« Tu devrais demander à Astrid ! »

*Je jette un regard vers Sybil, ma meilleure amie, qui m’offre un sourire encourageant. Là, plongée dans ce cours, l’esprit encore remué par les événements du tournoi, je me redresse sur ma chaise.*

« Elle est étudiante, elle doit avoir autre chose à faire.
- Oh aller, c’est son domaine, je suis sûre qu’elle t’aidera si tu en as besoin. Vous vous entendez bien, non ?
- Oui oui, bien sûr, mais je ne la connais pas assez pour l’embêter comme ça…
- Rachel, te connaissant, même moi, tu considérerais qu’il ne faut « pas m’embêter avec ça ». Alors tu vas me faire plaisir et tu vas demander un coup de main, ça te fera du bien de voir du monde en plus. »

*Elle me tend un parchemin et ma plume, et je soupire. J’appelle alors Zéphyr, et couche délicatement quelques mots sur le papier. En l’envoyant, je ne peux pas m’empêcher de me dire que j’aurais dû ajouter que ce n’était pas urgent, sous la ligne où j’avais écrit que je comprenais parfaitement si elle avait autre chose à faire. Mais mon retard scolaire faisait qu’en réalité, toute aide était la bienvenue… Et puis, Sybil savait aussi que, de plus en plus, la médicomagie était ce vers quoi je tendais à m’orienter. J’adorais les potions depuis cette année, mais surtout, surtout, j’étais fascinée par les créatures magiques, et ce, même avant de savoir qu’elles existaient véritablement. Mais je ne pouvais pas m’empêcher de penser que la première magie que j’avais naturellement su utiliser était la magie de soin, et que prendre soin des autres faisaient tout simplement partie de moi.

Et qui de mieux qu’Astrid pour me filer un coup de main sur ce chapitre et répondre à mes interrogations sur les enseignements en médicomagie ? Après tout, c’était « grâce » à cela que nous nous étions rencontré. Astrid s’était immédiatement montré très attentionnée, en venant me voir, pendant l’un de ses stages, alors que j’étais sur ce lit d’hôpital après ces mois de torture. Je soupçonnais aussi les médecins et ses professeurs de l’avoir inciter à garder un oeil sur moi, mais je devais admettre que, pour une fois, ce n’était pas désagréable. Pour la première fois, j’avais eu un peu l’impression d’être la petite soeur, celle sur qui on veille et à qui on donne un coup de pouce quand il faut. Un rôle que j’avais pris de nombreuses fois… Je ne savais pas qu’il était si agréable d’être choyée, pour la simple et bonne raison que, de caractère, j’étais plutôt celle qui choyait les autres.

Dans tous les cas, confortablement installée dans la grande salle, avec mon petit lapin chubby, qui dormait sur mes cuisses, j’étudiais, d’un air calme et studieux, mais les sourcils froncés, pointant un manque de compréhension quand Astrid arrivait à bout de souffle. J’attrapais délicatement mon petit lapin pour le poser sur la table et me lever pour regarder la jolie Poufsouffle essoufflée, qui m’avait invité à la rejoindre une demi-heure plus tard ici. Elle embrassait mon front, m’arrachant un petit sourire timide. Je n’en avais pas l’habitude, mais j’appréciais ces gestes de tendresse. Je relevais mes grands yeux clairs vers la jeune femme, et hochais la tête.*

« Bonjour Astrid. Oui, mais tu sais, ce n’était pas si urgent… C’est à propos de ce chapitre, j’ai dû mal à comprendre un passage… »

*Je lui pointe mon livre ouvert, et tourne de nouveau le regard vers elle et lui demande, un peu gênée.*

« Si tu as le temps, tu veux bien m’expliquer ? »

*Astrid et sa douceur, celle qui a su me faire accepter de ne pas être celle qui prend soin des autres, mais celle dont on prend soin. Pourtant, même à l’hôpital, je n’avais pas pu m’empêcher de toujours demander des nouvelles des enfants qui avaient vécu l’horreur avec moi, d’essayer d’aider au mieux, de ne pas embêter les infirmières dès que quelque chose n’allait pas : elles avaient sûrement mieux à faire. Elles avaient beau me répéter que c’était leur métier, c’était tout simplement plus fort que moi : je ne voulais pas les empêcher de faire autre chose peut être de mieux pour moi.

