La soirée était sous le signe du calme et de l’apaisement. Parce que j’étais une travailleuse consciencieuse, j’avais terminé tôt de corriger mes copies et de préparer mes cours pour la semaine prochaine. Ainsi, ce soir, je l’avais occupé à jouer avec mon Sombral, puis mes chatons, avant de me cocooner dans un plaid avec ma guitare. À temps perdu, j’aimais vraiment me perdre dans la musique et passer des heures à griffonner des pages de composition.
Donc, de très longues minutes s’égrenèrent lentement et délicieusement sous les notes de musique et le parfum aromatique de mon thé placé à côté de moi. Je commençais à songer à aller me coucher lorsque mon téléphone sonna et vibra. Curieuse, j’attrapais l’appareil moldu et haussais un sourcil en voyant que l’expéditeur était Arondella. Voilà longtemps que je n’avais plus eu de ses nouvelles, et ce n’était pas pour me déplaire qu’elle m’envoie une petite attention. Peut-être que Harper lui avait parlé du mar…

- Hein ???!

Complètement abasourdie par ce que je venais de lire, je regardais la photo en la zoomant pour m’assurer que ce n’était pas un montage. Non, évidemment que non ce n’était pas un montage, Arondie ne me ferait pas une plaisanterie de si mauvais goût. Bordel de merde qu’est-ce que Luca et Harper faisaient ensemble chez Jack la Ripaille ? Et putain ils avaient bu combien de verres ?
Enfin, là n’était pas la question, ou plutôt si ? Ou non ? Oh putain je ne savais pas.
Tout le calme que j’avais rassemblé ce soir venait d’être balayé en un instant, et soudainement, je me mis à paniquer. Oh putain… Harper et Luca ensemble bourrés… Oh putain… est-ce que je devais vraiment gérer ça toute seule ? Oh putain au secours, qu’est-ce que Harper a dit à Luca ? Oh putain, je n’avais pas encore eu le temps de lui dire pour nos fiançailles. Oh putain, oh putain !
Médusée sur mon canapé, sous mon plaid, mon cerveau fut court-circuité jusqu’à ce que je fus frappée d’une idée. Peut-être pas la meilleure, certes, mais présentement, je paniquais trop pour faire bien les choses.
Ainsi, je me relevais, alla jusqu’à la table de la cuisine et attrapa ma plume et un parchemin.

"Bonsoir, Théodora, comment vas-tu ?

Je suis navrée de te déranger à cette heure si tardive, mais je crois que je vais avoir besoin de toi. En effet, je viens d’apprendre que Luca et ma fiancée sont dans un bar, et ils semblent ivres morts. Je crains de ne pas réussir à les gérer tous les deux, penses-tu pouvoir me prêter main forte ?
Évidemment, je te revaudrais ça, et si tu ne peux pas, tant pis, j’essayerais de me débrouiller.

Ils sont à Londres, chez Jack la Ripaille, voici l’adresse et les coordonnées.

Par avance je te remercie,
Cordialement,
Abigail MacFusty"

Pliant rapidement la missive, j’y posais le cachet de ma famille avant d’envoyer Gérard. À présent, je récupérais mon téléphone et répondais à la jeune tenancière.

"Il y a bien intérêt que tu affiches ça ! Et on les obligera à dédicacer. J’arrive au plus vite, tiens bon. Je suis désolée.
PS : merci pour les plantes………… "

Je ne savais pas trop pourquoi je m’excusais, mais je savais qu’Arondella n’allait pas spécialement relever. Elle connaissait la nature de mon caractère. Enfin, les nombreux petits points concernant les plantations de ma fiancée démontraient (tout le moins je le croyais) à quel point j’étais mécontente. Harper et la botanique c’était comme moi et les potions. Et vous savez quoi ? Je n’approche pas une fesse d’une fiole de potion !
Grand Merlin qu’est-ce qui lui avait encore pris à aller faire des trucs sur mon île ? Et putain qu’est-ce qu’elle avait planté ? Et bordel elle avait fait quoi d’autre à Soay ? Les possibilités étaient tellement énormes que j’en eus un vertige. Non, il ne valait mieux pas trop y songer, tout comme je préférais ne pas trop songer à ce que j’allais trouver une fois arrivée à Londres.

