De retour d’Italie, avec Meredith, nous avions entamé une relation quelque peu différente, elle et moi. Cela ne remontait pas encore à deux semaines, mais le moins qu’on puisse dire, c’était que nous nous étions vraiment rapprochés, elle et moi. A force de nous comporter comme un couple, nous avions fini par en former un. Et j’avais l’impression que nous étions heureux, comme cela. Nous l’étions sans doute, d’ailleurs.
C’était un peu étrange, à nos âges, de nous comporter comme nous le faisions, c’était un peu comme un retour à l’adolescence et aux premières amours… du romantisme, des moments doux et tendres, des instants volés… ça avait quelque chose de très rafraîchissant de partager cela avec mon amie de toujours… Ne penser à rien d’autre qu’à nous… oui, cela faisait du bien.

Notre séjour avait pris fin et nous étions rentrés, main dans la main, en Angleterre. Notre complicité était belle, nous vivions cela vraiment comme un cadeau du ciel, qu’aucune prophétie n’avait jamais envisagé… Nous étions bien, elle et moi, en dépit de tout ce que pouvaient penser et dire nos détracteurs, à commencer par notre fils, Helios. Mais c’était une autre histoire et il était convenu que son ascendance ne soit guère révélée. Je ne savais pas trop si Meredith avait convaincu Phobos d’accepter de mentir ou bien si elle lui avait menti en lui disant qu’Helios était son fils, mais dans tous les cas, le sang pur grec se trouvait dans l’équation.

Et puis il y avait eu cette révélation de Meredith. Ma compagne m’avait, un soir, fait une confidence qui m’avait clairement fait vriller. Ce soir-là, sincèrement, j’aurais été capable de provoquer Phoebus Malefoy en duel à mort. Même en duel non magique, je lui aurais enfoncé mes doigts dans les yeux jusqu’à les faire sortir de leurs orbites, je les lui aurais arrachés et fait bouffer…
Mon sang n’avait fait qu’un tour lorsque ma compagne m’avait fait ce récit. Et il me semblait que ma colère était véritablement légitime, même si Mrs Carrow avait la retenue de me dire que tout cela n’était dû qu’à la consommation d’alcool, que c’étaient là des circonstances un peu atténuantes… Elle avait refusé que je l’oubliette, sans que je sache véritablement pourquoi. Alors je devais ronger mon frein.
Et plus encore une fois que nous étions de retour en Grande-Bretagne. Je me mordais régulièrement l’intérieur des joues en présence de Malefoy, pour éviter de lui sortir ses quatre vérités de façon outrageusement franche…

Cela aurait pu en rester là, mais il avait été également question de quelque chose avec les Towsen. Disons que cela faisait tout de même un peu beaucoup. Après discussion avec Mery et Tobias, nous avions pris une décision. Il fallait limiter les dégâts que provoquait Phoebus, puisqu’il n’était pas fichu d’avoir un minimum de self-control… Une réunion avait donc été organisée, sous le prétexte de mettre en place une stratégie entre nous, pour que les mangemorts puissent se montrer efficaces et habiles face à nos ennemis. Il était toujours possible de prétexter que nous rendrions compte de nos réflexions à l'Augurey lorsque nous la verrions lors d'un Conseil, par exemple.
Simple question de théorie, mais il fallait parfois de bons prétextes pour rameuter les troupes.

Dans la pièce du quartier général qui nous servait de salle de réunion, j’avais fait apporter quatre verres et de l’eau. Pas d’alcool ici ce matin, c’était la moindre des choses pour que les esprits restent clairs.
J’étais le premier arrivé, et je regardais par la fenêtre en repassant mentalement le déroulement prévu pour cette réunion. Tobias et Meredith devaient arriver avant Phoebus, nous avions prévu de fixer l’heure de cette rencontre à moins le quart pour nous trois et à 10h pour Phoebus, de sorte que nous puissions être là avant lui.

Cette réunion du triumvirat faisait suite à deux discussions très importantes, il nous fallait prendre des décisions rapidement si nous ne voulions pas que Malefoy casse définitivement l’image des mangemorts. Il était bien trop impulsif et irréfléchi... et cela pouvait porter préjudice à l’image de notre Cause...

