qu’elle pouvait l’appeler Raphaël, ou Raph. Ils continuèrent ensuite à parler du Conseil et de l’actualité. Les sorciers avaient pris l’habitude de vivre entre eux, de rester cachés, et c’était donc difficile pour eux de s’ouvrir. Raph se rappela qu’on lui avait expliqué que le Secret Magique était l’une des lois fondamentales du monde sorcier. Il comprenait ce que Alcy voulait dire ; le dévoilement de ce secret avait tout chamboulé. Elle avoua que c’était réducteur de restreindre tous les moldus au Blood Circle, mais les sorciers étaient méfiants. Elle fit une pause, mais Raph ne la coupa pas, il la laissa reprendre. La sorcière ne connaissait pas le monde moldu, mais elle essayait de ne pas mettre tout le monde dans le même panier, même lorsqu’elle s’était prise une balle par le Blood Circle dans son école. Raph soupira.

«Vous avez raison d’être méfiants. Du côté des moldus, c’est la même chose. Pour la majorité d’entre nous, la magie n’était pas quelque chose de réel, juste un truc qu’on voyait dans les livres, pour enfant ou non, de la pure fiction, de la fantaisie. » Et pourtant c’était bien réel. «C’est normal d’avoir peur de quelque chose qu’on ne connaît pas, qu’on ne comprend pas. Mais on peut être méfiant, sans être haineux. J’ai eu de la chance de tomber sur les bonnes personnes, qui ont pu me montrer les bons côtés de la magie. Mais peut-être que dans d’autres circonstances, j’aurais été autrement. Les mauvaises rencontres au mauvais moment. À cela s’ajoute la propagande du Cercle.» Raph se força à sourire. «J’imagine que le plus dur, c’est d’accepter que chaque côté est composé d’être humain, qui a des sentiments et qui peut souffrir. Et qu’il n’y a pas que des tarés psychopathes dans le camp de l’autre. Une fois qu’on a compris que sorcier et moldus sont pareils, avec nos bons et mauvais côtés, c’est beaucoup plus facile. » Raphaël soupira à nouveau. «Mais c’est plutôt compliqué d’ouvrir les yeux aux autres quand chaque camp pond des lois de plus en plus liberticides pour l’autre.»

Ils parlèrent ensuite de la vidéo hommage à Harry Potter. Une vidéo dans laquelle Raphaël dénonçait le comportement du Blood Circle et présentait le défunt leader sorcier. Le projet n’avait pas eu le succès qu’il voulait ; pourtant il avait tapé fort pour lui donner le maximum de visibilité. Aidé par des membres de l’Ordre, il avait fait distribuer des tracts un peu partout dans Londres pour la promouvoir, mais à part surcharger les poubelles, ça n’avait pas eu grand effet. Alcy avait pu voir la vidéo grâce au téléphone d’une amie. Au final, il semblerait que les seules personnes ayant vu la vidéo soient des sorciers et des moldus qui n’étaient pas à convaincre.

Ils revinrent sur le sujet de la balise anti-magie. Alcyone ne voulait pas mettre Raph et ses amis en danger. Le français affirma qu’en entrant dans l’Ordre, ils connaissaient les risques auxquels ils s’exposaient.

«Et puis, c’est plus facile pour des moldus de fouiner dans le monde moldu, c’est un peu là notre utilité pour aider les sorciers.»

Lorsqu’il expliqua à Alcyone qu’il la tiendrait au courant par hibou, elle lui demanda s’il en possédait un.

«Moi ? Personnellement ? Non, grand dieu non. J’ai un chien depuis pas longtemps, c’est déjà beaucoup de travail, alors un hibou qui laisse ses plumes de partout, je ne m'en sortirais pas. J’emprunte seulement ceux de l’Ordre quand j’ai besoin de contacter des sorciers pour des trucs importants.»

Lorsque Alcy parla de ses doutes à propos de sa crédibilité au sein des ambassadeurs et de son hésitation à rejoindre l’Ordre du Phénix pour être davantage prise au sérieux, Raph ne put s’empêcher de lui renvoyer ses propres paroles. Même s’il ne connaissait pas les subtilités de ses travaux, elle s’est hissée, seule, au sein de la table des ambassadeurs. Elle lui fit une petite démonstration de ses créations avec la bague qu’elle portait.

«Trop cool… !»

Un rien émerveiller Raph quand il s’agissait de Magie. Il n’arrivait pas à comprendre toute cette haine qu’il y avait autour de ça. Elle lui expliqua qu’elle avait des amulettes capables d’exploser. Exploser carrément ?! Ou paralyser. Des objets de défense. Il y avait toute une étude de lithothérapie en plus des formules et des potions à utiliser. Il n’était pas certain de tout comprendre. Ou plutôt, il était certain de ne pas tout avoir compris. Ca voulait vraiment dire qu’elle faisait un travail de titan pour ses créations. Elle était même capable de créer des objets capables de défendre quelqu’un d’un sort impardonnable. Il en déduisit qu’elle voulait faire quelque chose du même genre, mais pour contrer les technologies du Blood Circle. Est-ce que c’était possible ? Il l’ignorait, mais ça valait le coup d’essayer !

«C’est complètement dingue. Tu te rends compte de ce que tu fais ? Du travail que ça représente, des recherches que tu as dû faire pour en arriver là ? Il faut vraiment, vraiment que tu aies plus confiance en toi. C’est vraiment ouf ce que t’es capable de faire. T’as pas besoin d’appartenir à un groupe pour qu’on te prenne au sérieux.»

Mais en fin de compte, ce n’était pas sa seule motivation pour appartenir à l’Ordre. Elle voulait que tout le monde puisse se protéger, même sans baguette. Elle voudrait aider davantage, et l’Ordre pourrait lui permettre d’avoir un plus grand rayonnement. Raph ne comprenait pas pourquoi c’était compliqué. Il lui suffisait de rentrer dans l’Ordre. Il lâcha qu’il connaissait un Greengrass au sein de l’Ordre et c’est ainsi qu’il apprit que Theo et Alcyone étaient frère et sœur. Il ne comprenait toujours pas ce qui était compliqué. Son frère appartenait à l’Ordre et ils… … étaient issus d’une famille de sang-pur traditionnels.

«Ah… »

Là il comprenait. La famille c’était souvent compliqué. Raph savait que son amie Amber avait elle aussi des problèmes familiaux, avec sa famille de mangemort.

«Oui… C’est pas évident. En tout cas, sache que ça restera ça ne me dérange pas d’échanger avec toi, ou d’essayer de t’aider. Que t’appartienne à l’Ordre ou non. Comme dit plus tôt, je te tiendrai au courant par hibou dès que j’ai du nouveau pour cette histoire de balise.»

Ils continuèrent d'échanger des banalité pendant un moment en finissant leur bièraubeurre, puis se décidèrent à se lever. Elle devait avoir une boutique à gérer le lendemain tandis que lui devait être présent en cours.

«À bientôt, et bon courage, Alcy»