Please ensure Javascript is enabled for purposes of website accessibility
RSS
RSS



 

Les moldus et élèves de Poudlard du forum se sentent cruellement seuls au milieu de tous ces sorciers adultes,
alors pensez à les privilégier pour vos personnages

Le Deal du moment : -28%
Précommande : Smartphone Google Pixel 8a 5G ...
Voir le deal
389 €

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Aller en bas
Il arrive que nous trouvions de l'aide là où on ne s'y attend pas [Eirian] :: Three Broomsticks :: Pensine :: Les RPs
Aller à la page : Précédent  1, 2
Eirian Howl
Eirian Howl
Serdaigle OP
INRP
Métier : 3e année de Protection magique (spé Auror)
Messages : 5388
Gallions : 8613
Date d'inscription : 30/07/2020
IRL

Lumos
Je rp en : #00ccff
Mon allégeance : Ordre du Phénix
Dim 25 Avr - 22:36
Il arrive que nous trouvions de l'aide là où on ne s'y attend pas
« juillet 2020 »
Les différences culturelles entre sorciers et moldus t’ont toujours intéressé, d’abord par la nécessité de les combler pour te mettre à niveau dans le monde sorcier – les créatures, les coutumes, les expressions, même les jeux parfois très différents… tes premiers mois à Poudlard ont été plus lourds que pour la plupart des autres élèves, les sang-pur et les sangs-mêlés connaissant déjà bien l’univers magique. Bon, ton côté Serdaigle a joué aussi, ainsi que ta volonté de t’intégrer dans ce monde où tu pensais avoir ta place. Tu as vite déchanté sur ce sujet-là, mais tu t’es quand même accroché pour combler le maximum de lacunes. Tu avais déjà eu quelques échos par ta mère, même si elle a toujours présenté ce qu’elle savait avec des pincettes, consciente qu’un certain nombre de choses devaient être biaisées par la vision du Blood Circle. De même, tu as toujours su que les sorciers existaient, tu n’as pas eu le grand chamboulement que traversent certains nés-moldus qui voient leur vision du monde complètement transformée.
La religion fait partie de ces différences, les sorciers n’en ont pas vraiment – les sang-mêlés, parfois, qui ont été bercés par des religions moldues, mais c’est tout. Comme si les sorciers n’avaient pas vraiment besoin d’instances supérieures. C’est pourtant une sorte d’invariant humain, de ce que tu as pu voir, quels que soient les pays, les peuples… qu’il s’agisse de dieu, de la nature, des esprits, il y a pratiquement toujours ce besoin d’une entité supérieure et protectrice. C’est essentiellement l’Occident qui les abandonne à présent. Pour des chercheurs, il y a sans doute énormément de travaux à mener pour comprendre les deux sociétés, moldue et sorcière, et leurs interactions, leurs façons de regarder le monde ; tu regrettes qu’elles ne cherchent pas davantage à se connaître. Elles auraient sans doute beaucoup à apprendre l’une de l’autre.
Tu secoues la tête en entendant Abigail.

— Je ne suis pas d’accord, beaucoup de sorciers ont des origines moldues et peuvent avoir été élevés avec des idées religieuses. Et les sorciers restent des humains, je ne vois pas pourquoi certains ne pourraient pas trouver du réconfort dans ce domaine-là. Par contre, oui, je pense que ça doit être fascinant à étudier, ça concentre les peurs et les espoirs des êtres humains…

Et malheureusement, certains n’ont pas hésité à s’en servir au service de leurs propres idées pour contrôler voire asservir autrui. Pour eux, la religion n’est qu’un prétexte parmi tant d’autres. Selon ton impression, les hommes sont capables d’utiliser à peu près n’importe quoi pour attaquer leurs voisins – et vous le voyez encore avec le conflit actuel, ou même l’idéologie du sang chez les sang-pur, qui n’est que du vent. Ça se saurait, depuis le temps, si cette prétendue pureté conférait des pouvoirs plus importants – et tu dois bien avouer que tu t’es toujours fait un plaisir de leur rabattre leur caquet avec des sortilèges les fois où la situation a dérapé jusqu’à la confrontation. Tu ne tiens pas particulièrement à te battre, mais quand on te cherche, on finit par te trouver.

Tu te sens gauche face aux larmes d’Abigail, incapable de lui apporter le soutien qu’il faudrait – incapable de deviner aussi ce dont elle a besoin, de tranquillité, d’un geste de réconfort, si elle a besoin d’en parler ou si elle préfère garder son deuil privé… tes mots sont plus que maladroits, mais tu n’as rien d’autre à offrir. Tu ne peux que compatir, partager cette peine qui te serre le cœur.

— Si je peux faire quoi que ce soit pour vous aider…


Tu ne la connais pas beaucoup, c’est vrai, mais si tu peux lui rendre un peu de tout ce qu’elle fait pour toi depuis le début de cette conversation, tu n’hésiteras pas. Rien que t’offrir cette pause loin de Londres, dans un endroit accueillant et protégé, te fait un bien fou.

La conversation s’allège en glissant vers le sujet de l’amour. Enfin, s’allège… c’est un sujet plus que compliqué pour toi, et auquel tu t’efforces de ne pas penser la majeure partie du temps. Il y a des choses bien plus importantes et bien plus nécessaires : survivre, échapper au Blood Circle, trouver comment t’en sortir seul, gérer tes mensonges face à tes amis, t’assurer que jamais rien ne t’échappe, continuer à échafauder des plans pour retrouver ta mère… Rien qui laisse la place à une quelconque relation. Puis, franchement, qui voudrait de quelqu’un cassé comme toi, marqué comme tu l’es ? Tu n’es qu’un gouffre à ennuis et une mise en danger potentielle pour ceux qui t’approchent. Des risques que tu fais déjà courir à tes amis, égoïstement, parce que tu n’arrives plus à garder tes distances. Est-ce que tu pourrais encore tomber amoureux de quelqu’un ? Tu ne le sais même pas. Mais ce serait voué à l’échec de toute façon, tu ne pourrais jamais lui avouer ce que tu ressens. Quant à l’inverse… non, tu fais tout ce qu’il faut pour ne pas attirer l’attention, toujours en retrait ou dans tes livres, et tes bizarreries de ces dernières années ont dû convaincre pas mal de monde que ça ne valait pas la peine d’essayer de t’approcher. Ce qui n’est pas plus mal en soi, ton besoin farouche de solitude s’accommode mal des questions bienveillantes mais maladroites.
Quoi qu’il en soit, t’imaginer couler des jours heureux avec quelqu’un, homme ou femme, est surtout risible à ce stade.
Abigail te parle du mythe de l’androgyne. Tu fronces les sourcils, ça te dit vaguement quelque chose. Tu as dû le croiser lorsque tu as jeté quelques coups d’œil à la philosophie moldue – ou tu es tombé dessus lors de ces errances dont seul Internet a le secret, t’entraînant de page en page jusqu’à atterrir sur des choses qui n’avaient plus rien à voir avec la recherche d’origine.

— Je crois… C’est le mythe où les hommes ont été coupés en deux et passent leur temps à chercher leur moitié, c’est ça ? C’est… ça a un côté réconfortant de se dire qu’il y a forcément quelqu’un qui nous est destiné quelque part, qui nous attend, mais si on passe notre vie entière sans jamais le trouver ? Et comment savoir si on a trouvé la bonne ? J’ai du mal à imaginer qu’on soit prédestiné à n’aimer vraiment qu’une personne. Ça l’enferme avec nous…


Alors, certes, les âmes sœurs sont censées se correspondre, mais tu ne vois pas comment qui que ce soit pourrait se réjouir de tomber sur toi. Tu arrêtes ta phrase avant d’en dire trop, tu n’as pas à noyer Abigail sous tes états d’âme stupides. Tu te perds toujours dans tes envies contradictoires, le besoin de solitude, et celui de ne pas être tout seul tout le temps – tu as tes amis, bien sûr, mais ils continuent d’ignorer l’essentiel à ton sujet, tu ne peux pas leur parler de ce qui te pèse vraiment, même si certains se doutent déjà que ça ne va pas bien. Et tu n’as pas envie de bricoler de nouveaux mensonges pour leur fournir des explications, de les entendre compatir à tes inventions. Alors, tu gardes le silence, profites du fait qu’ils n’essaient pas de creuser – ce dont tu leur es profondément reconnaissant – pour ne rien dire.
Tu évoques malgré tout la pointe de douleur que provoque la solitude – même choisie, elle n’est pas toujours facile à assumer, alors dans l’étrange mélange de choisi et de subi que tu éprouves, ce n’est pas simple non plus. Le prix à payer… sûrement. On ne peut pas tout avoir. Tu hoches la tête.

— Sans doute, oui… Mais je ne suis pas complètement seul, j’ai quelques amis proches, qui m’apportent énormément de choses. J’ai beaucoup de chance de les avoir… j’espère pouvoir leur rendre un jour tout ce qu’ils font pour moi.

Tu ne sais pas où tu en serais sans eux. Sans Elise qui t’a tendu la main il y a bientôt trois ans, quand elle s’est rendu compte que ça n’allait vraiment pas à la rentrée de septième année et qui ne t’a plus lâché, même si tu ne lui as jamais rien avoué au-delà du fait que tu avais assisté à quelque chose de traumatisant. Sans Kayla, si solaire, si vive, qui a compris tes limites et les respecte, le regard parfois empli de questions qu’elle ne pose pas, attendant peut-être que ce soit toi qui fasses le premier pas. Sans Raphaël, avec qui tu as toujours autant plaisir à échanger, que tu espères voir loin des prochaines batailles ; sans Robin et Carl, enfin retrouvés, ton cousin et ton meilleur ami d’enfance, avec qui tu as tant à construire, qui font revivre un peu l’ancien Nathan – même si l’idée qu’ils se rendent compte à quel point tu n’es plus le même te terrifie, même si cela te fait encore plus osciller sur la ligne entre les deux mondes. Sans parler de ceux que tu considères comme des mentors au sein des Aurors, Sean et Rose. Dans l’absolu, sur le papier, tu es très bien entouré. Dans les faits… c’est toi qui continues d’accumuler des remparts entre eux et toi. C’était peut-être plus simple pendant tes six premières années où tu as pris soin de rester à l’écart, discutant avec les uns et les autres sans jamais vraiment te lier. Tu avais ta mère lorsque tu avais besoin de t’épancher – quelque chose qui aurait sans doute paru ridicule aux yeux des autres, à un âge où on aspire à s’éloigner de ses parents – mais elle était la seule à tout savoir de toi, la seule à qui tu pouvais parler sans mentir. Et ça t’allait. Mais tu as été incapable de continuer sur cette ligne après l’avoir perdue, de rester réellement seul comme l’auraient voulu la raison et la sagesse. Tu ne regrettes pas, évidemment. Tu as bien conscience que c’est eux qui t’empêchent de sombrer pour de bon. Mais tu es incapable de leur parler, incapable d’avouer que tu leur mens, incapable d’évoquer ta vraie situation, ta famille, ce qui t’est arrivé – tu as déjà tant de mal à mettre des mots dessus –, la façon dont tu traverses l’été. Tu ne peux pas prendre le risque qu’ils découvrent tout. Tu ne supporterais pas de les perdre. Et tu ne mérites pas leur amitié.
Tu donnerais n’importe quoi pour naître dans une famille « normale », grandir sans avoir à te cacher, pouvoir nouer des relations sans calculer tes moindres mots, sans arrière-pensée, être vrai, sincère et entier. Tout ce que tu peux souhaiter, c’est donner assez de corps à « Eirian Howl » pour que jamais personne ne s’intéresse à sa famille et à ses proches. À ce titre, renouer avec Robin et Carl est une erreur, mais tu ne veux pas te passer d’eux.

Les compliments d’Abigail te prennent au dépourvu, tu ne t’y attendais pas. Elle te présente sous un bien meilleur jour que ce dont tu as l’habitude – non que d’autres te traitent mal, tu es surtout dur avec toi-même. C’est vrai que l’être humain est ainsi fait qu’il se focalise plus facilement sur ce qui ne va pas au lieu de se concentrer sur ce qui va. Et de fait, tu as l’impression d’être perpétuellement perdu dans le négatif. Tu te retrouves dans ses paroles, tu n’es jamais satisfait de ce que tu fais – mais tu ne sais pas où placer la limite entre la vérité objective et ton ressenti. Et quand tu commets une erreur, ce n’est pas une petite boulette facilement rattrapable, non, tu échoues dans les grandes largeurs.

— C’est vrai qu’on voit plus facilement le mal, que la critique vient facilement… même de soi-même. J’essaie de ne pas trop juger les autres, je sais bien que la façade ne correspond pas toujours à la vérité derrière.

Tu l’as encore vu avec Aidan il y a quelques semaines, là où tu l’imaginais avec une vie parfaite, tranquille, tu as compris qu’il n’en était rien. Les seuls où tu juges vraiment, ce sont les fanatiques du Blood Circle et des Mangemorts : il n’y a rien qui excuse ou justifie qu’on torture et tue pour ses idées, ni surtout qu’on s’en prenne à des enfants.

— Je trouve que c’est dur de juger objectivement ce qu’on fait, est-ce que c’est vraiment assez bien ou pas… On peut facilement tomber dans l’auto-satisfaction ou dans le dénigrement. Pareil pour le maximum : est-ce qu’on le donne vraiment, ou est-ce qu’on ne pourrait pas faire un effort supplémentaire, est-ce qu’on ne s’arrête pas à trop peu… c’est vraiment dur à dire. J’ai pas mal de regrets et de remords aussi…

Surtout vis-à-vis de ta mère. Tu ne sais pas si tu aurais mieux fait de rompre la promesse que tu lui as faite – celle de ne pas te jeter dans la gueule du loup si ton père la retrouvait, parce que c’est précisément ce sur quoi il comptait pour te mettre la main dessus. La décision la plus difficile de ta vie, et parfois tu te dis que tu aurais mieux fait de ne pas en tenir compte, d’essayer quand même. Tu ne t’en serais pas sorti peut-être… Mais s’il y avait eu une chance de la libérer ? Mais tu n’étais pas majeur cet été-là, dans aucun des deux mondes. Tenter d’infiltrer l’hôtel particulier blindé de protections seul et sans magie… ça aurait été du suicide. Tu ne sauras jamais si ça aurait marché ou non. Et tu t’en veux de ne pas avoir encore tenté quelque chose, Robin t’a promis des informations, mais c’est compliqué – et tu ne peux pas y aller sans te préparer à toutes les éventualités.
Regrets aussi pour ta propre imprudence dont tu paies toujours les conséquences. Pour ton incapacité à gérer alors que tu devrais t’en sortir. En un sens, c’est peut-être mieux que ta mère ne voie pas ce que tu es devenu, tu n’es pas du tout à la hauteur de ce qu’elle a fait pour toi. Tu gâches ses efforts ; tout ce que tu parviens à faire, c’est survivre – le minimum exigible, il n’y a pas de quoi en être fier.

Ici, où tout invite à te relâcher, où tu te sens bien plus en sécurité que n’importe où ailleurs ces derniers temps, tu luttes contre les larmes, contre ton corps qui ne demande qu’à déposer les armes pour une soirée. Malgré tes efforts, elles débordent un peu, coulent sur tes joues. Tu te mords les lèvres pour les retenir, crispé, tendu. Tu redoutes trop les conséquences du craquage que tu repousses depuis des semaines, en repoussant sans cesse tes limites pour tenir un peu plus longtemps. Si tu t’effondres maintenant, comment est-ce que tu traverseras l’été ? On n’est encore que début juillet, tu as deux mois à tenir. Ta mère ne t’a pas élevé non plus pour que tu deviennes un pleurnicheur. Tu as vingt ans, tu n’es plus un gamin !

Ta phrase malencontreuse ramène ton attention sur Abigail. Tes mots ont dû faire remonter des souvenirs et tu t’excuses. Dorénavant, tu feras attention à ne pas évoquer des mots autour du thème du feu. Ton regard se pose un instant sur le phénix qui se promène au sol en exhibant son magnifique plumage.
Tu la laisses se reprendre, avant de revenir sur le conflit qui secoue le pays en ce moment. Elle revient dans la conversation, tout en restant recroquevillée, sans doute le temps que les reviviscences achèvent de se dissiper.
De nouveau, tu hoches la tête en l’entendant. Oui, les raisonnables se font moins entendre, tu es le premier à rester discret – en partie aussi parce que tu fais attention à ne pas attirer l’attention sur toi, et te retrouver sous les projecteurs de l’Ordre du Phénix serait une très, très mauvaise idée. Tu redoutes déjà bien assez qu’on te questionne sur l’engagement de ta famille, que quelqu’un fouille dans tes affaires d’un peu trop près, comme l’a déjà fait Towsen malgré tes précautions. Et comme souvent, ce sont les plus charismatiques qui l’emportent – et tu ne fais pas partie de ces personnes-là.

— Je suis bien d’accord, on s’efforce d’être raisonnables tout le temps… mais au final ça finit par desservir notre cause. Je ne sais pas qui pourrait prendre ce rôle au sein de l’Ordre…

Des personnes comme Sean, peut-être ? Raisonnable, mais avec assez d’autorité et de charisme, sans parler de sa position d’Auror, pour en imposer ? Tu es moins sûr pour Raphaël ; non qu’il n’ait pas les compétences, il l’a déjà bien prouvé en portant le sujet des nés-moldus auprès du conseil, mais il te paraît plus réservé. Tu t’apprêtes à mentionner le nom de ton mentor, avant de te rappeler que tu ignores si Abigail connaît son appartenance à l’Ordre. Même si tu lui fais confiance sur ce sujet, Sean n’apprécierait peut-être pas que tu dévoiles son allégeance.
Poussé par Abigail, tu te confies un peu – ou plutôt c’est une confidence en négatif parce que tu ignores tout de ce qui provoque ton état actuel. Il n’y a absolument aucune raison pour que tu sois dans cet état-là – au-delà de ce que tu as déjà vécu. Ça fait trois ans que tu vis avec les insomnies, les cauchemars, les flash-backs, ce refus qu’on te touche, des angoisses plus ou moins envahissantes, cette hypervigilance qui te maintient dans un état d’alerte permanent qui t’épuise nerveusement. Seulement, rien n’explique que ça ait brusquement redoublé d’intensité au point que tu ne gères plus rien comme en témoignent tes bras lacérés. Tu as l’impression d’être revenu trois ans en arrière au lendemain de cette nuit d’août – et ça te fait peur, parce que qu’est-ce qui pourrait provoquer une telle résurgence ? Mais il n’y a rien, rien, rien. Tu le saurais s’il s’était passé quelque chose, et depuis février et Towsen… eh bien, c’est la routine des cours, de l’Ordre, des missions. Un trop-plein qui a pris racine sur un équilibre fragile ? C’est vrai que l’année a été rude en soi. Tu ne sais pas.
Perdu, tu plonges ton visage dans tes mains. Ce que tu racontes ne doit pas avoir grand sens pour Abigail, ça n’en a déjà pas beaucoup pour toi. Essayer de ne plus y penser… plus facile à dire qu’à faire. Quant au passé… tu secoues la tête. Tu fixes toujours la table basse sans arriver à la regarder. C’est plus facile comme ça.

— Non… il y a des choses passées dont je sais très bien ce qu’elles font et avec lesquelles j’arrive à vivre… en général. Mais là, tout est… ravivé et amplifié, et je n’ai aucune idée du déclencheur. Je me dis que le trouver pourrait peut-être aider, ça calmerait toutes ces angoisses ou au moins ça redeviendrait comme avant, à un niveau que je peux gérer…


Tu croises les bras, comme pour te protéger. La lame, le sang qui coule, ce sont tes seules solutions pour le moment – c’est tout ce qui marche, même si ça ne dure pas longtemps à chaque fois. Cette douleur-là, c’est une des rares choses que tu contrôles, tu sais quand elle naît et quand elle disparaît. Et pour une fois, tu es maître de ce qui arrive à ton corps. Tout ça n’a rien de normal. Qu’est-ce que tu as bien pu enfouir sans t’en rendre compte ?
Tu tressailles lorsqu’Abigail te propose de chercher avec toi, resserres davantage l’emprise de tes doigts sur ton tee-shirt. Non. Surtout pas. Dire qu’il y a un instant, tu disais que trouver le déclencheur t’aiderait ! Mais il y a trop de choses que tu ne gères pas, trop d’incertitudes. Tu ne te sens pas d’affronter ça maintenant.

— Je… je crois que je ne préfère pas. C’est compliqué. Et peut-être que ce n’est rien de grave, je me fais peut-être une montagne de pas grand-chose… Ou c’est peut-être juste des choses anciennes qui se manifestent avec plus de force là, mais ce n’est que temporaire et ça ira bientôt mieux. L’été n’est pas une période facile, ça doit jouer aussi…

Commencer à angoisser plus de deux mois avant, c’est quand même une première. Mais avec l’Ordre, tu as souvent croisé le Blood Circle, tu sais que ton père se rapproche, que tout est devenu plus simple pour eux depuis qu’ils ont récupéré ta photo en octobre et ils doivent bien se douter que tu es vulnérable l’été… c’est peut-être juste ça ? Ce serait plus rassurant.
Ta réponse à Abigail, bourrée de contradictions, ne doit pas franchement la rassurer sur ton état. Ce sont des choses dont tu n’as jamais parlé à qui que ce soit, que tu peines déjà à formuler pour toi.

L’ouvrage de son aïeule t’attire, et ça tire un sourire à Abigail. Elle t’indique où le trouver. Tu te lèves en gardant le bras où se trouve la compresse contre toi pour ne pas la faire tomber. Abigail détaille ses projets. Des nouvelles ? C’est intéressant aussi. Tu repères le livre de son aïeul que tu dégages délicatement du rayon ; en suivant ses indications, tu aperçois en effet sa thèse – le titre est peut-être un peu trop précis pour toi, surtout pour l’état actuel de tes neurones.

— Vous écrivez de la fiction aussi ? C’est un vaste projet pour les Noirs des Hébrides ! C’est presque repartir de zéro si toutes les livres sur le sujet sont si anciens… ça doit être passionnant.

Tu aperçois alors une photo dans un cadre. Malgré toi, tu ne peux t’empêcher d’y jeter un coup d’œil. Tu reconnais sans mal Abigail. Le jeune homme à côté d’elle lui ressemble, et tous deux ont l’air très complice. Tu hésites, puis finis par demander :

— Est-ce que c’est votre frère ?... Pardon, vous n’êtes pas obligée de me répondre.



Game of Blood  Ϟ Tous droits réservés


Il arrive que nous trouvions de l'aide là où on ne s'y attend pas [Eirian] - Page 2 21013008104866668 Il arrive que nous trouvions de l'aide là où on ne s'y attend pas [Eirian] - Page 2 M-daille-Eirian

Spoiler:





   
On the run,
falling to the depths

Do you know what it's like when
You wish you were someone else
Who didn't need your help to get by ?
Do you know what it's like
To wanna surrender ?
Revenir en haut Aller en bas
Abigail MacFusty
Abigail MacFusty
Sorcier OP
INRP
Métier : Professeur de Soins aux Créatures Magiques & directrice de la maison Poufsouffle
Messages : 5482
Gallions : 4176
Date d'inscription : 27/11/2020
IRL

Lumos
Je rp en : #cc3333 & lightgrey
Mon allégeance : Ordre du Phénix
Mar 27 Avr - 22:26
Le sujet de la religion était toujours un sujet sensible, qu'importe avec qui on pouvait en parler. Présentement, avec Eirian, je voyais qu'il y avait des divergences d'opinions et même si je savais que la conversation n'allait pas déraper en mal, j'en ressentais une certaine gêne. En effet, bien que ma famille soit constituée de plusieurs moldu, je n'avais pas grandi dans l'éducation de ces religions, c'était davantage la magie qui avait été priorisée.  C'était pour ça que j'avais tenu de tels propos et malgré ma profonde empathie, je n'avais pas eu la présence d'esprit de penser aux nés moldus. La conversation de mon invité fut l'effet d'une douche froide à mon échine, et j'en remuais nerveusement les épaules, un peu gênée, mais reconnaissant sans mal mon erreur.

- Veuillez m'excuser je ne voulais pas paraître injurieuse. Il est vrai que je n'ai pas pensé aux sorciers nés moldus, mes propos étaient davantage tournés vers les sorciers de naissance ou dans des familles très exclusives. Je hochais un peu la tête. Par exemple les Ombrages. Puis je prenais un instant pour tourner trois fois ma langue dans ma bouche et reprendre. Nous trouvons du réconfort où nous pouvons. Que ce soit la religion ou autre chose… je trouve bien du réconfort dans la musique et la pleine nature, est-ce plus idiot que de prier une entité ? Je ne pense pas… là où cela devient déplorable, c'est lorsque ça pousse au conflit. Puis je hochais la tête d'un air entendu. Les peurs, les espoirs, mais aussi les croyances, quelles qu'elles soient, ainsi que de la possibilité de raconter des histoires fascinantes. Je pense par exemple à Noé ou la femme de Loth.

Encore une fois, même si je n'avais pas une grande culture religieuse, je connaissais les grandes lignes, parce que j'étais quelqu'un de naturellement curieux et parce que je fêtais certains événements religieux.
Pourtant chez les sorciers il y avait aussi de terribles croyances qui pouvaient être comparables à celles des religions. La place des personnes différentes, le pouvoir des deux sexes, les droits des personnes "élues" (à comprendre par exemple à l'aise financièrement ou des sangs purs), et j'en passe des exemples. Dans le fond, à bien y réfléchir, il n'y en avait pas un pour rattraper l'autre, et les conflits entre les Mangemorts, le Blood Circle et l'Ordre du Phénix se rapprochaient aussi à tout cela.
Tout était lié malgré tout.

Mais voilà, ce soir, c'était davantage un moment qui se voulait doux, non plus simple, mais à moins fait de compréhension et de tranquillité. Je regrettais presque de ne pas pouvoir échanger de la sorte avec William, alors que pourtant je le considérais comme mon mentor. Il fallait dire qu'il m'avait appris beaucoup de choses, surtout dans ma manière de travailler et de m'exprimer en public lorsque je devais présenter (ou imposer) mes idées. Ça avait été quelque chose de précieux pour moi, et ça l'était encore. À pensées mélangées, aux mots prononcés, aux sensations ressenties, je me laissais aller aux larmes, sans honte et sans retenue. J'explosais intérieurement et je respectais ma douleur. Alors aux propos d'Eirian, je me contentais de lui sourire faiblement tout en le remerciant. Hélas, il ne pouvait pas faire grand-chose, ou plutôt, il faisait déjà beaucoup en m'offrant sa présence simple et empathique pour quelques heures. Cela me mettait du baume au cœur, indéniablement.
Dans le fond, cette soirée n'était-elle pas sous la coupe de l'amour ? Pas l'amour où les sentiments sont exacerbés et rendent fous. Il existe différentes formes d'amour, il y a par exemple celle de l'amour d'une mère à son enfant. D'un frère et d'une sœur. Entre amis. Il y a aussi l'amour simple d'un moment partagé entre deux âmes blessées qui se viennent en aide. Alors forcément, la conversation dévie, elle devient plus tendre, plus extravagante aussi, à nous imaginer en couple ou marier alors que nous avons nos devoirs respectifs, ceux de tous les jours, qui nous incombent et peuvent nous rendre inaccessibles.
En écoutant l'avis du jeune homme quant au mythe de l'androgyne, je ne pouvais m'empêcher de sourire avec tranquillité, léger amusement non feint malgré mes joues humides. Il avait cet avis que beaucoup avaient, moi, je voyais le bien de cette histoire, mais il fallait dire que j'étais une grande rêveuse, et une grande romantique. Aussi, avec mes propres histoires relationnelles, je ne pouvais que croire que j'étais destinée qu'à une seule personne, et je déplorais de me tromper. Pourtant les choses étaient ainsi faites. Ce mythe, c'était ce que j'aurais aimé vivre, mais voilà, l'autre n'avait pas forcément conscience d'être tombé sur sa véritable moitié, elle l'a rejetait. C'est avec un regard plein de tendresse que je répondais.

- Je comprends votre point de vue, c'est vrai que ce mythe n'est pas parfait. Cela dit, je reste profondément persuadée qu'il n'y a pas de hasard dans nos vies, et que nous vivons ce que nous devons vivre. Alors, je crois qu'il n'est pas vraiment possible de ne pas rencontrer notre véritable moitié, puisque c'est un peu la destinée des êtres de cette histoire. Bien sûr, la mort peut interférer, mais là, personne n'y peut rien, je pense… mais c'est aussi beau de devoir apprendre à se construire tout seul, mais il y aura toujours un manque, c'est forcé…. Je ne crois pas que l'être humain puisse rester sain d'esprit en étant dénué de toute forme d'amour. Aussi, est-ce que la moitié doit forcément être amoureuse de l'autre ? Nous pouvons parler d'âme-sœurs, mais est-ce que ça peut être des amis ? Enfin… là où je ne suis pas d'accord avec vous, c'est l'enfermement. Aimer quelqu'un ce n'est pas forcément l'enfermer avec nous, dans une relation à double sens. Aimer c'est s'élever ensemble, apprendre ensemble, grandir ensemble et être plus fort à deux. Ça n'a rien d'un enfermement à mes yeux. Après, je reconnais être une grande romantique. N'avoir qu'une personne à aimer fait sens pour moi. Il en va de même pour certains oiseaux, et même certains dragons.

Je souriais. Évidemment, une grande passionnée comme moi se fiait aux forces de la nature, et en voyant que ce n'était donc pas contre nature d'aimer de manière exclusive, ça n'avait rien d'étrange pour moi. C'était d'une logique implacable. Tout comme je ne comprenais pas l'homophobie alors qu'il y avait des faits avérés que des animaux pouvaient avoir des relations homosexuelles et que ça ne choquait pas.
L'amitié, comme dit plus tôt, était une forme d'amour. J'appréciais les paroles qu'Eirian m'évoquait, et je l'enviais presque. Il semblait avoir des amis sur qui compter et je trouvais ça très beau, car c'était quelque chose que je n'avais pas forcément. Bien sûr, j'avais Harper, mais elle était si insaisissable que des fois j'ignorais sur quel pied danser. Ma relation avec Thomas était encore trop neuve et changée pour que je puisse affirmer quoi que ce soit. Avec Luca nous parlions de beaucoup de chose, mais je n'étais pas non plus en pleine confidence avec lui. Enfin avec William j'évitais soigneusement certains sujets sensibles dus à nos différentes manières de vivre et de voir l'existence. Il y avait bien ma famille évidemment, mais sans Kyle, les choses n'avaient plus la même saveur hélas. Une nouvelle fois j'opinais du chef avant de répondre.

- Sans doute que votre temps viendra. Ou alors peut-être vous les aider déjà, mais vous ne vous rendez pas compte ? Après tout, c'est aussi ça l'amitié, quand elle est faite d'un peu d'altruisme. Je ne crois pas qu'il y ait de prix à payer ou d'être redevable dans ce genre de relation. J'imagine que ça doit se faire naturellement. Les sourcils froncés, je me corrigeais. Enfin je crois, dans le fond j'en sais rien… je suis globalement très seule et j'ignore si je peux définir si quelqu'un est mon ami ou non. Je… j'ignore quels sont les critères. Roulant un peu mes yeux dans mes orbites, je haussais alors mes épaules avant de lever mon index, l'air goguenarde. Vous voyez que le mythe de l'androgyne n'est pas si fou et décalé.

Olala je pouvais passer pour une handicapée sociale à l'échelle planétaire pour le coup, mais dans le fond, n'était-ce pas ce que j'étais vraiment ? Bien sûr j'avais Harper qui était la personne que je connaissais de plus longue date. En revanche, notre relation était si houleuse que j'ignorais trop comment la qualifier. Meilleures amies ? Amantes ? Pires ennemies ? Notre relation était très compliquée dans les faits, et même si j'avais conscience de pouvoir lui confier tous mes états d'âme, je savais aussi qu'un jour elle risquait de finir par disparaître. Cela dit, nous semblions condamnées à nous côtoyer et nous séparer de manière incessante, comme les vagues de l'océan entourant mon île frappaient ses rochers de manière régulière, mais jamais constante.
Même l'océan se noie dans une goutte de tendresse comme dit l'adage.
Et cette tendresse, comme l'amour, pouvait avoir différents visages. Je complimentais Eirian et je voyais bien que cela l'avait déstabilisé, néanmoins j'étais sincère. Je n'étais pas du genre à dire des choses si douces sans les penser, ce n'était pas correct. Alors à ses hésitations, j'essayais de le rassurer, et en le voyant réfléchir, je souriais une nouvelle fois tandis que ma tête se posait lourdement sur le dossier de mon canapé, la fatigue me rattrapant petit à petit.

- L'habit ne fait pas le moine effectivement, souvent les gens peuvent être surprenants si on leur laisse leurs chances. Mais je crois qu'il est de la nature humaine, nous y revenons, de pointer du doigt ce qui ne va pas plutôt que d'être encourageant. La guerre que nous vivons n'est faite que de ça, de reproches et de peurs plutôt que de compassion et de bienveillance. En fait, notre système de vie est régi de la sorte, regardez à l'école. Je sais que vous y êtes et je ne veux pas vous faire peur, mais l'école et l'université fonctionnent au mérite et au travail. Si l'on n'a pas les points ou le niveau, nous sommes recalés d'une quelconque manière, mis sur la touche. On donne rarement une seconde chance, ou alors ce n'est pas gratuit. Je glissais une main dans ma chevelure tandis que je déglutissais. J'essaie… d'être un professeur un peu différent, pour encourager mes élèves plutôt que de les enfoncer… j'ignore simplement si c'est une bonne idée ou non, mais en tout cas je suis en accord avec moi-même et ma façon de faire et d'être. Encore une fois je me permettais un instant de silence pour mettre de l'ordre dans mes pensées avant de reprendre. C'est effectivement difficile de trouver un équilibre. Savoir si vraiment nous faisons notre maximum, si vraiment nous faisons bien ou non… mais ce que je voulais dire par n'avoir ni remord ni regret… c'est de se sentir bien, je veux dire… avoir ce sentiment du travail bien fait et accompli. Mais ça ne veut pas dire qu'il faut s'endormir sur ses lauriers, nous pouvons toujours faire mieux… mais il faut le faire à son rythme. Aller trop lentement est inutile, aller trop vite est contreproductif et nous fait faire des erreurs. Mais dans un sens, ce sont nos fautes, nos remords et nos regrets qui nous font aussi avancer, vous ne croyez pas ?

Tout cela était bien philosophique et sans doute que toute cette conversation me dépassait largement. J'étais bien loin de mon sujet de prédilection et de mon domaine de compétence. Je ne faisais là que partager mes croyances et mes points de vue sans être persuadée qu'ils étaient le vrai absolu (et heureusement qu'ils ne l'étaient pas). C'était pourtant en osant partager, comme nous le faisions Eirian et moi ce soir, que nous pouvions grandir et en apprendre davantage. Pas uniquement sur l'autre, mais sur la vie elle-même. Ça avait quelque chose d'aussi vertigineux que beau, mais je devais bien admettre que je me nourrissais présentement énormément de cette discussion et de la présence du jeune homme. J'adorais ce genre d'échange, tranquille, cosy dans notre cocon, pas un mot plus haut que l'autre, en accord sur une ligne qui nous correspondait et qui nous reliait. C'était l'une des plus belles richesses que je pouvais obtenir, et j'en venais alors à espérer qu'un jour, un nouvel échange puisse être possible entre le jeune homme et moi. Je l'espérais égoïstement, parce qu'il y avait quelque chose qui me rassérénait.

En le voyant lutter contre ses émotions, refuser mes propositions et mains tendues, j'en venais à croire que j'étais en fait bien la seule à penser ainsi. Sans doute ne devait-il pas être aussi à l'aise que moi, sans doute ne voudrait-il plus jamais me voir (ce que je comprenais) et sans doute quitterait-il la maison avant le lever du soleil, alors que j'aurais le dos tourné. Je ne lui en voudrais pas, j'avais déjà tant et si bien vécu ce genre de situation que j'avais cette sensation que cela ne pouvait plus me toucher (c'était faux bien évidemment).
Alors voilà, j'essayais de profiter pleinement de l'instant, puisque je le savais éphémère. Bientôt la conversation dérive sur les hautes sphères, les raisonnables et les déraisonnés. Dans l'Ordre, fallait-il véritablement changer quelque chose si personne ne semblait avoir les épaules ? Difficile question. Pour l'heure, les choses devaient être ainsi puisque Eirian et moi arrivions tous deux à la même conclusion : personne ne pouvait changer les choses dans l'Ordre, ou tout le moins, personne ne pouvait le changer en autorité. Sûrement que, relativement, tout était bien. Des fois, il fallait aussi savoir se contenter de ce que nous avons.

- Je ne suis pas certaine qu'être raisonnable nous desserve. Je vois la situation un peu comme l'éducation positive pour les animaux. Je souriais puis prenais le temps de m'expliquer alors. L'éducation positive se veut douce, tournée sur les bonnes actions et non la coercition. Les résultats sont plus rapides lorsque nous avons peur, mais ça nous coupe les ailes et la confiance, ça a donc un effet à plus court terme. La bienveillance par contre met plus de temps à être en place, en revanche elle a une force insoupçonnée et est plus durable que la crainte.

En ayant la sensation de me perdre dans mes explications, je préférais alors me taire et de proposer mon aide au jeune homme. Son refus ne me surprit guère cela dit, même s'il semblait enclin plus tôt à l'accepter, qu'il fasse marche arrière me décontenançait autant que je le comprenais. Loin de me rassurer totalement bien sûr, je respectais également le choix du garçon. Cela dit, je commençais à mesurer l'ampleur de cette profonde destruction qu'il avait au fond de lui. Sans doute était-ce grave, très grave. Sans doute ne me rendais-je pas totalement compte. Détournant le regard dans l'âtre de la cheminée, poussant un petit soupir pour me détendre, j'étendais enfin les jambes pour remuer mes genoux alors endoloris tandis que j'entendais le jeune garçon s'expliquer alors que son regard me fuyait. Secouant légèrement la tête pour démontrer mon désaccord, je répondais toujours calmement, mes yeux s'attardant sur le plumage de Grishkin qui semblait refléter les flammes dans la cheminée.

- Je ne pense pas que vous vous fassiez une montagne de pas grand-chose. Vous ne seriez pas dans cet état sinon. C'est évident, même si je ne suis pas psychomage. Peut-être avez-vous vécu quelque chose, comme un rien, qui a en réalité réveillé quelque chose de plus profond et qui n'est pas encore cicatrisé. Ça arrive. Le tout décuplé par la période comme vous dite. Penchant la tête sur le côté, signe que je réfléchissais, je faisais clairement fi de son refus, essayant tout de même de l'aider. Saviez-vous que la musique a une mémoire ? J'en revenais presque à évoquer ce petit air de guitare que j'avais joué dans le jardin plus tôt dans la journée. Vous rêvez de quelque chose sur une mélodie, puis vous l'oubliez, parce que la vie est ainsi faite. Hé bien, en réécoutant ladite mélodie, les souvenirs peuvent refaire surface de manière presque intacte. J'attrapais ma tasse de thé, quelques forces retrouvées pour en boire une gorgée. Vous devriez peut-être essayer.

Sans chercher à aller plus loin dans l'aide apportée, puisqu'il avait refusé, je décidais d'être à nouveau respectueuse. C'était sa vie, pas la mienne, et je n'étais pas une bonne samaritaine encore une fois. Peut-être que le fait qu'il puisse passer un peu de temps sous mon toit lui venait déjà bien assez en aide, tout comme sa présence me faisait présentement beaucoup de bien.
N'ayant rien à cacher dans l'intimité de ma maison, je le laissais se diriger vers ma bibliothèque et choisir le livre de son choix. Paupières closes, je sentais tout mon corps se détendre petit à petit et c'est presque avec automatisme que je lui répondais, petit sourire à la commissure de mes lèvres.

- Non pas de fiction, j'ai bien assez à écrire sans cela. Et oui… reprendre tout à zéro n'est pas évident, mais je dois dire que cela me stimule énormément. Bien sûr toutes les recherches de ma famille ne sont pas à jeter, je reprends beaucoup de choses. Mais il y a des sujets où la modernité est de mise. Il y a des gens qui trouvent ça ennuyeux comme la pluie… moi, effectivement, je trouve ça absolument fabuleux et passionnant. Même si certaines méthodes sont aujourd'hui désuètes, je dois admettre que certaines techniques utilisées à l'époque étaient révolutionnaires. Cela me donne un excellent historique. Je laissais planer une seconde de silence. Parce que l'histoire est importante. L'histoire de l'humanité, de la religion. Nous y revenions presque.

Un petit frisson me transperce alors que sa question sonne comme la lourdeur de l'épée de Damoclès qui était dressée au-dessus de ma tête jusqu'alors. Lentement, je rouvrais des yeux lourds, tout sourire sur mes lèvres perdu. Néanmoins, je jetais un œil au garçon, hochant très lentement de la tête, le regard un peu perdu dans le vague.

- Kyle, oui. C'était mon frère. Et avant qu'il ne me pose les questions dérangeantes, je préférais les anticiper, pour ne souffrir qu'une fois, plutôt que par violents à coups. Un accident lui a couté la vie il y a deux ans, au début du mois d'août.

Explications simples, mais efficaces, il n'y avait pas besoin davantage de détails, il n'y avait pas non plus d'autres détails à dire. À nouveau, sans que je ne puisse rien contrôler, un flot de larmes vint humidifier mes joues, et je détournais à nouveau les yeux en direction de la cheminée. Comme absorbée par les flammes, je me perdais totalement dedans, comme elles avaient avalé mon frère quelques années plus tôt. Épaules secouées par mes sanglots, je parlais d'une voix à présent brisée, traduction de l'état dans lequel se trouvait mon cœur.

- C'est… difficile de rester seule… sans… cette personne qui me comprenait si bien. Cette âme-sœur. Mythe de l'androgyne, mon frère avait-il été mon double ? La solitude est plus pénible à supporter en cette période. Je ne veux pas avoir l'air de m'apitoyer ou de me plaindre, mais… votre présence rend l'instant un peu moins désagréable.

J'osais lui jeter un œil timide. Parce qu'à un moment donné il faut savoir dire les choses bien. Celles qui encouragent. Leçon de vie.


Never Ending Circles
ANAPHORE


Il arrive que nous trouvions de l'aide là où on ne s'y attend pas [Eirian] - Page 2 CBY7jAc
Il arrive que nous trouvions de l'aide là où on ne s'y attend pas [Eirian] - Page 2 Banniz10

Revelio:

Revenir en haut Aller en bas
Eirian Howl
Eirian Howl
Serdaigle OP
INRP
Métier : 3e année de Protection magique (spé Auror)
Messages : 5388
Gallions : 8613
Date d'inscription : 30/07/2020
IRL

Lumos
Je rp en : #00ccff
Mon allégeance : Ordre du Phénix
Lun 3 Mai - 21:49
Il arrive que nous trouvions de l'aide là où on ne s'y attend pas
« juillet 2020 »
Tu comprends très vite que tu as répondu trop brutalement à Abigail. Tu ne voulais pas être blessant pourtant, juste rappeler qu’il y avait des situations différentes. Mais visiblement, tu as toujours du mal à gérer la nuance – ou du moins à l’exprimer comme il convient. La fatigue te fait oublier certaines convenances, de même que tes émotions perturbées. Tu as mal à te mettre au diapason, à trouver la bonne fréquence pour ne pas avoir l’air trop brusque ou trop ailleurs, doser correctement les mots et ce que tu fais passer. Tu ne sais jamais si tu es au bon niveau – et cette fois, ce n’est pas le pas, toute la posture du professeur montre son embarras. Elle s’excuse alors qu’elle n’a pas à le faire. Tu retiens une grimace en entendant le nom d’Ombrage. Les connaît-elle bien ? Tu n’as pas oublié ta discussion avec le mangemort à la librairie, vos visions du monde opposées – et tu sais pertinemment qu’on ne devient pas membre du triumvirat mangemort, homme de confiance de l’Augurey, sans avoir du sang sur les mains, peu importe la façade respectable qu’on présente par ailleurs.

— Ne vous excusez pas, vous ne l’avez pas été. Je suis désolé, je ne voulais pas répondre aussi vivement. Je ne me représente pas bien ce que c’est de grandir dans de telles familles ; avec le temps, je me suis habitué aux deux cultures.


Et c’est vrai que tu as davantage tendance à comprendre l’ignorance des moldus, en vertu du secret magique, que celle des sorciers : ils sont beaucoup moins nombreux et peuvent difficilement ne jamais mettre les pieds dans le monde moldu, ne serait-ce que pour prendre le Poudlard Express. Mais c’est vrai que la nécessité de protéger leur propre culture, de se préserver aussi des moldus (le Blood Circle ne s’est pas créé hier, même s’il a surtout gagné en importance ces dernières années) a mené à un repli important.
Tu partages entièrement l’avis d’Abigail, le souci n’est pas l’endroit où l’on trouve du réconfort, mais bien les dérives que des personnes sans scrupules peuvent entraîner. Que ce soit en matière de religion, de politique ou tout autre domaine.

— Malheureusement, les hommes sont doués pour pervertir ce qu’ils approchent. Les religions vantent la paix et l’amour, et on s’en sert pour faire la guerre, alors qu’il peut en sortir de si belles choses… L’avidité et la soif de pouvoir finissent par tout ternir. Les conflits ont toujours fait partie de l’histoire de l’humanité, et j’ai l’impression que c’est un sujet sur lequel nous avons du mal à avancer.

Tu hoches la tête. Mythes, légendes, croyances, ils disent tous quelque chose du monde, de la vision qu’en avaient ceux qui les ont bâtis, comment ils expliquaient la réalité qui les entourait. Et certains ont façonné la société dans laquelle vous vivez, c’est une sorte d’héritage, que tu aies été élevé dedans ou non.

— Je suis d’accord. Et ces histoires peuvent encore avoir à nous apprendre des choses aujourd’hui, elles ont participé à la construction de notre monde actuel, elles nous montrent le regard des hommes d’autrefois, comment ils percevaient leur propre existence, leur monde et les phénomènes qui le traversaient.

Le déluge, par exemple, avec Noé, mais c’est un mythe dont on retrouve la trace dans de nombreuses cultures et religions. S’est-il passé quelque chose d’équivalent, une sorte de cataclysme, qui a marqué la mémoire de l’humanité et l’a conduite à en garder le souvenir de génération en génération ? Peut-être. Tu connais moins ce qui concerne la femme de Loth.
Et le monde sorcier n’est pas exempt de ses propres mythes et croyances, autour de Merlin notamment, même si son existence est avérée. Il y a l’aura des fondateurs de Poudlard aussi, celle que Salazar Serpentard exerce encore sur bon nombre de mages noirs. L’idéologie du sang, évidemment, qui te hérisse depuis toujours et qui gangrène la société sorcière. De ton point de vue, les appellations comme sang-pur et sang-mêlé devraient disparaître du vocabulaire quotidien, en ce qu’elles dénotent une hiérarchie des personnes, une recherche de pureté qui n’a pas lieu d’être – et qui dénigrent ceux qui n’en font pas partie. Mais petit à petit, les choses finiront par changer, tu veux y croire.

L’émotion d’Abigail te touche, même si tu ne sais pas comment y faire face, tu ne veux pas la blesser davantage. Elle te remercie, mais tu comprends bien que tu ne peux pas faire grand-chose, au-delà de lui offrir ton soutien et ton empathie.

La conversation dérive et vous quittez les confins des religions pour revenir à un sentiment universel, l’amour – amour d’ailleurs prôné par la plupart des croyances autour de la planète. Et c’est un sujet qui te suit depuis longtemps, depuis la fracture créée par ton père il y a tant d’années, cette impression que personne ne pouvait t’aimer, ce rejet de toi-même, sentiments qui perdurent sous d’autres formes maintenant. Et puis il y a les sentiments amoureux, ceux avec lesquels tu t’es dépêtré pendant ton adolescence, à essayer de comprendre comment tu fonctionnais, à aimer les filles et les garçons sans avoir pourtant rien envie de faire avec eux, sans comprendre vraiment toutes ces conversations qui t’entouraient et dont tu te tenais prudemment à l’écart. Amour, amitié, tu as balancé un moment avant d’arriver à faire la part des choses, à comprendre ce que tu mettais d’un côté ou de l’autre, les nuances des deux sentiments. Tu as été content de pouvoir mettre des mots dessus, soulagé aussi, tout en regrettant de ne pas être tout à fait comme les autres sur ce plan-là non plus. Mais de toute façon la simple idée de vivre une vie de couple, voire une vie de famille, est risible dans ton cas. Tu ne mettrais pas en danger quelqu’un que tu aimes – et tu refuses de passer ta vie à lui mentir, sans compter les… complications. Comment expliquer que tu ne l’inviteras jamais chez toi, qu’il ou elle ne rencontrera jamais la famille dont tu parles régulièrement ? Cette porte-là t’est fermée aussi – avec un pincement au cœur au départ, avec soulagement maintenant, parce que tu n’es un cadeau pour personne. Qui pourrait accepter toutes tes contraintes ? Ça te crispe. Au fond de toi, tu aimerais avoir la même vie que la plupart de tes condisciples, vivre sans te poser de questions, profiter de ce qui s’offre à toi, plutôt que de tout placer sous l’angle de la survie. Et du traumatisme dans le cas présent. On t’a beaucoup pris, trop peut-être, et il y a des jours où tu en as une conscience bien plus lourde, où la façade que tu construis te paraît vide de sens. Qu’est-ce qu’il y a encore à protéger derrière ? Qu’est-ce qu’il reste vraiment de toi ? Qu’est-ce que tu peux encore perdre – au-delà de la vie ? Qu’est-ce qu’il te reste à offrir aux autres ? Rien, rien, rien, rien, scande une petite voix dans ta tête, que tu t’efforces d’ignorer la plupart du temps. Tu tiens en te disant que ça ira mieux plus tard, mais c’est surtout une illusion, tu n’y crois pas vraiment.
En ce sens, si le mythe de l’androgyne peut en effet sonner comme une belle histoire pour la plupart des gens et qu’au fond, tu crois au véritable amour, tu n’es pas sûr qu’il s’applique aux gens comme toi. Ou alors tu plaindrais la personne qui serait ton âme-sœur.
Pas de hasard… tu ne sais pas. Est-ce que tu devais vraiment vivre tout ce que tu as traversé ? Dans quel but ? Est-ce qu’il y a un sens que tu ne vois pas encore ? Mais qu’est-ce qui pourrait légitimer tout ça ? Pourquoi toi ? Tu sais bien que ses paroles ne te visent pas directement, mais… tu ne sais pas. Est-ce qu’il y a vraiment quelqu’un qui pourrait t’attendre quelque part, t’aimer pour de bon ? Pour qui tu aurais vraiment de l’importance ?