Tobias fut le premier à arriver alors que j’attendais mes comparses mangemorts. Je me tournais vers lui. J’étais toujours heureux de voir le jeune Towsen, même quand l’heure était grave.

« Bonjour, Tobias... » Je lui serrais la main franchement, posant l’autre main sur son épaule. « Eh oui... mais c’est parfait. »

Nous nous connaissions depuis des années maintenant et j’avais vu Tobias progresser à bien des niveaux, avec le temps. Le jeune Towsen était aujourd’hui un homme accompli, avec une vie professionnelle bien complète, une vie privée qui s’épanouissait aussi, notamment avec ce mariage avec la jeune Eponine Vandwyck, et je restais persuadé que Tobias pourrait un jour aller très loin. Peut-être qu’il pourrait être celui qui me succéderait au Conseil d’Administration quand je déciderais qu’il serait temps pour moi de passer le flambeau.

« Tu sais déjà un peu comment tu veux amener les choses ? » Tobias m’avait déjà un peu fait part de ce qu’il s’était passé avec Phoebus. Et moi qui avais déjà un peu tendance à être protecteur envers Tobias et Amber Towsen, je m’étais bien senti concerné aussi. Parce que j’appréciais ces deux jeunes gens. Et je savais aussi que j’étais assez apprécié également. Il y avait de la confiance entre nous. Et c’était quelque chose de vraiment très précieux que cela.
« C’est la meilleure chose à faire. »

Empêcher Phoebus de nuire davantage à l’image du triumvirat, lui remettre un peu les idées en place pour qu’il ne ternisse pas, en plus, celle des mangemorts et de l’Augurey… Malefoy avait sans doute eu la chance de naître avec une cuillère en argent dans la bouche, mais cela avait fait de lui un homme bien trop sûr de lui, trop hautain, trop irréfléchi… il agissait sans même prendre la peine de se poser la moindre question… d’ailleurs, j’étais bien placé pour savoir cela, ayant eu l’occasion de constater son manque de réflexion. N’était-ce pas cela, en plus d’une confusion entre une boisson alcoolisée et une potion expérimentale, qui l’avait poussé à me chauffer, finalement ?
Je ne lui en voulais pas pour cela. Et j’étais assez discret pour ne pas ébruiter cela, même si, en soi, cela risquait de porter préjudice à Malefoy et à son couple bien plus qu’à moi.

J’adressai à Tobias un sourire sincère. « Meredith ne devrait pas trop tarder. » J’avais passé la nuit avec elle, mais j’étais passé chez moi au petit matin pour prendre ma douche, me vêtir d’un costume trois pièces et relever le courrier. Après moins de deux semaines à former un couple, il aurait été un peu tôt pour emménager l’un chez l’autre. « J’ai essayé de l’apaiser un peu par rapport à cette réunion, mais elle est très remontée contre Phoebus. Il faudra essayer de ne pas laisser trop de place aux émotions. »

Je disais aussi cela pour moi. J’avais toujours eu un peu de mal à gérer mes émotions et à les contrôler, parce que je ressentais tout avec bien trop d’intensité, parfois même l’émotion pouvait m’envahir d’un seul coup, sans que rien n’ait pu annoncer cela… Il suffisait de presque rien. Alors, imaginez… avec l’affection que je portais à Mrs Carrow, il était évident qu’il me faudrait faire pas mal d’efforts pour ne pas m’emporter. Mais je comptais un peu sur mon ancien apprenti pour m’aider en cela. Il me connaissait bien et savait que je pouvais avoir de véritables accès de fureur… et c’était le genre de situations où cela pouvait clairement arriver.

Ce n’était pas une mauvaise chose que le jeune homme soit le suivant à arriver. Il était important que nous fussions bien sur la même longueur d’ondes et pour cela, rien de tel qu’une petite conversation en toute confiance.
J’avais haussé les épaules en entendant les propos de Tobias. J’aimais beaucoup le respect dont il avait toujours fait preuve envers nous, les mangemorts plus âgés, mais c’était surtout sa personnalité que j’appréciais. Tobias était, en effet, un jeune homme pour lequel j’avais, moi aussi, beaucoup de respect.

