WE FEAR REJECTION, PRIZE ATTENTION, CRAVE AFFECTION, DREAM, DREAM, DREAM OF PERFECTION
Décembre 2006

« Evan, viens danser avec moi ! » Une moue boudeuse plaquée sur son joli visage, la petite Erin tirait sur la main de son cadet, tentant de l'entraîner à sa suite. « Erin, tiens-toi bien. Tout le monde nous regarde. » Mais la blondinette ne l'entendait pas de cette oreille, bien décidée à dérider son jeune frère toujours un peu trop sage à son goût, elle attrapa son bras des deux mains, plaquant sa joue contre son épaule pour lui adresser un regard faussement suppliant. Elle voulait juste danser, et pas comme dans ses cours de danse classique. « Alleeeez. S'il-te-plaît. » Une exclamation de joie s'échappa de ses lèvres quand Evan finis par accepter de la suivre. Sans lui laisser le temps de changer d'avis, elle le poussa jusqu'à la piste de danse où quelques adultes évoluaient avec grâce. Elle ignora le regard lassé que son cadet lui lançait, elle savait qu'il allait finir par profiter de la soirée lui aussi. Elle le connaissait par cœur. Ils avaient beau être frères et sœurs, ils n'en demeuraient pas moins complètement différents, alors que Evan était calme et réfléchi, Erin était vive et pétillante. Mais ces différences, elle s'en fichait bien, ils se comprenaient, ils se complétaient à la perfection, voilà ce qui l'intéressait. Elle évoluait d'un pas léger et dansant dans la foule des invités, son rire venant parfois briser l'ambiance presque feutrée de la salle. Au milieu de cette réception, la jeune Erin semblait ne pas réellement avoir sa place. Son sourire étincelant, ses yeux rieurs et ses cheveux en bataille ne s'accordaient guère avec les coiffures parfaites des femmes, les cravates soigneusement nouées des hommes et les attitudes révérencieuses dont ils faisaient tous preuve ce soir-là. L'attitude de la jeune fille pouvait sembler déplacée dans un évènement tel que celui-ci, réunissant les familles des plus grandes marques de couture de France. Mais si la petite Erin provoquait sur son passage des regards offusqués, elle recevait aussi des regards plus affectueux et protecteurs. Au sein de cette soirée guindée, son innocence faisait l'effet d'une brise fraiche. Elle ne ressemblait pas aux autres enfants présents qui restaient sagement auprès de leurs parents en silence avec l'air de s'ennuyer mortellement. Elle dansait, courrait, engageait la conversation avec le premier sorcier qui lui prêtait un minimum d'attention. Elle ne rentrait pas dans la norme et ce n’était pas plus mal.

Plus loin dans la salle, les parents Delacour s’efforçaient de surveiller leur fille tout en profitant de la soirée, ils étaient vaguement conscients que leur image se jouait là mais ils étaient surtout heureux de voir leurs enfants s’amuser. Après tout, leurs collaborations professionnelles ne reposaient pas sur l’éducation de leur progéniture. Et puis, leurs efforts étaient superflus, car même si Erin remuait plus que ce que la bienséance lui autorisait, elle n'en était pas pour autant impolie et gênante. Bien au contraire, du haut de ses huit ans, elle avait parfaitement retenu les conseils donnés par sa mère sur la bienséance et comment se comporter lors d'un de ces évènements mondains où ils se rendaient pour contenter les collaborateurs des Delacour. Evoluer dans le domaine du luxe et de la haute couture avait quelques avantages, mais aussi quelques inconvénients comme ces soirées un peu ennuyeuses, alors les Delacour avaient passé un accord avec leurs enfants, chacune de ces soirées qui se passerait bien aurait pour récompense un burger mangé à même le sol du salon, sur le tapis le plus moelleux de leur appartement parisien. Un accord qui était rapidement devenu une tradition puisque ces évènements se passaient toujours bien. Les pas de la petite Erin étaient certes trop rapides et ses éclats de rire trop vifs, mais ses paroles étaient candides et son sourire angélique, à tel point que les adultes présents lui pardonnaient rapidement ses écarts de conduite. Nul ne pouvait ignorer que les Delacour avaient donné à leur progéniture une éducation frôlant la perfection, avec cours de musique et d'équitation en bonus. Erin était joyeuse, polie et curieuse, elle savait se tenir à table tout en conservant cette innocence propre aux enfants. Et au fond, c’était tout ce qui importait.