— Je ne sais pas, j’ai du mal à imaginer que nous suivons une sorte de chemin déterminé à l’avance. Est-ce que ça veut dire que nos choix n’en sont pas vraiment ? Que tout est écrit d’avance ? Je crois que je préfère encore le hasard… même si sa part peut varier en fonction des domaines, il y a peut-être une sorte d’équilibre entre ce que nous essayons de construire tous les jours et des contingences qui ne dépendant pas de nous. Je partage votre avis sur le fait que l’être humain a besoin d’amour. Quel que soit sa forme.

Tu n’as pas été capable de rester seul après la disparition de ta mère, tu t’es retrouvé à te faire des amis, sans vraiment le chercher et tu n’en regrettes rien. Ton regard évite celui d’Abigail.

— En effet, je n’avais pas pensé à l’amitié dans ce concept d’âme-sœur, il n’y a pas forcément besoin de l’amour… « amoureux » si je puis dire, pour être comblé. L’amitié n’a pas moins de valeur. Je comprends pour l’enfermement… Je… en réalité, je ne parlais pas vraiment en général, j’ai laissé le particulier prendre le pas. Ma vision de l’amour rejoint en bonne partie la vôtre, le fait qu’on peut s’élever ensemble, se soutenir, se construire et avancer à deux, l’exclusivité… c’est très vrai. Je pensais plutôt au cas où l’un des deux ne pourrait pas… offrir tout cela à l’autre et l’entraînerait vers le bas. Mais ce n’est pas le cas le plus courant, je l’admets. Ce n’est pas un mal d’être romantique… il y a tellement de cynisme et d’ironie aujourd’hui, ces valeurs paraissent souvent désuètes… je ne trouve pas qu’elles le soient.

Tu es tout à fait d’accord avec l’idée qu’on puisse aimer de façon exclusive, quand d’autres voient les choses autrement. Au fond, tant que chacun est heureux et respectueux de l’autre… c’est l’essentiel.
Vous restez sur l’amitié, et c’est vrai que ta situation de ce point de vue-là a bien changé au cours des trois dernières années. Pendant tes six premières années à Poudlard, tu as pris soin de n’entretenir que des relations de surface par prudence. Mais maintenant… tu as davantage d’amis que tu n’aurais pu le souhaiter, mais tu as aussi conscience qu’ils ont tous leur vie, une vie à laquelle tu n’appartiens pas vraiment parce que la tienne n’est qu’un tissu de mensonges. Tu les connais, mais eux ne te connaissent pas, ne savent rien de ce que tu ressens, au-delà de tes idées. Sans être transparent, tu as du mal à te défaire de l’impression de n’être que de passage – et pourtant, il y a des signes du contraire, c’est Kayla qui voulait te voir cet été, continuer à passer du temps avec toi, même hors du cadre scolaire, et tu ne t’y attendais pas. Bien sûr, tu savais que vous étiez amis, que votre relation dépassait le simple cadre tuteur/tutorée. Pour autant, tu n’imaginais pas que c’était vraiment le cas pour elle. Tu aimerais tellement pouvoir leur rendre ce qu’ils font pour toi…

— Non, je suis d’accord qu’il ne faut pas tout compter, ça fausse toute la relation, mais il y a un minimum d’équilibre à trouver pour que ça reste sain. Je ne peux pas leur demander des choses en permanence, sans jamais rien faire… L’occasion finira peut-être par se présenter, je l’espère. Je ne suis pas très doué non plus pour les critères… ni pour savoir ce que les gens pensent vraiment, enfin, à ce sujet.

Non que tu tiennes à t’immiscer dans l’esprit des autres, tu as déjà bien assez à faire avec ta propre tête. En tout cas, ni Abigail ni toi n’avez l’air très au point sur les relations sociales, et c’est… rassurant en un sens de constater que tu n’es pas le seul à l’ouest sur ce point. Même si là aussi perce une forme de regret. Tu ne sais pas si ton asociabilité est naturelle ou si elle a été forcée par les événements. Un mélange des deux, peut-être. L’un ou l’autre, ça ne change de toute façon rien à ta situation actuelle.

Les compliments d’Abigail te prennent au dépourvu. Tu ne les trouves pas mérités – mais à dire vrai, tu n’es pas du genre à te jeter des fleurs. Tu as plutôt tendance à penser que tu n’en fais pas assez. Sinon, ça n’irait pas aussi mal, n’est-ce pas ?
Les apparences sont rarement de bons indicateurs pour se faire une opinion sur les autres. Quant à pointer ce qui ne va pas… c’est souvent le plus facile.

— La critique est aisée, mais l’art est difficile, comme on dit. C’est vrai que pointer les défauts est ce qui vient en premier, même si ça peut être fait avec bienveillance, dans une perspective constructive.


Ce qui n’est clairement pas la tienne vis-à-vis de toi-même. Alors que c’est ce que tu fais avec les autres. Avec Kayla, tu avais pris soin de mettre en valeur ses points forts, de l’encourager alors qu’elle doutait par rapport à la reprise de ses études. Tu n’as pas la même attention à ton propre égard.

— Oui, et je regrette souvent que nous n’arrivions pas à voir au-delà des reproches et des peurs, ni à nous comprendre. Je comprends que le passé est difficile à surmonter, mais à un moment il faut… pas l’oublier, mais admettre que c’est le passé, que nous ne sommes pas nos parents ou nos ancêtres. C’est notre histoire et il faut la connaître, sans la laisser régir nos vies. La vengeance ne mène à rien, ou seulement à davantage de peur et de violence.

C’est en partie pour cela que tu ne cherches pas à te venger de ton père. Si tu le tuais, pour partir dans les extrêmes, ton frère ou ses proches au sein du Blood Circle prendraient la relève pour t’avoir, et ainsi de suite. Ça n’a aucun sens. Tu es bien davantage en faveur de la compréhension, les deux mondes pourraient s’apporter beaucoup. Tu aimerais que les enfants moldus puissent apprendre à connaître le monde sorcier, et que l’étude des moldus devienne un enseignement obligatoire à Poudlard, non une option suivie par quelques marginaux. Mais il y a peu de chance que ce soit le cas avant de nombreuses années au train où vont les choses.

— Je sais comment fonctionne le système, j’ai la chance de m’y être intégré sans mal.

Et surtout en ne te donnant pas le droit d’échouer à partir du moment où tu t’es retrouvé seul. Tu avais des facilités avant ; tu as continué à y consacrer beaucoup de temps ensuite pour ne pas prendre le risque d’attirer l’attention sur toi avec une brutale faiblesse. Sauf au début de la septième année, il t’a fallu bien trois ou quatre mois pour retrouver ton niveau – et seulement parce que tu avais des acquis solides, la capacité de suivre, la force de travail aussi. Te perdre dans les grimoires te permettait d’oublier un peu ce qui s’était passé. De retrouver l’illusion d’une vie normale.

— Les professeurs comme vous sont rares, vos élèves ont beaucoup de chance de vous avoir. Le système ne tient pas compte… ou a du mal à tenir compte, du moins… de ceux qui fonctionnent différemment. Ou qui ont des vies différentes. On n’est jamais à l’abri d’un accident. Et ça ne sert à rien d’ajouter des exigences par-dessus, ça ne fait qu’enfoncer un peu plus la personne. Je ne pense pas qu’on perde quoi que ce soit à encourager les autres.

Le sentiment du travail bien fait et accompli… tu en es loin. Évidemment, à ton niveau, tu ne peux pas faire grand-chose pour faire avancer la cause de l’Ordre du Phénix, juste remplir au mieux les missions que l’on te donne et mettre à profit ton expérience du terrain. Tu aimerais faire davantage et mieux.

— Oui, j’imagine qu’on apprend à trouver son rythme au fil du temps, à déterminer si on va trop vite ou trop loin. Et on apprend aussi de nos erreurs. Même s’il y en a certaines qu’on aurait préféré ne pas commettre, parce que la leçon est un peu trop rude. Et ce n’est pas toujours facile de s’en relever et d’arriver à vivre avec.

Tu lui réponds autant que tu te parles à toi-même. Les erreurs que tu as faites… tu aurais préféré payer un prix moins lourd. Ou peut-être devrais-tu t’estimer chanceux qu’elles ne t’aient pas coûté la vie. Certes, tu as encore gagné en méfiance et en précautions, mais… Non. Ça ne valait pas ce prix-là. Et tu ne peux pas revenir en arrière, changer le passé, éviter ce qui est arrivé. Juste essayer de vivre au mieux, mais tu n’y es jamais complètement arrivé, et maintenant ça devient de pire en pire, le contrôle de la situation t’échappe.
Les émotions rôdent, toujours prêtes à te submerger, et tu récupères ton verre pour t’occuper les doigts, remuer doucement le jus de pomme que tu es incapable de boire tant ta gorge est nouée. Incapable de te confier aussi, tellement tu as l’habitude de tout taire, de tout cacher. De porter seul tout ce que tu traînes avec toi. Heureusement que tu es là, heureusement que tu es avec Abigail, heureusement que tu es à l’abri chez elle. La conversation remue beaucoup de choses, mais la journée a été difficile aussi, de même que la nuit d’avant, témoin la compresse sur ton bras, tu préfères autant ne pas être seul pour la soirée. Te retrouver encore dans l’un de ces bâtiments gris, insalubres, sans avoir réellement de quoi t’occuper… Non. Et puis, il y avait longtemps que tu n’avais pas eu une telle conversation, reposante d’un certain côté, mais qui t’oblige aussi à réfléchir, à formuler tes idées. Surtout dans l’atmosphère bienveillante qui t’entoure : vous n’êtes peut-être pas toujours d’accord, mais vous arrivez à vous le dire, sans que cela vous oppose vraiment. Et ça fait du bien aussi, tu es content de pouvoir la connaître un peu plus, bien plus en profondeur que vos rares échanges jusqu’à présent. Pour une fois, tu ne voudrais être nulle part ailleurs, et tu espères que tu ne t’imposes pas trop – certes, elle t’a proposé de venir et de rester. Et elle saurait bien te le dire si finalement cela ne lui convenait plus.

L’Ordre se glisse dans la conversation. Difficile de faire entendre vos opinions alors que les plus extrêmes semblent l’emporter. Mais comment faire ? Aucun de vous deux n’a la voix pour cela, et toi, tu fais en sorte de ne pas attirer les regards sur toi. Un membre du Phénix comme n’importe quel autre, perdu dans les rangs, sans histoire ni rien de suspicieux. Même si un nom te vient, c’est peu par rapport aux fauteurs de troubles que tu es capable de lister. Mais ne sera-t-il pas bientôt trop tard pour changer les choses ? Harry Potter a déjà accepté l’alliance avec l’Augurey, que pourrait-il encore accepter ? Tu hoches la tête devant les paroles d’Abigail.

— Non, bien sûr, il ne s’agit pas d’agir à notre tour par la contrainte et les menaces. Nous nous perdrions à agir comme ceux que nous dénonçons, nous finirions par leur ressembler. Seulement… j’ai peur que nous n’ayons plus beaucoup de temps quand je vois l’évolution de la situation. Évidemment, il ne faut pas renoncer à nos efforts ni penser que nous avons déjà perdu face à ceux qui crient, mais il va être de plus en plus difficile de faire marche arrière. Mais avec un peu de chance, l’éducation positive arrivera peut-être à toucher assez de personnes pour que ce soit suffisant pour empêcher le pire…

Tu l’espères en tout cas, tu n’en peux plus des horreurs perpétrées par les extrémistes des deux camps.

L’aide d’Abigail te prend au dépourvu tandis que tu te perds dans ce que tu ressens, toutes ces contradictions qui te déchirent et que tu ne sais pas comment concilier. Tu ne sais pas quoi faire non plus de cette main tendue, comment la saisir. Quoi dire. Une part de toi rêve de pouvoir parler, l’autre sait que ce ne sera que cela, un rêve. Et comment avouer, comment dire ces mots que tu n’as jamais eu la force de prononcer – que tu n’as jamais voulu imposer à qui que ce soit non plus ? Surtout que… commencer à parler, c’est prendre le risque d’en dévoiler trop, d’amener de nouvelles questions, comment ça a pu se passer, ta famille, et tu n’as pas envie de bricoler encore des mensonges autour de tout ça. Rester dans le flou, comme avec Elise à l’époque ? Ça ne changerait pas grand-chose en soi. Tu ne sais pas. Tu es coincé, prisonnier de tes mensonges, des apparences, de cette fuite en avant dont tu ne sais pas vraiment où elle va finir. Mais c’est tout ce qu’il te reste, tu ne peux pas perdre ta vie actuelle, tes amis, et ça arrivera fatalement si tu en dis trop.
Tu n’arrives pas à regarder Abigail dans les yeux. Tes yeux te piquent de nouveau, tu inspires profondément. Pas encore. Abigail soupire. Forcément, tu n’aides pas, avec tes atermoiements, tes avancées et tes reculades, alors qu’elle t’offre déjà beaucoup et qu’elle a la patience de t’écouter depuis tout à l’heure.
Qu’est-ce que tu aurais pu vivre qui aurait réveillé tout ça ? Ce n’était pas cicatrisé, loin de là, mais ce n’était plus non plus une blessure béante. Raviver tes souvenirs avec la musique ? Ils sont déjà bien vivaces, les flash-backs te ramènent toujours là-bas, mais est-ce qu’ils cachent autre chose ? Un autre souvenir qui serait la clé de tout et qu’ils écrasent ? Tes cauchemars sont récurrents pourtant – toujours les mêmes images, les mêmes sensations, les mêmes odeurs. Il y en a des plus flous aussi, juste cette sensation d’oppression qui te réveille dans un sursaut, au bord de la panique, comme si tu t’étouffais. Et rien qu’y penser te tord la poitrine, ta gorge se bloque. Tu respires vite, trop vite, luttes pour te reprendre, tremblant.

— J’aimerais juste que tout ça s’arrête, les images, les souvenirs, les cauchemars, les insomnies. J’en ai marre, je suis fatigué, je n’en peux plus de les voir. Même ça, ça ne suffit pas,
tu ajoutes avec un mouvement du bras, comme pour désigner là où tu t’es blessé. Tout n’est peut-être pas très précis, mais je… je ne veux pas que ce soit plus détaillé.

Arrête. Arrête. Une longue inspiration, les larmes coulent de nouveau.

— Je… je suis désolé. Vous essayez de m’aider et tout ce que je vous dis n’a rien de cohérent, ni de sens. Ce n’est pas contre vous, je vous suis vraiment reconnaissant de ce temps que vous prenez pour moi, c’est juste… compliqué à gérer. J’imagine que je dois laisser du temps au temps, ça finira par aller mieux…


Tu ne peux que l’espérer. T’accrocher à tes espoirs de retrouver ta mère. À vous deux, vous pourrez reconstruire quelque chose. Ça ira mieux, forcément, même si tu n’es pas vraiment certain de vouloir tout lui dire à elle non plus. Il faut juste que tu tiennes jusque-là. Quelques mois. Tu peux le faire. Ça ressemble surtout à un souhait, plus qu’à une réelle affirmation, mais qu’est-ce que tu peux faire d’autre ?

Une fois que tu te sens mieux, ou du moins plus aussi prompt à fondre en larmes devant Abigail, tu t’approches de la bibliothèque, l’interroges sur ses écrits. Pas de fiction… le mot « nouvelles » doit avoir un autre sens dans le domaine de la recherche alors. Tu souris en l’entendant parler de sa passion, son projet de reprendre les anciennes recherches.

— C’est vraiment un beau projet ! Je ne vois pas pourquoi ce serait ennuyeux, c’est intéressant de confronter notre vision de maintenant avec celle du passé, les enseignements qu’on peut en tirer. Je suis d’accord pour l’histoire, on ne peut pas comprendre le présent si on ne sait pas d’où on vient et ce qui l’a construit…

Malgré toi, tu es attiré par la photo posée parmi les rayonnages et la question sort avant que tu ne t’excuses aussitôt. Ce n’est pas le genre de confidence qui vient facilement, et tu as déjà mis bien assez de bazar dans cette soirée. Tu te retournes vers Abigail, qui a perdu tout sourire. Elle te répond malgré tout. Son frère. Et c’est bien le deuil qui la frappe.

— Je suis désolé. Je comprends à quel point cette période est difficile pour vous.

Les larmes lui viennent de nouveau, tu te mords les lèvres. Le livre à la main, tu reviens vers elle, au moins en signe de soutien. Elle pleure, le regard fixé vers le feu, et tu ne sais pas quoi faire, à part rester à ses côtés.

— Je comprends…

Et tu le dis sincèrement, pas comme ses formules un peu vides de sens qu’on peut sortir dans ces moments-là, ce n’est pas juste de la politesse, et tu espères qu’elle le saisira. Et tu comprends aussi ce sentiment de solitude qui peut devenir écrasant.

— Je crois que nous ne perdons jamais complètement ceux que nous avons aimés, ils vivent encore en nous, par ce qu’ils nous ont apporté…Vous ne vous apitoyez pas ; pleurez tant que vous voulez si cela vous fait du bien. Je… je suis heureux si ma présence peut vous aider.

Au fond, vous êtes deux âmes solitaires et en peine qui partagent un peu de leur douleur.


Game of Blood  Ϟ Tous droits réservés


Il arrive que nous trouvions de l'aide là où on ne s'y attend pas [Eirian] - Page 2 21013008104866668 Il arrive que nous trouvions de l'aide là où on ne s'y attend pas [Eirian] - Page 2 M-daille-Eirian

Spoiler:





   
On the run,
falling to the depths

Do you know what it's like when
You wish you were someone else
Who didn't need your help to get by ?
Do you know what it's like
To wanna surrender ?
Revenir en haut Aller en bas
Abigail MacFusty
Abigail MacFusty
Sorcier OP
INRP
Métier : Professeur de Soins aux Créatures Magiques & directrice de la maison Poufsouffle
Messages : 5482
Gallions : 4176
Date d'inscription : 27/11/2020
IRL

Lumos
Je rp en : #cc3333 & lightgrey
Mon allégeance : Ordre du Phénix
Ven 7 Mai - 22:06
Il pouvait y avoir des dissonances dans toutes formes de communication. Verbale, musicale, animale, écrite… Tant qu'en face il y avait une possible forme d'interprétation, l'intention que je pouvais mettre pouvait être perçue différemment, déformée de son origine. C'était là tout un mystère de l'existence, mais aussi, l'un de mes plus gros handicaps. De par ma nature esseulée, et même si j'avais été à l'école avant Poudlard durant ma petite enfance, je n'avais pas acquis convenablement les codes courants que l'on pouvait rencontrer lors d'une conversation standard. D'aucuns diraient que je suis une autiste. Dans le fond je devais reconnaître que ce n'était pas totalement faux, mais il fallait dire que je trouvais ce terme un peu péjoratif. Certes, je voyais le monde différemment, parce que j'avais une sensibilité différente, mais je n'étais pas non plus une infirme, et ce, même malgré ma maladie. En réalité, si un jour je me retrouvais véritablement handicapée, je demanderais à quelqu'un de mettre fin à mes jours. Hors de question d'être privée de mes bras ou de mes jambes. Hors de question d'être assistée par quiconque. Hors de question d'être un poids. Hors de question de dépendre de quelqu'un. J'aimais trop ma liberté, et sans doute avais-je dans le fond trop de fierté pour pouvoir décemment accepter ce genre de situation. Si j'étais aussi discrète depuis mon enfance, c'était aussi parce que je ne voulais pas attirer l'attention, parce que je ne voulais pas être une gêne. Me retrouver dans ce cas de figure reviendrait à être tout ce que je refusais d'être, et ça, c'était hors de question. Ce qui était certain, c'était que je ferai tout au maximum pour pouvoir continuer à me débrouiller seule, comme un dragon cloué au sol, car privé de ses ailes continuerait à chasser et trouver un abri pour se protéger. D'autant plus dangereuse et instable que je le suis déjà à cause de cette irritabilité constante que j'allais pouvoir ressentir.
Ma la situation n'en était (fort heureusement) pas encore là. Ne serait-ce que perdre mes pouvoirs magiques m'angoissait énormément. Pas parce que j'allais perdre ma magie, en soit, les moldus arrivaient très bien à vivre sans. Mais parce que je craignais de tout ce que j'allais pouvoir perdre. Les habitudes sont tenaces, et je craignais de devoir totalement abandonner la dragonologie si je devenais totalement exempt de pouvoir magique. Et Sleipnir ? Allais-je pouvoir continuer de le voir ? Et Grishkin restera-t-il avec moi malgré tout ? Des questions qui restaient malheureusement sans réponse tant que je n'aurais pas trouvé quelqu'un pour y répondre, et pourvu que ce ne soit pas moi-même.
Alors, en entendant les excuses de l'étudiant des Serdaigle, je poussais un léger soupir par les narines, constatant que, pour la première fois depuis notre entrevue, nous n'avions pas été sur la même longueur d'onde. Était-ce si dramatique ? Non bien sûr que non puisque nous n'étions pas une seule et même personnalité (heureusement, le pauvre). Cela m'arrivait aussi de ne pas me faire comprendre d'un animal, et l'inverse était bien évidemment aussi vrai. L'important, était de continuer à essayer de s'entendre. Car entre ce que je pense, ce que je veux dire, ce que je crois dire, ce que je dis, ce qu'on veut entendre, ce qu'on entend, ce qu'on croit comprendre, ce qu'on veut comprendre et ce qu'on comprend, il y a au moins neuf possibilités de ne pas s'entendre. Mais voilà, il fallait essayer quand même, parce que l'entente était quelque chose de vital, de primordial, et c'était ce qui était déplorable à constater en observant les guerres. Rétrospectivement, en ayant réussi à prendre de la hauteur sur l'histoire de l'humanité et sur les conflits actuels, j'avais compris que tout n'était engendré en fait que par…. Un manque de communication. On ne cherchait plus à comprendre l'autre, on voulait le soumettre (pour une raison qui m'échappait totalement), et plier à sa volonté. Ce n'était pourtant pas plus simple que de chercher une entente. Des fois, les mystères humains me paraissaient bien obscurs. Fort heureusement, ce n'était pas dans cet état d'esprit que nous étions avec Eirian, alors, je penchais la tête en avant pour tenter de m'éclaircir la voix, choisissant convenablement mes mots comme s'il s'agissait d'un véritable exercice de gymnastique.  

- Ce n'est rien. À dire vrai… Ma famille aussi compte de nombreux moldus ou nés-moldus… c'est juste que je les ai peu côtoyés. Nous nous voyons pour certaines réunions familiales ou certains rapports professionnels, mais c'est tout. Je pouvais donc presque dire que j'étais née dans une famille qui utilisait principalement la magie. Et comme si cette conversation faisait écho à mes craintes intérieures, j'osais questionner Eirian, non sans avoir longuement hésité avant. Comment est-ce ? Je veux dire… de vivre dans une famille qui utilise que peu, ou pas du tout la magie ? Je… j'avoue avoir du mal à m'imaginer vivre au quotidien sans elle… ça paraît insurmontable, mais ça ne doit pas être terrible à ce point, si ?

J'étais curieuse de ses réponses, peut-être allait-il parvenir à me rasséréner un peu, ou au contraire, m'effrayer d'autant plus, ce qui me donnera davantage envie de me réfugier dans un trou et de ne plus en sortir. Déjà recluse, comme cachée aux yeux du monde, pouvais-je faire pire que de vivre sur une île isolée ? Bien sûr que oui sachant que sainte Kilda, l'île avoisinant la mienne était extrêmement touristique, les bateaux de pêche et de croisières venaient souvent non loin. Même si ma maison était incartable et donc invisible à l’oeil moldus, l'île, elle, était belle et bien répertoriée dans la géographie moldue. Alors vraiment, oui, je pouvais faire mieux, comme par exemple aller me perdre dans un désert de glace en Sibérie par exemple, cela dit, je préférais le chaud au froid, alors pourquoi ne pas m'enfoncer dans la forêt amazonienne ? Après tout j'y avais déjà vécu quelques semaines lors de mes recherches pour mon diplôme universitaire. Je savais à quel point la forêt pouvait être dangereuse et pouvait m'offrir un bouclier sans faille. Mais je nourrissais là des désires sans fondements, et peut-être un jour serais-je dans l'obligation de déménager en ville pour d'étranges raisons.
J'espérais toutefois ce jour le plus loin possible, tout comme je gardais espoir en la bonté humaine. Car Eirian et moi n'étions pas les seuls à désirer la paix. Même parmi chez les moldus il était possible de voir certains essayer de changer les choses dans le bon sens, de consommer davantage local, de prendre conscience de l'ampleur de leurs utilisations abusives de plastique, et ainsi de suite. Ce qu'il fallait se dire, c'était que tant qu'il y aurait quelqu'un sur cette planète qui serait nourrie des mêmes convictions que nous, alors notre cause n'était pas perdue. Nous n'étions jamais totalement seuls, et ce fut pensive, un index coincé entre mes dents tandis que je réfléchissais aux paroles du jeune garçon. Les sourcils se fronçant légèrement, je tirais ma bouche sur la droite en une grimace presque comique.

- Mmh… cela dit… je suis en train de me demander si c'est vraiment propre à l'homme d'être ainsi. La nature du gobelin, par exemple, est certes différente de la nôtre, nous savons qu'ils sont aussi très opportunistes et que l'appât du gain peut les animer. Les elfes de maison, aussi dévoués soient-il, peuvent essayer de trouver des failles dans les ordres de son maître s'il n'apprécie pas ce dernier. Je me passais une main dans les cheveux, toujours en proie à de nombreuses réflexions. Ne serait-ce donc pas dans la nature des êtres, non pas des animaux, mais bien des êtres, d'avoir autant de mauvais côtés, ou tout le moins des comportements discutables ? Au fond… l'intelligence qu'on nous a donnée n'est-elle pas un cadeau empoisonné ? Puis je souriais au jeune homme, sourire entendu concernant l'histoire et ce que la religion pouvait apporter au monde, qu'il soit magique ou non. Une histoire, qu'importe son origine, était toujours fascinante à découvrir, car il y avait toujours quelque chose à en apprendre, même si l'on ne s'en rend pas compte sur le moment. Nous en apprendrons toujours, tant qu'il nous est possible de les transmettre, ses histoires. Mais ce qu'il y a de merveilleux là-dedans je trouve… c'est qu'elles sont immortelles. Tant que nous vivons et tant qu'il y aura quelqu'un pour les conter, les histoires seront éternelles, et elles ne mourront jamais, qu'elles soient tirées d'un ouvrage religieux ou non. Il y a quelque chose d'intemporel, ce qui est plutôt… je plissais légèrement les yeux. Fascinant.

Je n'étais pas particulièrement attirée par la longévité ou l'immortalité, et peut-être même que je plaignais ceux qui le sont, comme les vampires ou, pour ne citer que lui, Nicolas Flamel. Contempler tous les malheurs du monde et les traverser en y assistant, cela devait être une condamnation terrible, même si je pouvais reconnaître sans mal que certains témoignages devaient être fascinants. Justement, qui pourrait attester de la véracité des histoires de la Bible ? De Moïse qui écarte la mer en deux, de Noé qui sauve l'espèce humaine et animale, ou de Loth qui se transforme en statue de sel par pur esprit de vengeance et de contemplation. Pourtant, que tous ces faits gardent des traits si mystérieux les rendait d'autant plus authentiques et fascinantes. Il y avait des mystères qui ne pouvaient être détrônés ou découverts, sinon le monde s'arrêterait de tourner.

Même si nous sommes dotés de pouvoirs magiques, nous obéissons tous aux lois de l'univers, et nous ne pouvons rien y faire. Pourquoi la nature humaine fait que nous nous entretuons sans accepter les différences ? Pourquoi la vie m'a-t-elle retiré mon frère qui était à l'aube de sa vie ? Il y avait des choses immuables, et qui étaient, peut-être, gravées depuis notre naissance. Encore une fois, tout cela faisait partie du mystique, du conte et de la croyance (religieuse ou non). L'amour dictait lui aussi ses propres lois, et nous n'y pouvions rien. Je l'avais vu frapper, pour qu'ensuite naisse une tempête de haine et de tristesse. L'amour ne venait jamais seul, il portait avec lui son lot quotidien de poids et de brûlures. Moi-même avais été frappée par lui, sans que je ne m'en rende compte puisque, des fois, il se fait discret quand pour d'autres il éclate et se fait connaître de tous. Dans mon cas, il s'était insinué dans mes veines comme un poison. Sans doute l'avais-je respiré à la naissance d'un cou timidement caché sous un voile de cheveux bruns. Il ne prévenait jamais de sa présence, et souvent lorsqu'on réalisait qu'il était présent, il était déjà trop tard, notre cœur ne nous appartenait plus vraiment. Il en allait de même pour l'amour porté à un parent envers son enfant. C'était, apparemment, quelque chose d'unique et qui ne pouvait pas s'expliquer. J'en comprenais la théorie, puisque j'étais extrêmement empathique, mais sans doute ne percevais-je pas sa complexité dans sa totalité. Aussi, ce n'était pas prêt de m'arriver puisque je n'avais aucun projet d'enfant pour l'heure. Je n'y songeais absolument pas, bien trop obnubilée par mes devoirs professionnels. Qui plus est, qui serais-je pour mettre au monde un enfant en temps de pleine guerre ? Voilà bien une décision irrationnelle et stupide. Bien que ma relation avec Thomas était passionnelle, il était clair que, si un jour nous en arrivions là, la décision d'avoir un enfant se ferait de manière consentie et réfléchie.
À bien y réfléchir, il était vertigineux de s'imaginer que je tenais dans le creux de ma main une vie, ou des vies. Celles que je pouvais décider de donner ou non, celles que je pouvais aimer ou non, celles qui dépendaient entièrement de moi et de mon choix. Qui étais-je pour avoir un droit de vie ou de mort sur une âme qui attendait son tour pour découvrir le monde ? Tout cela me paraissait à ce point démesuré que je préférais me contenter de dire simplement "non". Je préférais pleurer la vie que j'avais connue, celle que je n'avais pas su protéger. Dans le fond, comment pourrais-je être une digne mère alors que je n'avais pas été une sœur à la hauteur de la protection de son frère ? Une personne telle que moi n'avait aucun droit sur un petit-être sans défense. D'ailleurs, je n'étais même pas capable de prendre soin de moi, alors d'autrui ? Non vraiment… j'allais être la mère la plus terrible que ce monde ait connue, mieux valait donc s'abstenir.

Tout cela était aussi invraisemblable que d'essayer de croire que tous nos chemins étaient tracés, et en cela je comprenais les réflexions du garçon assis à côté de moi. Main droite jamais bien loin de mon visage, car elle essuyait régulièrement mes larmes endeuillées, j'écoutais la voix d'Eirian pour m'y raccrocher et ne pas me perdre dans l'obscurité de mes pensées. Cependant je ne perdais pas une miette de ce qu'il me disait, et je trouvais même son avis particulièrement intéressant.
Lèvre inférieure pincée par mes dents, nouveau signe de ma réflexion, je tapotais ma joue avec mon index avant de pouffer de rire. Simplement. Cela aurait pu être ma seule réponse, néanmoins je voulais faire part du cheminement de mes pensées au jeune homme.

- Tout cela est vertigineux, n'est-ce pas ? Notre conversation l'est depuis le début, nous allons loin dans les réflexions. Si loin que nous n'aurons jamais les réponses. Et c'était ce qui m'amusait présentement, pourtant je me donnais la peine de continuer ma réflexion. Je pense qu'il existe une telle multitude de possibilités que nous ne pouvons jamais réellement nous tromper de chemin. Je le vois un peu comme une immense voie de chemin de fer aux multitudes de rails. Le tout est de prendre le bon aiguillage, mais cela ne nous empêche pas d'avancer, bien au contraire. Le chemin que nous avons vécu jusqu'alors nous permet de nous trouver là où nous sommes aujourd'hui. Ce n'est donc pas un hasard si nous y sommes. Je posais ma tête à nouveau contre l'appui de mon canapé comme si ce que j'étais en train de dire me donnait mal à la tête (c'était un peu le cas). Ce que je veux simplement dire c'est que… qu'importe les décisions que nous prenons et où nous allons… si nous y sommes, c'est que nous devons le vivre.

D'un regard soutenu et presque énigmatique, je fixais le jeune homme, reflet brillant de malice dans mes prunelles brunes et sombres. Je continuais à en rester convaincue : si j'avais rencontré Eirian dans le parc et s'il était assis sur mon canapé présentement, ce n'était pas un hasard. C'était parce que nous avions l'un et l'autre quelque chose à nous apporter, avec nos raisons respectives et nos propres bagages. Nous étions arrivés à la croisée des chemins, là où le champ du possible s'étendait devant nous. Nous avions une multitude de pages blanches à noircir de notre récit commun, ou alors, nous pouvions aussi faire le choix de toutes les laisser vierges d'histoire. Une histoire sans lendemain comme il était coutume de dire, mais dans le fond qu'importe la suite ? Ce qui comptait c'était l'instant présent, et même s'il ne s'en rendait peut-être pas compte, moi, j'arrivais déjà à percevoir l'utilité de notre rencontre et des très vastes discussions de ce soir.
Paupières clignant tranquillement aux propos qu'ils décidaient de me confier, je prenais le temps de réfléchir à son point de vue concernant l'amour et sa force. Sans doute devait-il être personnellement touché pour tenir de tels propos, tout le moins, de croire à ce point au côté négatif de la chose. Ne s'estimait-il donc pas digne de vivre le grand amour (un peu comme moi) ? Pourtant, je secouais un peu la tête, peu en accord avec ce qu'il venait de dire. Après tout, je restais une idéaliste jusqu'au bout des ongles. Si je pouvais croire en la paix dans le monde à la suite de cette guerre que nous vivions, je pouvais aussi bien croire en l'amour. Après tout n'était-ce pas intimement lié ?

- Je pense que c'est une question d'équilibre Eirian. La balance existe partout. Le bien et le mal, le feu et l'eau, la lumière et l'obscur. L'amour est aussi régi par cette loi pourtant simple. Je pense que nous pouvons être aussi bien élevé que tiré par le bas, mais ce ne sera jamais tout l'un ou tout l'autre, et jamais au point d'atteindre un paroxysme tangible. Si vous tirez par le bas l'autre personne, cette dernière va obligatoirement vous tirer par le haut, et lorsque vous aurez trouvé votre équilibre, alors vous aurez cessé d'osciller. Je haussais les épaules en souriant comme si tout cela était une évidence alors que c'était loin d'être le cas. Dans le fond toutes les relations sont ainsi basées. Nous avons toujours quelque chose à apporter aux autres. Puis je penchais la tête de côté en soupirant avant de continuer. Mais là où je ne peux pas vous donner tort, c'est qu'on ne s'en sent pas toujours capable. Je ne vois pas moi-même ce que je peux apporter à autrui. Je suis réservée, discrète, je fais peu la cuisine et je m'occupe de bestioles aussi nombreuses que variées. Je risque ma vie avec les dragons, et je souhaite ni me marier ni avoir d'enfant. Je suis émotive, jalouse, impulsive et colérique. Je glissais une main dans mes cheveux, riant un peu à ma propre analyse. Je n'ai rien de bon à apporter à quelqu'un qui tomberait amoureux de moi et en plus… Je m'interrompais, hésitante, avant de continuer, paupières fermées en signe de confidence. Et en plus j'ai déjà rencontré mon âme-sœur, que j'ai perdue, et j'ai laissé s'enfuir mon plus grand amour. J'ai brûlé toutes mes cartes, la vie ne peut plus rien pour moi, je pense.

Je ne voulais pas paraître difficile ou avoir l'air de me plaindre, pourtant je pensais vraiment ce que je venais de dire. J'avais déjà la trentaine passée, je n'étais pas certaine que l'amour puisse à nouveau frapper à ma porte comme elle l'avait fait. Eirian, lui, était encore jeune, avec de multiples possibilités dans sa vie, même si ce n'était pas toujours évident à vivre. Voulant paraître rassurante, je lui souriais en le regardant, lui signifiant qu'il allait finir par pouvoir à son tour rendre service à ses proches, tout le moins à ceux qui lui venait en aide. J'ignorais de quel genre d'aide il avait besoin, il semblait être un garçon très débrouillard, mais peut-être l'était-il justement un peu trop. J'espérais profondément pour lui que les jours meilleurs arrivent rapidement, car il semblait épuisé, à bout de force. Évidemment je n'avais aucun droit de le lui dire, mais notre entrevue me l'avait bien fait comprendre. Même si son corps semblait solide (pas comme le mien), son esprit, lui, était si fatigué qu'il en venait à détruire sa structure. En arriver à de tels extrêmes était quelque chose d'effroyablement fort, un appel au secours que personne ne devait ignorer.
A mon échelle, j'essayais de lui venir en aide, et je craignais à chaque instant que ce ne soit pas suffisant. Là à nouveau, la question du possible vint me tirailler. Faisais-je vraiment de mon mieux pour lui ? Pouvais-je faire davantage ? Sûrement que oui, mais ça irait à l'encontre de ce qu'il souhaitait, alors insister, n'était-ce pas proscrit ? Maladroite en société, étant davantage celle que l'on soigne que celle qui prend soin, j'avouais être prise au dépourvu et ne pas savoir comment réagir. Autant pour un animal j'aurai su instinctivement, mais voilà, mon invité était loin d'être une créature, aussi fantastique soit-il.

- La vengeance est un cycle vicieux, de ce que j'ai pu en observer. Je n'en ai jamais été victime, dans tous les sens du terme, heureusement… mais je crains que ce soit ce que le combat que nous menons aujourd'hui puisse malheureusement entraîner. Il y a déjà des gens lésés, dans chaque camp, et qui souhaitent compenser la douleur qu'ils ont subis, qu'importe laquelle est-ce. Je ne peux qu'être d'accord avec vous, nous sommes qui nous sommes, et nos proches et nos familles ne définissent pas en totalité notre identité. Parfois il faut avancer malgré tout, mais je peux comprendre que d'autres soient dépassés par des forces supérieures… peut-être l'orgueil, ou la fierté, je l'ignore. Venant me gratter le bout du nez avec mon index, en signe de nervosité, je me grattais un peu la joue. C'est à se demander si tout ça aura véritablement une fin ou non… mais je crois que ce n'est pas très sain de penser ainsi.

Là, je soupirais un peu tout en admirant Grishkin qui étendait ses ailes devant la cheminée, comme s'il s'étirait. À l'extérieur, je sentais la pluie frapper les carreaux de mes fenêtres et le vent se lever, souffler la chaume avec force et puissance. Pourtant rien ne semblait bouger, maison inébranlable face aux tumultes de ce qui l'entourait. Me resituer dans cette espace et m'en rendre compte calmèrent un peu mes angoisses. Si ma maison pouvait faire face avec autant d'impassibilité, alors j'en étais moi aussi capable. Glissant une main dans mes cheveux, je profitais de ce petit instant de répit pour terminer ma tasse de thé avant de me rouler en boule dans mon canapé, tout en restant assise. Position confortable et rassurante pour moi, je me permettais de fermer les yeux devant le jeune garçon, bien persuadée qu'il n'allait rien oser et tenter à mon encontre. J'étais pleinement en confiance et je le lui montrais, puisqu'après tout, je ne pouvais rien faire d'autre pour lui venir en aide puisqu'il le refusait. Il prétendait savoir comment fonctionnait le système, et il était vrai qu'il donnait l'impression d'être un garçon qui savait passer entre les mailles du filet. Cela devait lui servir, peut-être même souvent, mais il fallait se méfier du retour du bâton, je l'avais appris à mes dépens. Il y avait toujours un équilibre.
Toutefois, il se permettait de réagir à ma manière d'enseigner, et je ne pus m'empêcher de sourire. Rares étaient ceux qui tenaient de tels propos bienveillants à mon encontre, alors je le lui disais avec sincérité, bien que je reste aveugle de par mes paupières closes.

- Merci de me dire cela… ça me donne la sensation d'être un peu moins folle et extravagante. J'ai tout de même des obligations et des exigences à respecter, qui me sont dictées par Poudlard, mais je souhaite que mes élèves puissent y arriver avec le sentiment du devoir accompli, et non parce qu'ils ont été trainés dans la boue. Puis, je remuais un peu des épaules tout en avalant ma salive. Encore une fois, je suis certaine qu'il n'y avait pas de hasard. Mais l'important, c'est de réussir à se relever de ces épreuves. Elles auraient pu être dures et difficiles… si vous vous êtes relevés, alors c'est tout ce que vous devez retenir. Évidemment que vous en porterez les marques, mais c'est pour être d'autant plus fort et préparé à ce qui vous attend.

On en revenait à mon image de voie de chemin de fer, pourtant je décidais ne pas trop insister sur ce point, préférant laisser l'imagination d'Eirian prendre le dessus ainsi que ses propres idées. J'avais moi aussi mes cicatrices de vie qui m'avaient menée là où je me trouvais aujourd'hui, je n'y pouvais rien, et dans le fond, j'étais fière de tout ce qui m'était arrivé. Je ne serais pas la personne que je suis aujourd'hui sans cela, et c'était ce qui comptait le plus. Oui, j'étais fière de la personne que je suis, et je ne veux pas faire machine arrière ou changer quoi que ce soit, parce que je ne voulais pas risquer être quelqu'un d'autre. Tout comme je ne voulais pas que la guerre avec le Blood Circle puisse me changer d'une quelconque façon. Je voulais garder ma gentillesse et ma bienveillance. Je voulais continuer à rester discrète, ne pas être la cible de mes ennemis et même lui venir en aide si j'en avais la possibilité, car tant que je n'étais pas touchée personnellement, je réussissais à rester un être plein d'altruisme (c'était facile dans ces conditions). Je n'étais cependant pas certaine de réussir à garder mon esprit aussi clair si ma famille ou mes proches venaient à être touchés. Après tout, je restais un chien de garde.

Mais voilà le problème était bien là, le cycle de la vengeance, et agir comme ceux qui nous faisaient du mal était contreproductif. Alors que fallait-il faire ? Tendre l'autre joue ? Comment pouvait-on seulement être certain que la cause pour laquelle nous nous battions était véritablement juste ? Dans le fond je comprenais les craintes du Blood Circle, sans aller jusqu'à la haine qu'ils portaient aux sorciers. Je pouvais saisir que nos pouvoirs et notre monde pouvaient à ce point effrayer et inquiéter, et beaucoup de moldus avaient déjà été abusés par la magie, et ce, depuis des siècles. Je ne disais pas que c'était la meilleure façon d'agir, mais il fallait bien protéger notre monde, et c'était sans compter les souvenirs mal effacés, comme Nessie au Loch Ness. Les mains serrées autour de ma tasse, un peu nerveuse, j'hésitais une nouvelle fois avant de prendre la parole.

- Sincèrement, je doute que la douceur ait le temps de faire son office jusque-là… C'est toujours trop tard, la violence a toujours été plus rapide. Je ne pense pas que la situation soit bien différente pour cette fois malheureusement… Penchant à nouveau la tête légèrement de côté j'inspirais profondément. En vrai, je ne vois pas comment nous pourrions nous sortir de ce mauvais pas dans lequel nous sommes fourrés. Les moldus n'accepteront jamais que des sorciers vivent parmi eux. En fait… je ne vois pas comment cela peut s'arranger autrement qu'avec une guerre mondiale.

J'étais grave en prononçant ces mots, malheureusement je les pensais profondément. Je n'étais pas sans savoir que monsieur Potter faisait tout ce qu'il pouvait avec l'Augurey, pour arrondir les angles et essayer d'éviter au maximum les problèmes. Il ne manquerait plus qu'à ce qu'il disparaisse. Après mûre réflexion, Eirian et moi ne voyons personne qui pouvait reprendre son rôle au sein de l'Ordre, et cet homme avait déjà vécu bien trop de conflits dans sa vie. C'était aussi ce qui le rendait redoutable, mais voilà… est-ce que cette guerre n'était pas celle de trop ?
Complètement perdue dans le fil de mes pensées, j'écoutais mon interlocuteur avec beaucoup de distraction, comme si j'étais soudainement inattentive à ses besoins. Ce n'était pas le cas bien évidemment, mais je comprenais bien qu'au-delà qu'il ne veuille pas de mon aide, il ne savait pas comment faire pour s'en sortir. Je saisissais aussi cette profonde envie de tout oublier, ce besoin de ne pas vouloir connaître les détails et de tourner simplement la tête en prétendant qu'on ne voit rien. Toutefois, la situation était comme avoir un caillou dans sa chaussure : il y avait toujours quelque chose qui dérangeait. Tout ce qui était possible c'était de s'arrêter et de faire face. Avec beaucoup de compassion et de bienveillance, je rétorquais comme je le croyais juste, car je ne pouvais décemment pas laisser ce jeune homme s'enliser.

- Je comprends ce sentiment et cette envie. Des fois oublier doit être beaucoup plus simple, pour tout. Bien souvent j'ai songé à m'oublietter moi-même afin de ne plus avoir à souffrir… j'imagine que je ne l'ai pas fait uniquement parce que je manque de courage… mais bon. Je haussais les épaules. Je me dis que tout oublier n'est pas la solution, il y aura toujours un souvenir impérissable. Si notre mémoire ne s'en souvient pas, sûrement que notre corps doit s'en souvenir et y réagir. Tout le moins… c'est sûrement ce qui m'arriverait. J'étais persuadée que mon être agirait contre ma volonté si je devais me retrouver au cimetière face à la tombe de mon frère alors que je n'avais aucun souvenir mémoriel de lui. De cela j'étais certaine, et il en allait de même pour les dragons ou toutes les autres créatures. Il a déjà été prouvé que même en ayant perdu la mémoire, sous condition de stress, le corps commence à agir seul et les réflexes prennent le dessus. C'était un cas observable chez les musiciens. Cette routine imposée pendant de si longues années. Je le toisai du regard un court instant. Et c'est peut-être ce qui vous arrive. Vous n'avez pas à vous excuser d'être confus Eirian, ou peut-être uniquement à vous-même, car c'est à vous que le mal est infligé. Je saisis votre détresse, mais j'ignore comment vous aider, et je ne veux pas non plus vous forcer à quoique ce soit. Vous savez que je peux prêter une oreille attentive et que rien ne sortira d'ici. Je ne sais pas quoi vous offrir d'autre. Je levais les yeux au plafond avant de sourire, un peu amusée. Ah si, un toit, le temps de se réchauffer. Après cette petite tentative de plaisanterie, je me raclais la gorge pour essayer une dernière chose. Avez-vous déjà essayé à Sainte-Mangouste ? Peut-être qu'ils pourraient vous aider, avec vos souvenirs et vos insomnies.

Me concernant, ils m'aidaient grandement, tout comme Phobos. Mais ça, je le taisais soigneusement. Je pouvais parler de mon frère (bien qu'avec difficulté). Je pouvais parler de mes insomnies, de mes crises de rage, de mes peines de cœur, de mes nombreuses blessures. Mais du mal qui m'habitait, ça, c'était irrémédiablement hermétique au monde extérieur. Monsieur Asclépiades savait ce qui se passait tout simplement parce que j'avais besoin de lui à Poudlard, il était le seul spécialiste vers lequel je pouvais me tourner rapidement en cas de crise. Mais Sainte-Mangouste, je la côtoyais régulièrement depuis des années, et quand bien même les divers médicomages que j'avais rencontrés n'avaient jamais pu me soigner, je devais reconnaître leurs impressionnantes compétences. J'avais conscience que tout cela pouvait effrayer Eirian, car se rendre dans un hôpital, c'était se rendre compte au plus profond de soi que nous sommes malades. Mais c'était aussi un premier pas sur le chemin de la guérison, mais ça, ce n'était pas donné à tout le monde d'acquérir une telle volonté. Tout le moins, chacun y allait à son rythme. Le moment sera venu où Eirian pourra faire face à ses démons, j'en restais profondément persuadée, même si lui considérait que le hasard guidait en partie sa vie.

Alors qu'il se tenait à côté de ma bibliothèque et je le regardais discrètement du coin de l'œil. Oui, un jour son heure viendra, et il n'aura plus le choix. Ce sera sûrement douloureux pour lui, mais j'étais certaine qu'il réussirait à franchir les épreuves de sa vie, et qu'il en ressortira plus fort que jamais. Alors, et seulement à cet instant, il pourra vivre sa propre existence comme il l'entendait, et non pas avec des chaînes. Le prix de la liberté avait toujours un certain coût. Me concernant, je payais encore la dette et je n'étais pas certaine de pouvoir m'en acquitter totalement un jour.
Pourtant, je ne lui fis pas par du chemin de mes pensées alors qu'il s'intéressait maintenant à mes divers projets professionnels. Souriante en le voyant soudainement un peu plus éveillé, entrain traduit par son envie d'apprendre. Un vrai Serdaigle.

- C'est sans doute le projet de ma vie. Devoir confronter mes ancêtres avec mes propres idées. Mais je ne peux pas avancer uniquement de la théorie, je dois la mettre en pratique, et cela demande beaucoup de sujets d'étude, beaucoup d'années. Les dragons malheureusement ne grandissent pas très vite, étudier un dragonnet jusqu'à l'âge adulte peut prendre une dizaine d'années. Alors, imaginez assez de sujets pour pouvoir étayer mes théories. Je ricanais. Je crois même que je ne parviendrais jamais à bout de ce projet… mais au moins, je ne m'ennuierais jamais vraiment.