« Tu sais, tu as été autant lésé que d’autres. C’est important que tu puisses dire en face et, si possible, calmement, à Phoebus que son comportement et ses propos sont aussi blessants qu’absurdes. » Le jeune homme ne se serait sans aucun doute pas privé pour avoir déjà dit ce qu’il pensait à Malefoy, mais recommencer, en étant cette fois entouré par Meredith et moi, cela donnerait un autre poids à ses propos. « Essaie tout de même de rester à peu près calme, Tobias… Je dois te demander quelque chose, d’ailleurs. »
Mais il me disait lui-même qu’il le ferait, que je ne devais pas m’en faire et que Malefoy avait tout de même intérêt à la boucler.

Je n’allais pas tourner autour du chaudron. Pas avec mon ancien apprenti. Il savait bien comment j’étais, depuis le temps, et j’avais une totale confiance en lui. Depuis longtemps, déjà. « Tu sais, je ne suis pas sûr d’arriver à me contrôler. Phoebus est allé trop loin et je ne veux pas finir par le tuer par inadvertance, tu vois ce que je veux dire… » J’avais toujours eu la baguette facile quand la colère ou la rage prenait le dessus sur le reste et ça, Tobias le savait.
Je ne pouvais pas tolérer ce que l’homme avait fait. Ni ce qu’il avait dit. Je ne pouvais pas imaginer ce que pourrait être le calvaire de la jeune Amber Towsen si elle devait un jour se retrouver seule avec ce type... La pauvre, il pourrait lui faire du mal, à elle aussi… et ça, je ne pouvais même pas en supporter l’idée. « Je ne veux pas qu’il fasse plus de mal à des gens à qui je tiens. Mais il doit rester en vie. »  

Nous n’avions pas droit de vie et de mort sur les autres, évidemment, sinon, cela aurait été bien plus facile pour se débarrasser des problèmes que nous connaissions… Mais nous devions respecter quelques principes de base, tout de même, en ce compris l’idée de laisser à Phoebus une chance de s’expliquer, même si ce n’était clairement pas la peine qu’il le fasse sur certains points. Il pourrait dire ce qu’il voulait, j’avais vu ma compagne dans un sale état émotionnel, par la faute de Malefoy… et rien que pour ça, je me sentais prêt à lui casser la gueule.
« Je n’ai jamais compris pourquoi Meredith avait confiance en lui, mais le fait est là. Enfin… était… » Après un truc pareil, il était évident que Mery ne lui accorderait plus jamais ni crédit ni confiance. Et pour cela, une partie de moi-même ne pouvait que se réjouir… mais une partie plus rationnelle s’interrogeait : qu’allaient bien pouvoir apporter à notre Cause ce genre de tensions internes ?

« Il ne faut surtout pas que nos rangs soient divisés. Tout doit se faire avec une certaine diplomatie… » J’essayais de me convaincre, aussi, en disant cela. Et quand j’adressai un sourire à mon ancien apprenti, il put sans doute lire dans mon regard l’inquiétude que tout cela suscitait malgré tout. « Phoebus est un homme connu. Tout le monde sait qu’il a la bouteille facile, mais son problème d’alcool ne doit pas interférer dans tout ce dont il fait partie. »  

La présence de Tobias était toujours agréable pour moi. J’appréciais le jeune homme, ce n’était pas un secret. Et je ne supportais pas l’idée de le savoir mal ou en danger. Je ne savais pas pourquoi je m’étais autant attaché au jeune Towsen, mais le fait était là. Alors, effectivement, Phoebus ne s’en était pas pris aux bonnes personnes, c’était certain, mais si je ne pouvais pas laisser Tobias risquer de faire une bêtise en perdant le contrôle, il était évident que moi-même j’allais avoir besoin d’un garde-fou pour ne pas agir sous l’impulsivité du moment.
Par égard pour Meredith, je ne pouvais pas dire à Tobias ce qui me mettait hors de moi. Mais Tobias m’avait donné sa parole, il m’empêcherait d’agir de façon irréfléchie. Et c’était ce qui me semblait le plus simple : m’assurer que Tobias ne ferait pas dans l’excès et que lui s’assure que je n’en fasse pas de mon côté.

