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Les moldus et élèves de Poudlard du forum se sentent cruellement seuls au milieu de tous ces sorciers adultes,
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Some people go to priests, others to poetry; I go to my friends • Harail x Elaine :: Three Broomsticks :: Pensine :: Les RPs
Anonymous
Invité
INRP
IRL
Sam 10 Fév - 11:58
Elaine D. Abbot a écrit:
Some people go to priests, others to poetry; I go to my friends
« Harper x Abigail x Elaine »

La nuit est tombée depuis déjà longtemps, lorsque j’applique un peu de rouge à lèvres pourpre, terminant de me préparer pour la soirée. Je m’arrête un instant, observe mon reflet dans le miroir de ma chambre, chez mon père. La même que celle où j’ai grandi, puis quittée, l’adolescence passée. La décoration et les meubles ont changé, certes, pas les murs. Repeints en blanc, d’un blanc immaculé qui me fait cligner des yeux lorsque la luminosité est trop forte. Rudolph ne s’en est sans doute jamais rendu compte, pensant bien faire, mais ce blanc laiteux ressemble parfois au décor d’un hôpital. Sainte-Mangouste s’impose à mon esprit un instant. Précisément l’endroit où je me suis jurée de ne plus jamais remettre les pieds depuis avril 2019. Mon père n’a pas oublié pourtant, mais il n’y pense pas. Trop heureux qu’il était de me voir emménager de nouveau avec lui, comme lorsque nous vivions ensemble lorsque j’étais une petite fille, avant que Poudlard ne m’arrache à cet endroit et lui de manière presque irréversible. L’enfer est pavé de bonnes intentions. Je n’aurais jamais pensé revenir vivre ici un jour, à Oxshott, Surrey, dans le manoir familial où j’ai grandi. Dormir à nouveau dans cette chambre, voir ce jardin au réveil, sous ma fenêtre. Du vert à perte de vue, souvent froid, gris, aux arbres effeuillés, mais une verdure tout de même bienvenue pour moi qui ai vécu cette dernière décennie au cœur de la ville. Londres. Trois ans, déjà. Que le temps passe.

Le reflet que me renvoie le miroir ne me satisfait pas totalement, mais j’en ai pris l’habitude depuis un moment. Je me surprends à hausser les épaules, indifférente à cette apparence, à tout le reste. Je n’ai plus envie de plaire. Et ce n’est de toute façon pas l’objet de ma sortie de ce soir. Avec un soupir las, je replace le capuchon du rouge à lèvres sur le tube, hésite un instant avant de reposer l’objet, l’abandonnant sur la coiffeuse. Tant pis si je n’en ai plus au cours de la soirée, qu’apparaît sur mes lèvres cette trace sombre sur le contour qui n’est certes pas de la plus grande élégance – pas besoin d’en remettre. C’est juste histoire de faire illusion, un temps soit peu, ajouter de la couleur, de la vie à mon visage devenu si pâle, aux traits tirés. Un véritable masque de veuve. Je ne me reconnais plus. Les cernes ont tracé leur chemin sous mes yeux, devenant presque bleuâtres avec les semaines, les mois d’insomnie et de sommeil léger qui me guettent, m’empêchant de trouver le repos dont j’ai pourtant besoin. Qui me serait salvateur, même. Les missions s’enchaînent, avec les Aurors comme l’Ordre du Phénix, mais je ne m’en plains pas. Bien que la fatigue s’accumule, de même que les courbatures. Les blessures aussi. Pour cela, les baumes et sortilèges font des miracles, mais si j’ose être honnête avec moi-même un instant, je sais que cela n’a pas d’importance pour moi. Pas vraiment. J’ai besoin de me sentir vivante, déclencher ce shot d’adrénaline qui s’infiltre dans mes veines comme une décharge à chaque assaut, chaque attaque. Le cœur battant, le corps aux aguets, pendant ces quelques secondes d’attente qui précèdent l’offensive. Je m’y jette à corps perdu, oubliant le reste, le danger. Cet état de grâce dans lequel je me trouve sur le champ de bataille prévaut sur tout, m’entraine au détriment de ma propre sécurité. Parfois même de celle des autres, une faille qui me fait défaut, un sérieux manquement à ce que j’ai pourtant juré de protéger de toutes mes forces. Des frasques, j’en ai faites, depuis des années. A croire que cela fait partie de mon ADN.