J'étais fascinée par ce que je faisais et ce que je disais. Cela se voyait et se ressentait. Mon regard était soudainement plus vif, mon corps s'était redressé, comme à nouveau rempli d'énergie, la lassitude semblait avoir légué sa place. Les dragons c'était toute ma vie, et me retirer ça c'était me condamner à la nuit.
La mort de mon frère m'avait cependant déjà poussé à moitié dans la tombe, tout le moins, c'était ainsi que je le comprenais. Une nouvelle vague de tristesse et d'émotions vint saisir mon cœur et je me permettais d'en expliquer les tenant et aboutissant à mon invité. Inutile de garder cela secret, même s'il m'était inutile de m'étendre sur le sujet, cela serait inutile. Grishkin qui était toujours devant le feu de cheminée battit des ailes, comme s'il les avait fait chauffer à la chaleur des flammes. Il reprit ensuite son envol pour aller se reposer sur son perchoir, celui qui avait une coupole pour récupérer ses cendres juste sous la barre lui permettant de se poser.
La sollicitude du jeune homme me toucha droit au cœur. Pas besoin de grand discours, cela ne fera pas revenir mon frère, mais lorsqu'il revint vers moi, comme s'il essayait de me soutenir, je sentis ma poitrine se soulever, comme soulagée. Il était là, à mes côtés, et en réalité, c'était tout ce qui comptait. Essayant d'étouffer au maximum mes sanglots, je l'écoutais et mis plusieurs minutes à parvenir à lui répondre.

- Oui… on m'a souvent dit cela… mais j'ai du mal à saisir le fait qu'il puisse à la fois encore vivre en moi, même de manière symbolique… et laisser à ce point un vide si grand. N'est-ce pas… paradoxal ?

D'un revers de la manche, j'essuyais mes joues mouillées avant de refermer les yeux. Me plonger dans le noir avec la présence d'Eirian avait le bénéfice de me calmer plus rapidement. D'ordinaire seule, j'aurai évité pour ne pas être assaillie de cauchemars.  Poser des mots sur mes interrogations et mes douleurs, pouvoir les partager, cela ne pouvait être que bénéfique. Et je le devais au jeune homme assis à côté de moi. En le fixant dans les yeux, je lui souriais avec tendresse.

- Merci Eirian.


Never Ending Circles
ANAPHORE


Il arrive que nous trouvions de l'aide là où on ne s'y attend pas [Eirian] - Page 2 CBY7jAc
Il arrive que nous trouvions de l'aide là où on ne s'y attend pas [Eirian] - Page 2 Banniz10

Revelio:

Revenir en haut Aller en bas
Eirian Howl
Eirian Howl
Serdaigle OP
INRP
Métier : 3e année de Protection magique (spé Auror)
Messages : 5388
Gallions : 8613
Date d'inscription : 30/07/2020
IRL

Lumos
Je rp en : #00ccff
Mon allégeance : Ordre du Phénix
Lun 10 Mai - 20:50
Il arrive que nous trouvions de l'aide là où on ne s'y attend pas
« juillet 2020 »
La conversation entre Abigail et toi est en quelque sorte l’exemple de ce que tu voudrais pour les mondes sorcier et moldu. Il y a des différences, bien sûr, mais vous essayez de vous comprendre. Et dans le fond, vous vous retrouvez sur l’essentiel. Il en va de même pour les moldus et les sorciers. Seule la magie les différencie réellement. Le reste… la majorité des gens ne veut que vivre en paix, étudier, gagner sa vie, suivre ses rêves, ses objectifs, fonder une famille ou pas, bref, mener une existence paisible et normale. Mais une poignée de fanatiques de part et d’autre vient tout ruiner et s’acharne à détruire toute compréhension. Tu n’es pas naïf, tu sais que ça demande du temps et des efforts. Toi qui as grandi entre les deux, tu te sens partagé, sans savoir réellement où est ta place – ni même si tu en as une. Mais d’autres nés-moldus s’en sortent bien mieux, parce qu’ils n’ont pas subi l’influence du Blood Circle dans leur enfance, n’ont pas cru qu’ils étaient des monstres à abattre. Accepter leur identité de sorcier n’a pas dû être simple, mais ils avaient peut-être moins de chemin à parcourir. Tu as dû déconstruire tellement de choses alors… Non, tu n’allais pas faire du mal à tout le monde ; non, tu n’allais pas devenir une créature monstrueuse, parce que c’était ce que tu avais construit dans ton imaginaire d’enfant : vu ce qu’on t’en disait, les sorciers ne pouvaient qu’être des êtres affreux, qui se cachaient derrière une apparence humaine. Tu as lutté contre tes pouvoirs pendant des mois, terrifié à l’idée de ce qui pourrait advenir si tu perdais le contrôle, terrifié aussi qu’il ne t’échappe dans ton sommeil. Ce n’est que bien plus tard que tu as compris que ça aurait pu arriver, que cette forme noire qui grandissait en toi aurait pu te tuer en s’en prenant aux gens autour de toi. Mais ta mère a réussi à apaiser tes craintes, à te faire comprendre que non, tu restais un petit garçon comme un autre. Et tu es arrivé à Poudlard bien décidé à tout saisir de ce monde inconnu, de son fonctionnement… Tu as comblé tes lacunes au fil du temps, fasciné, tout en regrettant que les peurs et les erreurs du passé aient coupé les liens entre les deux mondes.

Pour toi, la compréhension passe par la connaissance. Logique que l’inconnu effraie au premier abord, qu’on le perçoive comme une menace parce qu’il amène une vision du monde différente, des pensées et des technologies autres. Mais une fois qu’on s’est familiarisé avec cela, qu’on entre dans son univers… la peur s’éloigne. L’histoire de l’humanité est peuplée de ces incompréhensions qui ont débouché sur des guerres. Évidemment, il ne s’agirait pas de demander aux sorciers de se mettre à utiliser la technologie moldue, ce serait idiot, mais au moins qu’ils la connaissent ainsi que ses multiples usages. Que les deux cultures cohabitent en bonne entente. Pourquoi un sorcier ne pourrait-il pas utiliser un téléphone portable, pourquoi un moldu ne pourrait-il pas transplaner avec son voisin sorcier ?
Tu t’excuses pour tes propos, Abigail souligne que sa famille comporte des nés-moldus mais qu’elle n’a pas vraiment eu l’occasion de les fréquenter. À Poudlard, tu as eu l’occasion de constater à quel point le carcan de la société sorcière pouvait être lourd, à quel point les familles les plus traditionnelles refusaient le moindre contact avec tout ce qui provient du monde moldu. Comment est-ce de vivre sans magie… ce n’est pas le plus simple à expliquer, il y a tellement de concepts différents. Et qui de loin pourraient ressembler à de la magie. Tu te revois expliquant à Helios Carrow le fonctionnement d’un téléphone portable, mêlant hibou, appel par cheminée et Gazette du Sorcier en un seul appareil.

— Je comprends que ce soit difficile à imaginer… En dehors de Poudlard, j’ignore ce que ça fait de vivre dans une maison où tout fonctionne avec la magie. Mais il y a des points communs, comme les cheminées pour se chauffer par exemple, même si les moldus ont développé d’autres méthodes avec l’électricité. Ils ont compensé en bonne partie l’absence de magie. On ne peut pas transplaner, mais il y a des véhicules à la place – c’est plus long. En revanche, les communications sont beaucoup plus rapides, instantanées, contrairement aux hiboux. C’est une autre façon de vivre, différente, mais elle n’est pas mieux ou moins bien qu’avec la magie. Ce sont juste… deux technologies et deux sources d’énergie différentes. La magie d’un côté, l’électricité de l’autre, en gros. Ce sont des réflexes différents aussi, on appuie sur un bouton pour allumer la lumière, par exemple, au lieu de lancer un sortilège, ça ne demande pas plus d’énergie… Il y a des machines pour laver la vaisselle, au lieu d’utiliser la magie… Ici, vous pourriez avoir des appareils qui vous fourniraient de l’électricité pour en faire fonctionner d’autres, par exemple. L’été, ça me demande toujours un petit temps d’adaptation après des mois à utiliser la magie, mais en soi, cuisiner au-dessus d’un feu ou sur une cuisinière, il n’y a pas de grande différence, il n’y a pas de manque ou de… perte de confort, si je puis dire.

Tu as l’impression de ne pas réussir à trouver les bons mots, ni de répondre à sa question. C’est tellement… naturel en un sens, toutes ces technologiques avec lesquelles tu as grandi, à côté desquelles le monde sorcier garde un côté un peu ancien, presque arrêté dans un autre siècle. La découverte de Poudlard a aussi été un choc dans ce sens-là, les deux mondes ont leurs avantages et leurs inconvénients.
Tu hoches la tête aux propos d’Abigail. Oui, les humains n’ont pas l’apanage de la guerre et des conflits – c’est presque heureux, en un sens. Les cours d’histoire de la magie te restent en tête, avec les guerres gobelines, les géants aussi… Les relations n’ont pas toujours été paisibles avec les centaures non plus. En bref, on dirait qu’au-delà d’un certain niveau d’intelligence, l’intelligence qui permet de manier des concepts abstraits et d’anticiper le futur, la guerre semble faire partie des invariants.

— Non, je ne crois pas que ce soit propre à l’homme, les conflits entre d’autres espèces et nous le montrent bien. Je crois que les animaux ne se font pas la guerre, comme nous la faisons, avec toute la hargne qu’on peut y mettre. Et je suis bien d’accord pour l’intelligence. On peut faire des merveilles avec… et tout gâcher ensuite avec nos comportements, comme s’il nous en fallait toujours plus. On a du mal à se contenter de ce qu’on a, on regarde toujours à côté, avec la crainte que l’autre ait davantage ou mieux. Un vrai cadeau empoisonné, comme vous dites. Et le pire, c’est qu’on en a conscience et qu’on s’acharne à reproduire les mêmes erreurs.

Tu partages entièrement son avis sur les histoires, ces condensés d’humanité à tes yeux. Il y a tout dedans et tu trouves fascinant que des récits écrits des millénaires plus tôt vous soient parvenus, en une chaîne de transmission ininterrompue, de récit oral en récit oral, de copie en copie. C’est si facile aujourd’hui, mais tu n’imagines pas le travail que cela représentait à l’époque pour conserver les textes et les diffuser. Des milliers de choses ont été perdues, bien sûr, au fil des siècles, des incendies et des conflits, mais tu admires ce qui a pu être préservé.

— Oui, elles apportent énormément, qu’on partage leur message ou pas. Et j’espère que nous pourrons continuer de transmettre tout cela longtemps encore. Que notre époque versera sa propre part à l’histoire de l’humanité, même si on ne peut pas savoir à l’avance ce qui sera retenu et comment nous serons perçus par le futur. C’est fascinant, c’est le mot, toute cette histoire des pensées, des idées, des croyances qui passe de génération en génération depuis des millénaires. Et tout cela continue de nous faire rêver et réfléchir aussi longtemps après.

Les romans et films moldus de science-fiction mettent bien en avant le principe de la machine à remonter le temps, des époques qu’on voudrait explorer pour les comparer à ce qu’on en sait et ce qu’on en comprend, à quel point le temps et les écrits ont déformé la vérité. Avec le danger inhérent à ces voyages : n’importe qui pourrait réécrire l’histoire. Ce serait terrifiant. Les recherches sorcières sur le sujet ne le permettent pas – c’est déjà bien assez dangereux de remonter le temps sur quelques heures, il y a déjà tant de risques, alors sur des années et des siècles, tu n’imagines même pas. C’est comme la théorie du battement d’aile des papillons : un geste infime pourrait modifier à jamais l’histoire du monde.
Les sorciers ont une longévité plus importante que celle des moldus, ils assistent à davantage de choses mais au-delà d’exceptions notables, ils ne traversent pas les pages de l’histoire. Tu ne sais même pas si tu seras encore en vie dans deux mois, alors t’imaginer vivre des siècles, c’est inconcevable. Et tu n’en as pas vraiment envie de toute façon. Voir partir tes proches, tes amis, alors que tu continuerais à exister… Sans parler du fait qu’il faut arriver à garder des projets, des envies, tout ce qui fait se sentir vivant, pour ne pas simplement se contenter de se laisser exister.

Cette soirée est placée sous le signe des hauts sujets : après l’histoire et les religions, l’amour. Un sentiment qui a toujours été ambigu pour toi, parce qu’autant tu crois qu’il peut exister des amours éternelles, inaltérables, qui dépassent tout, autant… il peut aussi commettre des ravages, que ce soit en trop-plein ou en pas assez. Tu as eu les deux, ta mère qui a tout sacrifié pour te sauver et pour qui tu te demandes régulièrement si elle n’aurait pas été plus heureuse en laissant le Blood Circle se charger de toi. Tu ne pourras jamais lui rendre tout ce que tu lui dois – et tu n’es pas à la hauteur de tout ce qu’elle a fait pour toi. Elle t’a fait jurer de ne pas te jeter dans la gueule du loup s’il lui arrivait quelque chose. Promesse la plus dure à tenir de toutes celles qu’elle t’a fait faire, de toutes les règles qui ont régi ta vie depuis que vous avez plongé dans la clandestinité. Peut-être que tu aurais dû faire quelque chose ce jour-là, même si tu n’étais pas majeur, même si tu ne pouvais pas transplaner. Peut-être que tu aurais dû tenter quand même au lieu de lui obéir et d’essayer de survivre dans les rues de Londres. Tu serais peut-être mort. Tu aurais peut-être réussi. Tu ne le sauras jamais. Tu serais prêt à faire n’importe quoi pour elle pourtant. À te sacrifier comme elle l’a fait pour toi. Tu ne peux qu’espérer arriver à la retrouver, la mettre en sécurité, quelque part où ton père ne l’atteindra plus. Quant à lui… la façon dont il s’est retourné contre toi a laissé une marque indélébile, une déchirure que tu n’as pas su combler. L’idée que savoir la vérité à ton sujet détruirait toute ta vie, de façon irrémédiable. Même ton propre père n’a pas été capable de t’aimer pour ce que tu es. Alors, qui d’autre, en dehors de ta mère ? Il veut te voir mort – ou te faire payer ces treize ans de fuite et d’humiliation au préalable. Et ton frère ne doit pas être loin de partager les mêmes idées – c’est normal, c’est ta faute s’il a perdu sa mère alors qu’il n’était qu’un enfant, si votre famille a explosé.

Alors, l’amour reste un sentiment compliqué. Autant tu aimes le voir fleurir et s’épanouir chez les autres, autant ça donne foi en l’humanité… autant tu te fais l’effet d’être une terre aride et desséchée à côté de tout ce que les autres peuvent offrir. Tu n’arrives même pas à te gérer toi-même, alors construire quelque chose avec quelqu’un ?
Tu as du mal à croire au destin tout tracé, tu préfères laisser une grande part au hasard – même si tu ne sais pas vraiment lequel des deux est le plus supportable. Penser que tout est écrit, que tu n’aurais jamais pu échapper à ce qui est arrivé, que c’est inéluctable ? ça te donne l’impression d’être prisonnier d’une volonté autre que la tienne, de n’être qu’un pantin entre des mains qui te manipulent à leur guise, te font ce qu’elles veulent – et l’idée te rend malade. Ou croire que c’était des coups de malchance, que c’était la rencontre de tes erreurs et de tes imprudences avec les plans et les objectifs d’autres personnes ? Est-ce que ça rend les choses plus simples ? Tu aurais pu prendre d’autres embranchements. Ne jamais vivre certaines soirées. Est-ce que te dire que tu es en partie responsable de ton propre malheur t’aide ? Compliqué. Tu n’es pas sûr d’avoir la réponse. Comme à la moitié de cette conversation ainsi que le souligne Abigail, et ça te fait sourire. Oui, vous ne vous facilitez pas la vie en agitant des sujets qui préoccupent l’humanité depuis ses débuts ou presque. Elle rit malgré ses larmes. Vertigineux, c’est le mot, tu hoches la tête.

— Oui, il y a des sujets où il est impossible d’apporter des réponses définitives… et ce n’est pas plus mal, ça laisse une grande part de liberté.

Bon, parfois, tu ne serais pas contre un mode d’emploi détaillé, un guide à suivre pour savoir comment réagir en toute circonstance, mais tu aimes aussi ce libre-arbitre, cette possibilité d’agir comme on l’entend.

— J’aime bien l’image du chemin de fer et de ses multiples aiguillages. Il y a le chemin que nous essayons de tracer… et ce qui advient, qui peut faire une sérieuse déviation. Je pense quand même qu’il y a des impasses… Mais les possibles sont bien plus nombreux qu’elles.

Est-ce qu’il peut y avoir des impasses complètes, des voies sans retour, ça… tu ne sais pas. Après tout, cette soirée n’est-elle pas une déviation qui est apparue alors que tu semblais justement être dans un passage sans issue ? Est-ce que la proposition d’Abigail ne t’a pas tiré d’une soirée qui aurait pu être bien pire ? Est-ce que chaque impasse a son petit chemin de traverse, cet embranchement qui amène vers des rails plus paisibles ?

— Je ne sais pas, mais je suis heureux de l’aiguillage d’aujourd’hui.

Tu espères seulement ne pas trop noircir sa soirée avec tes propos plutôt défaitistes sur l’amour.

— J’aimerais croire à cet équilibre. Je ne veux pas dire que je ferais forcément… chuter la personne qui serait avec moi, mais je refuse de lui imposer un effort beaucoup trop important parce que je ne sais pas… gérer. Il y a juste des moments où le décalage est un peu trop grand pour que ça en vaille la peine et ça ne sert à rien de s’épuiser pour un résultat médiocre au mieux.

D’épuiser l’autre, surtout. Tu es bien d’accord sur le fait que chacun doit apporter quelque chose au couple, peu importe ce que c’est. Mais être avec toi exigerait bien trop de concessions et d’efforts. Les paroles d’Abigail te font redresser la tête. Tu ne t’attendais pas vraiment à ça de sa part. Enfin, qu’elle se juge sans concession, oui, mais pas… aussi mal. Rien de bon à apporter… bien sûr que si ! Qu’elle ne se sente pas capable, c’est une chose, tu ne fais guère mieux de ce côté-là, mais le reste… ce ne sont pas des problèmes. Ou la personne en face est une abrutie. Tu te penches vers elle, décidé.

— Vous avez plein de choses à apporter à autrui. D’accord, vous avez des défauts, mais tout le monde en a. Le mariage, les enfants… ce sont des à-côtés, c’est essentiel pour certaines personnes, mais ce n’est pas une obligation universelle. L’important, c’est de trouver quelqu’un sur la même longueur d’onde, il n’y a pas un seul type de bonheur, une liste à cocher… Il « faut juste » – tu mimes les guillemets avec tes doigts – trouver quelqu’un qui correspond à votre idée. Vous jouez très bien de la guitare, vous êtes ouverte aux gens, vous savez les accueillir et les écouter, je ne parle même pas de tous les sujets qu’on aborde depuis le début…

Tu as vaguement conscience qu’elle pourrait te renvoyer une partie des arguments – quoique tu n’aies pas vraiment déployé de qualités jusque-là. Tu ne connais pas sa situation amoureuse, tu ne sais pas si ce grand amour est rattrapable ou pas.

— Je ne pense pas que vous ayez brûlé toutes vos cartes malgré ce que vous avez perdu. Il y a sans doute d’autres aiguillages qui vous attendent. Je ne suis pas forcément pour l’optimisme forcené, mais… je ne crois pas non plus qu’il faille fermer toutes les portes trop tôt. Pardon, c’est très… intrusif, ce que je vous dis, mais je le pense.

Elle est jeune, elle a des passions, de la famille… autant d’éléments qui peuvent aider à tenir debout en attendant des jours meilleurs ou une éclaircie à tout le moins. Après tout, même les plus noirs nuages sont censés avoir leur frange d’or. Mais… c’est peut-être plus facile de la voir chez les autres que chez soi. Tu as certes des lueurs ici et là, Carl, Robin, tes amis, mais elles sont fragiles et vacillantes, parce que tout cela repose sur un équilibre plus qu’instable, sur ta capacité à jongler entre tes mensonges. Même Carl et Robin ne savent rien de tes réelles conditions de vie, tu as toujours fait en sorte d’éluder le sujet. C’est… plus simple. Pas d’inquiétude, pas de questions que tu ne peux pas gérer. Pas de pitié non plus. Tu veux juste profiter de vos retrouvailles.
Même si quelque chose en toi appelle désespérément une occasion de s’épancher, de relâcher toute cette tension qui t’épuise. Mais si tu craques, tu ne te relèveras pas, tu ne tiens que par les barrières construites jour après jour et qui tiennent à distance tout ce que tu n’es pas capable d’endurer. Elles sont fragiles, tremblent sous l’épuisement qui ne te lâche pas. Si seulement tu pouvais dormir sans te soucier de rien, fermer les yeux et te réveiller dans une semaine, voire deux, sombrer complètement. Tout oublier. Tu aimerais redevenir le petit garçon qui pouvait se réfugier dans les bras de sa mère, déposer une partie de ton fardeau quelque part avant de t’effondrer. Mais tu ne peux pas. Tu te replies, bras croisés, comme pour tenter de te protéger de l’extérieur, comme pour tenter de rester en un seul morceau aussi.

De nouveau, tu es pleinement d’accord sur le cercle vicieux de la vengeance.

— Je comprends bien que la douleur puisse l’emporter, qu’on cherche à compenser la perte subie. Et la vengeance peut apparaître plus simple, parce qu’elle donne un but, quelque chose à quoi se raccrocher, parce qu’elle donne l’impression qu’on agit, au lieu d’attendre que la justice se fasse… si jamais elle se fait un jour. J’espère que tout cela se terminera et que les deux mondes arriveront à cohabiter.


Impossible de revenir sur le secret sorcier maintenant. Mais cela ressemble plus à un rêve qu’à une réelle espérance. Est-ce qu’un traité de paix pourrait encore suffire à calmer les choses ? Est-ce que ce n’est pas déjà allé trop loin ?
La météo est à l’aune de tes pensées, grise et pluvieuse, mais cela renforce d’autant plus le sentiment de sécurité et de confort à l’intérieur de la maison. Rien ne semble la faire bouger, et c’est rassurant. Tu te sens à l’abri. C’est la première fois que tu baisses un peu ta garde depuis Poudlard, peut-être même davantage que là-bas, parce que vous n’êtes que deux, il n’y a pas tous les mouvements et les bruits du dortoir.
Abigail se pelotonne plus confortablement dans le canapé, tu n’oses pas l’imiter, mais tu es bien déjà, reculé autant que possible, comme si tu pouvais rentrer dans le dossier. Tu profites de retrouver un peu de confort, loin des parquets poussiéreux ou des sols bétonnés où tu atterris d’ordinaire. Tu as reposé ton verre pour éviter de le renverser ou de le faire tomber par mégarde, le temps de retrouver le contrôle de tes émotions. Elle a fermé les yeux, tu espères ne pas la fatiguer davantage avec la discussion.
Tu complimentes sa façon d’enseigner ; enfoncer les élèves n’aide en rien.

— Faire en sorte que ses élèves s’en sortent au mieux, ce n’est ni fou ni extravagant.

Quant à ce que tu as traversé…

— En vérité, je ne suis pas sûr de m’en être relevé. Et je ne suis pas sûr non plus d’y arriver, ni d’en sortir plus fort. C’est même le contraire.

Ta phrase se termine presque dans un murmure. Ça aussi, ça fait partie des choses dont tu n’as jamais vraiment parlé. Ça fait trois ans que tu fais semblant d’aller bien. Peut-être même depuis plus longtemps, si tu es vraiment honnête avec toi-même. Et si ça doit te préparer à autre chose… tu aurais préféré ne pas l’être. Est-ce que ces embranchements-là étaient nécessaires ? Pour quel but ? On t’a pratiquement pris tout ce que tu avais, ta maison, ta famille, ton corps, ton esprit. Pourquoi ? Est-ce qu’il y a vraiment une réponse ?
Tu t’accroches au peu qu’il te reste, à ce que tu es encore au fond de toi – même si tes certitudes vacillent de plus en plus, même si tu ne sais plus vraiment faire la part des choses au milieu des tourbillons qui te secouent. Tu fais ce que tu peux pour la paix, pour aider à la mesure de tes moyens, parce que tu y crois, mais aussi parce que tu as besoin de la protection de l’Ordre, besoin qu’on assure tes arrières et de ne pas attirer les soupçons. Parce que c’est aussi une façon de compenser les atrocités commises par les tiens – tu n’y es pour rien, mais tu ne peux pas t’empêcher de culpabiliser à ce sujet, en ayant conscience également que ça te retombera dessus si jamais tes secrets fuitent. Traître, tu ne seras plus que cela aux yeux des sorciers. Et rien de ce que tu auras fait ne te sauvera.

Tu comprends d’une certaine façon la haine qui monte, les peurs des moldus et celles des sorciers, chacun redoutant ce que l’autre est capable de lui infliger. Les armes anti-magie du Blood Circle deviennent de plus en plus redoutables et tu redoutes le jour où ils parviendront à retirer pour de bon la magie aux sorciers – est-ce que le processus serait réversible ? Est-ce qu’il serait possible d’injecter de la magie aux moldus ? Les perspectives sont terrifiantes. Entre les Blood Circle qui n’hésitent pas à tuer et torturer pour leurs expériences, les Mangemorts qui s’en prennent impunément aux moldus et aux nés-moldus, les victimes qui n’osent pas parler pour ne pas mettre l’alliance en péril… la situation est inextricable – et tu t’inclus dans le lot. Même sans parler de Towsen, il y a bien eu ce mangemort qui t’a mis la main dessus en avril dans le seul but de te faire payer ton sang. Et tu n’as rien dit, pas plus que Raphaël, pas plus que Nymphéa. Pour protéger l’union sorcière, ne pas amener de désaccord, ne pas fragiliser vos forces. Est-ce que le monde sorcier vaut ce prix-là ? Et comment s’étonner ensuite que les raisonnables ne soient pas entendus alors que les fanatiques font tout ce qui leur chante sans craindre de représailles ? Pourtant, en parler ne ferait que t’attirer des ennuis supplémentaires, attirer l’attention sur toi. Le silence a toujours été ta seule solution, ton moyen de survie, même si parfois cela t’énerve. De toute façon, qu’est-ce que ta parole vaudrait face à celles de mages noirs qui ont des appuis et des soutiens dans toute la société, qui possèdent des coffres d’or et une influence que tu n’auras jamais ? Tu as beau croire en la justice, tu as conscience que le jeu est faussé dès le départ. Tu n’es rien ni personne.
Abigail a raison de nouveau, la violence ne se rattrape pas. Tu es moins d’accord pour la suite.

— Malheureusement, on se souvient bien mieux de ce qui nous a fait du mal que de ce qui nous a fait du bien. Par contre, je n’en suis pas si sûr pour les moldus, la majorité des parents de nés-moldus et leurs familles acceptent leurs pouvoirs. Je… j’imagine que ça peut être… plus facile en un sens quand il s’agit de son propre enfant, même s’il y a des exceptions. Il y a beaucoup de couples mixtes, moldu et sorcier… ce n’est pas impossible. Il y a des efforts à faire des deux côtés, bien sûr… mais j’espère qu’il n’y aura pas besoin d’une guerre totale pour cela.

Les moldus et les sorciers feraient cependant bien de s’inspirer de la Deuxième Guerre mondiale pour s’entendre avant qu’il ne soit trop tard, calmer les velléités génocidaires de part et d’autres. L’Europe a bien réussi à construire son unité ensuite – et qui aurait cru que l’Allemagne et la France s’entendraient si bien après presque quatre-vingts ans de guerre, dont deux mondiales ?

Tu recules devant la main tendue d’Abigail, incapable de l’attraper vraiment. Les larmes coulent, tandis que l’angoisse revient. Tu pourrais peut-être lui dire quelque chose, parler du mangemort, par exemple, ça ne prêterait pas forcément à beaucoup de conséquences, expliquer sa haine et sa violence… ou ton emprisonnement par le Blood Circle, presque un an plus tôt, ça pourrait justifier aussi une partie de ton état, sans évoquer évidemment ta peur qu’on te reconnaisse, mais tu n’as pas envie de te faire réconforter pour des événements qui ne sont pas le fond du problème. Tout sonnera faux. Et tu ne veux pas jouer, pas ici, pas maintenant. Alors, le silence, encore, comme seule solution.
Elle aussi aimerait oublier ce qu’elle traverse, mais tu comprends ses arguments. Le sortilège d’amnésie ne fonctionne que sur l’esprit, pas le corps. Est-ce que ça te débarrasserait vraiment de tes problèmes, vu à quel point ton corps réagit encore maintenant ? Est-ce que tu pourrais vraiment oublier de quoi ont été faites ces trois dernières années, les… reconstituer différemment pour qu’elles n’aient pas l’air si affreuses ? L’idée te met profondément mal à l’aise. Laisser quelqu’un remodeler ton esprit… Un frisson te traverse, tu as mal au cœur. Non, jamais. Tu réponds d’une voix blanche :

— Je ne pense pas que le corps pourrait tout oublier. J’imagine que ça doit laisser un… une sorte de vide inexplicable, comme si on essayait d’attraper quelque chose qui s’éloignerait à chaque fois ? Ce n’est pas une solution viable, mais… ça doit soulager sur le moment. D’avoir juste… la tête vide et plus rien qui pèse.


Tu tritures tes manches. D’une certaine façon, c’est déjà ce que tu fais. La douleur physique pour oublier celle dans ta tête. L’amnésie est plus radicale, on doit perdre des bouts de soi en route. Est-ce que tu pourrais redevenir celui que tu étais avant ? Non. Ton corps ne te laisserait pas oublier.
Abigail ne sait plus comment t’aider – et toi non plus, tu ne sais pas ce que tu veux. Tu t’essuies les yeux d’un revers de manche. Rien ne sortira d’ici… tu n’y crois pas vraiment. Elle est enseignante, alors certes vous n’êtes pas à Poudlard et tu es majeur depuis longtemps, mais est-ce qu’elle pourrait vraiment garder pour elle ce que tu lui dirais ? Est-ce qu’elle ne serait pas obligée d’en parler ? Ou au contraire, si elle te disait que ça ne servait à rien de faire tout ce cinéma pour ça ? Et dans le cas où elle te croirait, tu ne veux pas que son regard sur toi change.

Un sourire t’échappe. Un toit, oui, c’est déjà énorme. Ton regard balaie la pièce, le cocon chaleureux qu’elle t’offre. Tu pourrais rester blotti des heures dans ce canapé, au chaud. Tu refuses de noircir cet endroit avec tes histoires.
Un bref sursaut t’échappe lorsqu’elle mentionne Sainte Mangouste, tu secoues la tête avec énergie. Te retrouver dans ces salles blanches d’hôpital, face à un médicomage… l’idée te révulse et te glace. Non. Ce serait encore pire, ils ne te lâcheraient pas, surtout après avoir vu tes bras. Et tu te souviens de l’infirmière de Poudlard, celle qui t’avait forcé à aller chez le psychomage en menaçant de contacter tes parents si tu ne t’y pliais pas… Tu as cédé évidemment, mais dès qu’il a commencé à parler de légilimancie pour aider dans sa pratique, tu t’es fermé. Tu as pris sur toi pour aller au bout de l’heure, ta baguette à portée de main, prêt à contrer ou esquiver le moindre sortilège, et tu n’y as plus jamais remis les pieds. Tu plonges ton visage dans tes mains pendant quelques secondes avant de te reprendre avec effort, même si rien ne dissimulera ton état pathétique.

— Non. Je ne tiens pas à aller à Sainte-Mangouste. Et vous savez… votre toit, c’est déjà beaucoup pour moi. Tout ce que je vous dis depuis tout à l’heure, et pourtant ce n’est pas grand-chose, je n’en ai jamais parlé à personne. Je n’y arrive pas, je n’ai pas non plus envie de l’imposer à quelqu’un d’autre. Et je ne veux pas… salir tous nos échanges en évoquant certaines choses, mais l’évoquer juste comme ça, et pleurer un peu, ça… soulage.


Et c’est douloureux aussi.

La bibliothèque t’offre un prétexte pour te changer les idées et Abigail t’explique son projet. Tu n’as  tout à fait l’âme d’un chercheur, mais tu t’intéresses à beaucoup de choses.

— En effet, ce projet peut occuper votre vie entière ! J’imagine que c’est passionnant de les suivre sur des années, les voir grandir, évoluer… Même si vous n’allez pas au bout, vous aurez posé de nouveaux jalons pour la suite.

Ce ne sont pas les mêmes sensations que fouiller dans des grimoires poussiéreux, même si les deux sont utiles. Tu ne manques pas le changement chez elle, l’animation nouvelle qui la traverse, comme si elle reprenait vie.
Son enthousiasme laisse cependant rapidement la place à son chagrin. Tu te rapproches d’elle pour la soutenir, désemparé, sans savoir vraiment quoi faire. Elle lutte pour se reprendre, tu restes à ses côtés, lui laisses le temps nécessaire. Ce serait peut-être moins bizarre si tu pouvais poser une main sur son bras ou son épaule pour la réconforter, mais tu ne parviens pas à t’y résoudre. Tu aimerais pouvoir la consoler. Mais aucun mot ne ramènera jamais son frère.

— Oui, c’est paradoxal. Je crois que c’est… parce qu’on se concentre sur le manque physique, sur l’absence, sur ce qui a été et ce qui aurait pu être, un peu comme si on était bloqué dans le passé, au lieu de faire pousser et fructifier tout ce que la personne a semé en nous. Je pense… que c’est de cette façon que votre frère vit encore.

Il ne s’agit évidemment pas de vivre à la place de l’autre, mais d’avancer à partir de tout ce qui a été partagé, de toute la richesse qu’il peut exister entre un frère et une sœur – tu n’es pas sûr de tes mots, cette peine-là, tu ne la connais pas – tu refuses l’idée que ta mère puisse ne plus être de ce monde. Tu le saurais, forcément, si elle n’était plus là.
Abigail te sourit en te remerciant, tu lui souris à ton tour.

— Si cela vous soulage d’en parler… je suis là.



Game of Blood  Ϟ Tous droits réservés


Il arrive que nous trouvions de l'aide là où on ne s'y attend pas [Eirian] - Page 2 21013008104866668 Il arrive que nous trouvions de l'aide là où on ne s'y attend pas [Eirian] - Page 2 M-daille-Eirian

Spoiler:





   
On the run,
falling to the depths

Do you know what it's like when
You wish you were someone else
Who didn't need your help to get by ?
Do you know what it's like
To wanna surrender ?
Revenir en haut Aller en bas
Abigail MacFusty
Abigail MacFusty
Sorcier OP
INRP
Métier : Professeur de Soins aux Créatures Magiques & directrice de la maison Poufsouffle
Messages : 5482
Gallions : 4176
Date d'inscription : 27/11/2020
IRL

Lumos
Je rp en : #cc3333 & lightgrey
Mon allégeance : Ordre du Phénix
Jeu 13 Mai - 15:06
Au fur et à mesure de la conversation, je me rendais compte de la chance que j'avais eu d'être née à mon époque. Sans être une vieille mémé, j'étais tout de même dans la force de l'âge, née à l'époque du retour de Lord Voldemort, j'avais vu ma famille, mon père, participer à la bataille qui avait fait rage contre les Mangemorts. J'avais été trop jeune pour y prendre part, mais pas assez pour ne pas m'en souvenir clairement. Cette époque avait été sombre, rude et difficile, et voilà que maintenant je me devais de vivre un nouveau conflit. Peut-être étais-je aussi un peu maudite, comme ces gens qui ont été obligés d'assister aux deux guerres mondiales que la planète ait connues.
Ne pouvait-on pas vivre simplement ? Librement ? Cela dit, la guerre qui avait opposé le monde magique à Lord Voldemort et les batailles d'aujourd'hui ne se ressemblaient guère puisque le secret magique avait été rompu entre temps. C'était une guerre contre des moldus, pas uniquement entre sorciers, la dimension en était d'autant plus planétaire et violente. Même si des moldus avaient été des victimes durant le conflit avec Voldemort, ils avaient tout de même été relativement épargnés.
Aujourd'hui, c'était différent, néanmoins, la chasse à la sorcière existait depuis la nuit des temps, et encore une fois, l'histoire de l'humanité relatait énormément de récits là-dessus. Ce qui était qualifié d'étrange ou de différent avait toujours fait peur. L'inconnu faisait peur, je pouvais le concevoir, j'étais moi-même très craintive de ce que j'ignorais. Ce n'était pourtant pas pour autant que je voulais soumettre ce qui m'était étranger, que je voulais le dominer. Non, je voulais le comprendre, avec bienveillance et humilité, afin de trouver un terrain d'entente. C'était ainsi ma manière de procéder avec les créatures et tous les animaux du monde. C'était ainsi que j'essayais d'agir avec mes semblables, même si mes relations humaines étaient en grande majorité un fiasco (je m'en tenais pour seule responsable. Avoir des convictions, penser être dans le "bon" camp, défendre nos idées, ça avait été le chemin de toute une vie pour des sorciers nés une dizaine d'années avant moi, et c'était à nouveau le cas pour de jeunes enfants aujourd'hui, qu'ils aient des pouvoirs magiques ou non. Ils devaient grandir dans un monde fait d'oppositions et de positions, bien souvent ils n'avaient même pas le choix, ils ne pouvaient même pas réfléchir par eux-mêmes, car leurs familles, leurs entourages les conditionnaient à une manière de penser et d'agir. Un moldu grandira plus nettement aujourd'hui dans la peur et la fascination du monde magique, comme un sorcier grandira d'autant plus dans le mépris du monde moldu. Les conflits entre les deux mondes ne faisaient qu'aggraver et accentuer ce qui existait déjà depuis de nombreuses années.
Alors oui, je me considérais chanceuse d'être née à l'époque d'accalmie où j'avais vu le jour. Car je n'avais pas eu besoin de faire un choix, parce que c'était un temps de paix relative qui m'avait permis de découvrir le monde moldu et sorcier dans une relative sécurité. Les conflits des sangs à Poudlard ou chez les sorciers, ils avaient toujours existes, et je ne les avais jamais réellement compris. C'était d'autant plus creusé aujourd'hui avec les conflits du Blood Circle. Un né moldu pouvait être terriblement mal vu par ses camarades sorciers, sous prétexte qu'il avait des parents "meurtriers". Comme si tous les moldus étaient forcément mauvais… Ou comme si tous les sorciers l'étaient, si l'on regardait le problème dans l'autre sens. En tant que nouvelle enseignante, j'essayais d'aider les opprimés comme je le pouvais lorsque je me trouvais à Poudlard, parce que je souhaitais que la tolérance soit de mise, parce que je souhaitais que le château puisse accueillir tout le monde avec bienveillance et humilité. Des fois, je me sentais un peu seule contre tous, mais, était-ce pour autant que je considérais mon combat comme vain ?

À bien y réfléchir, je n'osais imaginer les choix qu'avait dû endurer Eirian ni même la vie qu'il avait dû vivre en étant étudiant. Ce devait être une vie bien solitaire, et je me demandais si ce n'était pas ce qui gangrénait son état actuel, car je le devinais esseulé et devant porter un lourd fardeau. Évidemment il y avait maintes explications à son état, et j'osais espérer que l'origine n'était pas sa famille. La famille, ça devait être un repère, ça devait être quelque chose de précieux, en tout cas pas nos ennemis. Je n'osais imaginer ma situation si je ne m'entendais pas avec mes parents, ou mes cousins, s'aurait été tout bonnement dramatique. Nous avions de la chance d'être très soudés au sein des MacFusty, en dehors de quelques rares individus tenant des propos peu engageants. Il y avait toujours un peu de ces membres de la famille avec qui on n'avait un peu plus de mal à créer un lien, avec qui s'entendre. C'était normal.
Tirée de mes réflexions silencieuses par la voix du jeune homme, je l'écoutais, non sans sourire de plus en plus au fur et à mesure de son discours. Sans doute m'étais-je mal exprimée pour qu'il m'explique ainsi les choses, et même si je venais d'une famille très ancienne, nous avions toujours compté des moldus parmi nous, ainsi, la technologie de ces derniers ne m'était pas totalement inconnue. J'utilisais d'ailleurs régulièrement un téléphone portable et je devais avouer apprécier aller au cinéma. Certes je n'avais pas de télévision ici, mais peut-être était-ce un achat que je ferai un jour, surtout pour les jeux vidéo (il y avait des dragons dans certains d'entre eux). Un peu gênée, je venais me gratter la tête tout en m'éclaircissant la voix.

- Euh oui, tout ça je le sais, excusez-moi je me suis sûrement mal exprimée. En réalité… je m'imagine mal vivre sans la magie au quotidien. Les téléphones, l'électricité, la technologie, tout ça, je reconnais l'utilité, malgré les désastres écologiques que cela peut aussi engendrer. C'est juste que… certaines tâches sont plus aisées à faire avec la magie alors… je me dis que ça doit être difficile de s'en passer au quotidien. Mais les moldus y arrivent, alors pourquoi pas nous ? Je ne suis pas une grande utilisatrice de magie dans mon foyer comme vous pouvez le constater, car j'aime aussi l'authenticité, mais… je ne sais pas… sans doute que la perspective d'être privée de mes pouvoirs, par les technologies du Blood Circle, me travaille plus que ce que je veux bien l'admettre.

Je souriais un peu maladroitement après mes paroles, ne souhaitant pas mettre le jeune homme mal à l'aise. Pourtant la vérité était là, depuis qu'il existait ce sérum anti-magie, j'avouais craindre pour mes proches et moi-même. Fort heureusement pour le moment il semblerait que les effets ne soient pas permanents, mais je connaissais que trop bien la nature humaine et je devinais par avance que le Blood Circle trouverait un jour un moyen d'éradiquer totalement nos pouvoirs. Cette perspective faisait véritablement froid dans le dos, car ce n'était pas uniquement la magie qu'ils allaient supprimer, mais un monde entier. Un monde fait d'une nature qu'ils ne connaissent pas, d'êtres et de créatures qu'ils ne peuvent ni comprendre ni contrôler. Ce serait une véritable apocalypse, car un équilibre aurait été totalement rompu. Alors oui, lorsqu'il m'arrivait de songer à tout cela, j'avais peur. Très peur. Et c'était aussi sûrement à cause de cela que je ne songeais guère à agrandir la famille des McFusty. Dans quel genre de monde ferais-je naître un enfant innocent ?
Je ne voulais pas avoir ça sur la conscience.

Quant aux histoires, elles étaient les témoins silencieuses des âges, elles traversaient le temps en se remémorant ce qu'on leur indiquait de retenir. Il y avait de tout, de l'horreur comme du fantastique, du conte de fées à la réalité. Avec la technologie, les moldus s'étaient un peu éloignés de cette culture littéraire qui apportait tant, et ils en devenaient d'autant plus irritables, tout le moins, c'était mon impression. Moi qui avais vécu dans l'imaginaire des livres de toutes sortes, je trouvais triste qu'aujourd'hui certaines personnes n'arrivaient plus à tenir une conversation sans sortir son téléphone de sa poche pour se connecter aux "réseaux". Aussi, il y avait un manque de savoir flagrant, et les esprits, déjà étroits chez certains, n'avaient fait qu'être davantage amputés. Ainsi, l'Histoire (avec un grand H) ne cessait de se répéter, encore et encore, et ceux qui se croyaient bien-pensants en venaient à sortir des théories complètement fumantes dont je n'arrivais même pas à saisir la logique la plupart du temps. En étant à ce point amorphe, privé de son imaginaire, en devenant inculte, forcément qu'il allait y avoir de gros problèmes. La technologie, comme bien des inventions humaines, avait cette part d'utilité indéniable, mais cette horreur qui allait avec.
Un équilibre, encore une fois.

- Effectivement, mais sûrement que les faits ont aussi été déformés avec le temps, les retranscriptions et les traductions. Ce qui peut nous paraître beau aujourd'hui pouvait être en réalité quelque chose de totalement affreux à l'époque. Le politiquement correct aurait tout censuré. L'inverse est aussi exact. Je baissais mes yeux sur mes mains en laissant échapper un soupir. C'est à se demander ce qu'il reste de vrai en ce bas monde.

Encore une fois, je ne souhaitais pas plomber l'ambiance et trouver une conversation déprimante, mais je partageais ma propre réalité à Eirian. Il n'y avait pas que du sombre et du mal, mais notre discussion avait fini par glisser, par être détournée du bon et du léger pour mettre en lumière ce qui était affligeant et grave.
Même l'amour ne semblait plus à ce point sincère et solennel. Les mariages arrangés ne dataient pas d'hier, mais aujourd'hui n'était-ce pas d'autant plus strict puisqu'il ne faut absolument pas mélanger le sang sorcier à celui des moldus ? Pour en revenir aux histoires, j'avais l'impression d'être une Capulet, tandis que les êtres humains dénués de pouvoir magique appartenaient aux Montaigu, et qu'adviendra-t-il de nous ? Nous aussi étions-nous condamnés à boire du poison pour en finir, car les conflits deviendraient trop violents à supporter ?
Deux mondes déchirés.
Pourtant l'amour, même si elle m'était passée sous le nez plusieurs fois (comme tout à chacun), était bien l'une des rares choses en lesquels je pouvais encore croire. Bien que ma relation avec Thomas n'en était qu'à ses balbutiements, j'étais bien heureuse de pouvoir la vivre, tout comme j'étais capable de donner uniquement de l'amour aux créatures dont je devais m'occuper, qu'elles soient petites ou grosses, inoffensives ou dangereuses. C'était bien l'amour qui guidait chacun de mes pas et qui me motivait dans mes faits et gestes, mais aussi dans mes mots, que ce soit dans mon espace privé ou lorsque j'enseignais, car c'était en apportant de l'amour et de la compassion à mes élèves que je croyais (ou avais l'illusion de croire) que je pouvais les gangréner. Qu'ils en deviendraient de meilleurs adultes, plus avenants et prévenants qu'ils ne l'étaient en entrant dans ma salle de classe pour la première fois. D'ailleurs, n'était-ce pas l'amour qui avait guidé nos pas jusqu'à notre rencontre à Eirian et à moi ? Et n'était-ce pas l'amour qui motivait notre discussion du moment, cet instant délectable de partage simple et unique ?

Je lui souriais avec bienveillance tandis qu'il rebondit sur mon image des voies de chemin de fer. Les impasses… oui, sans doute devait-il y en avoir, c'était même obligé. Mais nous avions la possibilité de soi nous en dévier à temps, soit de dérailler, et par ce déraillement, il y avait plusieurs possibilités : mourir, pour commencer, car il y avait des décisions fatales. Ensuite nous pouvions rester coucher, nous plaindre et ne pas réussir à nous relever. Après, tomber, nous relever, et essayer de revenir sur les voies malgré nos roues cabossées et nos rayures. Ou enfin, rester debout, faire face, tenir bon, serrer les dents lors de l'impact, puis continuer.
Cette analyse rapide était au final un crescendo de ce que nous pouvions apprendre lors des divers événements de la vie. En dehors de la solution de passer de vie à trépas évidemment, il y avait des obstacles et des impasses qui, à une époque, me paraissaient infranchissables. Aujourd'hui, elles me semblent dérisoires, mais j'avais de nouvelles barrières à franchir. Tout venait à point. Les collisions étaient inévitables, et des fois, elles étaient même saupoudrées de gentillesse et de douceur, comme ce soir entre Eirian et moi.

- Moi aussi je suis heureuse de la tournure des événements pour ce soir. Puis je me permettais d'élargir un peu mon sourire tandis que je posais mon regard sur Gérard qui commençait à s'agiter et s'éveiller, indiquant que la nuit était déjà bien avancée à présent. Votre temps viendra Eirian, j'en reste profondément persuadée. On ne peut dire où et quand, mais ça viendra.

Je lui avais déjà exprimé tout ce que je pensais et tout l'espoir que j'avais en son avenir, un espoir auquel il ne semblait plus croire. Alors je le ferai pour lui, parce qu'il y avait toujours de quoi se raccrocher, même dans les moments les plus sombres. Ainsi, je ne voyais pas très bien en quoi je pouvais davantage m'étendre à son sujet. Il avait aujourd'hui des choses à accomplir et indubitablement des problèmes à résoudre. Lorsque tout ceci sera derrière lui, il aurait la possibilité de vivre, de faire tomber les barrières qu'il avait érigées tout autour de lui pour enfin pouvoir… Vivre, tout simplement. Car l'image que me renvoyait le garçon était celle de quelqu'un qui ne parvenait pas à profiter de ce qu'il avait, ou alors de quelqu'un qui possédait au final très peu (peut-être même encore moins que ce dont j'étais capable d'imaginer).
Ce fut donc sans surprise que la conversation en vint à dériver sur ma propre condition, bien qu'elle ne fût pas plus glorieuse ou intéressante que celle de mon invité. Toutefois, je ne pouvais m'empêcher de rire de manière un peu sarcastique en entendant ses mots. L'herbe paraissait toujours plus verte chez le voisin, n'est-ce pas ? Toutefois, j'appréciais voir cette flamme, cette conviction qui soudainement semblait animer le jeune homme, comme s'il avait soudainement repris vie. Cela me toucha d'autant plus puisqu'il s'agissait de moi, et qu'il se permettait de porter un jugement doux et bienveillant à ma personne alors que nous ne nous connaissions que depuis quelques heures seulement. Sans doute ce que j'étais en train de ressentir au fond de moi, ce gonflement agréable dans la poitrine, était ce qu'il avait pu respirer tandis que j'avais eu à peu près les mêmes mots à son encontre.