Enfin, je me décidais à aller m’habiller, non sans sentir une boule se former au creux de mon ventre. Peut-être me faisais-je des idées et peut-être que tout irait bien, mais si Arondie en venait à me demander de l’aide, c’était qu’ils étaient agrippés au bar comme des sangsues. Pauvre Arondella.
Pauvre de moi ?
Je connaissais les deux personnalités volcaniques de Luca et de Harper, et je craignais que ça n’ait fait des étincelles, quoique le message d’Arondie ne semblait pas trop alarmiste. J’essayais de me rassurer comme je pouvais… D'autant plus qu'ils ne semblaient pas blessés sur la photo, il n'y avait donc pas eu de bagarre... ou pas trop ? Cela supposait donc que Luca ne savait rien à propos de mes fiançailles ? Ouf, enfin un bon présage.
Passant mon écharpe jaune et noire autour de mon cou, je dégageais mes cheveux blonds avant d’enfiler mon manteau et mes chaussures. Sans hésitation je marchais jusqu’à l’écurie, faisant fit du vent qui battait mon visage. Mon regard se perdit à mes pieds sans que je ne voie de plantes étrangères. Il faisait trop noir, je ne pouvais pas ouvrir une enquête maintenant, je le ferai une autre fois, et il me fallait ne pas tarder, sinon mon île risquerait de devenir une jungle. Interpellant Sleipnir, le jeune cheval mit plein de bonne volonté (comme d’habitude) pour me rendre service. Grimpant sur son dos, je le lançais au galop et le laissa prendre son envole devant la falaise battue par les vagues de l’océan. Je ne pouvais pas transplaner, et je n’aimais pas les balais… et si je devais ramener Harper, autant utiliser Sleipnir, puisque Grishkin semblait ne pas vouloir bouger de son perchoir. Comme je le comprenais, moi aussi j’étais bien dans la chaleur de mon canapé.

Arrivée à Londres du côté sorcier, je posais Sleipnir non loin de l’entrée de chez Jack la Ripaille avant de libérer mon jeune cheval. Je savais qu’il n’allait pas trop s’éloigner et je ne voulais pas qu’on puisse lui faire du mal, ainsi, je préférais le laisser aller se mettre à l’abri là où il le souhaitait. L’avantage de venir avec un Sombral, c’était que les moldus ne pouvaient pas le voir, ainsi, il ne risquait rien de ce côté-là.
Poussant la porte du bar, je fus soulagée en sentant la chaleur qui régnait ici… avant de sombrer dans la désillusion en reconnaissant les grands éclats de rire de Harper et de Luca. Bon… au moins, ça semblait aller, ils n’étaient pas en train de se battre.
Arondie, qui attendait ma venue, me vit immédiatement.

- Ah ! Abigail, te voilà ! Ils ont une sacrée descente, il va y avoir des crises de foie !

Je lui souriais avant maladresse, regardant nerveusement Harper et Luca tour à tour.

- Oh euh… au moins tu auras fait un bon chiffre ce soir.

J’essayais de faire de l’humour, ce qui trahissait mon agitation intérieure. Prudemment, je m’approchais du duo, retroussant petit à petit, pas après pas, mon nez en sentant les effluves d’alcool devenir de plus en plus entêtantes.

-Bonsoir, vous allez bien ? Je les regardais alternativement. Vous êtes amis maintenant ?

Hasardais-je avec toute la candeur dont j’étais capable. L’espoir fait vivre n’est-ce pas ? Naïve petite Abigail.

Tandis que je franchissais la porte de chez Jack la Ripaille, je fus aussi bien étonnée qu’apeurée de voir mon meilleur ami et ma fiancée accoudés ensemble au bar en train de rire à pleins poumons. Grand Merlin, mais qu’est-ce qui était arrivé ici pour que ce scénario soit possible ? Avec ce que j’avais dit à propos de Harper à Luca la dernière fois que nous avions passé une nuit ensemble, je me doutais qu’il avait des aprioris la concernant, et il en allait de même pour Harper qui devait avoir gardé en mémoire la soirée mémorable à Poudlard.
Ainsi, quel était le pourcentage de chance pour qu’un soir, les deux en viennent à se rencontrer dans un bar, à boire ensemble, à faire un QuidditchPong (apparemment), et à commencer à se raconter leurs vies en étant ivres morts ? Il devait avoisiner le zéro, et pourtant, c’était arrivé. Comme quoi, il n’y avait jamais vraiment de hasard dans la vie.

Laissant Luca prendre la parole, mes prunelles allaient rapidement de lui à ma fiancée qui se contentait de hocher la tête, approbatrice jusqu’à ce que l’italien se lève et se rapproche de moi. Par pur réflexe, j’eus un mouvement de recul alors qu’il attrapait mon poignet avec une délicatesse qui me surprenait vu son taux d’alcoolémie. Il fixa mes doigts avant d’engueuler Harper, puis de se tourner vers moi, furieux. Ses accusations m’allèrent droit au cœur, et je réalisais soudainement tout le mal que je venais de faire, malgré moi, en attendant trop longtemps pour annoncer quelque chose qui devait, initialement, être réjouissant. Ma timidité et ma peur de la réaction des autres m’avaient à ce point paralysé qu’aujourd’hui, même ma famille n’était pas encore au courant pour notre union. Les yeux arrondis par la surprise et la culpabilité, je bredouillais, confuse, sentant déjà ma gorge se nouer puisque la situation me mettait dans tous mes états.