TAKING STEPS IS EASY, STANDING STILL IS HARD
Fin juin 2017

Elle ne parvenait pas à détacher ses yeux de l'imposante bâtisse qui lui faisait face. En silence, ses prunelles bleutées scrutaient le bâtiment avec attention, comme pour en graver le moindre petit élément dans sa mémoire. Autour d'elle, les élèves se pressaient, mais elle ne bougeait toujours pas. Beauxbâtons. Le château se tenait là, face à elle, figure de confiance et de promesses. C'était comme dans ses tous premiers souvenirs et pourtant si différent à la fois. « A quoi tu penses ? » Demanda la voix d’une de ses camarades à son oreille, manquant de la faire sursauter tant elle était concentrée. Erin eut un sourire un peu triste. Elle avait du mal à croire qu'elle s'apprêtait à quitter pour la dernière fois ce lieu qui l’avait vu grandir, que plus jamais elle n’évoluerait parmi ses couloirs ou se poserait dans son fauteuil préféré à la bibliothèque. « Je me dis que ce château va me manquer quand même. » Souffla-t-elle sans chercher à camoufler la nostalgie qui l’étreignait déjà. Son amie lui rendit son sourire, habitée par le même sentiment qu’elle. Oh oui, Beauxbâtons allait lui manquer. Elle repensait déjà avec mélancolie à ces soirées passées avec ses amis de l’atelier de l’organza, aux sessions de révisions jusque tard dans la nuit, aux matchs de Quidditch improvisés, aux pique-niques dans le parc du château lorsque l’été approchait, aux fêtes qui étaient données parfois sans la moindre raison, juste pour s’amuser. Ça n’avait pas été facile tous les jours, Beauxbâtons était une école exigeante, mais c’était ce qui avait poussé Erin à se surpasser. Elle voulait être à la hauteur de cette école, mais aussi de la réussite de ses parents. Cette exigence, c’était elle qui en faisait son objectif, elle voulait être à la hauteur, et à voir les félicitations des professeurs et les sourires de ses parents, elle s’en sortait à merveille.

Beauxbâtons l’avait aidé à trouver sa voie. C’était entre ses murs qu’elle avait grandi, qu’elle s’était trouvée. Et qu’elle l’avait trouvé lui. Balthazar Salvan. A chaque fois qu’elle songeait à lui le même frisson délicieux lui parcourait l’échine. Elle avait cessé de compter depuis combien de temps ils se connaissaient, en revanche chaque instant qu’elle passait en sa compagnie restait gravé dans sa mémoire. Ils étaient amis depuis presque les premiers jours d’Erin à Beauxbâtons, mais plus le temps avait passé, plus le regard qu’elle portait sur lui avait changé. Son esprit, son sourire, son rire… Elle n’avait pas pu se mentir, il lui plaisait. C’était terrifiant, et excitant, et beau à la fois. Erin n’avait pas voulu se mentir à elle-même, mais à lui non plus, et après quelques temps à se tourner autour, sa joie fut indescriptible lorsqu’enfin leur amitié laissa place à plus. A l’aube de sa sixième année d’étude Taz était devenu son petit ami et Erin ne pouvait pas être plus heureuse. Même après plusieurs années de relation et le départ du Salvan pour Poudlard en septembre dernier, ses sentiments n’avaient pas bougé. Et maintenant, alors qu’elle contemplait pour la dernière fois son école, un sentiment d’allégresse lui étreignait le cœur, venant se mêler à la nostalgie. A la prochaine rentrée, elle rejoindrait Poudlard, elle n’avait pas encore reçu la lettre de l’école de magie britannique, mais elle le sentait déjà, ce n’était qu’une question de temps. Son destin l’attendait, Balthazar l’attendait.

LIGHT IS EASY TO LOVE, SHOW ME YOUR DARKNESS
Début juillet 2020

Le nez levé vers le ciel, Erin observait les étoiles briller. Autour d’elle, dans la clairière qui bordait la forêt de Pré-au-Lard, la fête battait son plein, elle ne savait pas trop qui l’avait organisé mais elle trouvait l’idée excellente. Célébrer la fin de l’année scolaire était toujours une bonne idée, surtout quand les examens s’étaient déroulés à merveille. Elle pouvait enfin relâcher un peu la pression et profiter, tout simplement. C’était d’ailleurs ce à quoi elle s’était appliquée pendant l’heure qui avait précédée. Elle s’était servie à boire, avait dansé et plaisanté, avec ses amis et avec Balthazar aussi bien sûr. Cela faisait trois ans maintenant qu’elle avait rejoint son petit ami à Poudlard et elle ne cessait de s’émerveiller de la façon dont elle ne se lassait jamais de sa présence. La séparation avait été nécessaire -jamais elle n’aurait freiné le jeune homme dans ses études- mais elle avait été terriblement dure à vivre. Même s’ils s’étaient vus à toutes les occasions possibles, à chaque jour qui avait passé, Taz lui avait manqué un peu plus. Pour tenter d’oublier, elle s’était plongée encore un peu plus dans ses études, par chance son plan rejoignait celui de son petit ami : rejoindre Poudlard pour y étudier le droit magique. Son père lui avait transmis sa passion pour le droit mais savoir que Taz l’attendait dans cette école de l’autre côté de la Manche venait s’ajouter à sa motivation. Elle lui avait promis qu’elle le rejoindrait, et elle avait tenue parole.

