Décrire son propre caractère me semble être une idée plutôt saugrenue… Comment être parfaitement objectif en parlant de soi-même ? Alors j'utiliserai plutôt les mots des personnes que j'ai pu côtoyer. A différents instants de ma vie. Bien entendu, pour les dernière années, mon miroir parlera pour moi.

Maman me décrivait comme un ange déchu. Une personne à l'opposé de mon frère. Peu bavard donc taciturne, elle disait souvent que j'étais trop mature pour mon âge mais qu'il m'arrivait d'avoir des comportements d'enfants. En réalité, je sais m'adapter aux personnes que je côtoie. Maman, malgré elle, me préférait à mon frère car j'étais comme elle : une moldue. Elle voyait en moi un peu de normalité, ce dont elle avait bien besoin. Mais c'était ce qu'elle voulait que je sois. Cela n'a jamais été le cas.
A la fin de ses jours, elle me voyait comme un mur de glace, sans cœur. Elle ne voyait plus rien en moi, que de la haine qui m'avait transformé. Mais elle m'aimait. Et moi aussi, peut-être…

Papa  me décrivait comme un bon à rien. Il me détestait comme il détestait mon frère. J'étais un incapable et un faible. Il a toujours été plus fort que moi par son physique mais le reste était absent de son être. Mais il a raison, je suis un peu un gringalet qui l'assume. Il disait que j'étais comme un renard, une bête apeurée mais rusée. Il ne pouvait pas s'imaginer à quel point il avait tord. Je n'ai pas peur, même la mort est une chose que j'attends avec lassitude. Même si, dans mon enfance, il est vrai, j'avais peur de mon paternel. Ce temps est révolu.

Nathan me décrivait comme son héros. Il voyait en moi ce que personne ne décelait. Toujours le meilleur. Il me répétait souvent que j'étais bien trop intelligent pour le commun des mortels et qu'un jour, ça risquait de me porter préjudice. Il disait aussi, qu'à ma manière, j'étais courageux. Il m'enviait d'être autant capable d'écouter sans jamais rien dire mais d'avoir le visage qui parle pour moi. Malgré tout, plus on grandissait plus il me chuchotait que je devais montrer plus d'empathie. Surtout à la mort de ma chère professeur de mathématique. Il pensait, à raison, que j'étais un peu fou à ma façon mais que ça me rendait attachant. Il avait beaucoup de mal à comprendre mon sens de l'humour et trouvait que j'étais parfois trop ironique pour les personnes qui m'entourent. Nathan était le seul à voir le bon en moi et maintenant qu'il n'est plus là, que reste-t-il de moi ?

Mon miroir voit flou. Il a du mal à déceler qui je suis vraiment. Mais souvent, il me dessine distant, froid et sadique. Certains diront psychopathe à ma façon d'apprécier de faire du mal à ceux qui se mettent sur ma route. Parfois, je le vois me dire que je suis un pleutre, que je me cache derrière des sous-fifres au lieu de me battre. Mais au fond, mon miroir voit un homme brisé, rempli de haine avec la volonté d'aller jusqu'au bout. Je suis sûrement donc très persévérant.
Mais la plupart du temps, le miroir prend la place de mon frère. Je le vois en moi, quelque part, enfui, oublié. Alors je vois un homme seul, abandonné et orphelin de frère et de mère.
Je déteste mon reflet. Il lui ressemble trop mais comment y échapper ? Père avait sûrement raison, je dois être un lâche si je n'ose même pas affronter mon reflet dans la glace…
Peut-être un lâche mais un lâche qui a décidé de se battre comme un renard, jusqu'à mon dernier souffle. Et moi au moins, ce n'est pas un souffle alcoolisé.