- N… non Luca ça n’a rien à voir avec toi… Je lui attrapais le bras lorsqu’il me lâcha pour le garder près de moi et essayer d’avoir son attention, ce qui était peine perdue. Luca, je…

À ses paroles en italien, je clignais plusieurs fois des paupières, interdite, pour finalement le libérer. Je n’avais pas compris ses paroles, mais à quoi bon essayer de raisonner quelqu’un sous l’emprise de l’alcool ? De son côté, la directrice des Gryffondor ne fit rien pour arranger les choses, et alors que le motard s’en retourna au comptoir pour terminer son verre cul sec et demander une autre bouteille, je l’entendais proférer des menaces. Mes épaules s’affaissèrent tant j’étais désemparée par la situation et par le tableau que j’avais sous les yeux, à les voir là tous les deux en train de se noyer dans l’alcool. Luca, je le connaissais, je savais que c’était presque une habitude chez lui d’être ivre, mais Harper ? Oui, elle était fêtarde, mais avait-elle à ce point besoin d’oublier quelque chose pour boire autant ? était-elle donc si malheureuse tandis que je n’avais rien remarqué ?
Doigt d’honneur d’Arondie lancé envers Luca qui se croyait tout permis (comme d’habitude), j’entendais ma fiancée s’adresser à moi, ce qui me fit soupirer tandis que je me rapprochais d’eux.

- Chérie, je crois que tu devrais surtout ralentir le rythme, il faut qu’on rentre.

J’allais lui attraper son verre lorsque la porte derrière nous s’ouvrit une nouvelle fois et que Luca me tendit son bras. Interloquée, je regardais dans mon dos pour y découvrir Théodora qui, apparemment, avait bien reçu ma lettre. Un puissant soupir de soulagement traversa ma bouche tandis que je lui souriais avec gêne alors qu’elle s’adressait à moi.

- Merci d’être là… je… suis vraiment désolée pour tout ça.

Comme si j’étais responsable de ces deux trolls ivres. La venue de la comptable me donna le courage nécessaire pour attraper le bras de l’italien et de le pincer avec force, puisqu’il me l’avait demandé. Et peut-être que ça le ramènera un peu à la raison ? Néanmoins toujours ronchon, Luca s’adressa à moi, m’accusant d’avoir appelé miss Haig. Pourtant, ce fut sans sourciller que je hochais la tête et assumais pleinement ma manière de faire.

- C’est moi oui, et arrête de râler, ça te donne l’air complètement idiot quand tu es ivre à ce point.

Faisant exprès d’être provocatrice, je regardais mon ami s’approcher de la jeune femme pour plonger dans son cou et constater de sa véritable présence avant de l’inviter à venir boire elle aussi. Non, mais ils s’étaient passé le mot tous les deux ou quoi ?
Laissant le patron et sa comptable (mais je gardais un œil sur eux), je me tournais vers Harper pour glisser une main dans son dos et subtilement lui écarter son verre d’alcool pour le rendre à Arondella. Profitant de ce petit instant de répit, je glissais des gallions sur le comptoir à l’attention de la future témoin de ma fiancée tout en lui adressant un sourire désolé.
Lorsqu’Harper s’adressa à moi, je baissais mon regard sur elle pour soupirer à nouveau.

- Tu m’étonnes que tu aies mal au ventre, idiote. Aller, maintenant on … je regardais Harper s’effondrer sur le comptoir. Rentre… Bon, au moins elle n’opposera aucune résistance. Je regardais Théodora et Luca. Tout ira bien ? Tu veux que je prenne de vos nouvelles demain ?

M’adressais-je à Dora, puisque je savais bien que Luca allait refuser, puis aurait oublié dès demain. Oui, mais voilà, j’étais inquiète pour eux, et je ne voulais pas laisser la jeune femme toute seule dans cette situation. Je savais gérer Harper, mais je savais aussi que gérer seul Luca n’était pas une sinécure. M’assurant que tout ira bien pour eux, il me fallut l’aide d’Arondie pour faire monter Harper sur Sleipnir et la maintenir tant bien que mal le temps qu’un sortilège fut placé. Le voyage du retour se fit dans un silence pesant, puisque j’étais rongée par la culpabilité. Au moins, les deux avaient pu se rapprocher, c’était une bonne chose, mais les remarques de Luca m’avaient profondément blessée, et je ne pouvais que lui donner raison. Cette nuit fut blanche pour moi, car je préférais veiller ma fiancée, et tourner en boucle dans ma tête ce qui était arrivé.