Alors ce soir, pendant que la fête battait son plein, c’était contre lui qu’elle se tenait, autour d’un feu de camp pas vraiment nécessaire vu la chaleur de l’été mais magnifique à regarder. Tout autour, les étudiants continuaient de célébrer la fin de l’année scolaire et surtout la fin des examens. Pour avoir participé à ce genre de soirée plus d’une fois depuis son arrivée sur le sol britannique, Erin savait que cela durerait certainement jusqu’au bout de la nuit. Elle ignorait complètement quelle heure il était exactement et regarder sa montre lui donnerait l’impression de briser la magie du moment. Il était affreusement tard, ou terriblement tôt suivant les points de vue, mais elle ne voulait pas en savoir plus. Elle voulait juste profiter de cet instant. Alors qu’un élève de la maison des bronze et bleu faisait apparaitre une guitare pour entamer un chant pas très juste, Erin eut un sourire. Ceux qui affirmaient que les Serdaigles étaient des érudits coincés ne savaient vraiment pas de quoi ils parlaient. Elle n’avait pas cru ça possible tant elle avait eu d’affection pour Beauxbâtons, mais Poudlard s’était vraiment fait une place dans son cœur. Ici elle se sentait bien, tout simplement. Elle faisait des études qui lui plaisaient, elle s’était fait des amis et Balthazar était à ses côtés. Elle ne demandait rien de plus. Finalement, elle pressa un peu le bras de Taz pour attirer son attention. « Je vais prendre l’air, on se retrouve après ? » Proposa-t-elle avec un sourire. Elle déposa un baiser léger sur ses lèvres et se leva. Peut-être que l’envie d’aller danser lui reprendrait plus tard, mais pour le moment elle avait envie d’un peu d’air et de calme, la musique était si forte qu’elle s’entendait à peine penser. Elle aurait pu proposer à Taz de l’accompagner mais il était en pleine discussion avec ses amis et elle ne voulait pas le priver de ces instants. Et puis elle n’avait pas besoin de chaperon pour aller se balader. Son verre à moitié vide à la main, ses pas éclairés par la lueur de la lune presque pleine, Erin se faufila dans la forêt de Pré-au-Lard.


I'M TRYING TO HOPE WITH NOTHING TO HOLD
Début juillet 2020

Dans le plus grand des silences, Erin posa son front contre le bois froid de la porte. Au-delà le bruit caractéristique de quelqu’un qui faisait les cents pas lui parvenait, étouffé par l'épaisseur de la porte, mais étrangement distinctes à ses oreilles. Il n’y avait que le silence, lourd et oppressant. Elle aurait voulu ouvrir la porte à la volée, comme si de rien n’était, comme si sa vie était la même, mais c’était impossible. Les yeux clos, elle se mordit les lèvres presque jusqu'au sang. Une éternité sembla passer avant qu’enfin elle n’ouvre la porte. Son frère se trouvait là, en plein milieu du petit salon de l’appartement que leurs parents louaient pour eux à Londres. « Evan... » Elle le regarda longuement. Ses traits tirés, ses cheveux en bataille, l’air paumé sur son visage, ça lui fit un choc, mais sûrement portait-elle les mêmes traces. « On ne peut rien dire. Ça ne peut pas se savoir, s’il te plait, Evan. » Sa voix était un murmure empressé, une supplique adressée à son partenaire de toujours. Habituellement il était son partenaire de jeu, cette fois-ci elle en faisait son complice et elle détestait ça. « Jure moi que tu ne diras rien. » Avec une lenteur terrible, son frère hocha la tête. Cette promesse la faisait déjà souffrir, mais elle ne voyait pas d’autre issue. Elle ne pouvait rien dire, ni à sa famille, ni à Balthazar. Oh par Merlin, comment pourrait-elle cacher une telle chose à Balthazar ? Comment pourrait-elle lui mentir, le tromper de la sorte ? Cette idée la rendait malade, mais celle qu’il la repousse après avoir découvert la vérité la terrifiait plus encore. Elle n’était plus la sorcière parfaite qui avait gagné son cœur. Elle n’était plus une sorcière, plus qu’une demi-créature, une bête de foire. Comment pourrait-il continuer de l’aimer ainsi ? Elle ne le méritait plus.