1998. Une année que je n’oublierai jamais et qui m’a marqué à tout jamais. Je ne pourrai décrire ce que j’ai vraiment ressenti ce jour-là mais au fond, je le savais depuis longtemps. Comment assumer la perte d’une partie de soi ? Une perte indescriptible d’autant plus quand on me l’apprend par une simple lettre apportée par un stupide hibou. Si seulement j’avais eu un fusil en main ce jour-là, le piaf n’aurait sûrement pas survécu. J’étais fraîchement diplômé et satisfait du futur que m’offrait l’université. Je savais déjà où je voulais travailler et ce que je voulais faire comme recherches et différents laboratoires se battaient déjà pour m’avoir dans leurs rangs. De nombreux laboratoires qui ne me verront jamais d’ailleurs. J’avais fêté la fin d’année la veille avec quelques camarades que je n’appréciais pas vraiment. En réalité, je voulais le fêter avec une seule et unique personne : Nathan. Mon cher frère. Le lendemain matin, alors que je me réveillais avec un léger mal de tête dû à la fête de la veille, j’aperçu un hiboux avec une lettre dans son bec. Mon frère ne communiquait que très rarement par courrier sorcier, en tous les cas avec moi. Il savait à quel point je ne supportais pas ça. J’étais donc assez surpris de voir un de ces satanés oiseaux à ma fenêtre. Mais j’avais quand même ouvert les vitres et j’avais attrapé la lettre avant de chasser le hibou d’un geste de la main agacé. Tout en mettant mon thé à infuser, j’ouvrais le courrier tant redouté.

“ Cher Monsieur Richard Healy,
Nous avons le regret de vous annoncer le décès inattendu et triste de votre frère Nathan Healy lors de la bataille de Poudlard qui a eu lieu lors de la nuit du 1 au 2 mai de cette année.

Ce courrier vous arrive tardivement car il se trouve qu’une personne a essayé de perturber notre service de communication avec vous.

Sâchez que son corps repose déjà auprès de votre mère comme votre frère l’a toujours souhaité.

Nous vous présentons nos sincères condoléances et restons disponibles pour vous apporter le soutien dont vous aurez besoin. Votre frère s’est battu pour le bien jusqu’à la fin de ses jours et nous ne pourrons jamais assez le remercier.

Bien à vous,

Kingsley Shacklebolt, Ministre de la Magie. “

Nous étions en juin. Il avait fallu plus d’un an pour que je sache ce qui était arrivé à mon frère pendant tout ce temps. Je n’avais jamais montré mes émotions, j’avais toujours été très renfermé contrairement à mon frère jumeau mais ce jour-là, je m’écroulais pour la première fois. Dans un cri de rage, je jetais la lettre d’un mouvement ample et brusque, renversant ma tasse de thé chaud à mes pieds. Je m’éffondrais à genoux au sol en le frappant avec une colère qui ne m’a jamais vraiment quitté depuis. Des larmes coulaient le long de mes joues bien malgré moi. C’était une sensation qui me semblait étrangère. La colère, je l’avais toujours eue en moi à cause de mon père. Par contre, la tristesse… Elle ne m’était pas familière et j’avais l’impression que mon cœur allait exploser. Je ne voulais plus jamais ressentir ça. Jamais. J’avais réussi à me calmer alors que mon regard se posait sur le thé qui avait une étrange couleur. En réalité, je m’étais coupé avec le verre de ma tasse de thé et du sang se mêlait lentement à la couleur douce de mon breuvage. Je m’avançais un peu et aperçu, l’espace d’un instant, mon reflet avant que la flaque devienne trop écarlate pour y déceler quoi que ce soit. Mon regard avait alors changé. Un air déterminé avait pris la place, un regard qui voulait à la fois tout et rien dire. Je serrais les poings tout en me redressant. Je pris un morceau de verre et le plantais dans la lettre que je venais de recevoir, qui avait terminé sur la table. Un peu de sang se mêla à l’encre du courrier. Je regardais ce spectacle avant de déclarer, dans un souffle.

- Il est temps. Temps que les sorciers payent pour tout ce qu’ils ont fait. Et je ne serais pas qu’un pion dans cette révolution.

Je fermais les yeux un instant avant qu’un sourire apparaisse sur mon visage. Un sourire tout sauf bienveillant ou heureux. Un sourire… Sadique ? C’est à vous d’en juger…