- C'est gentil de me dire tout cela, j'apprécie beaucoup, vraiment. Je penchais la tête pour le regarder un peu de biais avec un air taquin. Vous savez que je pourrais dire la même chose de vous, à quelques détails près ? Soufflant mon amusement par les narines, je me redressais pour revenir poser l'arrière de ma tête contre mon canapé avant de fixer le plafond d'un air un peu pensif et lointain. Trouver quelqu'un qui correspond à mon idée, ou tout le moins qui me correspond à moi est déjà un défi en soi. En réalité, je suis certaine de l'avoir déjà trouvé. C'est juste que les choses ne se sont pas passées comme dans un conte de fées. Je dois aujourd'hui faire avec… ou plutôt, faire sans. Sûrement qu'il y a d'autres aiguillages, je sais que j'en prends constamment. C'est juste que j'ignore si c'est la bonne voie, ou tout le moins, celle qui m'amènera à la gare où je souhaite arriver.

Évidemment je parlais là en sous-entendu de ma relation avec Thomas, qui me rendait heureuse, mais avec laquelle je ne pouvais pas encore me projeter puisqu'elle était neuve et encore dénuée de problèmes. Inutile pour moi d'entrer dans les détails, je n'avais guère envie de m'épancher sur ma vie amoureuse auprès du jeune homme. Déjà parce que c'était tout bonnement inintéressant, et parce que cela était bien trop priver. Bien que tout ce que j'avais vécu ne sorte guère de l'ordinaire, je n'avais pas non plus envie de le partager avec le premier venu, et hélas, malgré le moment plaisant que nous passions ensemble Eirian et moi, il était encore un premier venu. Bien que je le connaisse de vue et de nom par l'université ou l'Ordre, nous n'avions jamais vraiment pris le temps de discuter comme nous le faisions maintenant.
Mais l'amour n'était-il pas proche de la haine ?
La vengeance vint sur le tapis, et ce fut sans surprise que le jeune homme était du même avis que moi. Être guidé par la douleur, par l'envie de compensation pour combler le vide creusé par l'absence, c'était une chose terrible à laquelle j'avais dû moi-même faire face. En effet, lorsque cette dragonne, aussi blessée soit-elle, avait tué mon frère juste sous mes yeux, j'aurais pu vouloir lui ôter la vie à son tour. J'aurais pu en venir à craindre ou voire à détester les grands sauriens et vouloir ne plus jamais en entendre parler. Mais voilà, l'amour a des raisons que la raison ignore. Les dragons, ça avait été toute ma vie depuis ma naissance, et à aucun moment l'idée de me venger ou d'abandonner mon travail en dragonologie ne m'avait frôlé.
Tout le moins c'est ce que je croyais.

- Il est effectivement plus simple de s'abandonner à la haine et à la colère plutôt que de s'essayer au pardon. Je suis moi-même passée par là et… ce n'est pas simple. Le cœur des Hommes est si aisément corruptible, un rien peut nous faire sombrer. Je passais une main dans mes cheveux en clignant plusieurs fois des paupières, retenant de nouvelles larmes. C'est pour ça que… essayer de garder les bons souvenirs, ce souvenir de ce qui va, de ce qui est bien… c'est primordiale. Parce que cela nous permet de ne pas entrer dans ce cercle infernal, ou si nous y sommes déjà, cela peut peut-être nous en sortir. Tout est une question de volonté au final, encore une fois.

La volonté de pardonner, la volonté de chercher à comprendre, la volonté de passer par-dessus l'événement tragique et d'essayer d'avancer malgré ce qui aurait pu se passer. La haine et la violence n'avaient jamais été une solution, notre histoire nous le dictait bien, je le savais au plus profond de moi, pourtant, j'y avais presque succombé lors de l'accident. Peut-être que sans Sleipnir, je m'y serai jetée corps et âme. La présence du poulain Sombral à ce moment, son innocence, son air apeuré et cette étrange sensation de compassion que j'avais vue et ressentie à ce moment m'avaient permis de garder pied. Il y avait toujours un phare dans la nuit.
À Poudlard, de l'aide était toujours apportée à ceux qui le méritent. J'essayais d'être ce guide que certains élèves réclamaient et dont ils avaient besoin. J'essayais d'apporter mon aide, d'être un peu différente. Quand bien même je tâchais de ne jamais pousser jusqu'à être amie avec eux, parce que je voulais garder une barrière professionnelle avec eux, je n'en restais pas moins à disposition et à l'écoute pour eux. C'était un peu pour ça que j'étais si disponible pour Eirian bien qu'il ne fasse pas partie de ma maison et que je ne l'avais jamais eu dans ma salle de cours. Je n'avais pas besoin de cela pour vouloir apporter mon aide à autrui.
Gardant les paupières fermées, enfoncée dans mon canapé, je poussais un soupir tout en écoutant le jeune homme me répondre.

- Les phases de doutes sont normales. C'est à ce moment que j'essaie de savoir quel est le meilleur choix à faire pour me permettre d'avancer sereinement. Mais ce n'est pas toujours évident.

Lorsque nous sommes plongés dans le noir des événements de nos vies, ce n'était pas aisé de réussir à se repérer. Dans ces moments-là, j'essayais alors de me souvenir des bons moments, de mes forces, de tout ce qui me constituait et qui faisaient qui j'étais. Une sorcière douce, entière, déterminée et gentille. Bien sûr, l'exercice était plus aisé lorsque c'était une tierce personne qui nous le rappelait, car l'autosabotage était aussi facile que de céder à la vengeance. Nous avions tous nos secrets et nous avions tous quelque chose à cacher aux autres, soit parce que c'était trop douloureux, soit parce que c'était trop grave, voire les deux en même temps.
Cela ne voulait pas dire qu'il nous était impossible de trouver de l'aide quelque part, un appui solide, des amis en qui avoir véritablement confiance ou même une caste pour laquelle nous serions dévoués. Nous avions parlé de solitude tantôt, mais l'étions-nous vraiment ? Dans le fond, n'était-ce pas simplement nous qui voulions rester ainsi et nous complaire dans notre solitude ? Encore une fois, jusqu'à où étions-nous capable de faire les choses ? Les faisions-nous vraiment de la meilleure manière qui soit ? Ne pouvait-on pas faire davantage ? J'avais toujours cette désagréable sensation, comme des picotements sur mes épaules, qui me soufflaient que je ne faisais pas mon maximum pour aider le jeune homme assis à côté de moi. Toutefois, j'ignorais comment mieux lui venir en aide, j'étais à court d'idées, et il fallait dire aussi que je n'étais pas non plus habituée à jouer les bonnes samaritaines. En général, je n'emmenais personne dans ma demeure, j'avais déjà franchi un pas de trop avec l'étudiant, moi qui me targuais de garder toujours une distance raisonnable avec les élèves.

Cette rencontre n'avait plus aucun sens, le haut était en bas, je me sentais un peu ballottée de droite à gauche par notre conversation et les événements. Non pas que ce soit une sensation désagréable, mais je devais admettre être plutôt désorientée et épuisée aussi. Être ainsi accompagnée par un inconnu ce n'était vraiment pas habituel pour moi, et je donnais le peu d'énergie qui me restait à Eirian. Il n'avait rien demandé alors je ne lui reprochais rien et je feignais d'être à ce point vampirisée. Aussi, je le faisais de bon cœur. Moi, je savais comment je me sentais et je savais que j'avais encore de la ressource malgré tout. Je n'étais pas certaine que ce soit le cas pour le jeune homme. Mais malgré tout, c'était moi qui avais les paroles les plus sombres et les plus défaitistes. Je ne donnais guère de possibilités et d'espoir à l'humanité, une naïveté que j'avais perdue depuis longtemps à force de côtoyer les créatures magiques et d'observer la cruauté humaine de loin. De temps à autre j'étais frappée par un élan de bonté envers ma propre espèce, mais bien souvent j'en étais davantage désespérée, alors, l'optimiste du jeune homme me mit du baume au cœur. Je souriais presque imperceptiblement tandis que je rouvrais les yeux, constatant alors qu'il s'était presque permis de s'adosser contre le dossier du canapé. Il y avait un léger mieux, c'était déjà ça. J'étais patiente, je savais par expérience professionnelle qu'il ne fallait rien forcer, et j'étais du genre à m'adapter au rythme d'autrui.

- Puissent Merlin et les esprits vous entendre Eirian. Mais vous avez sûrement raison dans un sens, il y a beaucoup de familles mixtes qui réussissent à vivre relativement en paix, à trouver un équilibre parfait en vivant dans les deux mondes. C'est d'ailleurs ainsi que vivent beaucoup de mes cousins éloignés. Je me considère moi-même comme chanceuse d'avoir pu grandir en connaissant les deux univers, même si je suis légèrement plus coutumière de la vie sorcière. Qui sait ? Peut-être qu’eux aussi voudront protéger leurs familles et de par ce fait, ils viendront à faire entendre leurs voix aussi bien dans l'Ordre qu'au Blood Circle…

Je gardais ma voix suspendue à la fin de ma phrase tandis qu'un frisson me traversa l'échine, me faisant légèrement grimacer. Il ne faisait aucun doute que je songeais aux Mangemorts. Et eux ? Où pouvait-on les placer eux ? J'adorais la famille Ombrage malgré tout le sang qu'ils avaient sur les mains, mais eux aussi, n'étaient-ils pas motivés par de quelconques desseins qu'ils jugeaient juste ? C'était des sujets de conversation que j'évitais soigneusement avec William, comme un accord tacite que nous avions passé en silence tous les deux afin de ne pas nous voir être séparés, car ce serait insupportable. J'adorais ce sorcier du plus profond de mon âme quand bien même je pouvais lui reprocher un millier de choses. Parce que je n'oubliais pas de voir le bon en les gens, parce que c'était possible de le faire. J'ignorais encore combien de temps notre amitié allait durer, mais je le souhaitais le plus longtemps possible. Si d'aventure nous devions être séparés pour une quelconque manière, préférerais-je m'oublietter pour ne plus penser à lui ? Ou à l'inverse, si j'en venais à m'oublietter pour ne plus souffrir du manque que l'absence de mon frère, mon corps se souviendrait-il de William et de Septima ?
Pour l'heure, la situation semblait être parfaite comme elle était, d'autant plus lorsqu'Eirian me partagea son point de vue qui était sensiblement commun au mien.

- Oui. Oublier n'est pas une solution même si ça soulage sûrement pendant un temps. Mais voilà, c'est seulement pendant un temps… après, la douleur, ou le manque, ou qu'importe ce que nous voulions oublier, tout ça, ça reviendra, c'est obligatoire, j'en suis certaine.

Fixant avec tranquillité la réaction d'Eirian alors que je citais Sainte Mangouste, je ne bougeais pas davantage ni essayais de le persuader de l'inverse. Moi-même malade, je ne pouvais que parfaitement comprendre ce refus de se rendre dans cet endroit immaculé aux nombreuses odeurs mêlant produits de nettoyage, potions et sang (entre autres). Tout était fait pour que les lieux soient chaleureux, mais justement, c'était à ce point forcé que ça n'avait plus rien de naturel et de serein. Quand bien même avais-je rencontré des médicomages adorables et véritablement attentionnés, d'autres faisaient clairement semblant d'être peinés pour mon cas (peine que je ne voulais surtout pas recevoir), et s'en suivait alors un jeu théâtral ridicule pour me plaindre et m'apitoyer, ce que je voulais absolument éviter. Voilà pourquoi je me contentais la plupart du temps de me rendre auprès de Phobos, parce qu'il représentait tout ce que je recherchais chez un médicomage. Il était compétent et ne montrait guère sa compassion. Aussi, il n'avait pas sa langue dans sa poche pour me dire clairement ce qu'il pensait, et c'était tout ce dont j'avais besoin… et peut-être qu'Eirian aussi ? J'en vins à me souvenir d'un Abraxan que j'avais dû soigner un jour alors que l'école française de magie était venue en visite à Poudlard. La directrice était venue me voir en me demandant d'examiner l'animal qui ne semblait guère avoir d'énergie. Effectivement, j'en avais conclu que la bête était comme dépressive. Après avoir compris son histoire et avoir trouvé la raison de son mal, j'avais aussi saisi que de le traiter comme un malade le renforçait dans son comportement de malade. Ainsi détachée émotionnellement du cheval puisque ce n'était pas le mien et que je ne le connaissais que depuis quelques jours, il me fut plus facile pour moi de le traiter indifféremment des autres chevaux. J'en venais à le pousser avec mon corps lorsque je nettoyais les box, j'avais les mêmes gestes, aussi délicats et assurés que pour les autres, et non pas empreints de douceur attristée. Le temps du séjour, l'Abraxan avait retrouvé un peu de vie, et aujourd'hui je savais qu'il se portait mieux.
Fronçant sensiblement les sourcils, je m'éclaircissais la voix avant de prendre la parole sur un ton décidé.

- Eirian, je peux comprendre que vous ne vouliez pas aller à Sainte Mangouste. Je peux aussi comprendre que vous ayez peur, que vous n'ayez pas envie de partager ce qui vous arrive, que vous n'ayez pas envie de déranger et que vous souhaitez vous débrouiller seul. Mais à un moment donné vous savez, il faut savoir dire stop et se secouer un peu. Accepter certaines mains tendues ne vous rendra pas plus faible ou ne vous mettra pas forcément en danger. Vous pouvez vous complaire dans votre tristesse ou vouloir avancer avec ceux qui vous veulent véritablement du bien. Puis je soupirais, comme si je retrouvais une certaine contenance. Calme et pleine de compassion, je l'étais restée, mais j'avais souhaité dire tout haut ce que beaucoup (moi comprise au début) pensaient tout bas. Je suis heureuse si le fait que vous soyez ici vous permet de vous soulager un peu, je ne vous forcerai pas à en faire plus si vous ne le voulez pas, mais laissez les autres vous aider. Ce n'est pas une solution de tout garder pour soi, et plus vous attendrez plus il y aura de conséquences.

Des conséquences longues comme le bras, car elles étaient extrêmement nombreuses et variées, qu'importe la situation que le jeune homme était en train de vivre. Se forcer à quelque chose trop longtemps ne faisait que l'aggraver avec le temps. Des fois il fallait mieux décoller le pansement d'un coup sec plutôt que de le retirer lentement en arrachant précautionneusement poils et peau à en faire monter les larmes aux yeux.
Le voir se diriger vers ma bibliothèque et reprendre contenance me soulageait presque, non pas pour moi, mais pour lui. Parce que je le voyais se mettre à l'aise et redevenir le jeune homme qu'il devait être vraiment derrière ses larmes et ses secrets. Je devinais qu'il était un garçon curieux de tout, ouvert à la conversation et à n'importe quel sujet. Un véritable Serdaigle, assoiffé de savoir, un véritable trou sans fond dans la recherche du savoir. Ce garçon avait un potentiel qu'il ne soupçonnait sans doute pas lui-même, et en cela, je lui partageais volontiers mes projets. Parce que je savais qu'il n'allait pas se moquer de moi et peut-être même parce que ses propres idées allaient pouvoir me faire avancer. Les avis extérieurs étaient toujours des outils formidables.

- C'est passionnant en effet, on s'y attache à la longue. Vous savez, c'est un peu comme un rituel. Je me lève le matin et lorsque le soleil commence à se lever, je vais aller les voir. Inutile d'y aller avant, ils dorment. Mais ils aiment profiter des premiers rayons du soleil, ça leur permet de faire sécher la rosée du matin sur leurs écailles. Ou peut-être apprécient-ils les nombreuses couleurs chatoyantes du ciel à ce moment, je l'ignore. Je pouffais un peu avant de continuer. Voir les petits grandir c'est… une expérience inouïe et surtout extrêmement enrichissante. Nous pourrions penser que les dragons, comme la plupart des animaux à sang-froid, n'éduquent pas leurs petits. Qu'ils couvent puis les laissent se débrouiller, mais ce n'est absolument pas le cas. Aussi bien la mère que le père s'occupent de l'éducation des dragonnets, ils leur montrent comment chasser, comment voler… tout cela est fascinant à observer.

Si je ne désirais pas être une maman un jour, peut-être me sentais-je déjà maman de par le fait que je veillais sur des animaux qui ne semblaient même pas remarquer ma présence, ou qui dans le meilleur des cas, s'y étaient habitués.
Une chose dont moi je n'arrivais pas à m'habituer, c'était à l'absence de mon frère, et je me laissais à nouveau aller aux larmes. Eirian eut la gentillesse de revenir auprès de moi et la délicatesse de ne pas me toucher. Trop timide et réservée, je n'appréciais guère les contacts physiques des gens que je ne connaissais pas bien. Je préférais davantage parler et lui confier de petits pans de ma vie plutôt que de me retrouver à pleurer sur son épaule (image étrange et saugrenue s'il en est). M'essuyant les yeux d'un revers de la manche, je clignais de nombreuses fois des paupières avant d'inspirer profondément dans le but de reprendre contenance.

- Mon frère a laissé beaucoup de choses derrière lui, c'est un fait. C'est juste que j'ai du mal à me concentrer sur autre chose que sur son manque. Je n'avais pas pour habitude de parler de Kyle de la sorte, mais je décidais de suivre le conseil que j'avais donné à Eirian un peu plus tôt dans le but de le réveiller. Je décidais de me faire violence. Je décidais de lui faire confiance et d'accepter sa proposition, sa main tendue. Alors je fermais les yeux un instant avant de soupirer comme si cela me permettait de lâcher prise. Je me dis que si je me concentre sur tout ce qu'il a semé, que je continue de vivre, je vais l'oublier petit à petit. Je vais oublier son visage, son sourire et son rire. Je vais oublier notre complicité. Le vide que je ressens me permet de ne jamais oublier. Je n'ai pas envie de passer au-dessus, je n'ai pas envie de faire mon deuil… parce que je ne veux pas l'oublier. Jamais.

Je l'avais dit.
C'était la première fois depuis l'accident que j'avais réussi à le formuler.
Même le psychomage qui m'avait suivie ignorait cette crainte. J'avais vomi ses paroles aux pieds d'Eirian parce qu'elles étaient devenues trop lourdes à mon estomac. Je préférais souffrir en pleine conscience, ne plus me nourrir et ne plus dormir, parce que je ne voulais pas perdre le moindre souvenir de Kyle. À cette confidence pouvant paraître aussi risible que saugrenue, torture que je m'infligeais pleinement, je vins cacher mon visage dans le creux de mes mains pour sangloter à nouveau, prises de quelques tremblements, comme si entendre la vérité de ma propre voix m'avait secouée bien plus profondément que ce que j'aurai cru et voulu. Je me fichais de perdre la face devant l'étudiant, je me fichais de garder la barrière professionnelle, je me fichais qu'il puisse me penser ridicule, je me fichais qu'il aille reporter mon attitude auprès d'autrui pour que je sois moquée. Je m'en fichais.
Plus rien n'avait d'importance.
Il n'y avait que Kyle. Toujours Kyle. À jamais.


Never Ending Circles
ANAPHORE


Il arrive que nous trouvions de l'aide là où on ne s'y attend pas [Eirian] - Page 2 CBY7jAc
Il arrive que nous trouvions de l'aide là où on ne s'y attend pas [Eirian] - Page 2 Banniz10

Revelio:

Revenir en haut Aller en bas
Eirian Howl
Eirian Howl
Serdaigle OP
INRP
Métier : 3e année de Protection magique (spé Auror)
Messages : 5388
Gallions : 8613
Date d'inscription : 30/07/2020
IRL

Lumos
Je rp en : #00ccff
Mon allégeance : Ordre du Phénix
Jeu 20 Mai - 14:17
Il arrive que nous trouvions de l'aide là où on ne s'y attend pas
« juillet 2020 »
L’histoire se répète, dit-on parfois, et c’est bien l’impression qui t’étreint tandis que tu te plonges dans ta discussion sur les croyances du monde et les histoires avec Abigail. L’histoire se répète, dit-on, mais jamais complètement à l’identique. Deux fois, ou peut-être plus. La première apparaît comme une tragédie, la seconde comme une farce, écrivait un penseur moldu, signe que les hommes n’ont rien appris de la première fois, n’ont pas su décoder les moments précurseurs ou pu les éviter. C’est un peu l’impression que tu as face au conflit avec le Blood Circle, comme un écho de la guerre contre Voldemort vingt-cinq ans plus tôt. Les protagonistes ne sont pas tous les mêmes, les camps non plus, mais c’est la même volonté de destruction de l’autre qui est à l’œuvre, la même volonté de suprématie – celle du sang côté sorcier, celle de l’absence de magie côté moldu. Est-ce que cette guerre-ci aurait pu être évitée ? Peut-être – ou peut-être pas si on en croit l’éternel recommencement des conflits qui peuple l’histoire de l’humanité.
La période qui a suivi la chute de Voldemort aurait pu apporter tant de choses, une réflexion sur la place des nés-moldus, sur celle des sang-pur, un rééquilibrage de la société, la mise au rebut de certaines idéologies, une plus grande ouverture et une compréhension du monde des moldus sans pour autant se dévoiler à eux… Mais voilà, un quart de siècle plus tard, tu as l’impression que peu de choses ont bougé – oh, ça a bien avancé sur certains points, mais ça reste très lent –, certains estiment encore que tu n’as pas ta place à Poudlard, que tu es né pour servir les sorciers, les sang-de-bourbe résonnent encore et le qualificatif de sang-pur fait toujours partie du vocabulaire quotidien des sorciers, plaçant encore et toujours cette hiérarchie absurde au cœur de la société. Selon toi, c’est un terme qu’il faudrait bannir pour le remplacer par un autre qui tient moins de l’idéologie, une expression plus neutre, parce qu’on ne peut pas nier la différence culturelle entre un né-moldu et un sorcier né dans une famille pleinement sorcière. Les germes du conflit actuel ont eu tout le temps de pousser pendant que les mangemorts faisaient sembler de rentrer dans le rang – il n’y a qu’à voir la facilité avec laquelle ils ont repris du service sous le joug de l’Augurey pour comprendre que leurs idées sont toujours bien vivantes et continuent de faire des émules.

C’est peut-être facile de juger avec le temps, tu ne sais pas ce que tu aurais fait à la place des anciens membres de l’Ordre du Phénix et des membres du Ministère de l’époque, mais en tant que jeune sorcier, trouver ta place reste difficile, tu gardes le sentiment que rien n’a été fait pour faciliter l’entrée dans le monde de la magie de ceux qui n’en connaissent rien. Ça change enfin, avec la mise en place des familles d’accueil pour accueillir les nés-moldus en rupture familiale – et Merlin sait qu’il risque d’y en avoir avec le conflit. Tu espères que cette main tendue n’arrive pas trop tard. Et surtout que les parents arriveront à comprendre le monde magique, ne se laisseront pas tenter par les sirènes du Blood Circle, ne se mettront pas à croire que leurs enfants sont des monstres. C’est peut-être le point qui te hérisse le plus, le sort des enfants, qui trinquent toujours pour la violence des adultes, qu’on empêche de grandir en paix. Garnet, toi, traqués, elle pour son absence de magie, toi pour sa présence, comme si vous en étiez responsables, comme si vous aviez eu le choix… Vous n’êtes pas les seuls. Sans pouvoir, tu aurais été complètement embrigadé par tes parents – comme le sont les enfants des mangemorts.
C’est aussi pour ça que tu te bats, pour que les enfants des deux mondes, avec et sans pouvoir, puissent grandir comme ils l’entendent, en sécurité dans leur famille – vœu pieu, au fond, ce n’est qu’une discrimination de plus, un risque de plus parmi la multitude de ceux existants. Mais si on pouvait déjà le faire disparaître, ce ne serait pas plus mal. Une mine de moins dans le champ.

De part et d’autre, la propagande risque de faire mal pour longtemps, les parents apprenant aux enfants à se méfier de ceux de l’autre bord. Comment ne pas les comprendre quand on sait comment ça risque de se terminer ? Sorciers utilisés comme cobayes par le Blood Circle ou torturés par les mangemorts, enfants moldus considérés comme des humains de seconde catégorie par ces derniers… Les fractures ne cessent de s’agrandir. Pourtant, tu ne peux t’empêcher d’espérer que des parents arriveront à guider leurs enfants sur la bonne voie, qu’ils sauront les protéger comme ta mère l’a fait pour toi – pas forcément de façon aussi brutale. Que ces enfants sauront faire le pont entre les deux mondes. Tu en as croisé à Poudlard, des nés-moldus à l’aise de chaque côté, pleinement acceptés par leurs familles et intégrés à l’école. Pas les plus nombreux ou les plus visibles, mais ils sont bien là.
Emporté par l’habitude, tu détailles à Abigail les différences entre les deux mondes, en ce qui concerne la vie sans magie, la technologie, tout ce que les sorciers ne connaissent pas en temps normal. Tu relèves la tête vers la jeune femme en l’entendant rire. Qu’est-ce que… Ses propos éclairent rapidement la situation. Tu étais complètement à côté de la plaque, évidemment, ce n’est pas du tout la même chose. Et tu comprends pleinement sa crainte de la technologie du Blood Circle. Toi aussi, leurs avancées te font craindre le pire. Dire qu’enfant, tu as souhaité de toutes tes forces pouvoir te débarrasser de tes pouvoirs, faire en sorte que tes parents ne l’apprennent jamais ! Tu aurais tout donné pour ne plus les avoir, absolument tout, terrifié des conséquences si on venait à les découvrit – et sur ce dernier point au moins tu ne t’es pas trompé. Mortifié, tu te mords les lèvres.

— Excusez-moi, c’est moi qui ai mal compris. Je dois avouer que j’ai rencontré bien plus de sorciers qui ignoraient tout du monde moldu que de sorciers qui le connaissaient, même en ayant des cousins moldus, et je suis resté sur cette idée. Les technologies du Blood Circle me font peur aussi, pour l’instant ce n’est que temporaire, mais je redoute le jour où ils trouveront comment nous ôter nos pouvoirs de façon permanente, est-ce que ce serait vraiment définitif ou plutôt comme une sorte d’interrupteur qu’on pourrait malgré tout faire fonctionner dans l’autre sens ? Mais pour moi c’est totalement différent de décider de vivre en partie à la façon moldu et d’y être forcé par un sérum, ça nous enlève tout libre arbitre… Et même en étant capables de vivre sans magie, ça reste une part de nous-mêmes, ce serait comme nous amputer d’un membre… ou de quelque chose d’intime.

Il est là, le vrai problème, c’est que le Blood Circle veut vous ôter votre liberté de choisir et de vivre comme vous l’entendez. La magie fait partie de votre nature ; ce n’est pas juste une question de s’en servir ou d’en être dépendant pour tous les gestes de la vie quotidienne. Vous la retirer, ce serait comme tuer une part de vous-même. Alors, bien sûr qu’on peut survivre et même vivre avec des blessures profondes, avec une main en moins… mais il manquera toujours quelque chose. Du moins, c’est ainsi que tu le ressens. Tu adores pratiquer les sortilèges, t’exercer, sentir la magie agir autour de toi, te perdre dans ses couleurs, les voir trouver leur harmonie parfaite, signe que le sort est parfaitement exécuté. Ton amour de la pratique magique ne s’est jamais démenti avec les années, renforcé par tes facilités dans ce domaine, et tu n’imagines pas devoir t’en passer pour de bon. Sans parler des considérations bassement pragmatiques : sans ta magie, tu ferais long feu face au Blood Circle, c’est ton seul moyen de défense utile.
D’une certaine façon, le conflit actuel est un tournant historique, qui marquera durablement les deux mondes, et dont découlera sans doute une bonne partie des relations futures entre eux. Il est encore bien trop tôt pour en dire ce qu’en retiendra l’histoire, vous êtes en plein dedans, sans réel recul sur les événements. Tout s’enchaîne bien trop vite. Qu’en retiendront les hommes à l’avenir ? Comment le récit de cette guerre sera-t-il transmis à l’avenir ? Autant de questions sans réponses. Sera-t-il déformé comme peuvent l’être les récits du passé ? Certainement. Dans quelle mesure ? Impossible de le dire. Même s’il est fantastique que tant de textes aient survécu à travers les siècles et les millénaires (et triste que tant d’autres aient été définitivement perdus), l’interprétation actuelle doit différer de celle qu’en faisaient les contemporains – et c’est un travail de recherche de fourmi pour tenter d’en restituer la compréhension qu’on en avait à l’époque, pour être au plus proche des volontés de ceux qui les ont écrits, une sorte de dialogue à travers les siècles.

— Oui, on n’a pas du tout les mêmes prismes. Les sociétés et les valeurs ont tellement changé, le monde lui-même n’est plus du tout celui d’il y a quelques siècles avec toutes les accélérations technologiques que nous traversons. On ne doit pas du tout voir les mêmes choses qu’à l’époque dans ces textes, et chaque période les relit avec sa propre vision des choses. La vérité… je crois que ça fait plus de deux mille ans que les philosophes se posent la question. De même pour la beauté, les définitions varient au fil du temps, les sensibilités aussi…

Toutes les valeurs, finalement, ont évolué au cours du temps, la vérité, la beauté, mais aussi l’amour, toutes ces notions intemporelles sur lesquelles chaque société plaque ses propres attentes et ses propres peurs. Ses idéologies aussi. Combien de mariages arrangés dans la société sang-pur ? Combien de personnes reniées pour avoir aimé un né-moldu ou un moldu, dans une répétition perpétuelle de la même violence ? Cela touche encore la génération de vos parents et tu es sûr que la vôtre n’est pas épargnée non plus.
L’amour reste cependant une notion compliquée pour toi, parce que là aussi, tu peines à y trouver ta place – et tu as l’impression que ce n’est pas vraiment pour toi. Tu rêves pourtant d’une vraie famille, autrefois tu aurais aimé avoir quelqu’un, aussi, comme ces couples qui se formaient pendant tes années de collège. Tu n’as pas oublié ce garçon qui a fait battre ton cœur, même si c’est de l’histoire ancienne maintenant. Il y avait tant de possibles qui s’ouvraient… et tu as choisi de claquer la porte, de le repousser, parce que tu ne pouvais pas laisser quelqu’un entrer dans ta vie, surtout de façon aussi proche. Impossible de prendre le risque qu’il en apprenne trop, de le mettre en danger. Impossible aussi de lui mentir dans ce cadre-là. Autant ça ne te gêne pas pour des personnes que tu ne connais pas, autant tu détestes l’idée de bâtir tes relations uniquement sur des mensonges. Cela devient de plus en plus difficile avec tes amis, parce que tu ne pensais pas que vous deviendriez si proches, parce que tu les as laissés approcher sans les repousser, même s’ils n’effleurent encore que la surface des choses. Mais c’est déjà bien plus que ce que tu as concédé au cours des dix années précédentes. Tu leur donnes ce que tu peux, mais ça reste bien faible en regard de ce qu’ils t’apportent. Relation déséquilibrée, comme toujours, et ce serait encore pire si tu t’engageais dans une relation amoureuse. Mais pour l’instant, tu as verrouillé cette porte et tu ne comptes pas la rouvrir. Tu ne veux pas que quiconque t’approche de cette façon. Tu ne veux pas de ces sentiments, des explications que tu devras donner – et tu ne peux rien offrir de ce qui fait une relation amoureuse normale. Et c’est tant mieux. Même l’idée te fait frissonner. Alors, tu te contentes de faire ce que tu peux pour les autres, d’aider quand c’est possible.

Tu n’as pas de mal à imaginer les impasses et les déraillements, les erreurs d’aiguillages, tous les accidents qui peuvent entraver la bonne marche du train. La façon dont on peut y faire face aussi. Ceux qui arrivent à se relever, ceux qui n’y parviennent pas, la multitude de possibilités entre les deux. Tu te pensais plus fort que ça auparavant. Tu pensais aussi qu’il ne pouvait pas t’arriver pire – en dehors de te faire torturer et mourir, mais c’est une idée avec laquelle tu as grandi. Même si cela ne la rend pas plus agréable, tu en as l’habitude. Ça a toujours été l’alternative qui a guidé ta vie : soit tu laisses ton père te mettre la main dessus, soit tu utilises n’importe quel moyen à portée pour t’en sortir et tenir un peu plus longtemps, gagner quelques semaines, quelques mois, qui ont fini par devenir des années. Pour autant, ce n’est pas une existence que tu souhaites à qui que ce soit. Tu soulignes quand même que tu es heureux de l’aiguillage de la soirée et Abigail approuve. Tu suis son regard en direction du hibou, prends conscience que la nuit est déjà bien avancée. Mais tu n’as pas davantage sommeil que d’habitude.

— Je ne sais pas. Je ne peux que l’espérer.

Tu n’arrives plus à voir très loin, préfères réduire ton avenir aux prochaines semaines. Le reste… tu verras quand tu y seras, quand tu auras réussi à survivre à cet été. La limite entre la réalité et ce qui relève du domaine des rêves reste bien claire pour toi. Tu peux rêvasser, mais tu n’espères plus vraiment que ça prenne corps. Tu ne relâcheras pas tes efforts ; sinon, autant abandonner immédiatement, mais tu restes lucide sur ta situation. Elle semble plus optimiste que toi et ça te touche. D’une certaine façon, c’est rassurant que d’autres arrivent à avoir encore de l’espoir pour toi, même sans rien connaître de ta situation – ils en auraient peut-être moins, cela dit, s’ils étaient au courant, mais tu chasses l’idée.
Tu t’animes pour elle à ton tour, soulignant les qualités que tu vois là où elle semble surtout se concentrer sur ses défauts. Une attitude pas si loin de la tienne. Mais tu mesures bien tout ce qu’elle te transmet depuis tout à l’heure, ses paroles et sa maison trahissent bien ce que tu ne fais que relever. Sans même parler de la présence du phénix.
Un sourire t’échappe lorsqu’elle te dit qu’elle pourrait te renvoyer tes mots. Oui… et non. Tu n’es plus vraiment capable de les entendre, encore moins de les accepter. La surface, toujours la surface, loin du véritable tourbillon qui t’agite, de tout ce magma boueux dont tu ne sais pas quoi faire.
Elle évoque un peu sa situation personnelle sans entrer dans les détails et tu ne l’interroges pas.

— Les choses se passent rarement comme dans les contes de fées, mais cela n’empêche pas des fins heureuses. J’espère que vos embranchements vous mèneront à la gare que vous souhaitez.

De l’amour à la haine il n’y a qu’un pas que vous franchissez en abordant la vengeance, moyen le plus facile de combler le vide laissé par la perte d’un être cher. On cherche alors un défouloir, un bouc-émissaire, de quoi déverser un peu cette douleur si immense pour tenir dans un seul corps. Et tu comprends sans mal les gens qui s’y jettent après avoir tout perdu pour garder un but, une raison d’être, pour rester proche d’une certaine façon de ceux qu’ils ont perdu. Se venger, c’est ne pas oublier, se donner l’illusion d’agir pour contrer le moment où l’on n’a pas pu le faire. C’est un chemin dont tu te tiens à l’écart. Tu n’as pas envie de te venger de ton père et du Blood Circle – pas de cette façon-là, en tout cas. Tu veux croire en la justice, au fait qu’un jour il paiera pour ses actes. Utopie comme le reste, sans doute, mais tu en as plus qu’assez de la violence permanente.

— Oui, c’est des sentiments qui viennent facilement, et il faut beaucoup de force pour leur résister, de l’espoir aussi pour arriver à se tailler un autre chemin. Il y a des choses qui ne sont pas simples à pardonner et j’admire les personnes qui en sont capables.

Sans tomber dans la haine, tu n’as pas pardonné non plus. Pas alors que ton père tient encore ta mère prisonnière. L’apparition de tes pouvoirs a détruit ta famille, mais il a aussi sa part de responsabilité. Et il a sciemment décidé de ne pas lâcher prise, de ne pas vous laisser vivre en paix même loin de lui. Et il y a ton agresseur, cet homme qui n’est qu’une silhouette floue dans ta mémoire, qui existe surtout à travers des sensations, des échos de ce qui s’est passé. S’il y a quelqu’un que tu peux haïr, c’est certainement lui. Pour autant, tu sais que la vengeance ne te servira à rien. Ça ne te rendra jamais ce que tu as perdu. Et il hante bien assez tes cauchemars pour que tu n’aies pas envie de gâcher encore plus ta vie à le traquer. Tu ne veux pas qu’il devienne une obsession, ton objectif. Ses actes guident bien assez ta vie pour que tu refuses l’idée de lui abandonner le reste. Ce serait comme céder une nouvelle fois, achever de lui donner tout ce que tu es. Non. Jamais. Tu frémis, repousses les images appelées par tes pensées, ce film immuable toujours prêt à se relancer dès que le moindre élément l’évoque.

— Vous avez raison pour les bons souvenirs, même si ce n’est pas toujours simple de les garder en tête au milieu du reste. Je me dis que parfois la volonté ne suffit pas, on peut avoir besoin de quelqu’un pour retrouver la bonne direction.


Côté souvenirs, tu en as eu la preuve lors de ton stage, avec ton incapacité à faire apparaître un Patronus décent. Impossible de convoquer un souvenir heureux assez puissant sans que le reste ne finisse par prendre le dessus. Sean et Rose ont eu beau essayer de t’aider, le résultat ne reste pas mirobolant – ce qui est d’autant plus frustrant que tu étais parfaitement capable de le faire apparaître et de le maintenir il y a quelques années, loin de la forme tremblotante que tu obtiens maintenant et qui ne serait d’aucun secours face à un véritable obstacle. Des souvenirs heureux, tu en as pourtant, mais la masse gris et noir les noient et tu ne parviens pas à te concentrer assez sur eux. Et tu as beau avoir la volonté de t’en sortir, de mettre enfin la tête hors de l’eau, ça ne suffit pas. Alors, peut-être que tu t’y prends mal, mais tu ne vois pas de quelle autre façon agir.

Elle évoque le doute, les difficultés à faire un choix.

— Et vous avez des critères pour déterminer quel est le meilleur choix ? J’imagine qu’ils vous sont propres…

C’est aussi cela qui te manque, une ligne directrice, la conscience que tu fais les bons choix et que ce n’est pas qu’une succession de décisions hasardeuses et incohérentes. Ta situation a largement déterminé ton choix d’études, il était évident que tu avais besoin de continuer d’apprendre à te défendre – et à défendre les autres tant que tu y es, c’est aussi cela qui te plaît dans le métier d’Auror, de la même façon que tu viens régulièrement en aide aux autres. Mais pour le reste… tu ne sais pas comment mener ta barque, ce qui serait le plus judicieux dans ta situation. Comment faire pour que ça aille mieux, retrouver une existence décente et pouvoir ensuite aider ta mère. Le mode d’emploi continue de t’échapper. Tu t’épuises à te débattre sans jamais crever la surface. Pourtant, elle ne peut pas être si loin, n’est-ce pas ? Qu’est-ce que tu devrais faire ?
Tu te sens impuissant et tu détestes cela. Avec tes efforts pour retenir tes larmes et garder contenance, l’épuisement te tombe dessus. Paradoxalement, tu te sens bien et mal, la discussion remue beaucoup d’émotions et de sensations que tu t’acharnes d’ordinaire à garder enfouis parce que tu n’as pas l’énergie de les affronter, mais les évoquer, mettre des mots dessus te soulage aussi. Cela les rend plus concrets, plus vrais, plus légitimes aussi. Sans les nommer vraiment, tu les extrais du tourbillon, les reconnais un peu plus. Pour autant, ce n’est pas ce soir que tu arriveras à faire le tri et apaiser toutes tes pensées. La sensation légère de la compresse sur ton bras te rappelle où tu en es. Mais tu es aussi à l’abri, protégé, le confort du canapé te remet en tête que tu ne risques rien pour cette nuit et c’est bien plus que tu n’aurais pu demander.

Tu ne veux pas perdre tout optimisme concernant la guerre, même si tu restes lucide. Mais des lueurs d’espoir continuent de scintiller ici et là, et la moindre d’entre elles est importante ; elles peuvent participer à allumer des feux plus grands.

— Je l’espère. Ce devrait être le rôle de tout parent de protéger ses enfants… peu importe leurs différences. Si seulement les sorciers et les moldus pouvaient apprendre à mieux se connaître… sans forcément adopter les coutumes des uns ou des autres, mais juste savoir que ça existe et comprendre l’autre. Ce serait déjà beaucoup. J’espère que des voix finiront par s’élever, même si je comprends aussi que ces familles n’aient pas envie de se mettre davantage en danger. De chaque côté, il y a des gens qui veulent les faire disparaître…

Fanatiques du Blood Circle et des mangemorts qui se retrouvent là encore sur ce point, pour qui les familles mixtes sont une hérésie.

En revenant à tes soucis, vous évoquez le sortilège d’Amnésie. Tu vois sans mal le soulagement qu’il apporterait – qu’est-ce que tu ne donnerais pas pour retrouver un esprit vide des pensées, émotions, sensations et souvenirs qui le noient ! Mais ce ne serait certainement que passager. Le soulagement de l’esprit n’est pas celui du corps – et ce que tu as vécu est trop gravé dans ta chair pour que l’oubli permette de le surmonter. Effacer ta mémoire ne te rendrait pas à toi-même, surtout si longtemps après. Tu hoches la tête devant les paroles d’Abigail.

— Je suis d’accord.


Tu fermes un instant les yeux. L’idée reste tentante malgré tout, comme une rêverie inaccessible. Cela risquerait de devenir plus dangereux que ce que tu traverses. Ou alors, il te faudrait une Pensine. Ça ne te viderait pas la tête, mais ça l’allègerait un peu. Pure songerie là aussi, tu n’as aucune idée d’où on peut en trouver, ni les moyens d’en acheter, encore moins de quoi la garder à l’abri des curieux.
L’idée de consulter un psychomage te glace. Tu ne veux surtout pas mettre les pieds dans ces grandes salles blanches. Un instant, ta respiration se bloque, ta gorge se serre et tu as l’impression d’étouffer. Dans un effort de volonté, tu te concentres sur ce qui t’entoure – le canapé, le cadre chaleureux, Abigail en face, Gérard et Grishkin. Tu reprends pied dans la réalité. Non. Pas de médicomage. Surtout avec le risque de laisser échapper un mot de trop sur ta situation. Préserver tes secrets te demande bien assez d’efforts, sans y ajouter quelqu’un dont le rôle est précisément de te faire parler.
Abigail reprend la parole d’une voix ferme, résumant à peu près tout ce qui te traverse la tête. Tu te tends en entendant la suite. Tu as envie de te redresser, de te protester. Tu ne te complais pas dans la tristesse ! Et la question n’est pas d’avoir l’air plus faible, c’est… de ne pas imposer aux autres plus qu’ils ne peuvent porter. De quel droit tu leur balancerais ça, tu bouleverserais leur vie en les plongeant dans des ennuis qui les ont épargnés ? Tes amis ont une vie plus normale, il vaut mieux qu’ils en profitent tant qu’ils le peuvent. Tu n’as pas envie de salir tout ce que vous partagez avec tes soucis.

— Le danger n’est pas que pour moi, mais pour eux aussi. Je ne veux pas leur imposer des… choses qui risquent de perturber leur vie. Même si mes amis me veulent du bien, et c’est le cas, je ne veux pas peser sur eux, ni perturber nos relations. Je sais bien que l’amitié, c’est aussi dans les mauvais moments, mais…


Tu n’achèves pas. Soit ils ont déjà leurs propres problèmes, soit tu ne veux pas les déranger. Ou tu te caches derrière ça pour justement continuer de ne rien dire, parce que c’est plus facile ? Et ce n’est pas la seule question. Au fond, est-ce que tu leur fais assez confiance ? Comment font les personnes qui décident de se livrer aux autres ? Comment choisissent-elles la bonne personne, celle qui ne les trahira pas et saura les écouter ? Celle qui pourra encaisser ? Évidemment, tu ne penses pas que tes amis sont faibles, mais ce n’est pas tout à fait la même chose de s’entraider au combat et de te livrer sur ce que tu as traversé. Tu ne veux pas que leur regard sur toi change. Tu ne veux pas les perdre. La pensée s’impose. Tu ne veux pas les perdre. Si c’est trop lourd pour eux, s’ils préfèrent prendre de la distance, s’ils ne voyaient pas votre amitié de la même façon, si tu as trop cru que vous étiez proches et que ce n’est pas le cas ? Certains éclairent tes journées, tu ne veux pas prendre le risque de les assombrir. Les bras croisés, crispé, tu luttes de nouveau contre les larmes qui s’échappent.

— Je ne veux pas trop leur en demander ni prendre le risque de les perdre. Et il y a des choses… même si je voulais, je ne saurais même pas comment en parler.


Quels mots dire, qu’est-ce qui passerait, qu’est-ce que tu serais capable d’avouer ? Il y a des mots que tu es à peine capable de penser, que tu enfouis avec le reste. Alors, les prononcer à haute voix, leur donner cette réalité concrète, les admettre pour ce qu’ils sont ? L’angoisse revient, ton corps se contracte. Est-ce que tu serais capable de faire face à ça ? Tu n’en sais rien. Puis si tu commences à en parler, il y aura forcément d’autres questions pour savoir si ta famille est au courant, ce que tu faisais dans ce coin-là… Mélanger vérité et mensonge sur ça… Tu en aurais peut-être été capable il y a quelques mois, mais maintenant ? Ta façade se fissure, tu sais que certains de tes amis se posent des questions à ton sujet, même s’ils n’ont jamais forcé pour en savoir plus.

— D’une certaine façon, ça me protège de ne rien dire, ça évite de… de trop y penser. Ça fait déjà longtemps que je garde ça pour moi.

Tu joues un peu l’avocat du diable, là. Vu ses paroles précédentes, elle ne va sans doute pas approuver. Laisser les autres t’aider… c’est aussi un autre aspect du problème, la crainte de savoir si tes amis… eh bien, en sont vraiment, ou si ce ne sont que des relations de surface. Ce n’est pas le cas pour toi, mais pour eux ? Est-ce que tu comptes vraiment ou est-ce qu’il ne s’agit que d’illusions ? Abigail ne peut sans doute pas t’aider sur ce plan, ni te rassurer même si tu aimerais bien. Ce sera à toi de voir… si jamais le moment vient.

Lorsque tu te reprends, tu gagnes la bibliothèque, repris par ta curiosité. Ça te changera un peu les idées. Et vous revenez au sujet de prédilection d’Abigail, les dragons. Tu ne connais que la base, mais ça t’intéresse d’en apprendre plus, surtout auprès de quelqu’un qui les fréquente vraiment. C’est bien plus passionnant.
Elle va les voir au lever du soleil ? C’est peut-être cela dont elle te parlait tout à l’heure ! Un frisson d’excitation te traverse, mais tu t’efforces de ne pas t’emballer, tu es peut-être totalement à côté de la plaque – et tu n’oses pas poser la question, tu verras bien le moment venu.

— Ce doit être un moment merveilleux de les voir s’éveiller sous les premiers rayons du soleil. Vous pouvez vraiment les suivre dans tout leur développement, de la naissance jusqu’à l’âge adulte. J’avais entendu dire que pour certaines espèces, la mère était extrêmement protectrice, mais je ne pensais pas que le père participait aussi à l’éducation. Et… je suis désolé, la question est peut-être maladroite, je sais qu’on ne peut pas vraiment les domestiquer, mais comme ils sont aussi sous la protection de votre famille… est-ce que la proximité de l’homme peut induire certains changements de comportements ? Ou vous faites en sorte qu’ils restent pleinement sauvages ?


Évidemment, ce n’est pas comme dans un zoo où certains liens entre animaux sont artificiels, mais tu te demandes si dans ce cas-là ça peut jouer.

— Vous avez déjà pu assister à de premiers envols ? Ça doit être touchant de les voir décoller pour la première fois…

Okay, tu as surtout des images des films Dragons en tête sur ce coup-là, tu connais plus la culture populaire moldue que la réalité – au-delà du fait que les dragons peuvent être dangereux.

L’émotion saisit Abigail et tu la rejoins, déplorant de ne pouvoir faire davantage. Elle semble peu adepte des contacts physiques ou du moins ne te le montre pas. Tu t’efforces de la réconforter comme tu le peux, espérant de toutes tes forces ne pas aggraver les choses. Tu comprends sans mal que le manque soit trop fort. En revanche, la suite te prend au dépourvu. Elle semble se confier réellement – à l’image de ce qu’elle t’encourageait à faire quelques minutes plus tôt. Pourtant, tu n’es pas la personne à plus apte à l’aider – ou peut-être a-t-elle jugé que si, pour cette fois ?
Ses paroles te touchent profondément et à la façon dont elle les dit, tu comprends que ce n’est pas quelque chose dont elle doit parler souvent. Peut-être même jamais. Le visage plongé dans ses mains, elle sanglote, avec peut-être ce côté libérateur des aveux trop longtemps retenus, comme si un poids la quittait soudain. Tu te baisses pour te mettre à sa hauteur sans trop te rapprocher, la laisses pleurer autant qu’elle en a besoin. C’est tout son amour pour son frère, toute sa peur aussi qui ressortent dans ces quelques phrases.

— Je comprends votre peur, ce serait comme le perdre une nouvelle fois. Mais… je ne pense pas que vous l’oublierez, vous l’aimez trop pour cela. Il y a des choses qui vont changer, sans doute, certaines qui vont s’estomper parce que l’esprit humain est ainsi fait, mais l’essentiel restera là. Je crois que faire son deuil, ce n’est pas oublier la personne, c’est apprendre à vivre sans elle, alors que le vide vous en empêche.

Est-ce qu’on peut vraiment passer au-dessus d’un deuil qui vous touche aussi profondément ? Tu as eu la chance de ne pas en connaître, mais tu en doutes. Ça reste une blessure puis une cicatrice pour la vie. Ça te fait un peu penser à cet artisanat japonais qui répare les objets cassés et, au lieu de masquer les cicatrices, les met justement en valeur en remplissant d’or les failles, pour montrer qu’on peut encore créer du beau et faire exister quelque chose de malmené, là où le vide ne reste qu’un gouffre béant.

— Tout ce que vous me dites de lui, tout ce qu’il a semé en vous… cela vous aidera à ne pas l’oublier.