Mais Astrid avait été douce et patiente. Astrid était resté à mon chevet, et m’avait fait sentir qu’elle ne le faisait pas par obligation, mais parce qu’elle le voulait, qu’elle en avait envie, et qu’elle voulait m’aider. Je m’étais sentie choyée, protégée et en sécurité comme jamais auparavant. Dans ma famille, j’étais l’aînée, et d’ailleurs, j’adorais ce rôle, celui de veiller sur ma fratrie, de les aider, leur apprendre, les soutenir. Mais tout le monde a besoin qu’on lui tende la main. Et j’espérais qu’Astrid savait qu’elle pouvait autant compter sur moi que je pouvais compter sur elle.

Je lui souris quand elle m’affirme qu’elle a le temps, et m’assied à côté d’elle, et Chubby vient de nouveau se caler contre mes cuisses, ce qui m’arrache un bref sourire, avant que je ne montre le passage que je ne comprenais pas. En réalité, c’était une base qui me manquait, le genre de chose que l’on te transmet par les mots et qui ne se comprennent pas bien dans un livre. Astrid, patiemment, m’explique, et je prends des notes en buvant ses paroles. Je ne peux pas m’empêcher de me dire que tout ce qu’elle me raconte pourra m’être utile un jour, peut être ?

En l’observant, je me demande si je dois lui parler de cette idée qui me trotte dans la tête. Il y a aussi toujours cette part de moi qui se sent coupable d’avoir menacé un être vivant de jeter un sortilège interdit pour prendre sa vie. D’accord, c’était une acromantule qui voulait nous dévorer, moi et mes camarades. Mais qui étais-je pour prendre la vie d’une créature, quelle qu’elle soit ? Avais-je encore le droit de vouloir soigner les gens après avoir proférée une telle menace sans que ça ne soit véritablement du bluff ? Je n’en étais même pas véritablement sérieuse. Quel genre de médecin peut ainsi menacer de prendre une vie ? Bien sûr, je serais incapable de prendre une vie humaine, et c’était acculée, de peur de voir à nouveau la vie s’éteindre des yeux de mes camarades que j’en étais arrivée là… Et pourtant, cela tournait, encore et encore, dans mon esprit.

Nous achevons notre séance, et je souris à la poufsouffle en secouant la tête.*

"Oh tu me connais, j’adore toujours apprendre, c’était très intéressant, et tu es passionnée, c’est formidable."

*Affirmais-je avec un doux sourire, me reculant un peu, et lâchant la plume de mon poignet endolori à force d’écrire pour caresser doucement chubby qui s’est réveillé entre temps et grignote maintenant une feuille de salade. Finalement, Astrid me dit que j’ai l’air ailleurs. Je baisse un peu les yeux, les joues rougissantes et glisse une mèche derrière l’oreille.*

"Euh… C’est que… En fait, tu sais… L’année prochaine je suis en dernière année et hmm… Je vais devoir m’orienter. Et euh… Je me demandais comment se passe les études en medicomagie ?"

Passionnée, voilà bien une chose qui me qualifie aussi. C’était sûrement l’un de nos points d’accroche, d’ailleurs. Ma principale passion était, sans l’ombre d’un doute, le dessin. Néanmoins, une immense part de ma personnalité résidait dans cette envie, même ce besoin, de prendre soin de l’autre. Un besoin partagé par la jolie brune à mes côtés, qui, déjà, m’explique tout ce que j’avais besoin de savoir et bien plus encore.

Je l’écoute, attentive, souriante, à l’idée d’avoir trouvé une telle amie, aussi altruiste. Je me sentais chanceuse, véritablement, depuis mon retour. Je savais que je l’étais. Dans ce monde magique, rares étaient les âmes ne souhaitant pas me tendre la main. Même lorsque les regards étaient froids ou les mots piquants, je savais que l’attention se trouvait là, comme pendant cet entretien avec William Ombrage, ou dans cet échange que j’avais eu avec Björn.

Je souris à Astrid, amusée par sa retenue légère, du moins, de son recul. Elle aussi, me sourit, et elle me demande ce qui semble me tracasser. Je me confie à elle sur mon envie de, peut être, me diriger vers la médicomagie. Pour l’instant, ce n’était qu’une idée. Une idée récurrente, certes. Une idée tout de même. Je n’avais encore rien décidé : comment le pourrais-je ? Je rêvais des créatures magiques depuis mon enfance, avait été émerveillée (et l’était toujours) par ces animaux fantastiques aux caractéristiques incroyables, et je rêvais, depuis que je savais qu’elles existaient, non pas seulement dans mon imagination, mais bien dans le monde réel, je rêvais de passer ma vie à leur côté. Cependant… J’avais réalisé, depuis quelque temps déjà, que la médicomagie permettait de faire ce qui était, pour moi, la chose la plus importante possible. Prendre soin des autres. Je bénissais même ma curiosité, qui m’avait permis de savoir comment réagir face aux blessures de mes camarades. Très honnêtement, je ne savais pas vraiment comment j’avais pu prendre autant de décision et de recul à ces moments-là, mais c’était probablement le fait d’avoir déjà connu de terribles situations de crises, qui m’avait aidé à garder mon sang-froid… En général. Quoi que, il y avait aussi ce moment où mes nerfs m'avaient lâché. J’avais fait ma petite crise, et cela m’avait sûrement aidé à décompresser un peu, et en fin de compte, même si je m’étais un peu donné en spectacle, j’étais contente de l’avoir fait. Et puis, c’était surtout Kayla qui avait fini par prendre les rênes de notre aventures, en trouvant comment se débarrasser de la plupart des araignées. Mon ultimatum n’avait été que la goutte d’eau qui faisait déborder le vase : c’était bien grâce au petrificus totalus d’Ana que j’avais pu faire tout cela. Au final, c’était un travail d’équipe.