Je me fige une seconde. A la lumière de la bougie, j’aperçois un élément incongru, inédit. Mes doigts s’approchent de ma tempe gauche à une lenteur démesurée. Le doute n’est pas permis ; c’est bien un cheveu blanc, solitaire qui se dresse au milieu du blond que j’ai gardé depuis l’enfance. Je pince les lèvres, saisis puis arrache l’intrus d’un geste brusque. Je n’ai jamais été coquette au point de me soucier de ce genre de choses, sans doute normale au demeurant, au vu de mon âge. Mais ce signe sans doute précurseur me fait mal, m’atteint malgré moi, porteur d’une annonce qui bien qu’inévitable n’en reste pas moins difficile à supporter. Je vieillis. Sans Loïck. Le temps passe, victorieux, bien indifférent à ma peine et ce quotidien auquel je m’accroche chaque jour, comme une naufragée à sa bouée de sauvetage. J’étouffe, tout à coup. Je me lève soudainement, manquant renverser le tabouret de la coiffeuse. Une impulsivité qui ne me quitte jamais, cette tendance à abîmer les choses sans même m’en rendre compte.

J’ouvre la fenêtre violemment, expire l’air hors de mes poumons bloqués. Le sang bat contre mes tempes, et je mets quelques secondes à me calmer. Au fond de moi, je suis bien consciente que ce n’est pas un vulgaire cheveu blanc qui me met dans cet état. Ce soir n’est pas n’importe quel soir. C’est l’anniversaire de Loïck, le 10 février. 2022. Il a trente-sept ans aujourd’hui. Si tant est qu’il est encore vivant. La pensée me coupe la respiration et je me mords la lèvre de plus belle, m’agrippant malgré moi au rebord de la fenêtre. Mes mains sont glacées, rougies par le froid qui s’est engouffré dans la chambre, lorsque j’ose les retirer quelques instants plus tard.

Tentant de retrouver un semblant de calme, je ferme la fenêtre, passe une main dans mes cheveux que j’ai rassemblés en un chignon serré ce soir, plaque les quelques mèches folles que le vent du soir a laissé se dégager. Lisse le tissu fluide de ma robe noire, replace le cardigan en cachemire de la même couleur qui le recouvre. Prête.
J’attrape mon manteau – beige, un peu de gaité tout de même – ma baguette magique et je file, descendant bientôt les marches du grand escalier qui rejoignent le vestibule. Je ne prends pas le temps de m’arrêter, me dirigeant à grands pas vers la porte d’entrée, lorsqu’un léger bruit se fait entendre, interrompant mon mouvement. Comme le grincement d’une porte qui s’ouvre doucement, dans mon dos. Instinctivement je me tourne pour faire face à mon paternel, qui se tient timidement devant son bureau, dont il vient de sortir vraisemblablement. Je ne retiens pas un sourcil haussé de surprise, que je regrette presque aussitôt en voyant la mine gênée que mon père affiche maintenant en réponse. Il essaie pourtant, sincèrement. Je suis forcée de le reconnaître.

« Bonsoir » lâche-t-il maladroitement.

Je reste coite un instant. Puis me reprends, tout à coup.

« Je rentre tard » dis-je simplement. J’enroule mon écharpe autour de mon cou pour me redonner contenance, et me détourne, claquant la porte. En sortant je ne peux m’empêcher de me morigéner immédiatement, coupable de cette acidité dont j’ai encore fait preuve envers mon père. Ce n’est pas contre lui, pourtant. C’est ma protection, mon bouclier contre le monde, comme si la vie n’était qu’une succession d’épreuves. Pour moi, c’est le cas depuis trois ans. Les dates comme celles-ci ne sont pas rares, et même les jours à première vue ordinaire s’avèrent complexes à gérer. J’ai appris à enfermer, reléguer au fond, tout au fond mes états d’âme, mais je dois admettre que le dix février fait partie des jours les plus difficiles. De ceux où j’enverrais tout voler en éclats. Je l’aime encore.

Dehors, la nuit me voit disparaître en une simple impulsion de baguette.