Game of Blood  Ϟ Tous droits réservés


Il arrive que nous trouvions de l'aide là où on ne s'y attend pas [Eirian] - Page 2 21013008104866668 Il arrive que nous trouvions de l'aide là où on ne s'y attend pas [Eirian] - Page 2 M-daille-Eirian

Spoiler:





   
On the run,
falling to the depths

Do you know what it's like when
You wish you were someone else
Who didn't need your help to get by ?
Do you know what it's like
To wanna surrender ?
Revenir en haut Aller en bas
Abigail MacFusty
Abigail MacFusty
Sorcier OP
INRP
Métier : Professeur de Soins aux Créatures Magiques & directrice de la maison Poufsouffle
Messages : 5482
Gallions : 4176
Date d'inscription : 27/11/2020
IRL

Lumos
Je rp en : #cc3333 & lightgrey
Mon allégeance : Ordre du Phénix
Lun 31 Mai - 16:27
Avoir le choix ou non, voilà toute la cruelle différence de la technologie du Blood Circle. Bien sûr, les sorciers pouvaient décider de vivre sans leurs pouvoirs, c'était ce que beaucoup faisaient déjà depuis des millénaires, en se fondant dans la masse, en prétendant vivre comme tout le monde, dans la "normalité" du monde non magique. C'était ainsi que les sorciers avaient d'ailleurs vécu jusqu'à la rupture du secret magique. Tout en cachant notre véritable identité aux moldus, nous leur avions cependant toujours laissé le choix. Le choix de vivre, de faire leurs guerres, de polluer notre monde alors que nous avions d'autres possibilités, le choix de s'aimer et d'élever leurs enfants comme ils l'entendaient. Les sorciers n'avaient pas peur des moldus, pour différentes raisons qui étaient propres à chacun (les moldus sont inférieurs, les moldus ne peuvent pas être dangereux, les moldus vivent moins longtemps que nous, etc.).
Maintenant que le secret magique était brisé, j'avais cette terrible sensation d'être traquée. Une chasse au sorcier réveillé alors qu'il dormait depuis la sortie du Moyen-Âge. Les différences avaient toujours fait peur à ceux qui ne pouvaient pas comprendre tandis que dans le monde magique, il était davantage intrigant (mais pas que). Les moldus, eux, étaient esclaves de leurs peurs et de leurs étroitesses d'esprit. Ils interdisaient bien des choses qui n'avaient aucun sens ni aucune raison d'être, et aujourd'hui, ils voulaient tout bonnement et simplement éradiquer le monde magique. Comme si détruire leur propre planète ne suffisait pas, il fallait aussi qu'ils en viennent à détruire notre monde. Que feraient-ils face aux dragons ? Aux sombrals qu'ils ne pourraient jamais voir ? Aux Démiguises qui se rendaient invisibles comme ils l'entendaient ? Aux phénix qui pouvaient tout embrasser en un battement de cils puis disparaître à l'autre bout du monde ?
Il y avait énormément de paramètres qui entraient en compte, et moi, présentement, je ne comptais que ceux que je connaissais, à savoir les animaux fantastiques. Il y avait bien d'autres dimensions que je ne maitrisais pas, et donc que je ne pouvais même pas imaginer. Les runes, l'arithmancie, les potions, le mouvement des planètes, des étoiles et de la lune… les loups-garous.

- Être obligé de quelque chose… c'est terrible, surtout dans ces conditions. Les accidents existent bien sûr, mais nous devrions pouvoir avoir le choix. Enfin, ceci est dans le monde idéal d'Abigail McFusty évidemment… pour l'heure nous pouvons être rassurés que les effets ne soient que temporaires, mais comme vous dites, combien de temps tout cela va durer jusqu'à ce qu'ils trouvent quelque chose qui dure de manière permanente ? Et nous, aurons-nous trouvé un remède pour faire machine arrière ? La question que je me pose est… est-ce véritablement possible de nous retirer ce qui coule dans nos veines depuis notre naissance ? Vous voyez peut-être est-ce… un peu comme une maladie. Je ne le dis pas au sens péjoratif du terme, mais… par exemple, nous n'avons toujours trouvé aucun remède contre le cancer, ou certaines autres terribles maladies, comme le VIH ou Alzheimer. Des enfants naissent avec des maladies dites incurables. Alors… et si notre magie l'était ? Incurable ?

J'avais la même manière de penser qu'Eirian, à savoir que si un jour je serai coupé de ma magie, je vivrais dans l'angoisse de la vie moldue, mais surtout, je vivrais en sachant que quelque chose m'est retiré. Comme un membre, ou mes cheveux, ou autres choses. Quelque chose qui est là à la naissance, et qui ne reviendra jamais plus. Il y aurait sans doute de terribles effets secondaires, comme des douleurs fantômes ou je ne sais quoi… c'était ce qui était terrible dans cette situation, c'était que nous pouvions tellement tout imaginer et supposer que la dimension en devenait vertigineuse et particulièrement effrayante. Le monde sorcier était dans l'expectative de savoir ce qui allait arriver. Dans l'attente de savoir si nous allions trouver un remède, ou si l'entier de notre monde serait condamné à la nuit.

Nous étions dans cette période de suspension alors que l'histoire, elle, ne cessait d'avancer et d'évoluer, tout comme les mœurs du moment ou de cette modernité à chaque instant remise en cause. Il y avait, à chaque époque, quelque chose qui n'allait pas, quelque chose qu'il fallait pointer du doigt, quelque chose qu'il fallait faire entrer dans des cases. L'être humain était une espèce à part dans son instabilité, et s'en était presque effrayant. Oui nous pouvions retrouver nos erreurs passées dans les livres d'histoire, oui, ces histoires se répétaient, encore et encore, comme une vieille poésie qui n'avait jamais été apprise par cœur. Malgré tout, et Eirian le disait très bien, c'était que les définitions, la manière de penser, évoluaient constamment. Peut-être que le discours que nous tenions, mon invité et moi ce soir, ne serait plus du tout le même dans dix ans ou plus. Paradoxalement, c'était aussi ce qui rendait l'espèce humaine si intrigante et merveilleuse, c'était cette capacité à s'adapter, à évoluer, et malgré la haine qui pouvait être lue et constater dans les récits, il y avait toujours une chose irrémédiable et indubitable qui revenait sans cesse. C'était l'amour.

De l'amour ce soir c'était bien ce qui nous animait, et animait nos discussions, même si ce n'était pas l'amour avec ce grand A, celui qui fait trembler les murs et qui sonne la fin d'une sérénité toute relative. Il y avait bien des formes que l'amour pouvait prendre, je l'avais appris à mes dépens tout au long de ma vie, et davantage avec les créatures fantastiques. Elles étaient à ce point désintéressées qu'elles aimaient inconditionnellement. C'était une chose merveilleuse que j'avais apprise auprès d'elles, et quand bien même j'essayais de suivre leurs exemples, j'en étais incapable. Peut-être était-ce parce que j'étais trop émotive, ou peut-être était-ce simplement parce que j'étais un être humain et que ce n'était donc pas dans notre nature, je l'ignorais. Ne pas mettre de condition à quelque chose, aussi petite soit-elle, était un véritable challenge au quotidien.
Quand bien même ce soir j'étais animée par l'amour et la bienveillance, j'ignorais si mes paroles étaient censées, si elles frappaient le jeune homme et qu'elles raisonnaient en lui. Profondément j'en doutais, car je n'étais pas une grande oratrice et que je n'avais pas l'habitude de dialoguer comme je le faisais avec lui aujourd'hui. C'était une situation bien exceptionnelle, je devais l'admettre, et aussi le reconnaître, cela m'épuisait autant que ça me faisait du bien. Être en une si agréable compagnie me mettait du baume au cœur, mais moi qui était à ce point solitaire, me retrouver à tenir un discours aussi profond avec quelqu'un me pompait énormément de mon énergie.
Une telle journée pouvait s'apparenter à mon métier d'enseignante, mais il y avait une dimension tout à fait personnelle que j'avais là avec Eirian, quelque chose que normalement je gardais sous clé, bien enfermé, car je n'aimais pas être trop proche des élèves, qu'ils soient de l'école ou de l'université. Ainsi, puisque je m'investissais plus personnellement, j'étais davantage fatiguée, d'autant plus que la nuit était bien avancée.
Gérard se mit à s'agiter sur son perchoir puis s'envola pour venir se poser dans mes cheveux et me picorant sans aucune douceur le haut du crâne.

- Aïe, aïe, aïe, mais arrête ça ! Je vais ouvrir la fenêtre oui, du aïe !

J'avais une relation tout à fait particulière avec cet oiseau, et avec le Grand-Duc qui m'avait suivi dès mes débuts à Poudlard, ça avait été encore plus saugrenu. M'excusant d'un rapide coup d'œil après de mon invité, je me relevais pour aller ouvrir l'une de mes fenêtres. La pluie dehors s'était calmée, mais le vent soufflait fort à ce point que quelques parchemins que j'avais posés sur la table s'envolèrent. Refermant le carreau une fois Gérard sortit, je passais une main dans mes cheveux, allant rapidement ramasser ce qui était tombé tout en reprenant la conversation comme s'il ne s'était rien passé.

- Je vous avoue que je ne crois plus spécialement dans les fins heureuses. Je n'en ai connu que des malheureuses, je n'ai plus d'espoir à ce niveau-là. Puis je regardais le jeune homme d'un œil taquin. Encore une fois, je peux en dire de même pour vous. Vous ne semblez pas croire ni vouloir que quelqu'un puisse faire partie de votre vie. Pourtant, je pense que vous y aurez droit, à votre fin heureuse. Malgré les embuches et les aiguillages d'ici là.

Revenant auprès de mon invité, je me glissais à nouveau sur mon canapé, reprenant la même position qu'avant, dans l'angle, les pieds allongés, la tête appuyée contre le dossier. Reprenant au passage ma tasse de thé, j'en buvais une gorgée, le temps d'une nouvelle réflexion.

- Moi aussi… savoir pardonner selon certaines situations ne doit véritablement pas être évident… j'ai eu la chance de pouvoir le faire, mais parce que mes situations n'étaient dans la fond pas… graves… quant à l'accident et bien… la situation ne se prêtait pas vraiment à une opportunité de haine. Et vous ?

L'accident avec mon frère avait été un véritable traumatise, néanmoins, je n'en avais jamais voulu à cette dragonne. J'aurais davantage pu avoir peur des grands sauriens alors que c'était ce que j'aimais le plus au monde, et c'était bien grâce à cette admiration que j'étais parvenue à passer au-dessus de ma peur, ou d'une potentielle colère. M'entraver de ces sentiments, c'était m'empêcher de respirer, presque à l'instar de si on m'avait privé de ma magie.
Aussi, j'avais osé lui poser la question, par curiosité, pour apprendre, pour avoir d'éventuelles clés si une situation de haine si profonde qu'elle engendrerait la vengeance devait m'arriver. Je ne voulais pas non plus paraître indiscrète et j'avais bien compris qu'Eirian ne me dévoilerait que ce qu'il avait envie de me dévoiler. Dans tous les cas je ne lui forcerai en rien la main, c'était là simplement une nouvelle opportunité de partager et d'échanger pour s'entraîner.
Parce qu'on ne sait jamais.

Cela pouvait aussi être une nouvelle opportunité de créer un souvenir bienveillant pour chacun de nous. L'un de ces instants suspendus dans le temps et qui donnaient du repos au cœur et à l'âme. Ces moments un peu plus brillants que les autres, qui nous permettaient de mieux nous éclairer dans les moments les plus sombres. Encore fallait-il avoir la présence d'esprit (et la force d'esprit) de s'en rappeler le moment venu. C'était un exercice aussi difficile que celui de former un patronus corporel, sortilège qui m'avait pris des années à maitriser, quand bien même j'étais une personne heureuse, j'avais aussi mes traumatismes. En réalité, sans Harper, qui était extrêmement douée en sortilèges, je n'y serai jamais parvenue. À bien y réfléchir, il y avait d'étroits liens entre trouver un souvenir heureux dans cette masse que nous offrait notre cerveau pour créer un patronus corporel, et se souvenir de quelque chose de positif, et voir le positif, dans une situation qui semblait de prime abord ne pas en avoir.
Amusée par les paroles du jeune homme, je ne pus m'empêcher de lui sourire avant de lui répondre avec gentillesse.

- Vous voyez qu'être accompagné de quelqu'un peut vous être bénéfique ? Il n'y a pas que le négatif, ni que le poids qui compte dans l'équation. Je levais les yeux en direction du feu de cheminée devant nous pour réfléchir. En fait, c'est un peu un exercice mental à faire tous les jours. Se souvenir de quelque chose de bien. Pas besoin de le faire durant des heures, juste un petit instant suffit, le temps de ressentir cette chaleur agréable dans la poitrine. Il faut le faire, encore et encore, chaque jour, jusqu'à ce que ça devienne un réflexe. Alors, dans les moments les plus difficiles, il est plus aisé de se souvenir, de retrouver un peu de lumière et de positivité.

Ce que je disais là semblait évident et facile à exécuter, mais en vérité, comme bien des exercices mentaux, c'était long et laborieux. Souvent j'avais baissé les bras, mais j'étais quelqu'un de tenace, alors je m'étais acharnée, jusqu'à réussir. Jusqu'à parvenir à voir du positif même lorsque je croyais avoir tout perdu. La question suivante en revanche me demanda de réfléchir davantage. Buvant une nouvelle gorgée de mon thé, je fronçais les sourcils avant de répondre, signe que je considérais fortement la chose.

- Des critères… non… pas vraiment… sûrement qu'ils me sont propres oui, mais… en vérité, je fais un peu à l'instinct à chaque situation. Je veux dire… je sais ce que je veux et qui je suis. Je sais qu'elles sont mes valeurs et celles que j'ai envie de transmettre. À contrario, je sais aussi ce que je ne veux pas être et ne pas faire. Alors ces choix, je les prends aussi bien avec ma tête qu'avec mon cœur. J'essaie de prendre les décisions qui auront le moins de conséquences, ou tout le moins, avec lesquelles je me sens le plus en accord avec ce que j'ai envie de transmettre. Je ne dis pas que c'est facile, je ne dis pas que je fais tout juste… mais au moins, j'essaie d'agir en mon âme et conscience.

Puisque c'était instinctif, il n'y avait pas vraiment d'explications définissables à donner. C'était vraiment quelque chose que je faisais en suivant ma personnalité et mon chemin de vie, dans le fond, j'étais quelqu'un qui se fiait énormément à mes émotions et à mes sensibilités, car j'étais ainsi constituée.
C'était aussi ces traits de caractère, aussi doux soient-ils, qui me rendaient la vie impossible lors des conflits personnels, ou comme en ces temps de guerre. J'étais profondément chagrinée et alarmée de ce qui se passait, et se dégageait alors de moi une certaine tétanie, comme si je voulais agir, mais que j'en étais incapable, figée sur l'instant, à contempler l'horreur du monde. Des fois, j'avais du mal à être optimiste, mais heureusement, il y avait des gens comme Eirian qui étaient là pour me rappeler que le bon existait, qu'il pouvait y avoir quelque chose de bien voire de meilleure. Comme nous l'avions mentionné plus tôt, dans les moments les plus sombres, c'était agréable d'avoir une personne capable de nous éclairer. Je souriais un peu.

- Vous avez raison… mais vous savez, je crois qu'on ne sera jamais assez, si l'on se place du point de vue de chacun. Le Blood Circle n'aura jamais assez de sorciers à torturer, les Mangemorts seront toujours en sous-nombre d'après eux, et nous, nous ne serons jamais assez à avoir l'espoir de la paix. C'est ironique vous ne trouvez pas ? Je penchais un peu la tête de côté en tapotant une nouvelle fois ma tasse de thé. Je pense que… relativiser est bien. Tant qu'il y aura des gens comme vous et moi, ceux qui acceptent les deux mondes, qui sont capables d'aimer l'autre malgré les différences, alors, il y aura de l'espoir et ni le Blood Circle ni les Mangemorts ne pourront y faire quelque chose. On ne peut pas satisfaire tout le monde, mais on ne peut pas non plus obliger tout le monde.

Il y aura toujours des rebellions, toujours quelqu'un pour se soulever et s'insurger. Même si notre histoire était à chaque fois différente, et qu'à chaque fois elle se réadaptait à son époque, il y avait pourtant toujours un point très commun : c'était qu'une seule personne pouvait faire pencher la balance. Peut-être était-ce simplement de cet enseignement que nous devions tirer profit, et non pas du reste. Peut-être cherchions-nous trop loin des réponses qui en réalité étaient juste sous notre nez.
En voyant et en entendant les craintes du jeune homme, j'en venais alors à me demander qui serait capable, dans son entourage, de s'insurger et de se rebeller contre lui, pour lui, pour son bien. Je le voyais se crisper à mes paroles, je le voyais essayer de contre argumenter, et quand bien même je pouvais entendre et comprendre ce qu'il me disait, ce n'était pas pour autant que je l'approuvais. Ironie du sort puisque moi-même avais des raisonnements similaires aux siens. La nuance était que moi, j'avais conscience que ce n'était pas la bonne solution, et j'avais conscience que je devais changer. Je tenais à ce qu'Eirian ait cet éclaircissement aussi. Alors, penchant le menton en avant, je regardais mon jeune invité par-dessous tout en adoptant un sourire aussi taquin qu'énigmatique.

- En êtes-vous bien certain Eirian, que de ne rien dévoiler vous protège et que c'est ainsi plus facile pour vous de ne pas y penser ? Je le lorgnais de haut en bas, dubitative. Permettez-moi d'en douter. Vous savez… peut-être que vous avez l'illusion que de ne rien dire fera en sorte de ne pas atteindre vos amis, moi je crains plutôt qu'ils partagent le poids de vos problèmes… seulement ils ignorent de quoi il s'agit… et ça, ce n'est pas enviable comme situation, ça peut même être pire que de connaître la vérité. Je me redressais pour m'appuyer à nouveau contre le canapé tout en inspirant profondément. Enfin… je peux aussi comprendre que la vérité blesse, des fois, on souhaite la cacher pour éviter de perdre ceux qu'on aime… mais avec le temps, j'ai appris à comprendre que… si les gens qui m'entourent ne sont pas capables de m'apprécier comme je suis, avec mes vérités… alors, je suis mieux seule. Comme dit l'adage, vaut mieux être seul que mal accompagné.

J'essayais de le percuter, de toucher des points sensibles avec les éléments que j'avais depuis le début de notre rencontre dans le parc. Mon but n'était pas qu'il se dévoile à moi ce soir, ce serait prétentieux de ma part. Non, je voulais surtout qu'il réalise que sa manière de faire n'était peut-être pas la meilleure, et qu'il y avait d'autres alternatives auxquelles il n'avait peut-être pas forcément songé. Je lui disais ce que je ressentais, dans toute ma logique, en ayant fait le choix conscient que ça pourrait le vexer ou ne pas lui convenir. Je ne voulais pas lui forcer la main, mais insinuer une idée alternative dans sa tête. J'avais fait ce choix, en mon âme et conscience.

Tout comme j'avais fait le choix d'être une dragonologiste appliquée à suivre les enseignements ancestraux de ma famille, pour veiller sur la race des Noirs des Hébrides jusqu'à mon dernier souffle. Ainsi allait mon destin, et je ne m'en plaignais pas, au contraire. Dans un sens, ce qui me faisait peur, c'était de ne pas avoir de lignée pour la continuer, moi qui étais incapable de rester en couple plus de quelques mois, il m'était ainsi impensable de songer à avoir des enfants. C'était un poids qui pesait de plus en plus lourdement sur mes épaules au fur et à mesure que les années passaient. Néanmoins, il n'était pas question de ma descendance maintenant que mon jeune invité se trouvait non loin de la bibliothèque et que je lui partageais quelques-unes de mes idées et quelques-uns de mes instants de vie.

- Les suivre toutes leurs vies est le travail d'une vie humaine. Ils peuvent vivre des centaines d'années si la maladie ou un autre prédateur ne vient les perturber. J'ai la chance de pouvoir suivre un couple et leurs nichées alors je ne me plains pas, ce sont mes principaux sujets d'étude, mais en réalité, tous les Noirs des Hébrides qui vivent dans les îles Hébrides, intérieures comme extérieures, sont répertoriés chez nous. Pour faire simple… j'ai pour ainsi dire tous les sujets à portée de main pour les étudier. Mais c'est une lourde responsabilité avant tout, nous devons contrôler leurs nombres, le trafic d'œufs et les autres trafics divers et variés, nous devons nous assurer que les moldus ne voient rien… il y a des jours plus intenses que d'autres.

Je souriais avec amusement. Ce métier était véritablement ma passion, et s'était surprenant que je sois une simple professeure à Poudlard. Je continuais néanmoins.

- Oui chez certaines espèces la mère est beaucoup plus violente lorsqu'il y a des œufs, c'est le cas chez les Magyars à Pointes.

Puis je souriais, amusée, avant de lui répondre.

- Votre question n'est pas idiote Eirian, au contraire. Les MacFusty s'efforcent de ne pas dénaturer le caractère du Noir des Hébrides. Elle reste une race très farouche et nous ne voulons pas changer cela. Lorsque nous travaillons avec certains sujets, nous nous efforçons de ne jamais interférer dans leurs modes de vie, nous laissons au maximum la nature faire les choses. Nous intervenons le plus souvent uniquement pour aider lors d'un cas critique, en cas de blessure par exemple, sur un sujet qui pourrait être un bon reproducteur. Cela dit, il existe des espèces bien plus dociles, comme l'Opaloeil qui est très peu agressif. Ce n'est pas pour autant qu'il est aisé de les domestiquer. En tout cas, dans ma famille, nous ne cherchons pas à les apprivoiser, nous veillons sur eux, nous les protégeons. Le Noir des Hébrides reste une espèce qui a un espace de territoire très limité puisqu'il s'agit d'îles, voyez-vous, un individu possède en général un territoire de deux cent cinquante kilomètres carrés.

Me permettant de boire une gorgée de thé comme si ma tirade venait de m'épuiser, je réfléchissais avant de reprendre.

- Oui j'ai déjà vu plusieurs envoles. C'est aussi fascinant qu'intriguant, que joyeux et dramatique. On peut peut-être comparer l'instant à l'envolée du nid de certains oiseaux. Certains y parviennent sans problème, comme s'ils comprenaient déjà toutes les énigmes du vent, et d'autres, aux ailes trop chétives, ou simplement ceux qui n'ont pas été assez bien nourris et sont donc trop frêles, tombent du haut des falaises. C'est à chaque fois une victoire lorsque nous assistons à un envole réussi. Autant chez les oiseaux, les humains peuvent intervenir… autant chez les dragons, nous ne pouvons rien faire pour les aider. Rien d'autre que prier. Nous évitons de trop modifier leur environnement en apportant de la nourriture, car ça rendrait les dragons flemmards et diminuerait leurs territoires de chasse. Pour être en bonne santé, le dragon a besoin de s'envoler, de faire son sport si je peux dire. Je haussais un peu les épaules. Ma fois, c'est ainsi…

Tout comme il était ainsi que la vie m'a retiré mon bien cher frère. Il me manquait terriblement en cette période qui sonnait le glas de son décès. Pouvait-on appeler ça un anniversaire ? Je l'ignorais, mais il n'empêchait que ce n'était pas une époque de l'année que j'appréciais depuis deux ans, et je redoutais sincèrement le premier août depuis. Je pleurais un peu plus chaque année, comme si j'essayais de combler de mes larmes ce manque, ce trou béant qui était dans mon âme. Je sentais bien qu'Eirian était proche de moi, et je sentais aussi également qu'il essayait tant bien que mal à me venir en aide. Je le remerciais pour ses paroles, mais même si je les entendais, elles n'étaient pas assez fortes pour que je les considère véritablement. Tout comme mes paroles plus tôt ne l'avaient guère décidé. Mais peut-être que cela suffisait à introduire une idée en moi, qui sait ? Tant bien que mal, j'essuyais ce flot continu de larmes sur mes joues soit du bout des doigts, soit du dos de mes mains ou encore de mes paumes. Rien n'y faisait, j'étais dans l'incapacité de m'arrêter de pleurer pour l'instant. Alors, même s'il était devenu un peu trouble dans ma vision, je redressais sensiblement le visage vers Eirian pour le regarder.

- Merci pour votre sollicitude… mais justement… je ne veux pas que ça change, je ne veux pas que ça s'estompe, je préfère revivre chaque instant et en souffrir, plutôt que de vivre en paix, mais en ayant oublié. Même si… même si oublier serait plus simple.

Tout comme mon invité était hanté par le fait d'être mis de côté par ses amis, moi, j'avais déjà subi l'abandon inattendu et cruel, par deux fois. La première avait été avec Harper, la seconde au décès de Kyle. Bien qu'oublier ses événements serait plus simple pour moi et m'aiderait à avancer dans ma vie, je n'arrivais pas à me résoudre à le faire. Alors je souffrais, tout bonnement et simplement. Pire, j'alimentais cette douleur pour me donner l'illusion d'une présence d'ores et déjà disparue.

- Je ne veux pas apprendre à vivre sans lui.


Never Ending Circles
ANAPHORE


Il arrive que nous trouvions de l'aide là où on ne s'y attend pas [Eirian] - Page 2 CBY7jAc
Il arrive que nous trouvions de l'aide là où on ne s'y attend pas [Eirian] - Page 2 Banniz10

Revelio:

Revenir en haut Aller en bas
Eirian Howl
Eirian Howl
Serdaigle OP
INRP
Métier : 3e année de Protection magique (spé Auror)
Messages : 5388
Gallions : 8613
Date d'inscription : 30/07/2020
IRL

Lumos
Je rp en : #00ccff
Mon allégeance : Ordre du Phénix
Lun 14 Juin - 20:48
Il arrive que nous trouvions de l'aide là où on ne s'y attend pas
« juillet 2020 »
Que des sorciers veuillent vivre sans magie, tu le conçois parfaitement. Certains l’ont fait en épousant un moldu, d’autres avaient davantage d’affinités avec le monde non magique par éducation ou par goût, d’autres encore avaient une passion pour un élément moldu, une technologie, leur histoire, peu importe et ont choisi de s’y consacrer. Toi, tu aimes naviguer entre les deux, voir un film au cinéma puis passer la fin de la journée au Part Chemin, la librairie mi-sorcière, mi-moldue. Manger une glace chez Fortarome, puis dîner dans un restaurant japonais. La liberté de choisir, celle aussi de ne pas choisir. Et c’est cela que le Blood Circle veut vous arracher. Ils veulent vous priver de votre libre arbitre par la force, en vous ôtant une part de vous-mêmes. Comment l’accepter, comment le tolérer ?
En instituant le secret magique, les sorciers ont permis à chacun des deux mondes de se développer en liberté, sans domination magique pour le moldu, sans interférences technologiques pour le sorcier, leur permettant de conserver leurs spécificités et leur identité. Sinon, le monde magique aurait aisément pu se faire engloutir par le non magique, du fait du nombre toujours faible de sorciers – tu t’es toujours demandé si cela était une sorte de contrepartie de la magie. Le pouvoir, oui, mais avec moins de capacité de croissance, une sorte d’équilibre naturel. Peut-être.
En tout cas, la paix pour les deux mondes, le choix pour les sorciers de vivre dans celui qu’ils veulent. Un équilibre fragile qui s’est maintenu pendant quelques siècles jusqu’à ce que le Blood Circle le fasse voler en éclat. La guerre aurait pu rester larvée, des escarmouches ici et là, quand l’un d’eux trouvait par hasard la piste d’un sorcier. Mais non. Cette fois, ils ont vu les choses en grand et le passé se répète : les sorciers sont de nouveau traqués pour ce qu’ils sont, tués ou utilisés comme cobayes. Le souvenir de l’Institut reste vif dans ton esprit, de même que les visages des victimes aperçues, adultes comme enfants. Tu penses aussi à Garnet, née Cracmolle parmi les sang-pur, qui l’ont détruite pour cela, qui lui ont fait expier ce dont elle n’est pas responsable. Comme ton propre père t’aurait fait expier ta nature si ta mère ne s’était pas dressée devant lui, te faisant passer avant toutes ses convictions, toutes ses croyances. Sorciers et moldus, le fond est le même : la haine croît sur les peurs et les incompréhensions, sur le refus des différences. Blood Circle comme mangemorts, ils ne veulent que détruire.
Et tu redoutes la dernière arme mise au point, ce sérum qui peut vous priver de vos pouvoirs. Par chance, les effets n’en sont que temporaires, mais tu crains le moment où ils réussiront à maximiser l’efficacité de leur formule. Est-ce qu’il sera possible de revenir en arrière ? Est-ce qu’ils pourront ôter… physiquement son pouvoir à un sorcier pour le réutiliser ? Non.

— Oui, tout à fait, c’est une question de choix. Des sorciers vivent parfaitement bien dans le monde moldu, mais personne ne les y a forcés. J’espère vraiment qu’ils ne réussiront pas à développer une formule plus puissante. Je n’ai pas l’impression que nous ayons vraiment de remède… on peut contrer des effets temporaires, mais quelque chose de définitif ? Je ne suis pas sûr que nous y arrivions. Je ne sais pas si notre magie est incurable comme vous dites. J’en doute puisqu’ils arrivent à la bloquer… Pour moi, c’est un peu comme nous vider de notre sang ou nous couper un bras, plutôt que comme une maladie.

Tu croises mentalement les doigts pour que ce jour ne vienne jamais. Si tu te retrouvais sans pouvoir… tu ne saurais pas quoi faire de ta vie. Tu as tout construit du côté sorcier. Est-ce que ton père reviendrait sur sa volonté de se débarrasser de toi ? Tu n’en es même pas sûr. Ça fait trop longtemps que tu lui échappes, trop longtemps que tu l’humilies. Rien que pour ça, il ne te pardonnera pas. Et il lui serait alors beaucoup plus facile de mettre la main sur toi, tu serais pratiquement sans défense face au Cercle.
Aborder le sérum et de façon implicite les expériences autour de la magie te met mal à l’aise, te laisse un peu nauséeux et angoissé. Ton imagination fonctionne beaucoup trop bien. Tu ne peux qu’espérer que le conflit trouve une résolution rapide, mais ça reste un vœu pieu, naïf. C’est plus une montée en puissance que vous risquez, dans ce renouvellement éternel des conflits. En milliers d’années d’histoire, on aurait pu espérer que l’être humain apprenne à faire autre chose que la guerre, mais cela semble être un invariant de l’espèce. Leçon jamais apprise, jamais appliquée, toujours rejetée. Suivie de vaines promesses, plus jamais ça, c’est la dernière fois… Sur ce sujet-là comme sur d’autres, la mémoire humaine est courte et a vite fait d’oublier ses bonnes résolutions – ou de trouver une bonne raison de les rompre.

Heureusement, tu n’es pas totalement misanthrope, tu peux reconnaître qu’il y a aussi de bonnes choses chez l’être humain. Comme l’amour – sa force mais aussi sa faiblesse face à l’avidité et à la soif de pouvoir. Amour romantique, fraternel, familial, amical… tu crois à toutes ses formes, à toute sa fabuleuse diversité. Souvent, les gens ne retiennent que l’amour romantique, la force du couple, ce sentiment qui est censé dépasser tous les autres – qui les dépasse dans nombre de films ou de romans. Tu n’es pas vraiment d’accord – ou alors, ça vaut aussi pour les autres variations. Pourquoi mourir pour ses amis serait moins beau ou moins fort que mourir pour l’être aimé ? Et de façon un peu plus optimiste, pourquoi l’amitié devrait-elle être moins puissante que l’amour ? Tu ne comprends pas vraiment cette hiérarchie des sentiments.
De toute façon, tu as du mal à admettre que l’amour, quelle que soit son apparence, puisse être pour toi. Enfin, non, ce n’est pas un sentiment que tu rejettes d’emblée, mais tu sais très bien que tu n’es pas un cadeau. Tu as d’ailleurs rarement l’occasion d’évoquer le sujet – pauvre Abigail qui se retrouve soudain la confidente de tes états d’âme, qui t’aide à mettre des mots sur tout ce qui t’agite et que tu ne formules jamais. Ce ne sont pas vraiment des sujets que tu tiens à aborder avec tes amis, tu redoutes toujours autant leurs questions, les « pourquoi » qu’ils risquent de ne pas retenir. Le silence a toujours été plus simple. Tu le vérifies une fois de plus d’une certaine manière : la conversation achève de t’épuiser. Depuis quand n’as-tu pas parlé aussi longtemps avec quelqu’un ? Surtout sur des sujets aussi drainants ? Des mois, peut-être. Des années. Tu as tout renfermé en toi-même, tu as l’impression de forcer une serrure récalcitrante, d’ouvrir une porte fermée depuis trop longtemps, rouillée et grinçante. Pour autant, même si la nuit est bien avancée maintenant, tu n’as pas sommeil. La fatigue t’écrase, mais tu sais que tu ne dormiras pas. Tu appréhendes la journée à la librairie, il faudra que tu tiennes d’une façon ou d’une autre.

Le hibou d’Agibail en a soudain assez de vos considérations philosophiques et s’élance vers sa propriétaire. Tu as une pensée pour Nox, qui doit rôder dans les environs de Londres cette nuit. Tu le laisses libre autant que possible l’été, même s’il vient régulièrement te tenir compagnie la nuit – avec un sixième sens pour détecter les moments où ça va moins bien. Tu souris tandis qu’Abigail va ouvrir la fenêtre. La pluie s’est arrêtée, même si tu en sens encore l’odeur dans le vent qui s’engouffre dans la pièce, emportant des parchemins. Tu te lèves pour aider la sorcière à ramasser ce qui est tombé, puis tu reprends ta place sur le canapé.

Elle est elle-même assez pessimiste quant à ses propres histoires d’amour. Pour autant, elle garde espoir pour toi. Une fin heureuse… tu préfères ne pas y penser. Ça ne peut que mal se terminer avec tes contraintes, tu ne peux pas en demander autant à quelqu’un… et tu ne sais pas combien de temps il te faudra pour aller mieux. Si jamais tu tombais amoureux, la meilleure chose à faire serait de t’éloigner de la personne en question – tu l’as déjà fait, tu peux recommencer. Tu souris à Abigail :

— Je vous propose quelque chose : vous continuez d’espérer pour moi, et moi, j’espère pour vous ? J’ai l’impression que ça marche mieux dans ce sens-là.

Pardonner à ceux qui t’ont fait du mal… tu te crispes. Tu t’es déjà posé la question pour ton père. Est-ce que tu lui pardonnerais… Est-ce qu’au fond de toi, tu lui pardonnes ce qu’il t’a fait, ce qu’il veut te faire, cette épée de Damoclès toujours en suspens au-dessus de ta tête, qui n’attend que la moindre erreur pour s’abattre, qui te coupe toute chance de mener la moindre vie normale ? Tout est faux chez toi par sa faute. Ton nom, ta date de naissance, ta famille… rien qui puisse faire le lien avec ta véritable identité. Tu ne sais pas. Et de toute façon, tu ne peux pas pardonner ce qui est toujours en cours. En revanche, il a intérêt à ne pas avoir fait de mal à ta mère – plus qu’il ne lui en fait déjà en la retenant prisonnière depuis si longtemps. Mais tu as ta part de responsabilité dans cela – c’est ta faute si elle est captive et tu n’as pas encore pris le risque de tenter de la sauver. Robin devrait t’apporter de nouvelles informations dans les prochaines semaines, tu espères qu’elles te permettront d’y voir plus clair.
Mais ton père n’est pas le seul. Il y a l’autre. L’autre qui n’est qu’un visage flou dans tes souvenirs, brouillé par la drogue. L’autre dont tu te rappelles certaines intonations, sa main sur ton bras, tandis qu’il t’entraînait vers le café, son sourire bienveillant. Son parfum, surtout, que tu sens encore dans tes cauchemars et qui te rends systématiquement malade. Des sensations, des flashs. Le reste, gravé dans ta chair et dans ta tête, comme un film qui tournerait en boucle, que la moindre allusion, la moindre sensation suffit à relancer. Tu trembles, croises les bras en un geste protecteur. Chasses les images dans ta tête et la nausée dans ta gorge. Tu ne te sens pas très bien.

— Je ne pardonne pas. Et j’ignore si je serai capable de le faire un jour.

Ta voix est basse. Même s’il y avait une justice, même s’il était arrêté – il l’a peut-être été d’ailleurs, tu n’en as aucune idée, tu ne peux que le souhaiter –, il reste celui qui a achevé de bousiller ta vie. De te bousiller. Évidemment, tu ne peux pas deviner comment les choses se seraient passées si ça n’avait pas eu lieu, mais tu te rappelles comment tu étais avant. Ce n’était pas… optimal – euphémisme – mais tu tenais, tu étais capable de fonctionner normalement. De t’en sortir. Les autres n’étaient pas un danger permanent, tu pouvais gérer. Il t’a dépossédé, t’a laissé avec des pièces cassées dans les mains, que tu n’arrives pas à remettre en place. Alors, non, tu ne pardonnes pas. Quant à le haïr… il t’encombre déjà assez l’esprit pour que tu n’y ajoutes pas ça. Ce serait lui faire trop d’honneur.

— Je ne les hais pas, tu ajoutes, ils ne le méritent pas, mais je ne leur pardonne rien.

Tu ne crois pas vraiment à la vengeance. Ça te soulagerait peut-être sur l’instant, quoique ça impliquerait de te confronter à ce que tu essaies de fuir. Mais après ? Ça ne te rendra jamais ce que tu as perdu, ça ne te réparera pas, ça ne fera pas redevenir celui que tu étais. Tu n’as pas de temps à perdre à ressasser ce que tu leur ferais, tu ne peux pas t’enfermer encore plus dans ces événements-là. À ton père comme à lui, tu leur refuses cette emprise supplémentaire sur toi. Sinon, ça finira par te tuer, et tu dois aider ta mère avant. C’est sur elle que tu préfères concentrer toute ton attention, elle seule pour qui tu veux monter des plans et agir. Mais bien sûr, tout cela, tu ne peux pas le dire, et tu en as déjà admis bien assez sur le sujet.

Pour toi, cette discussion ressemble à un clair-obscur, clarté du moment et du repos offert, de cette occasion de te relâcher un peu, loin de Londres et de ses dangers, clarté de ces échanges qui te font du bien et te lavent l’âme en quelque sorte, t’aident au moins à éclaircir toute cette boue que tu trimballes. Obscurité, parce que vous touchez à tout ce que tu refoules d’ordinaire, comme si Abigail s’était mis en devoir de remuer les tréfonds de ton cœur – tu ne sais pas si elle s’en rend vraiment compte. Mais ce n’est pas intrusif, et tu choisis de lui répondre en connaissance de cause, tournant autour des problèmes sans jamais les aborder frontalement. Équilibre fragile, précaire, que vous arrivez à maintenir, que tu acceptes parce que tu en as besoin, parce que tu as trop conscience du fil instable sur lequel tu oscilles.

Elle te renvoie de nouveau tes paroles. Oui, tu sais que ça peut être positif d’être accompagné de quelqu’un. Mais il faut que ça le soit dans les deux sens et c’est là que ça pèche. Quant à te rappeler les bons moments… ça te renvoie à tes difficultés, voire ton incapacité, à faire apparaître ton Patronus corporel. Frustrant là aussi parce que tu y arrivais très bien avant, c’est un sortilège que tu as aimé travailler et dans lequel ton amour de la magie et des enchantements se retrouvait parfaitement. Maintenant… Sean et Rose ont bien essayé de t’aider, mais ça ne reste pas brillant, comme si quelque chose voilait tes anciens souvenirs – ou comme s’ils n’étaient pas assez forts pour dépasser le reste. Vous avez pourtant eu beaux moment avec ta mère, tu en as eu quelques-uns avec tes amis ces derniers mois. Mais tu n’arrives pas à investir ces souvenirs, à les rendre assez importants pour toi, même sans menace direct. Tu n’imagines même pas ce que ça donnerait face à un Détraqueur – ou plutôt si, tu te retrouverais absolument sans défense, incapable de lutter contre tes reviviscences traumatiques.

— Je sais que ça peut être bénéfique… mais je n’ai pas envie de vampiriser l’autre, parce que moi, je n’ai rien à lui apporter. Mais je vois ce que vous voulez dire et c’est vrai que c’est important de prendre du temps pour se rappeler ces moments, remettre un peu de lumière parmi le reste… et ne pas oublier qu’elle existe toujours.

Le fait est que tu as du mal à la voir en ce moment, mais c’est aussi la période qui veut ça. L’été reste la pire saison de l’année. On n’est que début juillet et les deux mois à tenir sans abri t’angoissent – chaque jour qui passe est un soulagement, un pas dans la bonne direction, un jour de moins à tenir aussi. Rarement ces deux mois t’ont paru aussi longs. On n’est qu’au début et tu aimerais que ce soit déjà terminé. Ou pouvoir hiberner à l’envers, faire passer ces semaines en un clin d’œil, comme si elles n’existaient pas vraiment. Te reposer, n’avoir à penser à rien, et surtout pas comment survivre une nuit de plus.

Abigail détaille la façon dont elle prend ses décisions, en son âme et conscience. Tu t’efforces de garder tes principes, d’agir aussi honnêtement que possible là où tu le peux – si ce mot a vraiment un sens dans ta situation. Disons que par rapport à l’Ordre et à ce que tu vois de la société sorcière comme celle moldue, tu t’efforces de prendre le chemin qui te semble amener vers la paix. Pour autant, ton sens moral n’est sans doute pas celui du commun des mortels. Tu as déjà vu sans sourciller Garnet tuer deux mangemorts de sang-froid, et même si tu ne partages pas sa vision des choses, tu comprends pourquoi elle l’a fait. Comme tu as déjà vu ta mère tuer pour vous sauver dans le passé, comme tu sais que les entraînements qu’elle t’a donnés peuvent parfaitement déboucher sur autre chose qu’un KO. Tu n’as jamais tué et tu te refuses d’y céder tant que tu le peux, mais tu sais que ça peut arriver, et que ce jour-là, ce sera toi – ou l’un de tes proches – ou l’autre.

— Oui, je comprends… Il faut arriver à tenir droit, se raccrocher à ses valeurs et ne pas forcément se laisser toucher par celles que défendent d’autres personnes si elles ne nous correspondent pas. C’est une sorte de guide général… Je pense que personne ne peut prétendre faire tout bien ou tout juste, mais… on fait du mieux qu’on peut, avec ce qu’on a entre les mains à un moment donné.

Quant à tes propres choix… tu ne peux pas nier que certains sont intéressés, rejoindre l’Ordre, c’était aussi une façon de te protéger, d’avoir des gens pour assurer tes arrières, même si cela correspondait aussi à tes valeurs. Mais tu doutes que les sorciers puissent accepter ta proximité avec Robin ou Carl.
Tu espères arriver à tracer un chemin qui te convient, en encourageant notamment les initiatives comme celles de Raphaël pour le rapprochement entre les deux mondes, tout en ayant conscience que la moindre erreur t’ait interdite. Tu aurais tôt fait de passer pour un traître aux yeux des sorciers et en période de guerre ça ne pardonne pas.

— Oui, ils ne seront vraiment satisfaits que le jour où ils auront remporté une victoire totale. Et nous aussi, je suppose, si nous arrivons à trouver le moyen de faire coexister tout le monde dans la paix… mais je pense que nous accepterions plus facilement un compromis. Nous sommes nombreux malgré tout même si nous ne sommes pas les plus bruyants, la majorité des moldus et des sorciers ne veulent que vivre leur vie tranquillement…

Tu doutes que le Blood Circle ou les Mangemorts puissent vraiment gagner. Mais faire des dégâts, clairement. Ce qui donnera d’autant plus de travail aux bonnes volontés. Cependant… Dumbledore face à Grindelwald, Potter face à Voldemort… il suffit parfois de peu de monde pour faire pencher la balance.

Face à tes propres conflits, tu ne sais pas non plus quels choix effectuer. Le silence est ta solution par défaut, même si Abigail tente de te convaincre qu’elle n’est pas viable sur le long terme. Mais quoi ? Laisser tomber tes barrières montées depuis tant d’années ? Sauf que si ça ne marche pas, tu n’auras pas de deuxième chance. Et si les sorciers te considèrent comme un traître et veulent te mettre la main dessus… Entre eux et le Blood Circle, tu ne survivras pas longtemps, tu ne seras à l’abri dans aucun des deux mondes. Ton père t’a haï à l’instant où il a compris ta vraie nature. Ta mère t’a protégé, mais tu ne demanderais à personne de tout sacrifier pour toi. Carl et Robin acceptent ta nature de sorcier… Est-ce que des sorciers pourraient accepter que tu viennes du Cercle ? Que tu as vraiment fui ? Que tu n’as pas eu d’autre choix que de mentir depuis le départ ?
Ça te terrifie. Littéralement.
Le « personne ne doit savoir » de ta mère te hante, tes promesses de ne jamais rien dire. L’idée que si tu parles, tu signes ton arrêt de mort. Les distances que tu as toujours maintenues avec les autres – sauf ces derniers mois, ces amitiés qui compliquent tout, parce que tu en as marre de mentir, parce que tu voudrais qu’ils te connaissent, qu’ils sachent ce que tu as vécu, non pour t’en plaindre, mais pour exister vraiment. Être Eirian et Nathan.
S’il n’y a plus de mensonge… tu te sentirais vulnérable, exposé, et tu n’es pas sûr qu’ils apprécieraient ce qu’ils verraient. Mais ils ne méritent pas non plus que tu continues de jouer avec eux.
Tu es si tendu que la compresse que tu gardais contre ton bras glisse. Tu la rattrapes au vol, fixes les traces de sang séché dessus. La potion a rempli son office. Tu ne peux pas dire que le silence t’aide à aller mieux. Mais parler risque de t’entraîner vers le pire. Tu froisses la gaze entre tes doigts. Le regard dubitatif d’Abigail parle pour elle, on ne peut pas dire que ta méthode soit un succès.

— Ça me protège. Je ne suis pas sûr que ça me fasse y penser moins… mais ça évite d’y penser encore plus. Je sais que certains se posent des questions, mais… je n’ai jamais essayé, ni voulu leur en parler. Ils doivent s’imaginer des choses…

Kayla n’a jamais forcé, tu n’as jamais répondu aux questions d’Élise, esquivant le sujet, lui laissant entendre que tu avais assisté à un événement traumatisant plutôt que d’en être la victime, sans lui donner aucun indice sur la situation en question. C’est ce qui t’a paru le mieux à l’époque, pour tenir les choses à distance, pour ne pas mettre de mots sur ce qui s’était passé. Tu espérais encore pouvoir oublier, arriver à te relever. Est-ce que ça t’aurait soulagé d’en parler, de confier au moins ça à la Serdaigle ? C’est une réponse que tu n’auras jamais.
Tu soupires, plonges ton visage dans tes mains, les remontes vers tes cheveux, ébouriffant tes boucles au passage. Tu as du mal à démêler tes sentiments. Parfois, on en a tellement marre d’être seul ou de se sentir seul qu’on préfère être mal accompagné. Mais tu ne penses pas l’être. Mais… tes contradictions t’agacent, tu ne sais pas comment le formuler.

— C’est… Je ne crois pas que je suis mal accompagné. Mais je ne veux pas que leur façon de me voir change, que ça transforme nos relations… devenir l’ami à problèmes. Je n’ai pas envie que ça vienne abîmer ce qu’on partage ou que ça les perturbe. Et c’est vrai aussi que je ne veux pas savoir s’ils m’apprécieraient autant une fois au courant. Je ne veux pas prendre le risque de les perdre. Je sais que c’est lâche et que ce n’est pas juste pour eux de les laisser s’interroger sans rien leur dire. Mais si ça se passe mal, si ça empire les choses… je ne sais pas comment je m’en sortirais.

Ta voix porte une inflexion interrogative, comme si tu espérais qu’Abigail détienne les réponses à tout cela. Il n’y en a sûrement pas d’autre que de te jeter à l’eau et de constater le résultat. Une sorte de saut de l’ange sans parachute, sans garantie de trouver de quoi amortir la chute. Si tu les perds… Mais si tu ne les perdais pas ? Si Kayla, Élise comprenaient une partie de tes réactions ? C’est terrifiant, ça aussi. C’est peut-être à toi de faire ce pas vers les autres, de leur expliquer une partie de tes bizarreries, plutôt que de te reposer sur le fait qu’elles les acceptent sans trop sourciller et en profiter tant que ça dure.

— Je ne sais pas quoi faire.

L’aveu de ton impuissance sort presque dans un murmure. Ses paroles te retournent beaucoup trop. Elle semble vraiment considérer la vérité comme une alternative viable. Est-ce que tu pourrais réellement parler de ce que tu n’as jamais dit ? Trouver les mots ? Est-ce que l’admettre à haute voix te permettrait enfin de prendre du recul ? Est-ce que ça pourrait être pire que maintenant sur ce plan-là, si tu prends en compte le fait que tes amis ne fuiront pas ?
Ce n’est sans doute pas ce soir que tu trouveras tes réponses.

Comme une échappatoire, tu reviens sur sa spécialité, les dragons et surtout les Noirs des Hébrides sur lesquels veille sa famille. Une responsabilité magnifique, de ton point de vue, mais lourde aussi. Tu l’écoutes avec beaucoup d’intérêt – et on sent que c’est sa passion, ce qui la motive. Tu essaies d’imaginer ce que ça fait de les fréquenter au quotidien, de les voir grandir, évoluer… mais tu n’en as qu’une très vague idée. Cela ressemble à ce que font les gardiens des parcs naturels moldus, notamment en Afrique, ceux qui luttent contre le braconnage et protègent les animaux rares. Tu la crois sans mal sur les jours plus difficiles que d’autres.

— Est-ce qu’il y a beaucoup de trafics, ou du moins de tentatives ? J’ai l’impression que les dragons sont plutôt bien équipés pour se défendre contre des intrus… même si j’imagine qu’il vaut mieux éviter d’en venir là. La cupidité humaine est vraiment partout. Est-ce qu’il y a déjà eu des incidents avec des moldus ?