Mais en parlant de se perdre, c’est exactement ce que fait le fil de ma pensée, alors je me reconcentre sur Astrid à qui je viens d’avouer mes questions d’orientation. Elle semble soudainement toute excitée, et je ne peux pas m’empêcher de sourire, attendrie et contente de sa réaction. Se réjouissait-elle à l’idée de me voir dans sa filière ? Si c’était le cas, c’était vraiment adorable de sa part.

Mais plutôt que de me répondre, elle me propose d’aller voir. Et elle se lève, en me disant de prendre Chubby si je voulais. Je n’ai pas trop le temps de réagir, alors je me contente de répondre un maladroit “euh ok”, en prenant mon sac et mon lapin que je glisse délicatement dans une poche de ma cape, assez large pour lui, et je la suis.

Ma main est dans la sienne, mes joues sont un peu roses, gênée à cette idée, me demandant si nous avons vraiment le droit de faire ça. Mais en arrivant, Astrid me confirme ce que je craignais : ma présence là n’était pas vraiment autorisée. Je me braque un peu, mais elle m’assure qu’elle prendrait tout sur elle. Ce qui ne me rassure pas plus, je ne veux surtout pas qu’elle ait des ennuis à cause de moi !!

C’est un peu inquiète tout de même que je la laisse m’entraîner, veillant à garder un regard vers la porte, au cas où… Enfin, au début. Je salue, timide, les autres étudiants, mais la plupart m’accueillent amusé ou curieux. Astrid me montre quelques plantes, et je ne peux m’empêcher d’essayer de lui demander si cette plante est bien celle que je crois et que ses propriétés sont celles que j’ai en tête. Astrid me confirme mes connaissances, en ajoutent d’autres, que je tente de noter mentalement, quand elle me propose de tester moi-même.*

Oh, je ne voudrais pas gâcher des ingrédients ! Je ne devrais déjà pas être là, alors je ne sais pas si c’est une très bonne idée…

*Murmurais-je, un peu timide, avant de murmurer.*

Et puis, je n’ai pas pu encore étudier les contre-effets des mélanges des plantes, ni les effets secondaires que les alliances de concoctions peuvent faire, on ne joue pas avec la santé d’autrui.

*Astrid le savait aussi : je me préoccupais plus facilement de la santé des autres que de la mienne. Même hospitalisée, j’arrivais à m'inquiéter plus des autres que de moi-même. A cela s'ajoutent patience et curiosité, sans parler d’un certain côté travailleur. Difficile de douter que ma vocation se trouvait vraiment ici, mais il est encore trop tôt pour que je puisse le voir aussi clairement que cela.*

*Douce, Rachel l’était sûrement autant qu’Astrid. Sage, en revanche ? Elle l’était, apparemment, beaucoup plus. Rachel était ce genre de personne qui ne supportait pas de ne pas respecter les règles, angoissant à l’idée d’être prise sur le vif, et ce, même lorsque ce n’était pas si grave. En première année, elle avait angoissée après que ses amies et elle aient cueillis quelques fleurs dans l’herbe du parc de Poudlard. Elle s’était demandé si cela était autorisé, si elles n’avaient pas fait de bêtises, si ces plantes ne devaient pas être récolté par les professeurs de botanique pour diverses raisons. Si elle était capable d’angoisser pour ça, vous imaginez bien que se trouver à un endroit où elle n’était pas censé être, à faire des choses qu’elle n’est pas censé faire…

Mais Astrid insiste un peu, et Rachel n’ose pas lui dire non, même si ses pommettes rosissent, surtout en sentant quelques regards curieux sur elle. Elles ne sont pas seules dans la pièce, et Rachel a déjà croisé certains visages à Ste Mangouste. Dotée d’une plutôt bonne mémoire des visages, elle sait que son propre visage n’est pas inconnu. Comment pourrait-il l’être, surtout pour les médicomages, qui étaient désormais formés pour faire face à des cas comme les miens qui, malheureusement, risquaient de se multiplier à l’avenir. Je savais que nous étions devenus des cas d’écoles en survivant pendant des mois à l’injection du sérum qui nous privait de toute forme de magie.