Erin pressa ses poings contre ses paupières, comme si ce simple geste pouvait lui faire oublier l'horreur de la situation. Ses propres paroles lui donnaient envie de hurler de désespoir, de taper contre le bois de la porte jusqu'à se blesser les mains, de tout faire pour oublier. Mais en bonne spectatrice de sa propre existence, elle ne pouvait rien faire, elle le savait. Elle-même n'avait aucune solution à apporter. Parce qu'il n'y en avait pas. Elle qui était si vive et positive ne voyait plus devant elle qu'un long chemin brumeux. Elle observait toutes ses certitudes s'écrouler une à une alors que son avenir perdait ses couleurs. C'était ainsi depuis plusieurs jours et elle savait que le temps n'allait rien arranger, bien au contraire. Lentement, les doigts de la sorcière descendirent effleurer le bandage qui enserrait ses côtés, son frère continuait de l’observer en silence, mais elle n'avait plus la force de croiser son regard. Une grimace de douleur marqua ses traits et une larme unique dévala le long de sa joue. Elle était là, la cicatrice. La morsure. Celle qui défigurait sa peau pâle. Celle qui allait bouleverser sa vie pour toujours. Elle ne gardait que des vagues souvenirs de cette nuit-là pourtant elle savait qu'elle ne pourrait jamais les oublier.

Elle se revoyait quittant Balthazar pour aller prendre l’air alors qu’autour d’eux la fête de fin d’année battait son plein. Elle était partie verre à la main et sourire aux lèvres, insouciante. Complètement idiote. Elle avait déambulé parmi les arbres, pas mécontente de s’éloigner de la musique trop forte de la fête, quand une présence s'était fait sentir derrière elle, accompagnée d'un grognement menaçant. Une forme se mouvait non loin, dévoilant parfois l'éclat de deux yeux sauvages. Un lycanthrope. Ou presque, une forme humaine à laquelle se mêlait des traits de loup. Une vision de cauchemar. Il était prêt à bondir et Erin avait senti son cœur s'arrêter devant une telle vision. Elle avait brandi sa baguette mais la lumière de son sortilège n'avait réussi qu'à éclairer davantage les yeux fauves de la bête. Ses souvenirs s'arrêtaient là. Elle ne se rappelait plus de l'attaque ou du hurlement qui lui avait déchiré les cordes vocales quand les crocs du loup s'étaient plantés dans sa peau. Tout se brouillait dans son esprit, mélange de cris et de douleur insupportable.

Elle s'était réveillée dans son lit plusieurs heures plus tard, percluse de douleur et folle de fièvre, elle aurait presque pu croire à un cauchemar si elle n'avait pas trouvé son frère assis près d'elle à la veiller, les traits tirés par la fatigue. Ils ne faisaient ça l'un pour l'autre que quand ils étaient malades, et son air torturé indiquait qu'elle allait mal. Elle ne l'avait jamais vu aussi inquiet et elle en fut incapable de prononcer le moindre mot. C’était lui qui l’avait trouvé et avait transplané aussitôt jusqu’à chez eux avant d’appeler un médicomage. Les traces sur sa peau expliquaient son inquiétude. Elle était criblée de marques, d'égratignures et de bleus. Et elle était là, sur ses côtes, marquant sa peau au fer rouge. La morsure. Celle qui avait tout fait basculer, de son avenir tout tracé à sa nature même. Le médicomage avait tenté de lui expliquer mais la vérité c’était qu’il ne savait pas grand-chose de plus qu’elle. Il lui avait parlé de ces lycanthropes aux instincts si puissants qu’ils étaient capables de forcer une demi-transformation même lorsque la lune n’était pas pleine. Ces sorciers plus sauvages qu’humains. Fenrir Greyback en était un exemple tristement célèbre alors que ces lycanthropes à la sauvagerie extrême restaient rares. Tellement rares que les conséquences de leurs morsures restaient terriblement floues, parce qu’il y en aurait des conséquences. Tout ce que le sorcier pu lui affirmer c’était qu’elle n’allait pas se changer en louve, la pleine lune n’ayant pas été là pour faire son œuvre, mais pour le reste c’était l’inconnu. Tout ce qu’il savait c’était que les sillons sur ses côtes n’étaient pas de simples blessures qui s’estomperaient avec le temps. Il y avait plus. Et si cette idée l’avait fait frémir, ça avait emplit Erin d’horreur. Elle avait tenté de se dire que ça aurait pu être pire, qu’elle aurait pu être mordue lors d’une pleine lune par un loup à la transformation complète, ou tuée, mais ce n’était qu’une piètre consolation. Dans ces cas de figure, elle aurait su ce qui l’attendait, là, c’était le néant total. Et ça lui faisait peur.