Cela rejoint ce que vous disiez plus tôt dans la soirée – tu n’as pas regardé ta montre depuis le début de la conversation, le décompte des heures t’échappe, mais la nuit est tombée depuis longtemps, accentuant le côté protecteur de la maison.
Abigail évoque les Magyars à pointe. Ceux-là, tu les visualises bien. Sans doute l’espèce de dragons la plus redoutable. Elle t’explique comment elle s’efforce d’étudier les Noirs des Hébrides sans porter atteinte à leur mode de vie, n’intervenant que dans certaines conditions.

— J’ai cru comprendre que les dragons étaient de toute façon impossibles à domestiquer, même les espèces les moins farouches. C’est vraiment un travail de toute une vie et une vocation…


Ce qu’elle te décrit t’impressionne, particulièrement le dévouement de sa famille à cette tâche, perpétuée de parents en enfants depuis des siècles. Tu te demandes ce qui l’a amenée à Poudlard, pourquoi elle a pris du recul par rapport à cela – si c’est lié à la mort de son frère ou si c’est une autre raison, mais tu n’as pas l’intention de creuser.

— Ils ont de la chance d’avoir des personnes telles que vous pour veiller sur eux. Ce doit être impressionnant d’intervenir sur un dragon blessé. C’est vrai que c’est une localisation un peu étrange pour des dragons, ce sont des créatures de feu, j’imagine qu’ils se sont adaptés d’une façon ou d’une autre aux conditions climatiques de l’Écosse ainsi qu’à la vie sur des îles ?


Entourées d’eau par définition. Des dragons sous la pluie… l’image est un peu étrange, tu n’y avais jamais vraiment réfléchi jusqu’à présent.
Les envols te fascinent. C’est le genre de moment parfait où on voudrait n’être nulle part ailleurs. Les dragonneaux t’apparaissent comme des oisillons maladroits en taille géante. Ce doit être extrêmement touchant… même si tu grimaces lorsqu’Abigail évoque les accidents qui peuvent survenir. Quelle horreur. Tu te prends à espérer que cela n’arrive pas trop souvent.

— Ce doit être magnifique d’assister à de tels moments. Je ne me suis jamais beaucoup intéressé aux dragons, en restant seulement à la surface des choses, mais c’est vraiment passionnant de vous entendre en parler. Ils arrivent à trouve suffisamment de nourriture sur les îles ? Sûrement puisqu’ils y restent, mais ça reste des territoires assez limités, pour une telle espèce je veux dire.

Certes, ils ne font pas quinze mètres de long, mais ça reste quand même des animaux imposants, et qui ne se nourrissent pas d’herbe.

Abigail pleure en évoquant son frère et tu t’efforces de l’aider, tout en sachant que tes paroles ne doivent lui être qu’un piètre réconfort. C’est le genre de circonstances où les mots paraissent toujours trop faibles, mais tu n’as rien d’autre à ta disposition. Tu restes désemparé face à ses larmes, tu aimerais pouvoir faire davantage… mais il n’y a peut-être rien d’autre à faire que d’être là et la soutenir, lui offrir ton empathie et ta compréhension. Elle n’arrive pas à se reprendre et c’est sans doute mieux que ça sorte. Qu’elle pleure autant qu’elle en a besoin, tu restes à ses côtés.
Revivre chaque instant n’est pas la solution, cela finit par former une boucle qui isole du reste du monde.

— Je ne crois pas que vous puissiez oublier. Vous enfermer dans le passé ne vous aidera pas non plus, je ne crois pas qu’il voudrait cela pour vous…

On ne cicatrise sans doute jamais de ce genre de blessure ; tu ne peux que pressentir l’infinie douleur de celui qui reste, cette béance ouverte qui ne cessera jamais de saigner si nombreuses que soient les tentatives de la refermer. Il faut apprendre à vivre avec elle, sans savoir si elle deviendra un jour tolérable. Ce n’est pas le genre de vide qui se comble.
D’une certaine façon, tu comprends son refus d’apprendre à vivre sans lui, cette façon de se raccrocher à ce qui a été, de recréer le passé pour ne pas risquer de le perdre. Mais c’est une illusion. Tu ne peux qu’espérer que le temps fera son œuvre.

— Je comprends votre douleur… et je me suis mal exprimé. Je voulais dire, apprendre à vivre sans sa présence physique, avec ce creux dans le cœur et l’âme. Pas l’oublier, ni verrouiller cette partie de votre vie. Quoi que vous fassiez, il sera toujours avec vous, autrement.


Game of Blood  Ϟ Tous droits réservés


Il arrive que nous trouvions de l'aide là où on ne s'y attend pas [Eirian] - Page 2 21013008104866668 Il arrive que nous trouvions de l'aide là où on ne s'y attend pas [Eirian] - Page 2 M-daille-Eirian

Spoiler:





   
On the run,
falling to the depths

Do you know what it's like when
You wish you were someone else
Who didn't need your help to get by ?
Do you know what it's like
To wanna surrender ?
Revenir en haut Aller en bas
Abigail MacFusty
Abigail MacFusty
Sorcier OP
INRP
Métier : Professeur de Soins aux Créatures Magiques & directrice de la maison Poufsouffle
Messages : 5482
Gallions : 4176
Date d'inscription : 27/11/2020
IRL

Lumos
Je rp en : #cc3333 & lightgrey
Mon allégeance : Ordre du Phénix
Mer 23 Juin - 17:12
Dans les flammes du feu crépitant en face de nous, je me perdais. La fatigue commençait à l'emporter tandis que la conversation drainait en moi une énergie que je ne soupçonnais pas avoir encore. En réalité, je craignais que tout cela eût manqué de m'achever, car les sujets que nous abordions avec Eirian, aussi riches soient-ils, étaient épuisants en discussion, surtout pour quelqu'un d'aussi sensible et empathique que moi. De plus, je n'avais pas l'habitude de discuter autant, même lorsque je donnais mes cours, je m'arrangeais toujours pour pouvoir faire des pauses afin de me ressourcer un minimum mentalement. Je me sentais me consumer de l'intérieur comme ses flammes léchaient les parois de ma cheminée, pourtant, je tenais bon, alimentée par un étrange combustible dont j'ignorais l'apparence et l'existence. Durant les paroles du jeune homme, je revoyais les photos animées de mes ancêtres, je me souvenais de l'origine des MacFusty et de tout l'héritage qui coulait dans mes veines. Celui des sorciers, mais aussi de tous les moldus qui avaient décidé d'enrouler leurs destins à ceux de ma famille, et ce, déjà bien avant ma naissance. Bien que j'ai été élevée dans un foyer sorcier, entourée de magie, tous dans ma famille n'étaient pas ainsi. Mes ancêtres étaient des bergers ou des navigateurs (pêcheurs ou pirates). Il y avait quelques personnes politiques (ceux qui ont offert une place de choix aux MacFusty sur les îles Hébrides aujourd'hui au niveau de l'excellente réputation dont nous pouvions jouir. À force d'étendre nos horizons, nous avions accueilli des gens de tout univers et de tout horizon. Voilà pourquoi mon cousin direct était à moitié japonais. Cependant, toujours il y avait eu le choix. Le mariage, le divorce, le fait de faire partie de nous, puis de vouloir se détacher pour une raison ou pour une autre. Aujourd'hui, mon père était à la tête de cette noble famille. Pas noble de titre ou d'argent, mais bien d'héritage de connaissances et noble de compassion, de compréhension et d'ouverture d'esprit. Nous étions nobles dans nos manières d'agir, dans nos devoirs divers et variés, mais qui avaient tous un but commun : celui de veiller sur les Noirs des Hébrides de manière directe ou non.

La famille avait un sens très fort à mon esprit et cela faisait battre mon sang dans mes veines comme lorsque je me trouvais en présence des grands lézards cracheurs de feu. Ainsi, les agissements du Blood Circle et des Mangemorts m'étaient parfaitement inconcevables, je n'y comprenais rien et je n'arrivais pas à comprendre malgré toute ma bonne volonté. Priver les gens de ce qu'ils étaient, les priver de leurs libertés, les accuser de ce qu'ils ne pouvaient pas choisir, de ce qu'ils étaient depuis la naissance. Non, cela me dépassait, moi, petite sorcière au grand cœur qui s'efforçait à toujours voir le bon en autrui. De par ce fait, j'avais du mal à croire que notre magie puisse disparaître définitivement à la suite d'un procédé mécanique ou chimique : nous étions nés avec, et c'était ainsi. Tout comme l'inverse était aussi vrai. Les Cracmols naissaient sans magie et ne pouvaient guère l'utiliser. C'était ainsi et rien ne pouvait y changer malgré nos baguettes et la puissance qui régnait dans certaines.
Lentement, je clignais des paupières en m'enfonçant davantage dans mon canapé tout en poussant un très long soupir qui vint accompagner mon geste.

- Je me suis sans doute mal exprimée. Par incurable je voulais dire… je pense que ce n'est pas possible de nous retirer notre magie définitivement. Ils le peuvent déjà, mais les effets sont, merci Merlin, temporaires. J'ai peut-être la naïveté de croire que cela ne peut pas perdurer, que notre état normal, donc que la magie, reviendra toujours par revenir en nous d'une manière ou d'une autre. Quand bien même nous ne pouvons pas comprendre les raisons, comme nous ne pouvons pas comprendre pourquoi il y a des naissances Cracmol parmi de longues lignées de sang pur. Malgré tous les efforts du Blood Circle, nous retirer notre magie reste un état… artificiel. C'est contre nature. Et… si mon métier m'a bien appris quelque chose, c'est que le contre nature n'est jamais définitif. Je le regardais un peu gênée avant de bien vite détourner le regard à nouveau sur le feu. Mais comme dit je suis une grande rêveuse. Mais je suis de votre avis, nous retirer notre magie, c'est comme nous amputer d'un membre… et la douleur fantôme serait sans nul doute comparable.

Je n'étais pas psychomage, mais je pouvais aisément imaginer cette sensation de pouvoir bouger les orteils alors que nous n'avons plus de pied. Par expérience personnelle, je savais que même un Mangemort pouvait avoir du cœur, et je voulais croire qu'il était impossible de nous le retirer, ce cœur, lorsqu'il y avait fondamentalement du bon en nous. Encore une fois cela était peut-être bien naïf de ma part, mais encore une fois, j'étais incapable de voir uniquement le mauvais chez les autres. C'était pour cela que je restais obstinément optimiste quant à la fin heureuse pour Eirian, quand bien même il assurait ne pas être digne de l'amour. Le problème étant avec l'amour, c'était qu'il ne nous laissait jamais le choix et qu'il arrivait sans prévenir. Enfin, nous ne le portions jamais en obligeant les autres, et ça, c'était un point qu'il ne semblait pas encore avoir saisi. Je comprenais bien sa situation, son envie de ne pas vouloir donner de son fardeau personnel à l'être aimé, ou de demander quoique ce soit… mais mon côté romantique me soufflait que l'autre ferait, sans s'interroger et sans se contraindre. L'amour, ce n'était pas qu'obligation et abnégation. Le compromis du jeune homme me fit doucement rire, et, levant mes pupilles au plafond tandis que je ramassais mes parchemins, je répondais en hochant la tête.

- Entendu, faisons ça.

Pour lui signifier que j'étais sincère, je le regardais tandis que je lui prenais les parchemins des mains en le remerciant, délicatement alors qu'il avait eu la gentillesse de venir m'aider à les ramasser. Une fois certaine que j'étais dans son champ de vision et qu'il me voyait bien, je croisais de ma main droite mon index avec mon majeur. Comme un signe d'espoir et de promesse. J'allais espérer pour lui, et vraiment. Car il était à l'aube de sa vie et qu'il méritait d'être heureux.
En voyant soudainement le jeune homme perdre à nouveau contenance et se recroqueviller sur lui-même, bras autour du corps comme s'ils faisaient office de bouclier, je haussais des sourcils intrigués et quelque peu alarmés. Non pas que je m'inquiète de son état physique, mais plutôt de la détresse mentale dont il était en proie, celle que je constatais depuis le début de notre rencontre et pour laquelle je ne pouvais rien, car il refusait avec acharnement mon aide. Il la refusait, vraiment ? Non en réalité, le simple fait de sa présence en mes murs prouvait qu'il s'était livré à moi, un peu, un tout petit peu. Cette perspective me mit du baume au cœur, et combien même je respectais son choix de silence, je ne l'approuvais pas non plus totalement malgré le fait que, encore une fois, je n'étais pas psychomage. Alors, je faisais ce que je savais faire.

Dépliant les jambes, je me relevais pour ramasser son verre et le remplir à nouveau d'eau fraiche. S'hydrater permettait souvent de chasser les démons et de calmer les pensées malveillantes. Glissant dans le dos du jeune homme, j'attrapais un plaid que j'avais roulé en boule par terre à l'arrière du canapé (je pouvais être maniaque puis totalement désordonnée l'instant d'après), et je le posais simplement sur le bras blessé du garçon, sans le déplier, avec douceur, lui offrant la possibilité de s'enrouler et de se donner l'illusion d'être davantage à l'abri, davantage au chaud, davantage au chaud. Quoiqu'illusion n'était pas le bon terme puisque c'était tout simplement une vérité. Je me fichais du danger qu'Eirian pouvait ramener chez moi et je me fichais de ce qu'il ne voulait pas me dévoiler. Je le voyais tel qu'il était là présentement et je n'avais pas besoin d'une autre version de lui. Je le jugeais assez sincère pour ne pas jouer un jeu totalement opposé de ce qu'il était vraiment, un garçon sensible et doué en maitrise magique. Sans insister davantage pour l'aider à se sentir mieux dans la déstresse de l'instant qu'il traversait, je retournais m'asseoir à ma place tout en grimaçant, et venant me masser la nuque comme si j'étais en proie à une douleur passagère.

- Je comprends et vous avez raison de ne pas vous abaisser ni à leur rendre la pareille, mais aussi à penser à eux. C'est une façon de faire et de penser que j'utilise moi-même pour de nombreux cas et sujets, mais ce n'est pas toujours évident… Aussi, ce n'est pas évident de l'expliquer aux autres.

Luca était de ceux qui ne comprenaient pas ma grande passivité. Au-delà que j'abhorrais la violence sous toutes ses formes, je détestais m'abaisser à m'énerver devant ceux qui essayait à m'agacer. Pourquoi leur donnerais-je ce plaisir ? Je préférais leur montrer qu'ils avaient tort. Luca, lui, il cassait des bouches, tout simplement. Mais pour moi, le silence, que ce soit de parole ou de pensée, était une forme de combat passive extrêmement puissant et surtout très déboussolant pour l'autre. En revanche, ce que beaucoup ignoraient, et peut-être même Eirian, c'était que… ça demande une grande force d'esprit que de ne pas chercher à se mettre en colère ou à se venger, il est plus aisé de craquer. Et encore plus à ne pas penser à ceux qui nous ont fait du mal. Je lui jetais un coup d'œil complice. Vous êtes bien plus fort que ce que vous voulez bien admettre jeune homme.

Ils ne méritent pas que Eirian les haïsse, mais Eirian lui-même ne méritait pas de se haïr comme il semblait le faire, tout le moins à se dégrader comme il le faisait, comme se dire que l'amour n'était pas pour lui, ou encore une fois qu'il pouvait vampiriser les autres. Ces mots, pouvant paraître anodins, l'étaient de moins en moins au fil de nos diverses conversations. Au départ, je n'y avais pas porté plus d'attention que cela puisque moi-même pouvais en user. Mais elles étaient à ce point redondant qu'elles vinrent me frapper de plus en plus et de plus en plus fort. Maintenant, elles m'irritaient comme quelque chose qui me râpait la peau, exactement comme lorsque l'un de mes élèves se dévalorisait devant moi parce qu'il n'avait pas réussi un exercice que j'avais demandé. Certains essayaient de tirer ma pitié pour que je remonte leur note, d'autres étaient sincèrement désolés, et comme je m'étais déjà fait la réflexion plus tôt, je n'allais pas continuer à traiter l'étudiant de Serdaigle comme un malade et continuer à le caresser dans le sens du poil. À un moment donné il fallait un électrochoc.

- Vampiriser. Pas mériter. Être un fardeau. Ne pas pouvoir demander aux autres. Ne pas imposer son fardeau. Ne pas. Pas. Négation, négation, toujours la négation, et la fuite. Blablablabla. Oh, hé, Eirian ! Stop ! Arrêtez de vous poser des barrières de vos propres jugements envers vous et laisser les autres décidés un peu de comment ils ont envie que vous les traitiez, laisser les porter ce qu'ils ont envie de porter pour vous. Vous n'êtes pas un mulet. Je le regardais de haut en bas en souriant, m'essayant à un trait d'humour. Non définitivement, vous n'avez pas les mêmes oreilles. Puis je reprenais mon sérieux après avoir dégluti. Eirian… Ne pas vous imposer aux autres et garder vos secrets est une chose. Mais depuis que nous en parlons, vous répétez la même litanie. Vous êtes persuadé de quelque chose qui ne vous appartient qu'à vous. Vous êtes persuadé que vous n'avez rien à apporter aux autres alors que ce n'est pas vrai. Je veux dire… vous ne pouvez pas décider pour les autres ce que vous allez leur apporter, c'est à eux seuls de le faire. Ce n'est pas une question de confiance envers eux, mais envers vous. Vous méritez d'avoir un entourage, d'avoir des proches. Vous avez-vous aussi le droit de vous accorder une pause et de vous appuyer au moins une fois sur quelqu'un. Je sais qu'on dit pour certains cas qu'il suffit d'une fois (je ricanais ironiquement) mais gardez espoir que ce n'est pas une obligation non plus. Je roulais un peu des yeux en lâchant un petit grognement amusé. Disons que ceux qui prétendent faire tout bien sont d'incorrigibles vantards qui se verront recevoir la vague en retour avec deux fois plus de force. La vie est un équilibre.

Mon métier m'avait aussi appris cela, cet équilibre fin et souvent invisible à l'œil de l'ordinaire. Le bien et le mal, la proie et le prédateur, le feu et l'eau, le rouge et bleu, le blanc et le noir, la terre et l'air, l'ombre et la lumière. La vie, le cosmos entier était érigé par cette règle si simple qu'elle en était déconcertante. Alors forcément, c'était évident pour moi que se vanter, croire qu'on est fort et qu'on avait le salut absolu ne resterait pas impuni. Encore une fois, les livres d'histoires le prouvaient maintes et maintes fois, et c'était cette pensée principalement qui me permettait de rester un minimum optimiste face à nos conflits avec le Blood Circle et certains Mangemorts.
Je hochais simplement du menton aux dires du garçon. Un guide général qui nous était propre à chacun, suivant notre éducation et nos convictions.
La tête posée sur mon canapé à regarder le plafond avec insistance, j'écoutais les conclusions du garçon quant à cette guerre, et je souriais avec un amusement non feint.

- Comme vous dites, nous sommes nombreux à désirer la paix, et tant que nous serons là, ils ne gagneront jamais vraiment, ceux qui veulent la guerre j'entends, que ce soit le Blood Circle ou les Mangemorts ou quelques membres de l'Ordre. En vrai, avec notre conversation actuelle, je suis en train de me demander sincèrement si… si nous ne pouvons pas créer un genre de havre de paix. Pour que nous puissions nous retrouver, tous ceux qui veulent rester pacifistes. Pour y faire quoi je n'en sais rien dans le fond… ou juste… pour garder espoir.

Car il y avait rester pacifiste et ne rien faire, mais tout de même payer le prix. Car la guerre avait un prix et finissait toujours par nous toucher, qu'on le veuille ou non. C'était pour cela que malgré tout, j'essayais d'agir comme je le pouvais, d'ajouter ma pierre à l'édifice, aussi petite soit-elle. J'agissais pour le bien commun, pour la paix et la neutralité au maximum, et si une mission m'était donnée et qu'elle ne me convenait pas, j'essayais de m'arranger pour la refuser. Ce n'était pas toujours négociable, mais des fois je parvenais à passer entre les mailles du filet. Je n'étais pas du genre à remettre en question les décisions de mes supérieurs de l'Ordre ni à vouloir remuer les problèmes, mais je ne voulais pas faire des choses en lesquelles je ne croyais pas. Ce n'était pas non plus pour autant que je voulais les ignorer et que je n'en avais pas conscience. Il ne fallait pas se voiler la face, au contraire, il fallait voir la vérité crue comme elle se présentait. Il y avait toujours un prix à payer à la guerre, car c'était un équilibre.
Ironie quand tu nous tiens.

C'était cette même ironie qui semblait garder Eirian si fort qu'il en était perdu. J'entendais ce qu'il disait, et j'avais la naïveté de croire que je le comprenais. Peut-être étais-je loin du compte, car après tout, les relations humaines, je n'étais pas la plus douée là-dedans et j'en avais souvent payé le prix fort. Toutefois si j'avais appris quelque chose de ma faible expérience, c'était que le mensonge finissait toujours par éclater un jour, comme une cocotte aurait implosé parce qu'elle serait restée trop longtemps sur le feu. Toutefois, je n'avais pas de réponses miracles à apporter au jeune homme, et j'en étais bien désemparée. Ce n'était pas le tout de donner des leçons philosophiques, encore une fois fallait-il pouvoir s'y tenir, ce n'était pas toujours possible. C'était dans cette situation que semblait être le garçon que j'hébergeais cette nuit.
Jetant un coup d'œil en direction de mon Phénix, je me mordais l'intérieur de la lèvre pour réfléchir.

- Je n'ai pas… de réponse toute faite à vous apporter Eirian, je suis moi-même très maladroite en relation humaine que ça m'a coûtée énormément. Je ne saurai même pas vous dire ce que j'en ai appris de positif dans le fond… Vous protéger est une chose, protéger les autres en est une autre. Encore une fois vous semblez voir le verre à moitié vide plutôt qu'à moitié plein. Et si vos amis vous acceptaient, tout simplement ? Aviez-vous déjà songé à cela ? J'essayais de capter son regard une seconde avant de hausser les épaules. Je suis désolée de ne pas pouvoir vous aider davantage, c'est bien un sujet dans lequel je suis maladroite… Peut-être devriez-vous simplement agir… en votre âme et conscience, encore une fois.

Comme il l'entendait, comme son cœur le lui dictait et non pas sa tête. Car, de ce que je pouvais observer aujourd'hui, il ne semblait pas être totalement en accord avec sa façon de faire envers ceux qui devaient être ses amis. Il y avait donc quelque chose à modifier là, comme il était possible d'accorder une corde de piano en tirant simplement dessus. Mais voilà, encore fallait-il oser la tendre au risque qu'elle se casse et qu'elle percute nos phalanges avec violence. Grimaçant en me rappelant son aveu, j'osais rajouter avec maladresse.

- Un jour vous trouverez la solution. Essayez de tenir jusque-là… et si vous avez besoin d'un temps de pause, ma porte vous sera ouverte.

Ce havre de paix dont je parlais plus tôt. Pourquoi ne pouvait-il pas commencer ici et maintenant ? Dans le fond hein ? Qu'est-ce qui nous en empêchait en dehors de mes propres convictions. Je voulais que ma maison reste la mienne et non pas que ce soit un moulin, mais le jeune homme réussissait à me toucher plus que je ne l'aurai bien voulu.
Cette nuit, ou tout le moins ce qui l'en restait, je souhaitais qu'Eirian puisse se reposer mentalement, alors je laissais de côté nos discussions si intenses pour revenir sur un sujet plus léger, mais pas des moins importants, tout le moins, à mes yeux.
Je voyais que le jeune homme m'écoutait avec attention, et c'était ce qui me permettait de continuer à lui en parler. D'ordinaire, il m'était très facile de parler des grands sauriens, c'était même ce qui me sortait de ma coquille lorsque j'étais en proie à la timidité. Cela dit, j'avais aussi conscience que de trop en parler pouvait lasser mes interlocuteurs, alors je savais me limiter. Mais de par sa maison, avide de connaissance, le jeune homme ne me laissa jamais entrevoir qu'il était dérangé par mes descriptions, au contraire il ne faisait que rajouter de l'huile sur le feu en me retournant plusieurs questions. Cette situation d'échange plus simple me fit du bien et mes épaules s'affaissèrent, comme si j'étais soulagée de m'être éloignée des sentiers si glissants et personnels que nous avions abordés jusque-là. Lentement, je secouais la tête en fermant un instant les paupières.

- Le trafic du Noir des Hébrides reste rare grâce aux moyens que nous avons déployés heureusement, mais il y a toujours des sorciers qui pensent avoir inventé l'eau chaude et nous restons victimes de tentatives de vols d'œufs, par exemple. Quant aux incidents avec les moldus, oui il y en a eu encore un dernièrement. Nous avons dû oublietter une île entière, car le dragon, l'aile cassée, c'était écrasé d'épuisement sur un village moldu. Je me glissais une main presque gênée dans mes cheveux. Ce sont des situations qui malheureusement font partie de mon quotidien.

Tout le moins, c'était vrai lorsque je n'étais pas encore enseignante. Aujourd'hui mon quotidien était davantage fait d'encre, de livres et de parchemins. Je hochais la tête lorsque le jeune homme signifiait que les dragons faisaient partie des espèces impossibles à domestiquer, car c'était tout à fait vrai. Même l'Opaloeil qui faisait partie de l'une des races les plus pacifistes n'était pas domesticable. Ces créatures savent se défendre, et ceux qui sont entre les mains humaines souffrent en général de beaucoup de maltraitance. Briser une nature mentale aussi puissante était tout bonnement impossible. À dix ans, car la situation avait été extraordinaire, j'avais vu de mes propres yeux un Pansedefer Ukrainien réchappé miraculeusement de Gringotts, et sa soif de liberté n'avait jamais été tarie malgré les horreurs dont il avait été victime.
Un sourire ironiquement amusé vint peindre mes lèvres. Qu'un dragon puisse vivre sur un territoire aussi exigu qu'une île pouvait effectivement paraître étrange lorsqu'on comparait cela aux plaines de l'Ukraine. Pourtant, je démentais les propos du jeune homme avec une aisance presque déconcertante.

- Détrompez-vous, la localisation est au contraire très bien réfléchie de la part des espèces. Je vous montre. Je dégainais ma baguette pour tirer un livre de la bibliothèque sans me lever. Une fois entre mes mains, je me redressais pour décaler mes fesses jusqu'à arriver tout à fait à côté d'Eirian. Là, j'ouvrais le livre à la page des Verts Gallois. Le Vert Gallois est la deuxième espèce de dragon à vivre en Grande-Bretagne, d'accord ? On le trouve dans les hautes montagnes. Il a des écailles très lisses, lui permettant donc d'être plus souple, pour pouvoir se faufiler plus facilement entre les roches des montagnes, là où il nidifie, cachés aux yeux humains. Ses griffes sont longues et ses ailes sont amples, pour lui permettre de planer dans les vallées lorsqu'il chasse. Je montrais les divers éléments morphologiques à Eirian en les pointant tour à tour de l'index puisqu'ils étaient tous illustrés dans le livre. Je tournais ensuite les pages du livre pour arriver à celui du Noirs des Hébrides. Ici, nous pouvons observer que le Noirs des Hébrides est plus trapu, il peut atteindre les neuf mètres de long. Les rangées de pointes longues sur son échine lui permettent de se défendre en cas d'attaque d'un ennemi dans les airs puisque le territoire est étendu sur plusieurs kilomètres. Le Noir des Hébrides a davantage besoin de voler que le Vert Gallois pour atteindre un point puisque l'océan sépare les îles. La queue qui se termine en flèche lui donne une accroche précieuse lorsqu'il affronte les falaises des îles, et vous remarquerez que ses griffes sont plus courtes que celles du Vert Gallois. Elles se cassent moins facilement lorsqu'il est en escalade. Ses ailes qui ressemblent à celles d'une chauve-souris sont plus courtes que celles du Vert Gallois, car il doit affronter les intempéries de l'océan et a donc besoin de plus de réactivité, il plane beaucoup moins que le Vert Gallois.

Je tendais le livre à Eirian si l'envie de le feuilleter davantage lui en prenait tout en continuant mes explications, me décalant de quelques centimètres, car notre nouvelle proximité me mettait déjà mal à l'aise.

- Le Noir des Hébrides est tout à fait adapté pour vivre sur les îles, et serait en difficulté sur un territoire aussi vaste que le pays de Galles, comme l'inverse est vrai pour le Vert Gallois. Leurs rapidités leur permettent de chasser des poissons et des oiseaux, mais aussi des cervidés lorsqu'ils sont sur les terres. Ils peuvent également nager sur de courtes distances sous l'eau, leurs ailes leur permettant d'avoir une meilleure dynamique que les autres dragons. En y réfléchissant ainsi, le territoire des îles Hébrides n'est donc pas si… limité.

Je souriais avec amusement et complicité au jeune homme tout en reprenant une longue gorgée de mon thé, terminant ainsi ma tasse. Pour l'instant je la reposais vide sur la table, patientant de voir si j'allais avoir besoin d'une seconde pour me donner un quelconque courage de continuer à supporter la présence d'Eirian. Bien que je l'apprécie énormément, ma solitude commençait déjà à me manquer, ma grande fatigue l'emportant sur la raison et ma patience. Elle commençait d'ailleurs à me gangréner puisque j'en vins à craquer sous les yeux du jeune homme tandis qu'un sujet plus épineux et pointu vint sur le tapis. Mon frère… Malgré la compassion de mon invité et ses sages paroles, je restais sourde à tout ce qu'il pouvait dire et sous-entendre. Je n'étais tout simplement pas prête. Je secouais alors obstinément la tête, recroquevillée sur moi-même, mes doigts devant ma bouche comme s'ils soufflaient sournoisement les mots que je devais prononcer.

- Non, je ne veux pas que ce soit autrement. Je veux que ce soit comme avant. Je ne veux pas oublier, je ne veux pas que ça change, ce changement… je ne veux pas le comprendre, je ne veux pas l'accepter, je ne veux pas… je ne peux pas…

Ma voix se noua.
Je n'étais tout simplement pas prête à faire mon deuil, à laisser partir l'être que j'aimais le plus au monde et celui qui me comprenait le mieux. Je ne le pouvais tout simplement pas, et quand bien même j'avais la conscience de comprendre que je n'étais pas heureuse et qu'il existait des solutions, je ne pouvais pas m'y résoudre n'y m'y restreindre. Je préférais ironiquement me faire du mal en négligeant ma santé.


Never Ending Circles
ANAPHORE


Il arrive que nous trouvions de l'aide là où on ne s'y attend pas [Eirian] - Page 2 CBY7jAc
Il arrive que nous trouvions de l'aide là où on ne s'y attend pas [Eirian] - Page 2 Banniz10

Revelio:

Revenir en haut Aller en bas
Eirian Howl
Eirian Howl
Serdaigle OP
INRP
Métier : 3e année de Protection magique (spé Auror)
Messages : 5388
Gallions : 8613
Date d'inscription : 30/07/2020
IRL

Lumos
Je rp en : #00ccff
Mon allégeance : Ordre du Phénix
Sam 24 Juil - 19:39
Il arrive que nous trouvions de l'aide là où on ne s'y attend pas
« mille excuses pour la longueur Il arrive que nous trouvions de l'aide là où on ne s'y attend pas [Eirian] - Page 2 544686074 je crois qu'il y a un truc qui a fait crac à l'intérieur d'Eirian à un moment x) »
La discussion continue de vous entraîner loin. Cela fait longtemps que tu n’as pas discuté ainsi, des années peut-être. Tu es souvent réservé et tu n’as de toute façon pas grand monde à qui parler, tu échanges peu avec tes condisciples, au-delà de tes rares et récents amis. Oh, tu as bien de longues conversations avec eux, parfois tes adversaires, comme Helios, lorsque vous vous êtes jeté vos convictions au visage il y a quelques mois déjà. Avec Kayla, vous avez les mêmes idées, vous échangez sur vos envies de changer le monde, de faire s’accepter les deux univers… mais là, il y a une dimension différente, autre, sans doute parce que vous abordez des sujets sur lesquels tu ne t’aventures guère en général, l’amour, l’histoire... Tu as rarement des échanges aussi philosophiques. C’est plus qu’intéressant, mais c’est aussi épuisant, et tu n’as pas commencé cette conversation dans ta meilleure forme. Mais ça te va, ça t’évite les longues heures de la nuit où tu alternes entre insomnies et cauchemars. Et pour une fois, tu n’es pas seul, à attendre que l’aube arrive. La présence d’Abigail te fait du bien, écarte pour quelques heures la lourde chape de la solitude. Tu es bien chez elle aussi, dans cette maison accueillante et réconfortante, comme un nid, loin des vieux bâtiments abandonnés, vidés et livrés aux courants d’air où tu atterris souvent. Un perchoir où tu peux replier tes ailes pour la nuit. Pour une nuit. Mais c’est déjà beaucoup. Et tu prends cette parenthèse pour ce qu’elle est, un havre d’un soir, avant que tu reprennes le cours de ta vie. Avec à la fois une énergie ravivée par ce repos mental et une conscience plus aiguë encore du chaos de ton existence, de tout ce que tu n’as pas et que tu rêves d’avoir. Par réflexe, tu jettes un coup d’œil là où tu as déposé ton sac. Toujours à sa place, bien sûr. Pour une fois, tu n’as pas vraiment besoin de veiller sur tes affaires, et c’est aussi un soulagement. Abigail n’a pas l’air de vouloir dormir non plus, tu supposes que si elle commençait à en avoir marre de cette conversation, elle te le dirait.

Tu évoques les soubresauts de l’histoire, les conflits qui semblent se répéter de génération en génération, les sorciers qui font le choix de vivre dans un monde ou dans l’autre selon la façon dont ils ont été élevés, l’idéologie du sang qui se transmet encore avec acharnement chez les sang-purs. Tout tourne autour de la famille finalement et de l’héritage qu’elle donne, de l’éducation reçue, même si certains arrivent à s’en émanciper, des jeunes sang-pur qui prennent conscience à Poudlard que le moule dans lequel ils ont été éduqués n’est qu’un leurre et une illusion. Mais c’est la même chose du côté du Blood Circle. Les familles fondatrices se transmettent le pouvoir de parent à enfant, les Kane, Terry et Mackenson régissent l’organisation depuis des siècles. Et la haine des sorciers s’y répercute de génération en génération, tu es bien placé pour le savoir. Tu es né et a grandi dans cet environnement, tu as été biberonné à leur idéologie, tu as hérité du conflit porté par tes parents, qui l’ont eux-mêmes hérité des leurs, tu as fait tienne leur haine de la magie, renforcée en sus par l’histoire familiale. Tes grands-parents paternels sont bien décédés lors de la première guerre contre Voldemort, dans un attentat provoqué par les Mangemorts peu avant la chute du mage noir. Cela a sans doute contribué à forger le caractère de ton père, qui n’avait même pas dix ans à ce moment-là, mais, vu ton propre parcours, tu sais qu’il aurait pu choisir un autre chemin, ne pas se laisser emporter par sa haine et son envie de vengeance. Des sentiments qui ont éclaté lorsqu’il a découvert tes propres pouvoirs. De la magie au sein de sa propre famille, c’était certainement quelque chose qu’il ne concevait pas, lui qui se vantait de venir d’une famille de chasseurs de sorciers depuis des siècles… comme celle de ta mère. Tu ne sais pas où ça a coincé dans l’arbre généalogique, mais, au-delà du côté tragique, tu trouves ça presque drôle, aussi drôle que les sang-pur qui s’imaginent n’avoir pas une goutte de sang moldu dans les veines. En tout cas, c’était le même genre d’environnement que ce que tu peux voir dans les familles sorcières, cette haine de la différence qui revient à chaque génération et se perpétue, comme si personne ne parvenait à briser le cercle vicieux.
Tu as échappé à cet héritage par la force des choses. Est-ce que sans tes pouvoirs tu aurais suivi aveuglément les idées de ton père ? Est-ce que tu aurais pu réfléchir autrement, comme Carl et Robin ? Tu as envie d’y croire, surtout avec eux à tes côtés. Mais au fond, tu n’en sais rien, et tu te vois peut-être sous un jour trop flatteur. D’un certain côté, ça t’aide à comprendre ce que peuvent ressentir certains sang-pur. De l’autre… tu sais parfaitement qu’ils pourraient évoluer et changer si seulement ils le voulaient et prenaient le temps de réfléchir.
Tu ne peux qu’espérer que ce conflit sera le dernier, que votre génération arrivera à créer une paix nouvelle et durable. Vœu pieux, mais vous êtes nombreux à le vouloir, à rejeter le monde de vos parents. À en avoir marre de voir les enfants payer la violence des adultes.
Mais ce n’est pas le chemin que prend la situation pour le moment, avec l’aggravation du conflit et la quête permanente du Blood Circle pour vous priver de vos pouvoirs. Tu vois ce qu’Abigail veut dire, mais tu n’es pas forcément d’accord. Tu le perçois vraiment comme une amputation, et même si perdre un bras n’est pas dans l’état naturel des choses… rien ne le fera repousser. Ta comparaison a certes ses limites, puisque pour l’instant les effets sur la magie ne sont que temporaires.

— Je ne sais pas. J’espère vraiment que vous avez raison, qu’ils n’arriveront pas à rendre cela définitif. Ce serait terrible, surtout pour les nés-moldus… Ils pourraient se débarrasser de tous les sorciers nés ainsi, ainsi que de nombreux sang-mêlés avant même qu’ils aient pu vraiment découvrir et comprendre leurs pouvoirs.


Tu sais pertinemment que si ces solutions avaient existé à l’époque, tu aurais sauté dessus sans hésiter. Parce que tu te voyais comme un monstre, une erreur contre nature. Est-ce que tu l’aurais regretté ? Tu ne sais pas. Maintenant, avec ton vécu, oui, tu ne te vois pas vivre sans, mais à l’époque… tu n’avais aucun recul. Ça n’aurait pas été un choix, ni une décision librement consentie.

— Le fait est que nous ne contrôlons pas vraiment la magie. Et je trouve ça terrible que d’une certaine façon, le Blood Circle en sache plus que nous grâce à leurs expériences. S’ils peuvent nous priver de nos pouvoirs, c’est qu’ils ont déjà compris plus ou moins comment ils s’activent, même si leurs résultats ne sont pas encore très précis. J’espère que ça s’en tiendra là.

Que ça ne poussera pas non plus des sorciers à se pencher sur l’origine de la magie. Ce serait tout aussi terrible s’ils arrivaient à activer ou inactiver la magie ou à la transmettre à des moldus, devenant capables de créer de nouveaux sorciers. Mais cela tient plutôt de la science-fiction. Un frisson désagréable te traverse et tu t’empresses de chasser l’idée.

La discussion sur l’amour est compliquée pour toi, parce que c’est quelque chose en lequel tu crois tout en te disant que ce n’est pas pour toi. Enfin, ça ne se commande pas, mais si jamais tu en venais à éprouver des sentiments pour quelqu’un – et cette seule idée te met mal à l’aise pour le gouffre d’inconnues et de problèmes potentiels qu’elle ouvre, t’angoisse, même si tu as bien conscience que ça n’a rien à voir avec ce que tu as traversé –, tu ferais tout pour les étouffer et pour que la personne ne soit pas au courant. Et dans le cas inverse ou dans le cas d’un sentiment réciproque… tu as déjà fui, fermé la porte. Tu n’auras qu’à recommencer. Tu ne peux pas imposer le poids de tes mensonges à quelqu’un. Et la vérité serait encore pire.
Tu finis par proposer un compromis à Abigail, chacun de vous y croyant pour l’autre, et ça la fait rire, mais elle acquiesce. Si tu devais parier sur un de vous deux, tu miserais tout sur elle.
Tu l’aides à ramasser les parchemins et tu souris sincèrement quand elle croise les doigts pour toi. C’est réconfortant de voir que quelqu’un y croit vraiment pour toi, se dit que oui, ça peut vraiment t’arriver.

Le répit n’est que de courte durée et tu te replies de nouveau tandis que tu penses à ton père et à l’autre, à ta capacité à leur pardonner face à tout ce qu’ils ont cassé. Ils t’ont pris pratiquement tout ce que tu avais. Ton père a fait exploser ta vie – plutôt que tes pouvoirs, comme tu le penses souvent. Mais ce n’est pas ta faute, ni celle de ta nature de sorcier ; c’est lui qui a décidé que c’était inacceptable. Que ses convictions passaient au-dessus de la vie de son propre enfant. Et l’autre… il t’a arraché ce que tu voulais ne jamais donner, il t’a pris ce que tu étais, s’est servi de toi comme d’un objet, comme si tu n’étais rien. Et ce sentiment persistant te suit, comme si tu ne valais rien à côté des autres, comme si ce qui te touchait était moins grave que ce qui leur arrivait à eux, et tu te partages entre ta volonté de survivre parce que c’est ce que tu as toute ta vie et une relative indifférence. C’est plus pour ta mère que tu tiens que pour toi-même.
Perdu dans tes pensées tourbillonnantes, qui sont de celles que tu tiens en général à l’écart parce que tu préfères ne pas les affronter, tu sursautes lorsqu’Abigail s’approche. Mais elle ne fait que remplir ton verre. L’eau fraîche te fera sûrement du bien. Tu te sens nauséeux. Elle passe derrière toi et tu ne peux t’empêcher de rester attentif au moindre de ses mouvements, raide, prêt à esquiver si… Mais non, elle t’apporte juste un plaid qu’elle pose sur ton bras. Tu dois vraiment offrir un spectacle pathétique de l’extérieur. Le geste te serre le cœur, et tu ne peux empêcher les larmes de couler de nouveau sur tes joues. Tu n’arrives pas à admettre que les autres puissent avoir des attentions envers toi. Peut-être parce que tu as trop l’habitude d’être seul et de tout faire par toi-même, ça ne te viendrait pas à l’idée de demander quoi que ce soit. Peut-être aussi à cause de ce sentiment tenace que tu ne le mérites pas. La gorge nouée, tu murmures un :

— Merci.

Qui a du mal à se faufiler. Le temps de reprendre contenance, tu déplies le plaid. Sa chaleur et sa douceur t’enveloppent comme un refuge supplémentaire. Ta maîtrise de toi te fuit – si tant est que tu contrôles quoi que ce soit depuis le début de cette conversation. Une barrière de plus qui tombe, tu as l’impression qu’il n’en reste plus beaucoup, même si tu ne lui as pas parlé du cœur du problème. Mais une bonne partie de cette conversation tourne autour, remue des choses que tu enfouis le reste du temps et tu n’es pas vraiment en état d’y faire face. Mais ça t’oblige à y penser, à poser certaines choses, dans ta tête ou dans tes mots. C’est comme un chaudron bouillonnant dont tu entrouvres à peine le couvercle, en redoutant que tout t’explose à la figure.
Elle comprend que tu ne veuilles pas te venger de ceux qui t’ont fait du mal. Ils hantent déjà tes cauchemars, ils conditionnent pratiquement toute ton existence, entre les mensonges que tu es obligé d’entretenir, les précautions permanentes que tu dois prendre pour échapper au Blood Circle, le fait que tu te retrouves à la rue, en ce qui concerne ton père, mais aussi tes angoisses permanentes en ce qui concerne l’autre, qui te rendent la vie collective presque insupportable. Tu ne passes pas un jour sans lutter contre ce qu’ils t’ont fait. Alors, non, tu ne vas pas consacrer encore plus d’énergie à les haïr, ce qu’il te reste, tu préfères le tourner vers tes amis, vers ceux qui te font te sentir encore vivant.

— Ce n’est pas évident, mais je pense que c’est la solution la plus viable. Je ne cherche pas vraiment à l’expliquer aux autres. Ce sont des choix tellement personnels… Même si je n’approuve pas la vengeance, je ne suis pas sûr de pouvoir critiquer ceux qui optent pour elle.


Ils ne sont de toute façon pas au courant de tes problèmes. Avec Garnet, vous avez déjà glissé sur ce sujet, mais tu ne te sens pas le droit de critiquer le fait qu’elle ait choisi le chemin de la vengeance. Tu as eu plus de chance qu’elle, et même si tu lui montres qu’il y a d’autres options, tu ne la forceras pas à changer. Pas tant que ses bourreaux continueront d’échapper à la justice, parce qu’il est là aussi, le problème. Elle n’a d’autre choix que se faire justice elle-même, parce que certains Mangemorts sont trop bien placés, presque inattaquables. Et tu as beau croire en la justice, tu sais aussi reconnaître quand elle faillit à protéger les victimes ou à réparer les torts.
Tu ne comprends pas le clin d’œil dans ta direction, est-ce une autre façon d’approuver tes paroles ? Tu en profites pour boire quelques gorgées. L’eau fraîche te fait du bien, t’aide à te reprendre, te dénoue un peu la gorge.

Juste à temps pour encaisser la tirade d’Abigail. Elle te retourne tes propres paroles et tu grimaces en les entendant ainsi mises bout à bout. La négation et la fuite, toi résumé en deux mots. Tes doigts se crispent sur ton verre. Un instant, c’est une réaction de défense qui menace de l’emporter, la colère face à ce qu’elle te balance. Puis tu prends réellement conscience de ce qu’elle est en train de te dire, des mots qu’elle prononce… et que tu ne mesurais pas jusqu’à présent.
Tu ne pensais pas… être aussi négatif. Ou du moins tu ne pensais pas le montrer autant – et ça non plus ce n’est pas une bonne chose. Enfin… c’est le signe que tu as un peu trop abaissé tes barrières, que tu as trop laissé transparaître ce que tu ressens au fond de toi et que tu n’identifies pas encore clairement. Tout ce portrait en négatif, c’est toi sans être toi, c’est tout ce magma bouillonnant qui te ronge sans que tu saches quoi en faire, c’est ce qui te coule et te noie depuis si longtemps. C’est… tout ce que tu hais chez toi, ce que tu es devenu, ce garçon si différent de celui que tu étais avant, parce que tu n’y arrives plus, tu n’arrives pas à redresser la barre, avec le sentiment que tous tes efforts se fracassent contre un mur. Est-ce qu’elle croit vraiment que c’est si facile, que tu as le choix, que tu fais exprès de t’enfermer dans ce cercle vicieux qui te ronge, qu’il suffirait d’un peu d’effort et de bonne volonté pour que tu sois soudain souriant et plein d’optimisme ? Tu ne fais que ça, des efforts. Pour ne rien montrer, pour tenir quelques jours, quelques semaines de plus, pour ne pas t’effondrer, pour survivre, même si ça a de moins en moins de sens, même si tu te demandes « à quoi bon ».
Tous ces mots qui s’empilent et qui te frappent maintenant qu’Abigail te les répète, c’est aussi une sorte d’appel au secours, une façon de dire à quel point ça va mal – et tu n’en avais pas vraiment conscience non plus. Enfin, si, tu le percevais, tu sais bien que ça fait des mois que ça ne va pas, mais tu n’imaginais pas que c’était aussi… criant. Que tu avais à ce point envie et besoin que quelqu’un le remarque, que c’était à ce point nécessaire que ça sorte, d’une façon ou d’une autre. Tu n’y connais pas grand-chose en psychologie, mais tu comprends au moins, comme Abigail l’a fait sans doute, que répéter à ce point la même chose n’est pas anodin. Ton habitude de t’enfermer dans le silence pour repousser ce qui ne va pas a cédé.
Tu es trop pris pour réagir à sa plaisanterie sur les mulets – tu n’en as pas les oreilles, certes, mais tu peux sans doute être aussi buté qu’eux quand tu t’y mets, et ces derniers temps tu ne tiens qu’à grand renfort d’obstination et de « je craquerai plus tard ». Une part de toi a envie de lui répondre qu’elle se trompe, que tu n’as vraiment rien à apporter aux autres – sinon, on ne te considérerait pas comme une tare à éliminer, sinon, on n’abuserait pas de toi. La violence de tes propres pensées te heurte.
Quant à avoir confiance en toi… ce n’est pas le cas non plus. Tu n’avais jamais envisagé la question sous cet angle, que ce défaut de confiance soit envers toi et non envers les autres. Ton estime de soi, ta confiance se sont effondrées il y a trois ans et ça non plus, tu ne t’en es pas relevé.
Le droit d’avoir des proches, d’être entouré… De faire une pause. Tout ce que tu ne t’accordes pas parce que tu paniques à l’idée de laisser tes amis approcher trop près, à l’idée de ce qu’ils pourraient découvrir, parce que tu ne supportes pas qu’ils puissent te rejeter une fois au courant. Parce que si tu t’arrêtes, tu ne te relèveras pas – pas tout seul du moins. Tout ce que tu ne t’autorises pas, mais qu’elle t’accorde, comme si tu avais le droit de craquer, la permission de ne pas toujours tenir droit, de céder à tout ce qui te traverse. De rompre les digues – et c’est ce que tu fais d’une certaine façon, le visage plongé dans tes mains, les épaules secouées par des sanglots que tu ne comprends pas vraiment, comme si une vanne avait lâché. Comme si tout ce que tu retiens en toi depuis des mois, des années, toutes ces larmes contenues et pratiquement jamais versés s’échappaient soudain en un flot dévastateur.
Tu as le droit d’aller mal et d’avoir besoin d’aide.
Ce n’est pas exactement ce qu’elle dit, mais c’est aussi comme ça que tu le ressens. Quant à ce que tu peux apporter aux autres… tu as toujours envie de protester, parce qu’il y a les mensonges, parce qu’il y a l’imposture, parce qu’il y a toutes ces cassures et ces fêlures que tu t’acharnes à maintenir ensemble. Parce que ça colle à cette idée que tu n’es rien ni personne, qu’ils ont tous leur vie, cette conscience aiguë que si demain tu disparaissais… ce ne serait pas vraiment une déchirure pour eux. C’est bien en un sens, mais ça te fait mal aussi. Sans que tu saches si c’est rationnel ou juste une vue de ton esprit. Comment savoir ? Est-ce que tu as vraiment des choses à leur apporter ? Est-ce que tu pourrais te confier à eux ? « Si tu parles… » Les mots de ta mère sont restés gravés en toi, si tu parles, on est perdus, que ce soit côté sorcier ou côté moldu.
Tu as le droit. Comme si tu attendais que quelqu’un te donne l’autorisation de relâcher la pression. Les larmes coulent toujours, tu plonges une main dans tes poches en quête d’un mouchoir avant que ça tourne encore plus au désastre – tu dois noyer son plaid, mais tu n’arrives pas à te reprendre, et il te faut de longues minutes avant de seulement commencer à te ressaisir, complètement perdu, épuisé aussi, tremblant, le corps et l’âme essorés par les pleurs.