Lorsque j’ouvre les yeux quelques instants plus tard, la neige de l’Ecosse me fait face, tout autour de moi. La grand-rue de Pré au lard est éclairée par des lampadaires de part et d’autre, déjà presque déserte. C’est vrai qu’il est plutôt tard pour dîner, déjà dix-neuf heures passées. Elles sont sans doute déjà arrivées ; je me hâte. C’est moi qui ai demandé à décaler, me doutant que la mission finirait un peu tard. Les talons que j’ai mis pour ajouter une touche de féminité à mon allure claquent sur les pavés alors que j’avance vers les Trois Balais, lieu du rendez-vous avec mes amies Abigail et Harper. L’idée de les voir me réchauffe le cœur, elles qui sont mes amies depuis plus de vingt ans maintenant. Nées la même année, nous avons passé toutes nos années ensemble à Poudlard, dans la même promotion, Harper et moi partageant la salle commune de Gryffondor quand Abi étudiait à Poufsouffle. Elles font partie de mes plus anciennes amies. Mon seul couple d’amis, désormais, comme je le réalise avec un temps de retard, repensant avec nostalgie à toutes les occasions passées ensemble avec elles et Loïck, des soirées tous les quatre à rigoler et boire sans doute un peu plus que de raison. Le bon temps. Harper et Abi ont d’ailleurs toujours été de la partie, les quelques fois où nous avons fêté l’anniversaire de Loïck au London Bar, ou bien chez nous à Londres, mes amies sorcières se fondant dans la masse d’invités moldus de mon mari, incognito. Je me demande si la date attirera leur attention. Ce n’est pas impossible. Mais je ne dirai rien, n’aborderai pas le sujet, ne sachant que trop bien combien je peux paraitre désespérante aux yeux des autres, incapable que je suis de faire mon deuil. Ce n’en est pas vraiment un, pourtant ; là réside toute la difficulté. Et même à celles qui comptent parmi mes plus proches, je ne veux, je ne peux rien dire. Loïck est mort, c’est la version officielle. Je refuse de laisser entrevoir la vérité, trop honteuse de ce que cela dit de moi, des années de mensonges et d’entourloupes. Bernée. Illusionnée. Peut-être jamais vraiment aimée.

Malgré moi, j’ai stoppé net ma course en plein milieu de la rue. La devanture d’Honeydukes à ma gauche, emplie de bonbons multicolores de toutes les formes, me donne envie. J’ai faim, comme je m’en aperçois subitement. Les bons plats des Trois Balais seront bienvenus… Je ne peux m’empêcher de me demander ce que fait Loïck, sans doute à l’autre bout du monde, comment se passe sa soirée d’anniversaire. Peut-être en charmante compagnie… A-t-il rencontré quelqu’un d’autre ? La question me taraude, de plus en plus insidieuse à mesure que le temps passe. Je dois me reprendre. Vite. Comment expliquer sinon à Harper et Abi la raison des larmes qui m’emplissent les yeux, qui n’est certainement pas le froid glacial écossais, agité par les bourrasques de vent du soir ?

Un peu de courage, Elaine. Ne te laisse pas atteindre aussi facilement. Les phrases résonnent, tel un mantra, et je parviens presque à y croire, l’espace de quelques secondes. Juste assez pour reprendre ma route, d’une allure que j’espère plus sereine. Je ne devrais plus tarder, à présent ; j’aperçois au loin la toiture pointue caractéristique de l’auberge.
Je me recompose une expression calme, détendue, trahie toutefois par les cernes et le voile d’ombre dans mon regard. Ouvre la porte d’un geste décidé, mes yeux parcourant l’assemblée joyeuse et bruyante de sorciers venus dîner et trinquer en ce soir dé février. Je ne tarde pas à repérer mes amies dans l’assistance. Un sourire me vient immédiatement aux lèvres en les voyant. En vérité, Abigail et Harper représentent à mes yeux un élément rassurant, une valeur sûre dans mon univers tourmenté. Un véritable amour aussi, qui me remplit à la fois de joie mais instille aussi une pique de tristesse, en contrepointe uniquement de ce que j’avais et que j’ai perdu. Une force tranquille et constante, comme j’y pense en m’avançant à grandes enjambées vers elles.

« Salut ! » je lance d’un ton presque jovial, un sourire aux lèvres qui ne m’a pas quittée depuis que je les ai vues.

« Comment ça va ? Désolée pour l’heure, j’ai fini tard… » Je lâche un mot d’excuse à voix plus basse, tout en me penchant pour planter une bise sur la joue de chacune.

Tout en parlant je défais mon écharpe et mon manteau, les déposant sur une chaise à la table où se sont visiblement installées mes amies. Toutes les deux enseignantes à Poudlard, et même directrices de maison, elles connaissent Pré au lard comme leur poche. Il faut dire que retrouver le village sorcier me fait plaisir, à moi qui n’ai plus vraiment d’occasion de m’y rendre depuis des années. Je n’ai pas oublié les moments passés ici, seules sorties autorisées pendant nos weekends lors de l’année scolaire, les après-midi shopping dans les boutiques de la Grand-Rue et les biéraubeurres dégustées ici même, aux Trois Balais…

« Je suis contente de vous voir ! » je m’exclame tout à coup, sincèrement.
« Vous avez déjà commandé ? J’ai une faim de loup. » j’ajoute, sans mauvais jeu de mot.

Je regarde tour à tour mes deux amies, heureuse de m’attabler avec elles pour un dîner qui s’annonce agréable, malgré la date fatidique. En toute honnêteté, je préfère mille fois être avec elles, pour affronter cette soirée. Leur compagnie et leur amitié si chères, que je ne veux pour rien au monde laisser filer, revêtent une grande importance à mes yeux, même si je reconnais que les occasions comme celles-ci se sont espacées.

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