Toute cette histoire était très chargée en émotions et en blessures. Nous étions livrés à nos ressentis, avec la colère et la fureur qu’engendraient les différentes situations où Malefoy avait mal agi avec nous.
Pour ma part, j’étais dans sa ligne de mire depuis le début, il ne m’avait jamais apprécié et je le lui rendais bien… les relations à sens unique, très peu pour moi.
« Phoebus ne respecte rien ni personne. » Je n’en dirais pas plus. Mais dans ma voix transparaissait un tel mépris que Tobias pouvait sans doute deviner que l’homme avait commis quelque chose qui me semblait plus grave que tout ce que j’avais pu faire jusqu’alors.
Et puis, la remarque de mon ancien apprenti m’arracha un sourire. Bien sûr, il était bien plus habitué à la diplomatie que moi, au fond. Je pouvais avoir confiance. « Tu as raison… je me prends un peu trop la tête avec tout ça… »

Mais bon, la situation était grave, il fallait bien le souligner.
Et quand Meredith fit son entrée, je lui trouvais les traits tirés et le teint un peu terne. Le stress en elle était presque palpable et je vins à sa rencontre.
« Comment te sens-tu, ma belle ? » Je déposai un baiser sur ses lèvres, tout naturellement. Elle était angoissée, cela se voyait comme le nez au milieu du visage et j’eus envie de la prendre dans mes bras, mais je ne voulais pas que mon ancien apprenti ait l’impression de tenir la chandelle.
« Phoebus devrait arriver d’ici cinq bonnes minutes. »

Au fond, Malefoy avait vraiment provoqué chacun d’entre nous. Il avait insulté la famille de Tobias, il avait abusé de Meredith et il m’avait drogué quelques mois plus tôt pour que je fasse n’importe quoi, dans le but évident de me faire perdre toute crédibilité… mais j’avais un peu l’impression que je lui avais rendu la monnaie de sa pièce la fois passée, dans son bureau, avec cette potion d’amortentia expérimentale qu’il avait avalée par mégarde…
Je montrais la table à mes comparses.

« Peut-être devrions-nous nous installer. Je suggère de laisser Malefoy prendre place en tête de table, pour que nous puissions tous trois observer ses réactions et être attentifs à son attitude. »
Peut-être allait-il nier, essayer de mentir, de déformer les faits à son avantage… ou en tout cas pour les présenter de façon un peu moins désavantageuse pour lui…
« Si vous avez soif, il y a de l’eau. Et rien que de l’eau. Il est hors de question que Phoebus s’enivre lors de notre réunion. »
Et puis, je me voyais bien lui balancer mon verre à la figure, tiens. Au moins, de l’eau, c’était assez innocent, je n’allais pas devoir ensuite répondre de mes actes devant un tribunal quelconque.

Une fois que Meredith était arrivée, les choses s’étaient assez vite déroulées comme nous l’avions escompté. Ma belle amie, ma compagne, avait les traits tirés et le cœur gros, je le voyais bien, mais il nous fallait régler cette histoire. J’aurais aimé pouvoir provoquer Malefoy en duel, ne fût-ce que pour laver l’honneur de Mrs Carrow, mais cela aurait impliqué le fait de révéler à Tobias ce que Phoebus avait fait à Meredith… et ça, je ne le souhaitais pas, enfin, c’était surtout que ce n’était pas à moi à prendre la décision d’en parler, mais il était clair que ça me faisait bouillonner autant qu’un chaudron oublié sur le feu.
Le jeune Towsen avait raison, en plus, Phoebus allait se pointer comme si de rien n’était, comme si tout lui était dû et qu’il n’avait rien à se reprocher… son air suffisant m’horripilait d’avance. Heureusement que je pouvais compter sur mon ancien apprenti que je considérais comme un véritable ami. Car Tobias m’aiderait à ne pas sortir de mes gonds, c’était certain.