En réalité, Rachel a commencé à étudier les plantes, les cataplasmes et les bases de la médicomagie. Elle s’était rendu compte pendant le tournoi qu’elle manquait des connaissances rudimentaires si elle se trouvait avec une vie entre les mains, comme cela aurait pu être le cas. Ses premiers soins avaient été plus qu’élémentaires, mais elle n’avait pas mieux à proposer à cet instant. Alors, depuis, la jeune femme s’était renseignée. Elle avait retenu quelques plantes basiques, du genre de celle que l’on trouvait partout, et qui pouvait faire la différence entre la vie et la mort. On ne savait jamais quand on pourrait avoir besoin de savoir tout ça.

Et puisqu’Astrid insiste, elle se contente d’hocher la tête et de se saisir d’une plante.*

Ca c’est hmm… du Sisymbre. Si elle est cueillie à la pleine lune, elle peut servir pour du polynectare. Sinon… Je crois qu’en cataplasme, elle peut servir pour la cicatrisation, si elle est mélangé à de l’ambroise…

*Rachel redresse les yeux, et cherche du regard, jusqu’à pointer l’Ambroise, un peu plus loin, avant de regarder Astrid, pour y chercher confirmation, mais aussi le droit d’en prendre pour essayer.

Et c’est ainsi que la jeune Gryffondor parvient presque à oublier qu’elle n’est pas censée être là. La jeune fille, curieuse et pétillante, en vient à poser de nombreuses questions, et même à sortir un carnet pour prendre quelques notes.

Du moins, jusqu’à ce qu’une voix indique “elle arrive”. Là, Rachel se fige sur place, prête déjà à se confondre en excuse, mais Astrid attrape sa main et l’emmène zig-zaguer entre les plantes, jusqu’à ce qu’elle doive pousser au sol sa petite protégée, qui se fait aussi petite que possible, et se contente d’écouter discrètement ce qui se passe.

Dès que la femme qui vient d’entrer parle de son père, le visage d’Astrid se décompose littéralement. Et immédiatement, cela provoque de l'inquiétude au creux de la poitrine de notre petite gryffondor. Astrid finit par s’éclipser, sans même lui faire de signe, de clin d’oeil ou quoi que ce soit. Cela ne ressemblait pas à la pétillante Astrid, et sous ce sourire, elle devinait bien plus d’angoisse qu’on aurait pu le croire. Observatrice et attentionnée, Rachel ne manquerait pas de revenir vers la brune.

Mais pour l’heure, le garçon à qui Astrid a fait signe se lève, une ou deux minutes après le départ de la Poufsouffle. Il offre un sourire rassurant à la jeune fille et un petit clin d’oeil qui se veut complice.*

“T’en fais pas, ma jolie, tout va bien. Viens, je te ramène dans la salle commune, faudrait pas risquer de te faire chopper.
- Mais… Et le chaudron ? Je dois tout nettoyer avant de partir.
[b]- T’inquiète, c’est pas grand chose, on va le faire.”

*Il tend la main pour aider la petite fille toute frêle qui est toujours assise là, entre les étales de plantes. Rachel attrape sa main, rougissant un peu à ce contact dont elle n’a pas l’habitude avec un inconnu. Elle se redresse, retire d’un petit geste la poussière sur sa robe de sorcière, et hoche la tête, pour indiquer à l’inconnu qu’elle le suit. L’inconnu, qui s’appelle en réalité Nicolas, lui parle gentiment sur le chemin du retour, lui demande ce qui l’intéresse dans la médecine, et il lui présente brièvement son parcours. Leur discussion les intéresse tant que le garçon restera bien une dizaine de minutes à échanger avec Rachel avant de repartir de là où il vient, laissant la jeune femme et son inquiétude, qui repart maintenant à la recherche de ses amies, qui doivent bien se trouver quelques part par ici. Et pendant ce temps-là, elle note mentalement de ne pas oublier d’adresser un petit hibou à Astrid, pour la remercier comme il fallait, déjà, et ensuite, pour s’assurer que tout allait bien, et lui signaler que, s’il le fallait, elle l’écouterait avec plaisir sur ce qui la troublait. Car il n’y avait pas de doute à avoir, quelque chose la troublait. Restait maintenant à savoir quoi…*