— Je… je suis désolé, tu finis par souffler, la voix prise. Je ne pensais pas… être comme ça, ni réagir comme ça. Je ne voulais pas craquer… Vous avez raison, je m’interdis beaucoup de choses parce que je… redoute les réactions des autres et je ne leur laisse pas la possibilité de m’aider.

Mais comment avouer ce que tu caches, ton identité ou ton agression ?

— Ce sont des choses lourdes. Je me dis que je dois tenir… Je ne prétends pas faire tout bien, loin de là, mais j’essaie de faire en sorte que ça ne se répercute pas sur mes proches.

Tu jettes un coup d’œil à Abigail.

— Je n’ai peut-être pas les oreilles d’un mulet, mais je dois être têtu comme eux. Merci de me dire tout cela, que j’ai le droit de faire des pauses. Comme ce soir.


Tu as du mal à trouver tes mots, à lui exprimer ce que tu ressens. Elle le voit peut-être. Est-ce que tu peux vraiment retrouver un équilibre ? Tu ne sais pas, mais tu l’espères. Tu aimerais retrouver une partie de celui que tu étais avant, qui était capable de faire face, qui ne s’effondrait pas… Non. Stop. Pour ce soir au moins, tu n’as pas besoin de faire semblant d’être solide, c’est même tout le contraire, tu ne t’es jamais écroulé comme ça. Et même si tu n’as pas honte de pleurer, c’est quand même gênant de te répandre comme ça chez Abigail. La pauvre. Ce n’est sans doute pas de cette façon qu’elle comptait passer sa soirée, à se retrouver avec un garçon paumé sur les bras.

La suite de la conversation t’aide à reprendre contenance, tu sèches tes larmes, mais tes yeux restent humides et tu gardes tes mouchoirs à portée de main. Quelques gorgées d’eau supplémentaires t’aident à t’éclaircir les idées.
Le sujet de la guerre reste lourd, mais c’est au moins quelque chose que tu maîtrises, qui ne remue pas tes émotions autant que le reste. Cela te permet de reprendre un peu de distance. Elle a raison, une fois encore, tant qu’il y aura quelqu’un pour croire à la paix, les autres ne l’emporteront pas.

— Oui, je ne pense pas qu’ils puissent totalement gagner, il y aura toujours des personnes pour s’opposer à la guerre d’une façon ou d’une autre. J’aime beaucoup cette idée d’un refuge pour ceux qui en ont besoin. Il n’y a pas forcément besoin de faire quelque chose. Le simple fait de savoir qu’on n’est pas seul, que d’autres pensent comme nous, qu’on est soutenu, d’échanger sans se faire attaquer sur ses idées… ça peut donner beaucoup d’espoir et d’énergie. Quand on ne sait plus quoi faire, ça peut être salvateur.


Tu fais le parallèle avec ta propre situation et ce qu’Abigail t’apporte. Tu essaies aussi de soutenir les autres, ceux que tu croises à Poudlard, notamment les nés-moldus plus jeunes auxquels les mangemorts plus âgés n’hésitent pas à s’en prendre.
Évidemment, tu n’auras pas toujours la possibilité de négocier tes combats. Tu as eu de la chance pour l’instant en mission – aussi parce que les années t’ont formé au terrain. Tu sais courir, esquiver, passer entre les balles, du moins tu as des réflexes entraînés, comment réagir vite et pas trop mal. D’un certain côté, tu préfères encore que ce soit toi sur le terrain plutôt que l’un de tes proches, surtout que les étudiants ne sont pas tous expérimentés. Si quelqu’un doit se prendre un coup… il vaut mieux que ce soit toi. Ce n’est sans doute pas le genre de pensée qu’Abigail approuverait, mais c’est là que tu peux être le plus utile, donc si ça peut enlever du terrain ceux qui se débrouillent mieux ailleurs, si ça peut leur éviter des blessures… c’est une bonne chose aussi.

Tu ne sais toujours pas comment réagir face à tes propres amis – les ennemis et la solitude, c’est plus simple ; c’est paradoxal que ce soit les personnes auxquelles tu tiens le plus qui te font te poser beaucoup trop de questions. Mais tu te moques de ce que tes adversaires pensent de toi, alors que le regard de tes amis compte plus que tout.
Abigail avoue son impuissance. Tu n’es pas très doué non plus dans les relations humaines. Si tes amis t’acceptaient… est-ce que c’est vraiment possible ? Sur tous les plans ? Est-ce qu’ils peuvent accepter que tu leur as menti pendant des années ? C’est autant l’origine des mensonges que les mensonges eux-mêmes qui te coince. Et l’agression… le blocage vient plus de toi pour le coup. Tu n’as jamais réussi à en parler, même si c’est ce qui explique la majorité de tes réactions actuelles, bien plus que ton passé. Tu préférais fuir, encore une fois. Tu aurais l’impression de te mettre à nu, ça te laisse une impression de vulnérabilité absolue. Et comment te décider à imposer cette horreur-là à d’autres ? Mais ces réponses-là, tu devras les trouver par toi-même.

— Je ne suis pas très doué non plus pour les relations, j’ai longtemps été solitaire, même si j’ai quelques amis aujourd’hui. J’ai du mal à envisager qu’ils m’acceptent. Ça me paraîtrait tellement… incroyable ? Mais c’est peut-être lié à ce que vous disiez tout à l’heure, tout ce que je ne… j’ai l’impression de ne pas mériter. Je vais réfléchir. Vous m’aidez beaucoup, depuis que nous nous sommes croisés, bien plus que vous ne le pensez. Merci.


Tu aimerais tellement que ça puisse fonctionner. Bien sûr, tu ne crois pas vraiment à une existence sans mensonge, à une vie où Nathan et Eirian seraient pleinement réconciliés. Mais… si certains de tes amis pouvaient avoir une image plus juste de toi, qu’ils te comprennent un peu mieux, tu as envie d’y croire, et d’un autre côté, tu sais qu’il vaut mieux rester lucide. Tes rêves, tu les gardes sous contrôle, que ce soit te débrouiller pour trouver un chez-toi après tes études ou intégrer les Aurors. Tu t’autorises à y penser, mais tu ne réfléchis pas trop aux probabilités que ça advienne. Tu peux mourir demain, de toute façon. Non, le seul espoir qui compte vraiment, c’est celui de retrouver ta mère – et celui-là, tu feras tout pour le faire basculer dans la réalité, peu importe le prix que tu devras payer.

— Je vais essayer. Merci beaucoup… Ce que vous m’offrez me touche beaucoup, et je vous suis très reconnaissant de tout ce temps que vous prenez. J’en avais vraiment besoin, tu avoues, et même si je n’en ai pas vraiment l’air, je suis heureux d’avoir ce refuge.


On t’aurait dit il y a quelques heures où tu passerais la soirée, tu n’y aurais pas cru. Comment imaginer que tu te retrouverais sur une île d’Écosse un cadre aussi chaleureux ? Même si Abigail te secoue, ses paroles et son accueil te font énormément de bien, et tu ne voudrais être nulle part ailleurs. Elle n’a sans doute pas envie de créer son havre de paix dans sa propre maison, mais c’est ce qu’elle est pour toi à cet instant, une coupure bienvenue avec le reste du monde, douloureuse mais aussi bénéfique.

La conversation s’allège en abordant le terrain des dragons. Ta curiosité revient et c’est aussi l’occasion de te reprendre après le choc précédent. C’est une conversation sans danger pour toi, et tu ne crains pas d’avouer que tu n’y connais pas grand-chose. Tu as la chance d’avoir une spécialiste du sujet devant toi, tu ne comptes pas la laisser passer – et la vie de sa famille te fait rêver aussi, même si tu te doutes bien qu’elle comporte son lot de difficultés. Il ne doit pas être simple de veiller sur une telle espèce et cela demande un engagement permanent. Sa position se relâche un peu – tu espères que tu ne pèses pas trop sur elle. Tu te détends un peu aussi. Elle revient sur ta question à propos du trafic.

— Une île entière ? C’est un sacré travail !

Et même si le secret magique a été levé, tu te doutes que les moldus ne doivent pas avoir envie de savoir qu’ils vivent à côté d’une colonie de dragons – sans compter les risques qu’ils s’en prennent à eux par peur. Sans même parler du Blood Circle, évidemment.

— Le dragon va bien ?

Tu t’étonnes que les Noirs des Hébrides vivent sur des îles aussi petites. Abigail te sourit. Elle fait venir un livre de la bibliothèque jusqu’à elle, puis se décale dans ta direction. Tu ne peux pas t’empêcher de suivre sa progression, de guetter le moment où elle va s’arrêter. Tu essaies de cacher au mieux ta raideur. Elle est un peu trop proche pour toi, tu te forces à ne pas bouger. Tu ne crains rien, tu te le répètes mentalement avec force. Mais si tes nerfs hurlent un peu moins au danger, tu ne parviens pas réellement à te détendre. Tandis qu’elle ouvre le livre, tu lui tends un bout de plaid si elle veut, tu le squattes depuis bien assez longtemps. Curieux et en quête d’un moyen de détourner ton attention de sa proximité, tu te penches sur l’ouvrage, reconnais un Vert Gallois. Tu hoches la tête, tu connais au moins les différentes espèces, même si ça ne va pas très loin dans les détails. Il y a tellement de choses à découvrir, apprendre, comprendre… tu as dû faire des choix, et tu es content de pouvoir en apprendre davantage dans ce contexte. Un dragon adapté à la montagne, d’accord.
Le Noir des Hébrides ensuite. Effectivement, présenté comme ça, tu vois à quel point chaque espèce s’est adaptée à son environnement et a développé ce qui lui était le plus utile.

— C’est vraiment intéressant, toutes ces différences, je n’avais jamais réellement réfléchi au « pourquoi » de ces variations. L’évolution fait bien les choses.


Tu as un peu trop tendance à voir les créatures magiques comme à part des animaux que connaît le monde moldu, mais elles fonctionnent globalement de la même manière, avec juste quelques capacités supplémentaires.
Abigail te tend le livre, tu t’y absorbes autant par curiosité que pour oublier qu’elle est toujours près de toi. Peine perdue évidemment. Elle s’écarte cependant un peu. Tu dissimules ton soulagement dans les pages de l’ouvrage et tu te détends un peu. Elle continue ses explications.

— Oui, c’est vrai que j’y pensais avec des limites… humaines, mais s’ils peuvent aller dans l’eau, ça élargit pas mal les choses. La terre, l’air, l’eau, ils sont à l’aise pratiquement partout. Ça doit être surprenant de les voir nager au départ. Et ils peuvent vraiment varier leurs sources de nourriture.


Ce qui est pratique aussi quand on vit sur des îles, pour éviter d’épuiser les ressources.

— J’imagine que ça influe aussi sur leur organisation sociale, qu’ils vivent plutôt en groupe ou non ?


Elle n’a pas l’air dérangée de répondre à tes questions et de partager sa passion, mais tu espères ne pas abuser, surtout que ce sont des recherches que tu pourrais faire par toi-même par la suite, une fois de retour à Poudlard – ou à la librairie, quand il y a moins de monde.

— Pardon, j’espère que je ne vous embête pas avec mes questions…

La nuit est déjà pas mal avancée, elle souhaite peut-être se reposer.
Cependant, le sujet de son frère arrive et elle craque à son tour devant toi. Tu ne sais pas quoi faire, tu te rends vite compte que tes mots ne servent pas à grand-chose – comme tu as tant de mal à entendre les siens qui touchent trop juste, une vérité que tu n’es pas encore vraiment prêt à entendre. Et tu ne peux pas la réconforter par un geste – elle ne t’a pas paru très encline à chercher ton contact, mais c’est peut-être tes réactions bizarres qui l’en ont dissuadée.
Tout son corps proteste contre ce que tu lui dis, dans un net refus, ce que ses mots confirment juste après. C’est sans doute le temps qui pourra faire son œuvre, dans les mois et les années à venir. Tu te sens impuissant face à sa détresse, tu aimerais pouvoir l’aider comme elle t’aide, mais tu ne peux pas vraiment la secouer comme elle le fait pour toi. Tu ne peux que compatir à ce qu’elle ressent.

— Je suis désolé, je comprends ce que vous ressentez, à quel point c’est difficile et douloureux…  Si vous avez besoin d’en parler, de quelqu’un pour vous écouter, je suis là. Et vous ne devez pas oublier de penser à vous-même aussi, il faut prendre soin de vous.


Game of Blood  Ϟ Tous droits réservés


Il arrive que nous trouvions de l'aide là où on ne s'y attend pas [Eirian] - Page 2 21013008104866668 Il arrive que nous trouvions de l'aide là où on ne s'y attend pas [Eirian] - Page 2 M-daille-Eirian

Spoiler:





   
On the run,
falling to the depths

Do you know what it's like when
You wish you were someone else
Who didn't need your help to get by ?
Do you know what it's like
To wanna surrender ?
Revenir en haut Aller en bas
Abigail MacFusty
Abigail MacFusty
Sorcier OP
INRP
Métier : Professeur de Soins aux Créatures Magiques & directrice de la maison Poufsouffle
Messages : 5482
Gallions : 4176
Date d'inscription : 27/11/2020
IRL

Lumos
Je rp en : #cc3333 & lightgrey
Mon allégeance : Ordre du Phénix
Mar 17 Aoû - 22:14
La dimension de notre conversation devenait tellement vertigineuse que j'avais souvent la sensation d'être propulsée dans les astres. Ce n'était pas une sensation totalement désagréable puisque j'appréciais voler et que j'étais fascinée par les étoiles. Néanmoins, un frisson glacial me traversait l'échine tandis que nous parlions des capacités déroutantes du Blood Circle. Ils étaient capables de retirer les pouvoirs magiques des sorciers, ne serait-ce que temporairement. Il ne faisait aucun doute qu'ils travaillaient sur une solution qui durerait plus longtemps, voire qui serait définitive, ce qui serait un drame monumental. Nous priver de notre magie, ce serait condamner un monde entier régi en partie, mais surtout protégé par les sorciers, et évidemment en disant cela, je songeais forcément à mes très chères créatures magiques. Mes dragons bien-aimés qui n'auraient plus de gardiens, qui se verraient pulvérisé par les armes destructrices moldu, qui se verraient peut-être même asservi, comme pouvaient l'être certains pauvres sujets, notamment ce Pansedefer Ukrainien enfermé à Gringotts. La perspective de voir toutes les créatures si magnifiques, maltraitées et davantage incomprises me donnait envie de vomir. C'était déjà difficile dans mon quotidien de lutter contre des sorciers qui ne désiraient qu'utiliser la force envers les animaux, mais devoir lutter également contre les moldus… je n'étais pas certaine que ce soit une guerre que je pouvais gagner, qu'importe la force de ma volonté à vaincre. Oh bien sûr, je savais très bien qu'il y avait des centaines de milliers de moldus prêts à défendre la cause animale, il en existait déjà actuellement pour les créatures non magiques… mais hélas, rien que ça était vain. Alors, rajouter des animaux qui vivaient grâce à la magie ? Les observer faire s'écrouler notre monde, en plus du leur ? Ça m'était insoutenable.

En réalité, j'avais peur tandis que les paroles d'Eirian me fouettaient la tempe, me donnant presque la sensation que je saignais de l'oreille, comme si la pression était à présent trop forte. Comment était-il possible que les sorciers ne s'étaient jamais penchés sur l'origine de la magie, ou plutôt, sur son fonctionnement. Comment était-il possible que des moldus, grâce à leurs technologies, parviennent à nous doubler sur notre propre terrain ? Voilà bien la preuve que les sorciers s'étaient endormis sur leurs lauriers, bien trop confiant de cette soi-disant supériorité que nous avions sur les moldus. Nous n'avions pas été méfiants, nous avions continué à vivre au temps du moyen-âge, en nous souciant davantage de la nature du sang plutôt que de nous ouvrir l'esprit, nous rendre curieux de ce que les moldus faisaient, et surtout, de ce qu'ils faisaient de bien. Car il ne fallait pas se leurrer, même si énormément d'inventions moldues étaient terribles, pour eux et pour notre planète, elles étaient aussi incroyables d'ingéniosités. Beaucoup étaient inutiles pour ceux qui possédaient des pouvoirs magiques, mais beaucoup avaient prouvé leurs efficacités puisque, d'expérience en expérience, cela leur avait permis d'arriver là où ils en étaient aujourd'hui, à savoir, anéantir notre magie, ce qui coulait dans nos veines, ce qui faisait de nous des sorciers.

Je restais néanmoins vaguement surprise que personne avant eux, dans le monde sorcier, ne soit parvenu à un tel résultat, technologie ou non. Les sorciers étaient donc à ce point vaniteux pour ne pas être curieux de l'origine de leur monde ? Moi-même qui était très curieuse et renseignée, ne m'étais jamais posée la question avant ce soir. Serait-ce un secret ? Ou alors les origines étaient à ces points ancestraux que nous n'avions aucune trace écrite ? Merlin était un mythe pour les moldus, nous, nous connaissions la vérité, mais Merlin était, dans le fond, un sorcier renommé, mais qui n'avait pas créé la magie puisqu'elle existait déjà de son vivant.
Tout cela était, à mon sens, uniquement décidé par le hasard de la nature. Ce qui rendait la chose d'autant plus mystérieuse, mais aussi effrayante puisque le Blood Circle était parvenu à supprimer quelque chose d'intangible. C'était vertigineux, et quand bien même les sorciers rattraperaient leur retard, ne serait-ce pas non plus terrible, dans un sens ? Ils pourraient en venir à créer des sorciers "contre nature". Cela pourrait soulever une toute nouvelle armée, ce serait tout bonnement effroyable.
Déglutissant nerveusement, je me passais une main sur le visage en hochant du menton, pensive.

- Je trouve aussi que le fait que le Blood Circle en sache plus que nous est tout simplement terrifiant. Et quand bien même j'ai peur pour mes amis et ma famille… j'ai aussi peur pour les futures générations. Voyez-vous, je n'ai pas d'enfants, et je ne désire pas spécialement en avoir… mais… m'imaginer dans quel monde, dans quelle époque ils pourraient grandir et vivre… cela me donne encore moins envie de fonder une famille. Je tournais le regard vers les flammes crépitantes dans ma cheminée. Mes parents seraient outrés de ce que je venais de dire, eux qui espéraient tant que je me marie et que je perpétue l'héritage familial, mais, présentement, avec cette discussion, ma décision était presque définitivement prise : hors de question d'avoir des enfants avec un avenir aussi incertain. J'admire sincèrement les sorciers ou moldus liés au monde des sorciers qui choisissent de faire des enfants. Quand bien même la symbolique est merveilleuse… je n'aurais de cesse d'être inquiète pour cette âme qui n'a rien demandé à personne.

Une âme parfaitement innocente, qui n'a demandé ni à vivre ni à mourir. Faire un enfant, c'était un peu se prendre pour le Tout Puissant, et sa vie était entre nos mains pour de longues années, nous en étions responsables, et nous étions responsables des actes que nous avions envers lui. C'était un fondement de vie très basique et simple, mais si logique qu'une multitude de gens l'oubliaient. Il y avait donc des abus de diverses sortes, des meurtres, mais aussi des abandons, et des enfants en souffrance toutes leurs vies. En mon âme et conscience, je ne pouvais donc décemment pas porter et donner la vie avec toute la souffrance causée à côté.
Enfin, en connaissant la seule et unique personne que j'aimais et que j'aimerais jusqu'à la fin de mes jours, il me serait bien difficile d'avoir des enfants avec. La magie était puissante, mais hélas pas à ce point, et encore fallait-il qu'un miracle se produise pour que nous puissions avoir une nouvelle chance elle et moi. C'était absurde. Mais dans un sens, je me sentais soulagée, car je savais que, définitivement, j'allais pouvoir tracer un trait sur ma descendance.
Je n'en aurais jamais.
Encore fallait-il que l'amour me retombe dessus, ce dont je doutais, et ce fut donc un pacte à l'amiable que nous passions, Eirian et moi. Il croirait en l'amour pour moi, et moi pour lui. Cela avait quelque chose de sensiblement rassurant de savoir que quelqu'un, un presque inconnu qui plus est, pouvait ainsi souhaiter mon bonheur. J'espérais que cette perspective lui faisait du bien également.

Bien sensible, empathique et douce, j'avais de la peine pour ce garçon qui se tenait là à mes côtés et qui se mettait dans des états de détresse qui parvenaient presque à engendrer les miens. C'était pour qu'il se sente en sécurité, un peu plus choyé qu'il ne pouvait déjà l'être, et un peu rassuré par ma présence que je lui offrais les choses simples de mon quotidien simple lui aussi. Un plaid, un verre d'eau, mon toit, ma présence. Je ne pouvais faire guère plus, mais je le voyais déjà touché par ces petites attentions puisque les larmes vinrent glisser le long de ses joues tandis qu'il s'enveloppait un peu sous la grande couverture. Cela pouvait d'ailleurs être assez ironique de comparer la taille du plaid à la mienne, minuscule sorcière… mais voilà, m'emballer dans un cocon était quelque chose que j'avais toujours particulièrement affectionné. D'un sourire plein de douceur je répondais aux remerciements du jeune homme avant de revenir m'asseoir à côté de lui sur le canapé, laissant Grishkin se promener devant nous. Le phénix semblait soudainement trouver le dessous de ma table fort intéressant puisqu'il gardait la tête basse et fixait là-dessous.

En réalité, je souhaitais que tout dans ma maison reste simple, mais aussi accueillant et reposant. J'appréciais le calme et je détestais la violence, j'étais par ailleurs quelqu'un d'extrêmement calme. Voilà pourquoi je ne me mettais pour ainsi dire jamais en colère, et voilà pourquoi je ne cherchais guère les conflits, même dans mon travail, ou que je ne souhaitais pas la vengeance. Même à la mort de Kyle je n'avais ressenti aucune haine envers le dragon qui l'avait tué alors que d'autres personnes auraient pu en vouloir aux dragons du monde entier, les chasser et les exterminer pour ça. Peut-être que mon amour pour eux était davantage inconditionnel que l'amour que je portais à mon frère ? Ou peut-être que tout ceci n'était tout simplement pas comparable.

- Non, moi non plus en effet… je ne cherche ni à critiquer, ni à juger, mais plutôt à comprendre les agissements des autres, ou tout le moins, ce qui les anime et les motive. J'ignore si rester passif est une solution en soi, car beaucoup me pensent passive parce que je ne réponds pas sur l'instant. Cela dit, lorsque je présente mes théories, avec mes preuves indiscutables, je cloue le bec à tout le monde… je crois que c'est quelque chose de bien plus gratifiant que de juste hurler sur l'autre ou de chercher à se venger. Je fronçais un peu les sourcils sous la réflexion. Mais bon, même si là, à tête reposée j'ai conscience que me venger ou me mettre en colère ne sert à rien… si un jour je devais me trouver dans une situation délicate, peut-être que ces principes s'évaporeraient. J'en sais rien, jusque-là, ça ne m'est jamais arrivé.

Ça ne m'était pas arrivé avec Kyle… et que pouvait-il y avoir de plus dramatique que de perdre mon frère ? L'ensemble de ma famille et perdre mes quelques rares amis. Oui, de cela j'avais très peur et je faisais tout pour préserver la paix, voilà pourquoi je m'étais engagée dans l'Ordre malgré moi. Parce que je voulais protéger ceux que j'aimais, au péril de ma propre vie.
Je n'approuvais pas forcément les faits et gestes des autres, par exemple la violence que pouvait exprimer Luca lorsqu'il était en colère ou contrarié, cela dit je croyais avoir l'ouverture d'esprit nécessaire pour la comprendre et la saisir sensiblement. Moi aussi des fois j'avais envie d'exploser, de tout détruire autour de moi pour me calmer les nerfs, comme pour faire évacuer cette pression devenue trop forte dans ma tête. En dehors des moments où j'étais avec Harper (parce qu'avec elle je ne maitrisais jamais rien), j'avais la merveilleuse faculté de toujours me laisser une porte de sortie. Une possibilité de faire baisser cette pression, et de me retourner lorsqu'en face on ne m'attend pas à me retrouver. C'était ça, ma force tranquille. Je n'étais ni passive ni laxiste, j'essayais avant tout d'agir intelligemment… car s'énerver dans le fond, même si ça faisait du bien, ce n'était pas très intelligent. Se frapper menait à des blessures des fois difficiles à soigner, et moi qui avais déjà la santé fragile, je ne pouvais guère me permettre de me briser en plus les os. Mon état cet été était déjà bien assez pourri comme ça. Aussi, tout détruire autour de nous était contreproductif, non seulement après il fallait tout nettoyer (heureusement que la magie était là, les pauvres moldus devaient tout faire à la main), mais certains pots cassés restaient brisés à jamais, malgré l'utilisation de certaines incantations.

Brisés. Fendus.
Comme semblait l'être ce pauvre Eirian qui, après ma tirade quelque peu musclée, s'en vint à totalement s'écrouler à côté de moi. Bien vite, je voulus ravaler mes paroles et je ressentais un violent sentiment de regret qui vint me frapper droit au cœur en voyant son état. Je l'avais dit, j'étais bien maladroite et je n'étais pas psychomage. Le jeune homme avait besoin de douceur et non pas qu'on lui crache en plein visage comme je venais de le faire.
Avec violence, je venais me mordre l'intérieur de la bouche comme pour me faire sentence tandis que je me redressais pour aller chercher un paquet de mouchoirs que je posais sur la table basse juste devant le jeune homme. Confuse, je reprenais place, restant cependant droite, ouvrant et fermant la bouche comme un poisson hors de l'eau. Ben merde je devais faire quoi maintenant ?
Devais-je continuer à parler ? Essayer plutôt de le réconforter maintenant que j'avais fini de le casser ? Ou est-ce que je devais me taire parce que justement, j'en avais trop dit ?
Loin de moi avait été l'intention de le blesser, je voulais davantage le secouer pour lui venir en aide… mais sûrement aurais-je mieux faire de m'abstenir. Ce fut donc impuissante et complètement pantoise que je laissais le garçon évacuer tout ce qu'il retenait en lui depuis, apparemment, si longtemps. Des choses graves, je le devinais d'autant plus maintenant que je voyais son état de détresse. Ce garçon avait une résilience qui forçait totalement mon respect et j'en vins à me dire que, de nous deux, c'était sans doute lui le plus solide. Non pas que je veuille faire un concours du plus malheureux ou de celui qui parvenait le mieux à cacher ce qu'il avait au fond de lui, mais, si peu certaine de mes propres capacités en la matière, je ne pouvais m'empêcher à me comparer à lui.
Après tout, je n'avais vécu "que" un décès, bien qu'il ait eu lieu sous mes yeux à cause de ma trop grande faiblesse, et bien que ça ait concerné mon frère. Qu'avait donc bien pu vivre Eirian pour que ça le mette dans un état pareil ? Pour qu'il soit à ce point l'ombre de lui-même, de ce garçon qui portait si souvent ce masque scintillant et brillant. Je ne doutais pas qu'il l'était dans sa véritable nature, mais il ne faisait aucun doute maintenant pour moi qu'il avait une grande part d'ombre en lui, quelque chose de très sombre, de peut-être même terrifiant. Je commençais également à comprendre pourquoi il ne désirait en parler à personne et pourquoi il se donnait tant de mal pour le cacher. Bien que je ne connaisse pas son histoire, en cet instant même, je pouvais l'entrevoir. C'était comme si le jeune homme avait ouvert les pages de son livre personnel, mais que l'écriture était codée, me rendant sa lecture impossible. Néanmoins, les traits de la plume semblaient si confus, avec de grosses ratures et des notes en bas de page si nombreuses, que je devinais à quel point tout était difficile à assumer.

Pleine de compassion, je détournais le regard afin de ne pas ajouter son poids à tout ce que l'étudiant portait déjà, et, patiente, comme je l'avais été jusque-là, je le laissais s'exprimer. Je lui donnais tout le temps dont il avait besoin pour s'épancher, pour se soulager et reprendre quelque peu ses esprits.
Je ne lui en voudrais pas s'il décidait maintenant de se lever et de s'en aller tant je venais de le blesser. S'aurait même été tout à fait normal, car après cela, qu'est-ce qui pouvait le motiver à rester auprès de moi, sorcière si handicapée socialement que j'assénais des coups verbalement malgré moi. Cela n'avait rien d'apaisant ni de doux, comme j'avais souhaité l'être et rendre ma maison depuis notre venue. Ainsi, je fus surprise de voir que le jeune homme ne semblait pas vouloir se retirer, d'autant plus lorsque j'entendais des remerciements, comme si je venais de… l'aider ? Enfonçant ma tête dans mes épaules, un peu mal à l'aise, je tournais ma langue trois fois dans ma bouche avant de répondre.

- Avant tout, je tiens à ce que vous m'excusiez, je ne voulais pas réveiller en vous une quelconque douleur, pas à ce point… je souhaite vous aider, pas vous faire autant de chagrin… pardonnez-moi. Je lui souriais, un peu confuse, avant de reprendre tout en m'humectant les lèvres, signe de ma profonde confusion. Je… je crois en fait que, ces choses lourdes… vos proches les portes malgré eux, et ils ignorent de quoi il s'agit. Peut-être que vous vous évertuez tellement à tout leur cacher que ça en devient un poids pour eux aussi. Un fardeau qu'ils choisissent de porter en vous côtoyant, parce qu'ils vous apprécient… mais n'est-ce pas déroutant pour eux de porter quelque chose dont ils ignorent la nature ? Penchant légèrement la tête en avant, laissant couler mes cheveux le long de mes épaules, je lui souriais avec bienveillance en le regardant du coin de l'œil. Vous avez le droit de prendre des pauses, oui. Vous avez le droit de ne pas toujours être droit, vous pouvez aussi vous autoriser à vous effondrer. C'est… humain. C'est ce qui vous rappelle que vous l'êtes, et que ce que vous vivez ne vous a pas totalement brisé. Parce que vous… vous ressentez encore plein de choses merveilleuses. Ça n'engendre pas en vous de sentiment de vengeance. Ne laissez pas ce qui vous arrive… vous prendre votre humanité, Eirian. Je me répète sûrement comme une vieille chouette, mais… vous êtes une belle personne. Une belle personne qui doit s'autoriser des pauses, et qui doit s'autoriser à ne pas aller bien tous les jours. Entendu ?

Les épreuves de nos vis nous prenaient beaucoup, mais à contrario, cela pouvait aussi nous donner énormément. J'ignorais ce que le décès de Kyle avait pu m'apporter de bon, je cherchais encore. Des fois des événements prenaient des années à révéler tous leurs sens. Je croyais profondément que ce que vivait Eirian n'était pas en vain… je voulais croire pour lui que ce qu'il traversait là lui apporterait quelque chose à l'équivalence de force. Des amis, des vrais, sur qui ils pourraient compter toute sa vie, ce genre d'amis inestimables qu'ils étaient rares. Tout cela allait le rendre plus fort, un jour, il viendra à bout de la situation, et il saura sûrement où est sa véritable place. Perdu aujourd’hui, mais retrouvé demain.
Pour lui, je voulais croire, je voulais y croire fort, si fort à en faire trembler ses ancêtres.

Tout comme je voulais croire, malgré l'avancée technologique du Blood Circle, en une fin de guerre pacifiste. Nous étions nombreux à vouloir la paix, plus je m'impliquais dans les diverses batailles et plus j'en prenais conscience. Il suffirait de trouver un terrain d'entente pour tout le monde et tout serait parfait. Hélas les choses n'étaient pas si faciles et c'était bien ce que je regrettais. Cela me frustrait profondément de ne pas pouvoir donner plus, faire plus pour la paix. Les Aurors combattaient tous les jours sur le terrain, Harry Potter était un leader extrêmement précieux, mais la mentalité des Mangemorts n'était guère faite pour nous aider. Et l'Augurey ? Que trafiquait-il (ou elle) dans l'ombre, prenait-elle parti de ce cette guerre contre le Blood Circle ? Dans le fond, je n'étais pas bien renseignée à ce sujet, et j'ignorais si je désirais l'être. Dans un sens, c'était plus simple de fermer les yeux, de tourner le dos à tout cela et de vivre sa propre vie, en toute neutralité, en laissant le monde s'effondrer autour de nous. Oui, mais voilà, le risque était qu'un jour, l'ennemi vienne frapper à ma porte et détruire tout ce que j'avais construit (ou pas construit) durant mon inactivité, et cela n'était pas acceptable à mes yeux. Ne rien faire, ne pas agir… j'avais beau être quelqu'un qui aimait profondément la paix, je ne pouvais pas non plus rester sans rien faire.

- Ne pas se sentir seul est déjà une victoire en soi en effet…

Nous avions déjà évoqué tout ce que nous pouvions faire, tout ce qu’il était possible ou pas de faire. La spéculation ne servait présentement à rien d'autre qu'à nous faire peur (à me faire peur). Je ne savais donc guère quoi dire de plus. Je gardais espoir que la finalité de cette guerre pouvait naître chez les sang-mêlé. Non pas uniquement parce que j'en étais une, mais comment pouvait-il en être autrement ? Les sangs purs étaient la plupart du temps extrémistes, et les nés-moldu devaient "subir" les aprioris de leurs familles moldus. En étant de sang-mêlé, nous appartenions forcément aux deux mondes, nous pouvions voir les forces et faiblesses des deux côtés, nous pouvions avoir les deux avis, mesurer le pour et le contre, nous pouvions être véritablement neutres. Tout le moins, c'était ainsi que j'avais grandi.
Malgré cela, je n'avais pas toutes les réponses et les clés en main, moi aussi je subissais la guerre, et moi aussi je subissais les aléas de la vie avec mon entourage et les choses que je ne parvenais pas à comprendre. Néanmoins consciente de mes faiblesses, je ne craignais pas de les partager avec mon interlocuteur du moment, de regarder la vérité en face et de l'affronter. Je n'avais guère de fierté et donc je n'avais aucun mal à reconnaître là où j'avais des lacunes, surtout lorsque ça m'était amené avec pédagogie. Les reproches faits en plein visage étaient davantage contreproductifs. Devant Eirian, bien qu'étant enseignante, je ne craignais pas de dire que j'étais imparfaite. Il aurait été idiot de ma part de prétendre que le jeune homme pense cela de moi, et je le croyais assez mature pour reconnaître mes paroles qui se voulaient humbles et justes.
Cela dit, sa réponse vint à me surprendre, une nouvelle fois, et se fut les yeux arrondis, montrant mon étonnement, que je détournais un instant le visage dans sa direction pour le regarder. Il me remerciait, vraiment ? Décidément, je ne comprendrais jamais rien aux relations humaines. Je n'avais fait que lui offrir un toit pour la nuit et un verre d'eau. Ce n'était vraiment rien à mes yeux, mais apparemment énorme pour lui. Je prenais davantage la dimension de la situation du jeune homme et en vint à étouffer un léger frisson, d'autant plus qu'il me remerciait aussi pour ce que je lui disais, moi qui venais de lui avoir déclenché une grosse crise de larmes pour laquelle je m'en voulais encore.

- Oh euh bah… ce… ce n'est rien, vraiment.

Je n'avais pas trouvé mieux à dire. C'était un peu idiot, mais c'était sincèrement ce que je pensais. Ce n'était rien. Bien que je n'aie pas pour habitude d'accueillir des gens chez moi, encore moins des élèves, l'instant que nous étions en train de passer avec Eirian me plaisait beaucoup. La dernière fois que j'avais pu avoir un tel échange devait sans doute dater du vivant de Kyle. Quand bien même cette entrevue m'épuisait, elle me faisait aussi énormément de bien.
D'autant plus lorsque la conversation en vint à tourner autour des dragons.
Soudainement, je semblais reprendre vie, comme si quelque chose, une entité, avait pris possession de mon être. Cependant, une fois rapprochée du jeune homme, je refusais le bout de plaid qu'il m'offrait, ayant bien capté par son attitude, aussi légère soit-elle, qu'il n'appréciait guère que je me tienne si proche de lui. Je laissais donc la couverture lui offrir l'illusion d'une barrière tandis que je lui partageais ma passion sans la moindre retenue, espérant ainsi lui rappeler que je ne lui voulais aucun mal.
Mon métier de dragonologiste pouvait sembler impressionnant, pourtant pour moi, il faisait partie de mon quotidien, c'était donc normal de vivre toutes ces choses. Je les voyais depuis ma naissance, je respirais la bruine de l'archipel des Hébrides depuis plus de trente ans, et je ne voulais pas m'en passer. Les dragons, je les avais dans la peau, et il semblerait que je ne puisse pas vivre autrement. C'était d'ailleurs étrange qu'une passionnée telle que moi ait fini simple enseignante à Poudlard.

- Ce n'était pas une mince affaire en effet, mais ma fois, cela fait partie du métier. Le dragon aujourd'hui va bien oui. Le soigner n'avait pas été de tout repos, car un dragon immobilisé à terre, c'est un dragon mort, instinctivement ils veulent s'envoler. Une lueur passionnée brillait dans mes prunelles sans que je ne me rende compte, le tout voilé peut-être de quelques regrets. C'était exaltant…

Tout en continuant mes explications et en répondant aux questions du jeune homme avec facilité, j'en venais à me remémorer ce "bon vieux temps" où je n'étais qu'une simple dragonologiste. Qu'en serait-il aujourd'hui si je n'avais pas pris la décision de me reculer et de m'engager à Poudlard ? Aurais-je retrouvé Harper ? Aurais-je rencontré Luca ? Aurais-je été avec Eirian ce soir ? Étrangement, j'en doutais, et quand bien même j'étais heureuse dans mon choix de vie, dans ce que je faisais professionnellement aujourd'hui, je devais tout de même reconnaître que je n'étais pas pleinement épanouie. Il manquait quelque chose.

- Ils nagent en s'aidant de leurs ailes. Je n'ai jamais vraiment ressenti de la surprise en les voyant faire, sans doute parce que je suis habituée à voir ça depuis que je suis enfant… je dirais plus que je suis à chaque fois émerveillée. Les membranes des ailes sont fragiles et légères, pourtant elles sont assez résistantes pour les propulser dans l'eau. Le dragon est une force vraiment surprenante de ce que peut faire de mieux la nature. Il relie à lui seul les quatre éléments, il est… à l'image de Mère Nature, vraiment. Je penchais un peu la tête sur le côté avant de répondre, toujours aussi sérieuse qu'enchantée d'avoir un retour aussi intéressé. Le Noir des Hébrides vit principalement en famille. Le couple reste ensemble sur un territoire défini et les petits quittent ce territoire une fois qu'ils sont en âge de se débrouiller seuls.  J'élargissais mon sourire. Vous ne me dérangez absolument pas avec vos questions, au contraire, ça me fait plaisir ! J'aime partager ma passion, et ça faisait longtemps que je n'avais plus pu parler uniquement de dragonologie. Je regardais Grishkin qui se trouvait toujours devant nous à fixer sous la table. Ça me manque souvent.

Tout comment mon frère me manquait. À mon tour d'avoir une crise de larmes, de me fermer aux paroles sages qu'on veut me faire comprendre. J'étais sourde et incapable de comprendre quoique ce soit, j'étais perdue dans le noir et je n'avais plus aucune lumière pour me tirer de cette situation. J'étais ainsi condamnée à rester seule avec mon désespoir, à pleurer la mort d'un être à ce point chéri et aimé. Nerveuse, j'essuyais fréquemment mes joues pour en retirer les larmes tandis qu'elles ne cessaient de couler, ce qui ne servait donc strictement à rien. Enfin, j'appréciais qu'il m'apporte son aide, mais à quoi bon ? Kyle était mort. Rien qu'Eirian ne puisse dire ou faire n'y changera quoique ce soit.

- C'est gentil de me proposer votre aide, mais je ne vois pas très bien ce que je pourrais vous dire. Il y a eu un accident, je n'ai rien pu faire, et voilà, c'est ainsi, je dois faire avec, ou plutôt je dois faire sans, et je n'y arrive tout simplement pas. J'ignore comment faire, et j'ignore surtout si j'ai envie de faire quoique ce soit… J'avais conscience d'être malheureuse, mais cette douleur me rappelait à chaque fois vivement le souvenir de mon frère, quand bien même ma pensine était remplie de souvenirs le concernant. Après un instant de silence, je reprenais. J'aurais tant aimé pouvoir lui dire à quel point je l'aime, à quel point je regrette notre dernière dispute… j'aurais tant aimé pouvoir le prendre dans mes bras une dernière fois… on se dit toujours que le drame n'arrive qu'aux autres, qu'il ne nous touche pas nous… puis un jour, l'horreur frappe…

Dehors, la nuit a bientôt fait son cycle, et ce sont les premières lueurs du jour qui s'élèvent à l'horizon, lentement. Pour la énième fois, je me passais la main devant les yeux pour les essuyer, quand soudainement, Grishkin bondit en avant sous la table basse, renversant cette dernière ainsi que tout ce qui se trouvait dessus dans un violent fracas. Surpris, l'animal sursauta et s'envola pour se poser sur son perchoir, l'air de se dire qu'il venait de faire une connerie. Moi, j'avais sursauté et je m'étais exprimée dans toute ma délicatesse.

- Putain Grishkin, mais t'as foutu quoi ??


Never Ending Circles
ANAPHORE


Il arrive que nous trouvions de l'aide là où on ne s'y attend pas [Eirian] - Page 2 CBY7jAc
Il arrive que nous trouvions de l'aide là où on ne s'y attend pas [Eirian] - Page 2 Banniz10

Revelio:

Revenir en haut Aller en bas
Eirian Howl
Eirian Howl
Serdaigle OP
INRP
Métier : 3e année de Protection magique (spé Auror)
Messages : 5388
Gallions : 8613
Date d'inscription : 30/07/2020
IRL

Lumos
Je rp en : #00ccff
Mon allégeance : Ordre du Phénix
Sam 21 Aoû - 22:04
Il arrive que nous trouvions de l'aide là où on ne s'y attend pas
« Eirian s'excuse pour ses maladresses à la fin »
Ta conversation avec Abigail rebondit d’un sujet à l’autre sans que tu te lasses, et tu regrettes de ne pas être en meilleure forme pour en profiter davantage. Mais vos échanges traversent les brumes de la fatigue, te redonnent paradoxalement un peu d’énergie, malgré tout ce qu’ils te prennent pour tâcher de faire bonne figure. C’est rare que tu aies l’occasion de creuser autant sur de tels thèmes – rare aussi que tu exprimes autant tes idées, en dehors de celles en lien avec l’actualité. Ta longue pratique de l’invisibilité parmi les autres t’amène à faire en sorte de ne jamais te faire remarquer, que ce soit par des actes ou par des paroles, et en général tu gardes tes pensées pour toi. Cela change un peu avec les amis que tu te fais ces derniers mois, mais tu ne te confies pas vraiment à eux.
Tout est grave dans votre conversation, mais ce qui tourne autour du Blood Circle l’est peut-être plus encore. Ce qu’ils sont capables de faire – la simple idée qu’ils peuvent priver les sorciers de leurs pouvoirs quelques heures voire quelques jours – est terrifiant. D’autant que tu ne te fais pas d’illusions sur le fait qu’ils cherchent à rendre cela permanent, à percer le secret des origines de la magie. C’est une partie de leurs pratiques que tu connais moins. Tes parents étaient plutôt dans la traque effective des sorciers, ils connaissaient certes les laboratoires, mais tu n’en avais que des échos, et ta mère ne t’en a pas tant parlé que cela, comme une sorte de non-dit entre vous, la conscience aiguë que c’est peut-être là que tu te serais retrouvé si ton père s’était finalement abstenu de te tuer. Ils étaient de toute façon moins avancés à l’époque de ton enfance – heureusement. Mais les progrès qu’ils ont effectués sont plus qu’inquiétants, rien ne dit qu’ils n’en feront pas d’autres dans les semaines et les mois à venir, s’ils trouvent un moyen d’utiliser leurs techniques à grande échelle… Ce serait pratiquement un génocide des sorciers, la fin d’un monde. Les créatures magiques s’en sortiraient peut-être en vertu de leurs propres pouvoirs, du moins celles qui n’ont pas besoin de l’aide des hommes pour se dissimuler. Mais les autres… La communauté magique n’est déjà pas bien vaste. Si les sorciers perdaient accès à leur propre monde, tu n’imagines pas le cataclysme. Une civilisation qui s’effondrerait. Est-ce que des lieux comme le Chemin de Traverse ou Poudlard deviendraient à tout jamais inaccessibles à tous ou les enchantements protecteurs s’effondreraient-ils ? Tu n’as aucune envie de le voir par toi-même. Sans parler des grimoires, des ingrédients magiques, de tout ce qui fait de la société sorcière une culture à part entière, avec ses richesses, ses problématiques… Tu ne peux qu’espérer que le Blood Circle ne parvienne jamais à franchir ces dernières étapes. Même s’ils essaient de s’en donner les moyens : l’Institut et ses multiples prisonniers en étaient une preuve bien trop flagrante. Est-ce que ça les a réellement ralentis, est-ce que ce n’est qu’un contretemps pour eux ? Tu espères quand même que le coup a été rude ; il leur faudra du temps pour trouver d’autres victimes… mais cela place encore les nés-moldus en première ligne du danger, surtout en plein été, avec l’éloignement du monde magique qui les met loin de toute sécurité.

Tu ne peux qu’espérer que les sorciers trouvent les moyens de contrer leurs armes ou avancent sur le même genre de recherches – avec les cobayes humains en moins évidemment. Ou du moins avec des pratiques encadrées et surveillées. L’idée te met quand même particulièrement mal à l’aise. Un frisson te traverse. Comment est-ce que les sorciers pourraient procéder éthiquement pour explorer les origines de la magie ? Le Blood Circle a les coudées franches de ce point de vue, en ne s’embarrassant pas de scrupules, ce qui leur permet sans doute d’avoir cette avance. Mais tu n’as jamais eu l’impression non plus que le monde sorcier essayait de comprendre l’origine de ses pouvoirs. Peut-être une sorte de crainte superstitieuse ou la peur de la démythification ? Cela achèverait de mettre à mal l’idéologie sang-pur, dont les tenants s’imaginent littéralement être des humains supérieurs, presque des demi-dieux au-dessus des moldus. En toute modestie, évidemment. Si c’est un gène parmi d’autres, qui s’active dans certains cas et s’efface ailleurs… cela enlève beaucoup de leurs prétentions et ne fait pas des sorciers des élus, juste des personnes à qui l’évolution a donné un outil en plus, au hasard, et qu’ils ont réussi à conserver au fil des générations. Ils ont peut-être fait en sorte que les médicomages et chercheurs ne se penchent pas trop sur le sujet. Ça ne te surprendrait pas, vu leur influence sur la société sorcière. Enfin, à ce stade, ce n’est que pure spéculation, et c’est peut-être seulement ton biais envers les sang-pur et particulièrement les pires d’entre eux qui s’exprime. Mais il faut bien avouer que la technologie sorcière n’est pas des plus avancées face aux techniques de pointe des moldus. Ils arrivent largement à compenser l’absence de magie, sans doute parce qu’ils n’ont jamais vraiment pu se reposer sur des acquis comme les sorciers. Parfois, le monde sorcier te paraît un peu figé, presque bloqué dans le temps, à côté du fourmillement et du dynamisme qui se déploient côté moldu. Alors, certes, le secret magique n’a pas aidé, mais la société magique reste très repliée sur elle-même, presque sclérosée, bâtie sur des éléments qui n’ont pas bougé depuis le XIXe siècle au moins.
Aucune de ces idées n’est rassurante en soi, et Abigail partage tes inquiétudes quant au Blood Circle. Elle craint également pour les générations futures. Le fait est que venir au monde dans un monde en guerre n’est peut-être pas le meilleur moyen de débuter son existence.

— C’est vrai que ce n’est pas la meilleure époque pour naître… mais y en a-t-il vraiment eu une ? Il y a vingt ans, c’était Voldemort, encore lui il y a quarante ans, avant il y a eu Grindelwald, le Blood Circle existe depuis des décennies même s’ils ont beaucoup gagné en puissance ces dernières années… J’ai l’impression que chaque génération a son mage noir et sa guerre, finalement. J’aimerais me dire qu’on essaie toujours de leur laisser un monde meilleur que celui dans lequel ils sont nés, mais les changements restent petits et le danger est toujours là, quoi qu’on fasse. Et je comprends que vous n’ayez pas envie d’en avoir. C’est un tel risque et une telle responsabilité pour les parents, d’essayer d’être à la hauteur pour leurs enfants…


Et il y en a tellement qui ne le sont pas.

— Je suis un peu jeune pour y penser,
tu glisses avec un sourire, mais si je dois en avoir un jour… je ferais tout pour qu’ils ne manquent jamais d’amour et soient en sécurité.

Tu n’es évidemment pas près d’en avoir. Tu as déjà bien assez de mal à prendre soin de toi-même, alors imaginer que tu te retrouves avec la responsabilité d’un être aussi fragile et vulnérable, c’est risible. La seule chose de sûre, c’est ce que tu as dit à Abigail : si tu prends ce risque, ce n’est pas pour que cet enfant se retrouve abandonné, malheureux ou que ses parents se détournent de lui. Jamais. Tu ne seras certainement pas un père parfait, mais tu lui donneras tout l’amour du monde, qu’il ne se sente jamais rejeté par les siens – tout ne dépend pas de toi, mais tu feras tout ton possible. C’est naïf, peut-être, mais tu as trop souffert de l’attitude de ton père, tu as trop vu ce que la vie infligeait aux enfants, que ce soit toi, Garnet, les victimes de l’idéologie de leurs parents, toute la souffrance qui traverse des vies qui n’auraient jamais dû la voir, surtout pas aussi jeunes. C’est surtout ça qui te donne envie de hurler, la façon dont parents et familles peuvent broyer leurs enfants pour asseoir leurs idées au lieu de les protéger, et ces derniers mois ce sentiment n’a fait que grandir. Battons-nous entre adultes, s’il le faut vraiment, mais épargnons-les. Vœu pieu, utopique et idéaliste s’il en est. Tu sais que les enfants resteront toujours les premières victimes de la folie des adultes, et ça te brise le cœur.
De toute façon, avant que tu trouves l’amour, de l’eau coulera sous les ponts, parce que tu n’envisages pas d’élever seul un enfant – sauf accident de parcours. Et tu te refuses à infliger ta personne à qui que ce soit. Tu préfères largement croire à une issue heureuse pour Abigail que pour toi.