Ce qui était frappant, en cet instant précis, c’était l’expression dure du visage de Tobias et celle, plutôt déconfite, de Meredith. Pour ma part, j’essayais de ne rien laisser paraître, mais la colère m’avait envahi et je ne savais pas comment elle se manifesterait vraiment une fois que ce bon à rien de Malefoy allait arriver. Son alcoolisme l’avait toujours rendu bien plus bête qu’il ne l’était en réalité et, même si nous avions cru pouvoir en tirer quelque chose, ce sac à vin n’était, finalement pas mieux qu’un pilier de comptoir, car seul comptait son petit verre d’alcool… pourtant, cela lui avait déjà joué des tours, j’étais d’ailleurs bien placé pour le savoir, mais je n’en avais jamais touché mot à quiconque. Peut-être que cela sortirait aujourd’hui, cela dit…

Et quand il arriva, Phoebus posa les questions judicieuses qui n’avaient pas manqué de germer dans son esprit. Il avait au moins été capable de mobiliser le peu de jugeote dont il était capable de faire preuve, c’était déjà ça…

« Installe-toi, Phoebus. » Chacun prit place de façon plus ou moins stratégique autour de la table. Je n’aurais pas pensé que Meredith aurait la force d’affronter le regard de son violeur en face, mais le fait était là. Et du coin de l’œil, j’observais ma compagne tandis que Malefoy s’évertuait à poser des questions plus ou moins légitimes.
« Nous devons discuter, c’est devenu indispensable, Phoebus. »

Quel exercice de devoir me maîtriser alors que je n’avais qu’une envie : lui sauter à la gorge pour lui arracher la chair de mes propres dents. Ou de mes griffes, tiens, il aurait suffi d’un petit coup de métamorphomagie pour modifier mes mains et avoir des ongles acérés comme les crocs d’un lycanthrope…
En vérité, il était un peu difficile de savoir par où commencer, tant les griefs contre Malefoy me semblaient nombreux. Mais j’avais la parole pour le moment et je me devais donc de l’utiliser à bon escient.

« Tu dois trouver que ça ressemble à l’une de ces interventions qu’organisent les psychomages pour faire prendre conscience à leurs patients qu’ils ont un problème… et c’est peut-être un peu ça, au fond… » Comme introduction, on pouvait faire mieux mais tant pis, je n’allais pas non plus chercher à faire dans la dentelle alors qu’il piétinait nos valeurs et notre image avec autant d’aisance. « Il y a effectivement un problème avec toi, Phoebus. »

Il y en avait même plusieurs, mais je tâchais de ne pas non plus lui balancer tout cela en pleine figure directement… parce qu’entre Tobias qui avait été considéré comme un être inférieur, Mery qui avait été perçue comme une femme-objet et moi qui avais servi de cobaye… Malefoy aurait eu de quoi se mordre les doigts.
« Je commence, si vous le voulez bien. » Je demandais cela à Tobias et Meredith, sans pour autant attendre une véritable réponse de leur part. « As-tu conscience que tu agis parfois sans réfléchir, Phoebus ? Si nous sommes là aujourd’hui, c’est parce que tu as été trop loin. » Sous la table, je cherchais la main de Meredith. Le moment ne serait pas facile pour elle, alors je voulais lui tenir la main. Comme pour lui montrer que j’étais là et que je serais là pour la soutenir, quoi qu’il advienne. « Beaucoup trop loin…»

J’avais essayé de mettre des gants pour amener les sujets qui fâchent sur la table, mais Malefoy semblait prendre ça pour une façon de ne pas dire les choses clairement, comme si j’étais du genre à savourer le malaise ambiant. Pourtant, Tobias allait dans mon sens, il n’attaquait pas de front en brandissant les faits et la vérité directement…
J’eus un soupir aux propos de Malefoy à mon égard. Il voulait de la précision ? il voulait du concret ? Il allait en avoir.

« Contrairement à ce que tu penses, Phoebus, je ne suis pas le plus remonté contre toi dans cette pièce. Descends un peu de ton piédestal et fais preuve d’humilité, pour une fois. » Il osait laisser entendre que tout cela n’était qu’une machination de ma part… comme si je l’avais manipulé pour faire toutes les conneries qu’il avait faites. Nouveau soupir de ma part. « Ne cherche pas à inverser les rôles. Tu te conduis comme un malade mental qui ne connait pas les limites. Maintenant, tu vas devoir prendre tes responsabilités et, surtout, ne pas te chercher d’excuses, il est trop tard pour ça. »

Et personne ici ne voulait entendre des tentatives de justification de l’injustifiable, de toute manière. D’ailleurs, quand Meredith prit la parole, je crus d’abord qu’elle allait lui envoyer les faits en face, avec la verve dont elle était capable de faire preuve, mais elle resta relativement posée, même si la menace était sous-jacente dans ses paroles… Cela dit, en effet, si nous avions voulu le supprimer, il aurait disparu dans d’étranges circonstances, lors d’une mission suicide qui ne lui aurait pas été présentée comme telle.
Mais Meredith alla plus loin dans ses propos. Elle parla du sang. Le sang pur du Malefoy, un sang qu’elle jugeait ne pas être mérité. Je fixais la dame d’un air grave. Il était clair qu’elle devait faire des efforts pour rester polie mais qu’elle devait bouillir à l’intérieur. Je lui marquais mon soutien par une pression sur sa main, puis je reportais mon regard sur Phoebus.

« Tu veux du concret, alors ? Par quoi veux-tu commencer ? Les potions que tu fais boire aux gens à leur insu ? Le fait que ton problème d’alcool devienne trop important pour que tu puisses encore représenter les mangemorts ? Tu te rends ridicule, Phoebus, tu ne vois pas que tout le monde se moque de toi ? » Chaque fois qu’il ouvrait la bouche, c’était pour lâcher des énormités, comme un gamin qui n’aurait aucune notion de ce qui peut être dit ou non. Et ça, la population le remarquait, évidemment. « Tu nous pousses à avoir cette réunion aujourd’hui et c’est bien parce que tu es un Malefoy que la police magique n’a pas été conviée. Parce que pour certains de tes actes, au cas où tu l’ignorerais, tu mériterais un séjour à Azkaban. »

L’avantage d’avoir une épouse – même si elle n’était pas là actuellement – possédant une bibliothèque juridique bien remplie, c’était que j’avais pu obtenir les intitulés précis des actes que nous avions à reprocher à Malefoy.

« Tes vices ne sont pas des crimes, mais tu n’avais pas le droit de nous droguer. Tu es responsable du philtre de confusion dans mon verre. Tu m’as aussi poussé à avoir un rapport charnel avec toi. » Ce qui me concernait, c’était cela, mais ce n’était pas ce qui me mettait le plus hors de moi. Le pire, c’était ce qu’il avait fait à Mrs Carrow. « Tu as drogué Meredith pour abuser d’elle. On appelle ça un viol, Malefoy, et ça prouve à quel point tu n’as aucune considération pour Mrs Carrow. Tu es un VIOLEUR, au cas où tu n’aurais pas compris. »

Rester calme pour aborder ce sujet ? Impossible. Je n’aurais pas pu. J’avais beau être assez ouvert d’esprit pour tout ce qui concernait le sexe, le viol, c’était non. Quelque chose que je ne pouvais pas concevoir. Quelque chose qui devait être puni.
Si cela ne tenait qu’à Meredith, elle aurait balancé cela à la presse, mais je l’avais arrêtée dans son élan. Nous n’avions pas besoin de scandales dans nos rangs. Et la famille de Malefoy ne méritait pas de recevoir les conséquences des actes d’un mari, d’un père aussi inconséquent. Nous voulions dès lors régler cela en interne pour le moment, mais si Phoebus ne jouait pas le jeu, il était clair que nous disposions de suffisamment d’éléments pour le mettre hors d’état de nous nuire et de nuire à l’image de notre Cause.
Il méritait que le Ministère lui confisque sa baguette, ou la brise sous ses yeux, mais les agressions dont il s’était rendu coupable n’étaient pas liées à la magie… juste à son caractère et au fait qu’il se croie sans cesse tout permis. A quarante ans, Phoebus avait l’air d’un jeune fou de quatorze ou quinze ans. Aucune limite. C’était dommage…