Tu profites de tout ce qu’Abigail t’apporte, de cette soirée dans ce refuge, dans ce havre, loin de la nuit solitaire qui t’aurait attendu si tu ne l’avais pas croisé. Tu ne crois pas au destin parce que ça voudrait dire que tout est écrit d’avance et tu préfères penser que tes efforts en valent la peine, mais ça ressemble quand même à un joli coup de pouce du hasard, que tu te retrouves là, en Écosse, dans une maison aussi chaleureuse, si loin des immeubles gris, sinistres et glauque où tu aurais atterri sinon, tes pensées et tes cauchemars pour seule compagnie. Elle ne peut sans doute pas mesurer ce qu’elle t’offre, à quel point c’est important – à quel point tu en avais besoin, tu n’en avais toi-même pas conscience. Tu as toujours refusé les propositions de Sévastian, d’abord parce que tu pensais qu’il était moldu, ensuite parce que tu sais à quel point il a galéré à sortir de la précarité et tu ne voulais pas peser sur son quotidien, qu’il se retrouve avec un nouveau boulet. Tu n’aurais pas pu tout compenser – et tu as pris un peu de distance ces derniers temps, de crainte qu’il ne remarque les changements chez toi.
Tu refermes le plaid sur toi, comme un abri supplémentaire, une protection contre le monde. Ce serait simple si tu pouvais t’abandonner dans ce cocon, fermer les yeux et ne les rouvrir que quand tout irait mieux, la guerre terminée ou sur le point de l’être, un autre avenir devant toi. Dormir jusqu’à ce que tout s’arrange, sans cauchemars, ni angoisses, sans sang ni blessures… Tu ne sais même plus comment c’est, à vrai dire, tant ils ont envahi le moindre aspect de ta vie ces dernières années. Tu as presque l’impression que tu te sentirais vide. Ou peut-être juste soulagé et apaisé. C’est presque étrange de l’imaginer – incongru, comme un rêve absurde qui s’effiloche dès que tu essaies d’en tracer les contours pour t’en souvenir.

Une vie sans conflits, en quelque sorte, même si c’est tout aussi inimaginable que le reste. Pourtant, tu n’es pas un adepte de la violence, loin de là. Tu n’as jamais tué même si tu en as – avais – les capacités, tu ne provoques jamais les bagarres – même si tu reconnais que quand on te cherche, on te trouve. C’est surtout la vie qui se charge de remplir ton existence de violence et tu te retrouves à te défendre comme tu peux. Ça peut paraître faible dans le contexte actuel, mais ça fait partie des valeurs auxquelles tu tiens. Alors, tu repousses la haine et la vengeance tant que tu peux, surtout face à ton père et ton agresseur. Ils ne méritent pas que tu penses encore plus à eux. Bien sûr, parfois, tu as envie de hurler, de taper dans le mur, de libérer tout ce qui bouillonne en toi, de laisser échapper ta frustration et ta colère et ton impuissance devant les folies des Mangemorts, devant les exactions du Blood Circle, devant cette alliance dont tu te demandes de plus en plus si elle a encore du sens – et tu tends vers le non. Mais jamais tu n’exploses, jamais tu ne tombes dans la violence ou le défoulement lorsque tu te retrouves face à tes adversaires.
Abigail est dans la compréhension et tu hoches la tête. Oui, il y a souvent tellement plus derrière ce que montrent les gens. Garnet, encore une fois, parce que c’est l’exemple le plus évident. Elle peut passer pour une meurtrière sans scrupule, qui ne pense qu’à tuer les sorciers. Mais derrière ça, il y a la souffrance et les tortures et une petite fille brisée. Alors, tu n’as aucun droit à juger.

— Je crois que c’est le plus important, d’essayer de comprendre les motivations des autres et ce qui compte pour eux. On ne peut pas toujours faire du cas par cas… mais il y a des moments où c’est important. Et ne pas répondre sur l’instant ne veut pas dire rester passif. Comme vous dites, vous leur clouez le bec un peu plus tard, et c’est bien plus parlant et indiscutable que de passer des heures à s’écharper sans que personne ne puisse prouver quoi que ce soit. Ça reste de l’action, même si elle est décalée, et une action plus efficace que s’écharper.

Quant à te retrouver dans une situation délicate… tu détestes tes bourreaux, mais tu ne t’obsèdes pas avec eux. En fait, la question n’est pas tant ce qu’on te fait à toi, tu ne t’en moques pas complètement, mais, depuis l’agression, c’est devenu moins grave  à tes yeux que ce qu’on pourrait infliger à tes proches. Si ton père a fait du mal à ta mère, si le Blood Circle s’en prend à Kayla, à Sevastian, à tes amis… Là… tu ne sais pas. Tu aurais envie de les faire payer, bien sûr. Mais en restant du côté de la justice qui te tient tant à cœur ou en franchissant tes propres limites ? Tu ferais n’importe quoi pour tes amis. Parce que ce sont eux qui comptent, eux et leur sécurité et leur bien-être. Pas toi. Alors si tu dois sacrifier une partie de toi supplémentaire de toi, creuser encore dans ces failles et ces béances… eh bien, il vaut mieux que ce soit toi qui le supportes plutôt qu’eux.

— Oui, les principes dans l’idée et sur le terrain ne sont pas toujours simples à concilier. Et j’avoue que je ne sais pas comment je réagirais si on faisait du mal à mes proches. Ce n’est pas… encore arrivé non plus.

Pas vraiment, pas complètement. Il a juste kidnappé ta mère, rien de plus. Il la retient prisonnière, mais la maltraiter ne lui apporterait rien. Tu t’y raccroches de toutes tes forces, mais tu n’y croiras vraiment que le jour où tu reverras ta mère.

Les apparences que tu t’efforces de conserver ne tiennent pas face aux mots d’Abigail. Comme si ton corps et ton esprit n’attendaient que cela pour s’effondrer dans un tel ensemble, face à tout ce qui te noie et t’enfonce, toute cette obscurité contre laquelle il devient de plus en plus difficile de lutter jour après jour. Tu essaies pourtant, tu concentres la plupart de ton énergie à essayer d’enfouir tes démons et à ne surtout pas les laisser transparaître devant les autres. Tu t’accroches et résistes et essaies d’avancer, parce que si tu baisses les bras, c’en sera fini de toi et de tes espérances de revoir ta mère – et tu ne peux pas l’abandonner, pas elle. Les larmes coulent, chaudes et nombreuses, trop nombreuses, impossible à arrêter. Des années que tu les retiens, des années que tu ne te donnes pas le droit de pleurer parce qu’il faut tenir, tenir, tenir, et tu ne peux pas être faible, tu ne peux pas t’arrêter, tu ne peux pas céder face à tes peurs et tes angoisses. Elles prennent déjà bien trop de place, obscures, avides, invitant au renoncement, au « à quoi bon de toute façon », et la seule manière qu’il te reste de les repousser, c’est en les noyant dans les blessures sur tes bras, dans ce sang qui coule et en emporte une partie, avec un soulagement bref, intense… jusqu’à la prochaine fois, jusqu’au prochain assaut. Ce ne sont pas des victoires, mais pas des défaites non plus, juste un moyen de survivre. Et les marques s’ajoutent, plus ou moins profondes, remparts dérisoires face à tout ce que tu gardes enfermé au fond de toi. Et qui s’échappe cette fois par les sanglots que tu déverses, incapable de les contenir. À travers le rideau de tes larmes, tu vois à peine Abigail s’approcher et déposer un paquet de mouchoirs devant toi. Tu devrais… t’excuser, et la remercier, et t’excuser encore, et la rassurer, lui dire que ça va aller, mais les mots s’amoncellent dans ta gorge et ne la franchissent pas, s’étouffent eux aussi dans tes pleurs.
Il te faut un moment encore pour te reprendre, arriver à retrouver contenance, à verrouiller tout ce qui risquait encore de s’épancher et pour attraper le paquet de mouchoirs. Tu dois offrir une mine pathétique, les yeux rougis et gonflés, le nez coulant, les joues toujours humides, mais au fond ça n’a pas grande importance. Et au moins, Abigail n’a pas l’air de vouloir te mettre dehors malgré ton cirque. Elle s’excuse, mais ce n’est pas vraiment sa faute, revient sur tes amis. Ta voix est toujours mouillée lorsque tu lui réponds.

— Je… ce n’est pas votre faute. Vous n’êtes pas la cause de cette douleur, cela fait longtemps que c’était là… et votre goutte d’eau n’a fait que bousculer quelque chose qui était déjà bien trop rempli.

Tu baisses les yeux sur le mouchoir que tu tiens encore et tritures entre tes doigts.

— Je comprends pour mes proches. Ils savent bien que je leur cache des choses et je… ça me demande beaucoup d’efforts d’essayer de tout garder à distance, parce que je ne veux pas leur imposer ça. Je me dis que c’est un poids plus léger à porter que la vérité… mais c’est peut-être aussi plus… incertain pour eux.

Tu les obliges à jongler avec tes bizarreries, à s’adapter, à accepter que leurs confidences n’entraîneront pas les tiennes, que la communication se fait dans un seul sens. Tu es là pour eux, bien sûr, mais ce n’est pas tout à fait pareil. Mais la vérité… ça impliquerait de rendre tangibles, concrètes, réelles les situations que tu essaies de fuir. Elles existeraient pour d’autres que toi, tu leur donnerais un accès direct vers tes failles les plus profondes et tu n’es pas sûr de vouloir ni de supporter de leur laisser un tel pouvoir sur toi. Une fois les mots lâchés, tu ne pourras ni les rappeler ni les effacer, et il te faudra vivre avec des conséquences que tu ne pourras pas contrôler, avec des conséquences inconnues. Tant de choses pourraient mal se passer… Ce n’est pas que tu ne leur fais pas confiance, non, tu sais qu’ils sont fiables, mais… Tu te perds dans tes contradictions et tes incohérences, dans ces blocages dont tu ne parviens pas à te débarrasser. « Si tu parles… » Mais parler de ce qui t’est arrivé il y a trois ans et qui pèse tant sur toi n’implique pas forcément d’évoquer ton passé. Ce sont deux choses différentes, avec chacune leur lot de craintes, et le tout forme un imbroglio dont tu as à peine conscience. Il faudra peut-être que tu prennes le temps d’essayer de démêler un peu tout ça et de comprendre les mécanismes derrière. Tu n’as jamais vraiment pris le temps d’y réfléchir, trop désireux de tout enfouir, d’essayer de tout faire disparaître.
Abigail t’adresse un sourire bienveillant. Ses paroles te touchent profondément. « Tu as le droit… » Tu avais besoin de l’entendre, que quelqu’un te le dise, parce que tu n’étais pas capable de te le dire à toi-même. Tu te forces à verbaliser un peu les choses au lieu de tout garder en toi. Ça n’a jamais été simple, encore moins maintenant parce que ça touche à tellement de choses, à tout ce que tu te refuses parce que tu estimes ne pas le mériter… Une belle personne. Ça te tire un rire étouffé. Tu n’as rien d’une belle personne. Menteur, hypocrite, une fraude et une imposture, voilà ce que tu es.

— Le problème de s’effondrer, c’est qu’il faut arriver à se relever après. Et ça, je ne suis pas sûr d’y arriver.


Pas tout seul. Tu détournes le regard, fixes le sol comme s’il recelait quelque chose de passionnant.

— Je ne sais pas si ça ne m’a pas totalement brisé. Je ne fais que… survivre depuis, et ce n’est pas du tout la même chose que vivre. C’est compliqué de savoir ce que je ressens, je n’ai pas l’impression de ressentir beaucoup de choses bien. Je ne crois pas être une belle personne et je…

Tu n’arrêtes net. C’est précisément ce qu’elle t’a reproché un peu plus tôt, toute cette négativité qui se déverse et que tu ne contrôles pas. Tu te tords les doigts, incapable de la regarder. Tu souffles :

— Je sais que je ne dois pas dire ça. Je vais… m’autoriser à prendre des pauses, à me dire que je peux ne pas aller bien et que c’est… normal.

Il faudra quand même que tu continues à faire semblant devant les autres, mais tu n’es pas obligé d’être toujours aussi dur et exigeant avec toi-même quand tu es seul, de t’imposer de tenir toujours un peu plus, de pousser sur tes limites. Ça te soulage un peu, mais d’un autre côté tu redoutes de relâcher cette pression, tu en vois bien le résultat ce soir, tu ne peux pas toujours craquer comme ça. Mais tu gardes le sentiment de foncer dans le mur à grande vitesse, alors il est peut-être temps d’essayer autre chose, même si ça implique de baisser un peu tes barrières. Tu ne sais pas, tu as l’impression que tous tes efforts se soldent par un échec, que tu ne fais que te heurter à des murs sans parvenir à trouver de solutions.

Les impasses se trouvent aussi face au Blood Circle, face à ce conflit qui ne fait qu’empirer. Il y a pourtant tant de monde de chaque côté qui n’aspire qu’à la paix… mais non, c’est la minorité fanatique qui se fait le plus entendre et prend l’avantage. Tu ne vois pas comment enrayer cela, si ce n’est en continuant à défendre tes idées autant que possible, à aller sur le terrain sans pour autant tuer tes adversaires – une faiblesse pour certains, mais tu te refuses à sombrer dans la violence aveugle. Mangemorts et Blood-Circle extrémistes ne font que jeter de l’huile sur le feu, et vous ne pouvez qu’essayer de limiter les dégâts, sans même pouvoir encore penser à éteindre l’incendie. Un jour, peut-être, si vous arriviez à réunir assez de personnes de bonne volonté… mais combien de temps encore ? Tu sais bien que tout le monde n’est pas fait pour le terrain, mais tout le monde devrait avoir la possibilité d’agir à sa façon.
Tu approuves les paroles d’Abigail.

— Une fois que les gens sauront qu’ils ne sont pas seuls, de nouveaux projets pourront naître, des idées auxquelles nous n’avons pas pensé.

Ce n’est de toute façon pas ce soir que vous changerez le monde, mais cela fait déjà du bien de se savoir soutenu et compris sur ce plan. S’il y avait des moyens de mieux mettre en avant les possibilités que les deux mondes cohabitent… Il y a des nés-moldus heureux entre les deux mondes – et tu l’as été d’une certaine façon, avec ta mère, malgré la menace de ton père, tu aimais profiter des avantages de l’un et de l’autre. Les sang-mêlés aussi bien sûr qui grandissent à cheval entre les deux dans la plupart des cas, aussi à l’aise d’un côté que de l’autre. Elle est là aussi, la réalité, même si les deux camps tendent à l’oublier, il y a des dizaines, des centaines de famille qui vivent paisiblement en acceptant les deux cultures. C’est un chemin qui pourrait être suivi… mais tu sais bien qu’il n’y a pas vraiment de moyen de convaincre des extrêmistes de changer d’idée. C’est surtout à ceux qui sont encore indécis et qui pourraient basculer qu’il faut montrer que d’autres possibilités existent.

Alors que tu remercies Abigail pour ce qu’elle t’offre, tu ne manques pas sa surprise. Peut-être que pour d’autres l’accueil qu’elle propose ne serait pas grand-chose, mais pour toi c’est déjà immense. Tu le montres trop peut-être, par rapport à ce que tu dis de ta situation en temps normal. Est-ce qu’ « Eirian Howl » se montrerait aussi touché de cela alors qu’il est censé avoir une vie de famille tout ce qu’il y a de plus normale ? Sans doute pas. Mais vu ce que tu as déjà sous-entendu devant Abigail, ce que tu laisses échapper depuis le début, même si tu n’as jamais rien précisé… elle doit bien se douter que beaucoup de choses ne vont pas. Et tu es aussi soulagé qu’elle ne cherche pas à en savoir davantage, qu’elle se contente des bribes d’informations sans contexte ni précisions que tu lâches.
De l’eau, un abri et une épaule pour recueillir le trop-plein qui déborde… pour te secouer aussi. C’est un peu ce que tu attendais, peut-être, quelqu’un qui t’empêche de t’enfoncer encore plus… et tu t’es pourtant éloigné de Sévastian pour qu’il ne se rende pas compte des changements. Tu ne voulais pas lui imposer ça en plus, lui qui a déjà tant fait pour toi, et qui te comprend trop bien.

Quittant les terrains mouvants, la conversation s’oriente vers un sujet plus léger, plus facile pour toi d’autant que tu n’y connais pas grand-chose : les dragons, et tu es ravi de cette occasion d’en apprendre plus sur cette facette du monde magique, surtout de la part d’une spécialiste du sujet, qui a vraiment vécu avec eux. Elle s’anime en parlant du sujet, avec cette passion qu’ont les personnes qui s’adonnent à leur centre d’intérêt de tout leur cœur. Elle refuse la partie de plaid que tu lui tends et tu en es vaguement soulagé, c’est compliqué pour toi d’être si proche d’elle, même si c’est ridicule. Tu gardes le plaid sur tes épaules, profites de sa chaleur qui te fait du bien, du sujet que t’offre Abigail qui te permet d’échapper à tes pensées. Tu pourrais l’écouter toute la nuit te parler des dragons.

Elle te parle du dragon blessé, des difficultés qu’il y a eu pour le soigner. Effectivement, tu comprends l’instinct de vol.

— Vous avez des moyens de les maintenir à terre… je veux dire, assez calmes pour pouvoir les approcher alors qu’il est blessé ? Est-ce qu’il peut comprendre que c’est pour son bien, que vous veillerez sur lui ? Ce ne doit pas être simple d’interagir avec eux dans ces circonstances… Mais j’imagine à quel point c’est exaltant !


Tu écoutes ses explications sur la façon dont les dragons nagent. Quel merveilleux spectacle cela doit être, le genre de spectacle dont on ne se lasse pas comme elle le confirme, puisqu’elle le voit depuis son enfance et que l’enthousiasme ne disparaît pas.

— Ce sont vraiment des créatures magnifiques… et des puissances de la nature, oui.

Elle détaille la vie familiale des Noirs des Hébrides, toujours souriante et enthousiaste, et tu absorbes tout ce que tu apprends.

— Est-ce qu’ils gardent du coup toujours le même partenaire ?

Tes questions ne la dérangent pas, heureusement, mais devant sa passion, tu te demandes ce qui l’a poussée à venir enseigner à Poudlard plutôt que de continuer à étudier les dragons. C’est une chance pour les élèves, mais ça ne semblait pas être sa voie première.

— Je suis content de pouvoir vous entendre en parler… et je comprends que ça vous manque. Peut-être pourrez-vous y revenir ?

Tu préfères ne pas trop creuser la question, c’est sans doute trop personnel pour qu’elle l’aborde avec toi. Tu suis son regard en direction de sous la table, là où se trouve toujours le phénix qui a l’air de vous écouter. Peut-être approuve-t-il ce que vous dites. Difficile de le lire dans son regard. Et ça te fait quelque chose de le voir si proche, presque à portée de main. Tu ne sais pas à quel point il peut percevoir la noirceur et l’obscurité qui émanent de toi. Pas trop, sans doute… tu ne veux pas le faire fuir.

C’est au tour d’Abigail de s’effondrer en parlant de son frère, de refuser les paroles que tu lui apportes. C’est sans doute le temps qui pourra le mieux faire son œuvre, mais tu te retrouves désemparé et démuni devant son chagrin. Tu aimerais pouvoir l’aider… mais ce n’est pas en ton pouvoir. Rien, et surtout aucune parole, ne pourra lui rendre son frère. Tu ne peux que l’assurer de ton soutien et ça te paraît bien peu. Tu ne peux qu’imaginer la difficulté à vivre après un tel drame, tout ce qu’elle traverse et tu regrettes de l’avoir ennuyée avec tes soucis – personne de ton entourage n’est mort et tu te laisses bien trop écraser par ce qui t’arrive.

— Ce que vous voulez, si ça peut vous aider de parler de lui… c’est trop tôt encore pour que vous sachiez quoi faire, vous portez encore tout ce chagrin… c’est comme un immense tunnel, mais il y a des veilleuses qui finiront par s’allumer.


Dans six mois, un an ou deux, ou plus. Ce n’est pas le genre d’événement qui se traverse d’un claquement de doigt, dont on peut se remettre un jour.
La culpabilité et les regrets l’envahissent, et c’est normal pour un tel deuil, même si tu restes impuissant. Au moins, c’est une bonne chose d’en parler, qu’elle ne garde pas tout cela en elle.

— Je suis tellement désolé… Il savait que vous l’aimiez…

Est-ce qu’elle a essayé de… tu ne sais pas, lui écrire tous ses ressentis, de les lui dire sur sa tombe ? Est-ce que cela pourrait l’aider ? Tu n’oses pas le proposer ; au fond, ce n’est pas de tes conseils maladroits qu’elle a besoin, mais de présence et d’écoute. Tu te lèves, récupères le plaid qui glisse de tes épaules pour le lui apporter.

— Est-ce que vous voulez que je fasse quelque chose ? Du thé, peut-être ? Cela vous ferait du bien.


Ce n’est que le changement de luminosité qui te fait comprendre à quel point le temps s’est écoulé. Vous avez passé la nuit entière à discuter. Tu risques d’en sentir les conséquences dans la journée – tu ne dors certes guère la nuit mais ces quelques heures restent importantes – mais pour l’instant tu ne t’en préoccupes pas. Cette nuit et cette conversation valent largement toute la fatigue du monde. Tu n’as pas envie de repartir, mais il va bien falloir d’ici une heure ou deux maximum. Tu as déjà largement profité de ce refuge.

Alors qu’Abigail s’essuie les yeux, le phénix s’anime soudain. Tu tends le bras, trop tard pour rattraper ton verre posé sur la table et ce qui se trouvait dessus. Tout tombe au sol dans un bruit violent et une cascade de verre brisé. Grishkin s’envole vers son perchoir d’un air penaud. L’exclamation d’Abigail te tire un rire étouffé, fait retomber une partie de ta tension.

— Il nous trouvait peut-être trop sérieux. Ou c’est pour nous signaler que le jour se lève.

De fait, la pâle lumière de l’aube commence à se faire plus présente. Tu sors ta baguette pour réparer les dégâts causés par le phénix. Verre, tasse, théière, tout retrouve sa place, intact. Tu ne peux rien faire pour les liquides au sol, si ce n’est les faire s’évaporer d’un coup de baguette.



Game of Blood  Ϟ Tous droits réservés


Il arrive que nous trouvions de l'aide là où on ne s'y attend pas [Eirian] - Page 2 21013008104866668 Il arrive que nous trouvions de l'aide là où on ne s'y attend pas [Eirian] - Page 2 M-daille-Eirian

Spoiler:





   
On the run,
falling to the depths

Do you know what it's like when
You wish you were someone else
Who didn't need your help to get by ?
Do you know what it's like
To wanna surrender ?
Revenir en haut Aller en bas
Abigail MacFusty
Abigail MacFusty
Sorcier OP
INRP
Métier : Professeur de Soins aux Créatures Magiques & directrice de la maison Poufsouffle
Messages : 5482
Gallions : 4176
Date d'inscription : 27/11/2020
IRL

Lumos
Je rp en : #cc3333 & lightgrey
Mon allégeance : Ordre du Phénix
Mer 25 Aoû - 22:15
La question de l'avenir, de l'héritage, est quelque chose qui me poursuit depuis des années, depuis ma naissance, même si depuis le décès de mon frère, le sujet est devenu particulièrement redondant au sein de ma famille. Quand bien même s'était un sujet auquel j'étais à présent accoutumée, ce n'était pas non plus de gaité de cœur que j'en parlais, au contraire, j'étais même las. Las de ressasser toujours les mêmes choses, las de donner toujours les mêmes explications à mes parents, las de devoir sans cesse me justifier. J'avais toujours été un enfant à part, à vivre ma vie dans mon monde fait de dragons et de nature. Depuis ma naissance j'avais été ainsi, depuis mes premiers pas j'avais toujours eu du mal à m'intégrer aux autres enfants, je préférais largement aller jouer seule, ou aller contempler une fleur qui poussait. Souvent mes géniteurs s'étaient questionnés sur mon état de santé mental, à se demander si je n'avais pas été touchée par une certaine forme de trisomie ou d'autisme. Jamais aucun test médical n'avait pu donner raison (ou tort) à ces théories, et quand bien même je pouvais peut-être être considérée aujourd'hui comme une autiste, je n'en avais que faire.
Tout cela pour en conclure qu'avoir des enfants était une partie de ma vie que je considérais particulièrement lointaine et trouble. Pour commencer, je n'étais pas en couple et je n'avais aucun désir de l'être, mais je n'étais pas certaine non plus d'être à la hauteur pour élever un petit-être sans défense. Autant je pouvais me sentir tout à fait responsable quant à l'éducation d'un bébé Sombral, d'un mouton, d'une poule, voire même d'un dragon, mais le petit humain, lui, je n'avais pas son mode d'emploi, j'ignorais comment agir, tout bonnement parce que c'était un être appartenant à la même espèce que moi. Moi, si maladroite et à part en société. Comment une personne aussi étrange que moi pourrait se sentir digne d'élever un enfant convenablement, pour que ce dernier n'ait pas à vivre les mêmes railleries que moi ? Certes, je serai sans doute très empathique et pleine de compréhension puisque c'était quelque chose que j'avais vécu, mais ensuite ? Que pourrais-je lui conseiller ? Comment pourrais-je concrètement le soutenir ?
Sans compter que me soutenir (et me supporter) moi-même était déjà bien assez difficile comme ça. La preuve en était que je me négligeais totalement durant la période estivale tout simplement parce que je n'arrivais pas à faire le deuil de mon frère. Je pouvais à peine m'assumer moi-même, en tant que personne, et venir en aide à quelqu'un, comme ce soir avec Eirian, me demandait une énergie considérable (quand bien même je le faisais avec le plus grand des plaisirs et la plus noble des dévotions). Quoiqu'il en soit, aider une personne dans le besoin de manière sporadique me convenait puisque cela me demandait un effort une fois de temps en temps. Il me fallait ensuite une certaine période pour me ressourcer, mais je m'en remettais sans mal. Mais tous les jours ? Donner autant d'énergie à chaque instant de ma vie ?
Cela sonnait comme une condamnation à mort.
Non, décidément, je n'étais vraiment pas faite pour me reproduire, et souvent il m'arrivait de maudire Kyle d'être décédé, car en sa présence, ce "problème" familial serait bien plus aisé à gérer pour moi du fait qu'il était l'ainé.
Quoiqu'il en soit, les paroles d'Eirian pouvaient se targuer de me faire sensiblement réfléchir, quand bien même cela n'allait pas dans le positif de ma décision.

- Vous avez peut-être raison, il n'y a peut-être pas de bonne époque pour naître. Je ne suis pas incollable en histoire de l'humanité, mais, en effet, à chaque période il y avait son événement tragique, que ce soit chez les moldus ou dans le monde sorcier… Attendre le bon moment ce serait comme attendre la fin de l'éternité. Je me passais une main derrière la nuque. Et comme vous dites, c'est une telle responsabilité, je ne suis pas certaine de pouvoir en assumer ne serait-ce que le premier quart. Je souriais avec ironie. Continuez à ne pas y songer dans ce cas ! Restez libre. Je roulais des yeux en grimaçant un peu. Je voudrais bien ne pas y penser, mais mes parents sont un peu… Mmh comment dire ? Pressants ?

Ou obsédés. Nous en parlions déjà de temps en temps du vivant de mon frère, mais j'avais la sensation que tout s'était accéléré depuis sa mort, comme si… comme si des potentiels petits-enfants seraient un substitut à Kyle, à ce qu'ils avaient perdu.
Je fronçais les sourcils à cette idée, ravalant le dégoût qui en découlait.
Cela dit, je pouvais faire l'effort de les comprendre. Je pouvais faire l'effort de voir qu'ils étaient inquiets pour moi, qu'ils ne voulaient que mon bonheur, car après tout, même s'ils insistaient de temps en temps, ils ne me forçaient pas non plus la main, j'avais encore mon libre arbitre, et nous parlions également de plein d'autres choses que de mon avenir et de ma descendance. Quand bien même je pouvais râler sur la relation présente que j'avais avec mes parents, je les aimais de toute mon âme, tout comme j'aimais le reste de ma famille. Ils m'avaient élevé avec amour et bienveillance, ma mère avait toujours été une personne qui cachait sa grande force dans une douceur hors du commun. Mon père quant à lui semblait toujours renfrogné de prime abord, mais en fait il n'est qu'un vieil ours qui ne demande qu'à rester tranquille et vivre sa vie en paix.
Après tout, eux aussi avaient vécu une période de guerre, mon père en avait d'ailleurs perdu sa main, cela ne les avait jamais empêchés de sourire, de regarder droit devant, de toujours continuer à marcher droit, et de nous élever dans un cadre bienveillant, à nous apprendre aussi les rudiments du monde moldu.
Certes il y avait eu de la souffrance et des difficultés diverses à surmonter, mais jamais ils ne nous avaient reproché quoique ce soit. Ils m'avaient toujours appris à observer sans juger, à essayer de comprendre, à poser des questions et à garder l'esprit libre et ouvert afin d'entendre tous les points de vue, qu'importe que je les comprenne tous ou non. Ils m'avaient appris à voir au-delà des différences et au-delà des apparences. J'avais toujours été sensible à ce mode de vie et à cette manière de voir les choses et d'agir envers les autres (créatures ou êtres humains).
Voilà pourquoi j'étais certaine que je pourrais donner ma vie pour ceux que j'aime sans la moindre hésitation. Chercher à me venger, je l'ignorais, mais je ferais tout pour les aimer, les chérir et les protéger… et voilà pourquoi je n'avais de cesse de m'entraîner, non seulement dans ma matière, mais aussi dans celles où j'avais le plus de lacunes, comme en duel.

Ce fut donc avec un sourire bienveillant que je me contentais de répondre aux jeunes hommes sans vraiment parvenir à trouver les bons mots à prononcer. J'étais d'accord avec lui, que pouvais-je donc rajouter de plus ? Je n'étais pas de ceux qui cherchaient les duels, et j'ignorais si j'étais quelqu'un qui souhaitait la vengeance, je ne voulais pas non plus faire trop de spéculation, d'autant plus sachant que la conversation était déjà assez lourde comme ça pour nous deux. Je ne voyais guère l'utilité de la faire peser davantage.
Par ailleurs, je me félicitais de ne pas en avoir rajouté, car j'excellais pour le faire concernant la vie privée du jeune homme, tout le moins, dans sa relation avec ses amis et sa manière d'agir avec eux. Peut-être lui fallait-il un électrochoc, et j'avais la sensation de lui en avoir donné un plus gros que ce que j'aurai véritablement voulu. Bien vite, un sentiment de culpabilité m'envahit donc, et, en pleine panique émotionnelle, je ne sus comment réagir autrement qu'en lui apportant un nouveau paquet de mouchoirs. Quelle aide futile, vraiment… peut-être devrais-je me contenter de partir m'enfermer dans ma chambre et ne plus rien dire jusqu'à ce que j'entende ma porte d'entrée claquer, signification que le jeune homme aurait donc quitté ma demeure.
Mais je ne voulais pas que ça se termine en sanglots puis en silence. Je ne connaissais que trop bien cette situation, et je ne souhaitais guère la répéter avec le jeune étudient de Serdaigle… à moins que je n'aie un don pour me mettre les gens à dos, ça, c'était encore autre chose. Ainsi, pleine de bonne volonté, je restais là, sagement, en soutien émotionnel au jeune homme, manquant moi-même de ne pas fondre en larme, mouvement de pure compassion de ma part puisqu'un rien pouvait me faire monter les larmes aux yeux. Sans lui imposer mon regard, je détournais mes prunelles en direction du feu, continuant à feindre que je voyais Grishkin chercher quelque chose sous la table.

- Dans ce cas… vous avoir permis de vider un peu votre auge, je l'espère, vous aura soulagé, car je m'en voudrais de vous laisser repartir encore plus mal au point que vous ne l'étiez dans l'après-midi au parc. Puis je me passais une main derrière la nuque pour me la masser nerveusement. Un poids plus léger à porter pour eux… ou pour vous ?

Car s'il fuyait la vérité en refusant de la dire aux autres, n'était-ce pas non plus une mauvaise excuse ? Loin de moi l'idée de trop le provoquer à nouveau, mais je voulais être certaine qu'il puisse se faire sa propre opinion sur la situation. Je pouvais comprendre qu'être avec sa famille ou ses amis, c'était reposant, c'était ce genre d'îlot dont nous avions tant besoin dans les tumultes de cette vie bien trop violente. Pourquoi donc chercher à raconter nos problèmes, au risque de noyer ces îlots de paix ? C'était une manière de fuir sa vérité et sa réalité. Je concevais très bien cette manière de faire puisque je le faisais moi-même de temps à autre, typiquement avec Luca. Néanmoins, ce qu'il ne fallait pas oublier c'était que, à plonger oser plonger dans cet océan de remous avec ses amis, on s'en trouvait grandi et plus fort, car soutenu, tiré en avant, encouragé à brasser encore plus fort, jusqu'à atteindre un lieu plus serein et calme. Un genre d'Atlantis (voilà pourquoi il avait été perdu et jamais retrouvé cela dit en passant).

- Survivre n'est pas vivre, je suis bien d'accord… mais apprendre à être soi, une personne à part entière, est l'apprentissage de toute une vie, car, bien malgré nous, cela dépend de nos actions, de notre entourage et des gens que nous rencontrons. Je suis sûrement mal placée pour vous dire cela, mais… peut-être que pour réussir à vivre… il faut le vouloir ?

Je ne me considérais pas comme une survivante, néanmoins, je ne me considérais pas non plus comme une vivante, mais davantage comme une âme errante. Une erreur, un mauvais calcul, une faute de parcours, quelque chose qui n'aurait pas dû être là à ce moment (à aucun instant par ailleurs). Ma seule raison de vivre se résumait à mes dragons, je n'avais pas d'amis, on m'avait volé mon frère et je n'avais plus personne à aimer, et j'avais une maladie incurable. J'avais tout subi de la vie, en essayant de ne me plaindre à personne, je vivais à part, parce que je ne savais pas comment faire autrement, parce que j'avais toujours été différente, et que les fois où j'avais essayé de rentrer dans les codes de la normalité, on m'avait violemment rejetée. Je n'étais pas rancunière pour autant, et quand bien même je n'étais pas la plus heureuse des femmes du monde sorcier, je n'étais pas non plus malheureuse ni à plaindre. Je me contentais de ce que j'avais et je continuais, la voile au vent.

- Vous vous relèverez toujours Eirian. Parce que vous êtes un garçon intelligent et doué, parce que vous avez des objectifs, vous avez la soif de connaissance et l'envie de paix. Attention cependant, ne pas aller bien n'a rien de normal, je pense, tout le moins, pas au stade où vous semblez l'être… mais vous avez le droit de dire que vous n'allez pas bien, de le reconnaître… puis d'essayer d'aller mieux. Je souriais avec calme. Voudriez-vous essayer de me décrire vos émotions ?

Encore une fois, je lui tendais la main pour lui venir en aide sans jamais le questionner sur ce qui lui arrivait vraiment, parce que j'avais très bien compris à quel point il ne voulait pas en parler. Le premier pas devait venir de lui. Cela ne m'empêchait pas d'essayer, non pas de creuser pour comprendre, mais de simplement lui illuminer le chemin, pour que, lorsqu'il quittera mon île, il puisse avoir en main de nouvelles armes avec lesquelles il pourra avancer plus aisément dans sa vie. C'était aussi à cela que servaient les relations humaines, qu'elles soient fortuites et précaires ou non.
Tout cela était un équilibre à trouver, tout comme nous devions trouver un équilibre de vie avec le Blood Circle, parce que dans le fond nous étions tous humains et nous avions tous le droit de vivre comme nous l'entendions, tant que cela ne générait pas de guerres ou de conflits évidemment. Mais il y avait de l'espoir, car tant que des sorciers comme nous avaient la volonté de paix, il y avait tout de même une chance, même infime, pour que nos vœux soient exaucés. Bien sûr, je ne doutais pas que dans le Blood Circle il y ait aussi des gens qui souhaitaient la paix, à leurs manières, et qui avaient la volonté de protéger leurs proches et leurs propres vies. Les différences faisaient peur, elles dérangeaient, je ne le savais que trop bien. Dans cette équation, que faire des Mangemorts ? Que faire des gens neutres qui se servaient, des fois, de la situation pour leurs propres comptes.
J'en avais mal à la tête rien que d'y réfléchir. Me penchant en avant, je m'accoudais sur mes genoux pour plonger mon visage dans mes mains.

- Je pense qu'ils le savent déjà, qu'ils ne sont pas seuls... mais des fois, il faut une piqure de rappel… il faut lancer ce message telle une douce brise matinale qui parvient à réchauffer les cœurs.

Non, nous n'étions pas seuls, et il ne fallait surtout pas que l'ennemi réussisse à nous faire croire le contraire, cela nous condamnerait forcément. Du moment où l'esprit se croit seul, il devient fou, il perd ses moyens, et donc il devient plus fragile, ébréché. J'en savais quelque chose.
Néanmoins, je savais que j'avais toujours des gens sur qui compter, mieux, j'avais mes dragons là, avec moi, chez moi, ou tout le moins, à proximité. J'étais enchantée que le sujet intéresse mon jeune invité puisque je pouvais enfin parler de ma passion sans être prise pour une folle.
Car c'était bien un genre de folie frénétique qui vint m'envahir alors qu'il me questionnait. Mon corps entier s'était ranimé d'une flamme que peu pouvaient se targuer d'avoir vue chez moi. La timidité semblait effacée, je répondais avec un trémolo possédé dans la voix. Quand bien même je restais calme et posée, il était clair que parler de dragons, ça me réveillait.

- Tout dépend du caractère du sujet. S'il est trop vif, nous sommes obligés d'y aller à coup de Stupéfix pour l'immobiliser, sachant que dans ces conditions nous devons être plusieurs sorciers pour y parvenir. Je n'aime pas utiliser ma magie contre eux, mais certains nous y obligent, pour la sécurité de tout le monde. Pour d'autres cas, de simples tranquillisants suffisent. Je plissais les yeux, signe de mon intense réflexion. Je pense que… la panique et l'instinct l'emportent avant tout, mais j'ai déjà vu des dragons, dans une phase de demi-sommeil, s'apaiser et avoir une respiration plus calme lorsque je leur parle et que je leur explique ce qu'on va leur faire… comme si… oui, comme s'ils arrivaient à comprendre qu'on allait le soulager. Mais ça reste dans de rares cas.

J'omettais volontairement le fait que je leur chantais également des chansons aux tons graves pour les apaiser. Moi qui étais chanteuse et musicienne depuis des années, je savais que les vibrations des notes pouvaient être perçues par les animaux, et les sons graves étaient si lents qu'ils pouvaient être très apaisants. Je n'avais de loin pas une voix de basse, ainsi je m'occupais aussi de la mélodie pour qu'elle soit lénitive.
Hochant la tête, je continuais sur ma lancée frénétique et continuais de répondre avec naturel au jeune garçon, ravie que nous ayons abordé le sujet.

- Oui, pour le Noir des Hébrides, ils gardent le même partenaire jusqu'à la mort. Chez d'autres espèces, ils en changent à chaque cycle de reproduction. Nous ne savons pas pourquoi il y a ces différences, je me demande si ça ne vient pas de l'environnement… Je posais mon index sur mes lèvres tandis que je réfléchissais, avant que j'en vienne à étirer les commissures de mes lèvres en un fin sourire. Peut-être un jour oui, enfin, ce sera même sûr, lorsqu'il n'y aura plus que moi pour gérer ma famille et que mes parents ne seront plus. Je me penchais légèrement en arrière. Mais je souhaite que ce moment soit le plus tard possible.

Quand bien même mes géniteurs pouvaient me courir sur le haricot avec leur histoire d'héritage, cela ne changeait rien que je les aimais profondément et que j'avais besoin d'eux. Tout comme j'avais encore besoin de mon frère. Ce frère qui me manquait tellement et dont je n'arrivais pas à me défaire malgré les deux ans de séparation depuis l'accident. Traumatisme profond des circonstances de sa disparition, je n'arrivais pas à m'en remettre… et quand bien même je venais d'assurer que je retournerais travailler à plein temps en dragonologie, j'en venais soudainement à me sentir ébranlée dans cette conviction maintenant que nous parlions de lui. Au désespoir, c'était mon tour de me laisser aller, de m'abandonner aux sanglots et de mouiller mes joues plus que de raison. J'étais reconnaissante envers la bonne volonté d'Eirian de me venir en aide, mais que pouvait-il bien faire ? Rien, car il ne pouvait pas me ramener Kyle, ce que je désirais le plus au monde.
Parler de lui… c'est vrai que le sujet était plutôt tabou avec mes parents, et je n'avais personne à qui en parler. Luca ignorait son existence, William ne désirait pas parler de notre fraternité du fait qu'il avait lui aussi perdu un frère. Harper ? Harper m'écouterait à moitié puis, sentant la situation devenir trop dramatique, elle tournerait la situation au ridicule et me parlerait ensuite de la météo.
La boule dans la gorge, voix étranglée, je me forçais à parler, essayant de me faire violence dans un véritable effort d'avancer dans la situation… mais présentement j'avais la sensation d'ouvrir davantage la plaie que de la guérir.

- Il avait deux ans de plus que moi… Il… Il était le seul à vraiment me comprendre, à vraiment me soutenir, à toujours être là qu'importe la situation et l'événement, il était toujours présent. On savait comment l'autre fonctionnait et se sentait sans même devoir parler… comme… comme le lien qu'on les jumeaux. On savait quels mots prononcer pour aider l'autre, ou l'encourager… nous étions véritablement fusionnels. Sans lui, je ne suis plus entière, je ne suis plus totalement moi-même, il me manque un bout de moi… Je ne cessais d'essuyer mes joues comme si cela pouvait arrêter de me faire pleurer, ce qui était utopique. La voix toujours étouffée par les sanglots, je continuais. Il était un sorcier très doué. Lui aussi était à Serdaigle. Il ne voulait pas se contenter d'être dragonologiste, il voulait être magizoologiste, il voyageait beaucoup, il était dévoué à la cause des créatures et faisait tout pour enrayer les trafics et les abus. Je fermais les yeux, revoyant les flammes, les sentant brûler la peau de mon visage. J'entendais les cris qui s'évanouirent dans le crépitement terrible de sa chair brûlée… odeur qui vint assaillir mes narines de la manière la plus affreuse et abjecte qui soit. En un léger sursaut, je rouvrais les yeux en inspirant bruyamment, comme réveillée d'un cauchemar. Presque tremblante, j'articulais avec peine. C'est ce qui l'a tué… sa passion et sa dévotion.

C'était tellement ironique que nous étions tous les deux à ce point dévoué à nos causes qui étaient similaires, et que pourtant, moi, la sorcière bizarre et asociale, c'était moi qui avais survécu. Pourquoi ? Je me posais cette question depuis deux ans. Pourquoi était-ce moi qui avais survécu et pas lui ? Lui qui était si doué, si prometteur, si… si plus que moi pour tout. Je n'avais jamais compris la logique ironique et immonde de la vie. Pourquoi n'avait-elle pas pris ma vie insignifiante et solitaire plutôt que la sienne alors qu'il était destiné à un brillant avenir ?
Attrapant le plaid que le jeune homme me tendait, je le remerciais d'un sourire éteint avant de m'enrouler dedans, me donnant l'air d'un petit sushi dépressif.

- Je… j'aurais tant aimé que ce soit moi plutôt que lui… moi… je ne suis personne, je n'ai jamais vraiment eu d'amis, je ne mérite pas comme lui d'être en vie… je n'aspire à rien de bien fort dans ma vie, tandis que lui avait plein de projets… il m'inspirait énormément…

Kyle le battant éveillé et sa petite sœur, minuscule, fragile, qui se contentait de se laisser porter par les vagues.
Je réfléchissais à la proposition de mon invité et j'ouvrais la bouche pour lui répondre, lorsque Grishkin sauta sous la table, faisant voler tout ce que nous y avions posé. Sursautant, je m'exclamais, faisant rire le jeune homme devant moi. Les joues rouges par la honte et la petite frayeur, je me raclais la gorge doucement en essayant de retrouver contenance. Un peu confuse et désolée par mon comportement, je regardais par la fenêtre tandis qu'Eirian émettait quelques suggestions.

- C'est possible, ou alors il a vu quelque chose et a essayé de le chasser.

Réussissant à me relever, je reposais le plaid sur le canapé et rejoignais mes oiseaux sur leur perchoir. Glissant une main douce et amicale dans leurs plumes, je regardais à nouveau à l'extérieur, essuyant une dernière fois mes yeux et mes joues. Après un instant d'hésitation, je m'entendais dire.

- Voudriez-vous en voir ? Des dragons.


Never Ending Circles
ANAPHORE


Il arrive que nous trouvions de l'aide là où on ne s'y attend pas [Eirian] - Page 2 CBY7jAc
Il arrive que nous trouvions de l'aide là où on ne s'y attend pas [Eirian] - Page 2 Banniz10

Revelio:

Revenir en haut Aller en bas
Eirian Howl
Eirian Howl
Serdaigle OP
INRP
Métier : 3e année de Protection magique (spé Auror)
Messages : 5388
Gallions : 8613
Date d'inscription : 30/07/2020
IRL

Lumos
Je rp en : #00ccff
Mon allégeance : Ordre du Phénix
Sam 28 Aoû - 21:46
Il arrive que nous trouvions de l'aide là où on ne s'y attend pas
« plop »
Alors que vous en venez à aborder la question des enfants et la responsabilité d’en faire venir au monde dans une société en guerre, cela rejoint finalement ce que vous disiez en début de soirée sur l’histoire, la transmission, les chaînes qui se forment à travers les âges, de génération en génération. Même si parfois elles se brisent. Ton histoire éclatée en est une image. Né sorcier dans une famille appartenant au Blood Circle depuis des générations, tu es une sorte d’aberration. Tu as été biberonné aux idéaux de tes parents, élevé dans la haine des sorciers et la détestation de la magie. Le tout renforcé par la propre histoire de ton père, dont les parents ont été assassinés par des Mangemorts lors de la première guerre contre Voldemort, alors qu’il n’était encore qu’un enfant… Ce qui n’a fait qu’accentuer sa volonté d’éradiquer les sorciers. Mais la famille de ta mère n’était pas mieux non plus – et parfois c’est drôle d’imaginer que l’un ou l’autre de tes ancêtres s’est retrouvé avec quelqu’un issu du monde sorcier, sang-mêlé, né-moldu ou Cracmol ayant décidé de tourner le dos à sa partie magique. Tu te demandes qui c’était, le pourquoi du comment, ce qui l’a poussé à rejoindre le Cercle, et parfois tu lui en veux aussi – non, tu lui en voulais autrefois, mais maintenant tu te vois difficilement vivre sans ta magie. Est-ce qu’elle vaut pour autant tout ce que tu as traversé depuis treize ans ? C’est un calcul impossible et de toute façon on ne refait pas l’histoire, tu ne changeras pas le passé ni ta nature – et tu n’en as pas envie pour cette dernière. Sorcier tu es, sorcier tu resteras. Même si c’est le pire crime et la pire tare aux yeux de ton père. Ses mots, sa façon haineuse de désigner les sorciers n’ont jamais disparu, gravés dans ta mémoire comme au fer rouge, quand tu as saisi que cela s’appliquait à toi aussi. Tu ne comprenais pas tout à l’époque, mais tu te voyais en chevalier chargé de défendre les moldus contre les monstres qui ne cherchaient qu’à les tuer. C’était ton histoire, celle de tes parents, de tes grands-parents… c’était ton héritage, jusqu’à ce que tes pouvoirs viennent tout transformer et que tu te retrouves en pleine crise identitaire, à essayer de te reconstruire. Maintenant encore, tu balances entre les deux mondes, appréciant les avantages de l’un et de l’autre, lucide sur leurs inconvénients respectifs, conscient que moldus et sorciers sont avant tout des humains, avant d’être séparés par des pouvoirs.
Si tu as des enfants, qu’est-ce que tu auras à leur transmettre, si ce n’est une histoire morcelée et brisée, un héritage lourd à porter dans les deux mondes – et d’ailleurs est-ce que tu leur transmettras ? Si tu veux t’en sortir, il n’y a que le mensonge devant toi, le mensonge encore et toujours. Tu ne pourras jamais leur dire d’où ils viennent vraiment, quelle a été ta véritable histoire. Les mensonges forgés au fil de ta scolarité deviendront leur vérité, et il faudra que tu inventes un destin à ta fausse famille pour expliquer qu’il ne reste que ta mère – parce que tu la retrouveras évidemment, et ils connaîtront au moins leur grand-mère. C’est douloureux, un peu, mais tu n’as pas l’intention de faire peser sur eux un passé dont ils ne sont en rien responsables. Ils n’ont pas à partager le poids de ce que tu as traversé. Ils se construiront autrement, tu leur apporteras d’autres choses – lesquelles, demande une petite voix pernicieuse dans ta tête, qu’est-ce que tu sais faire d’autre à part survivre ? Et ces connaissances-là, ils n’en auront jamais besoin, si tu remplis ton rôle, et tu en as bien l’intention.
Mais de toute façon, tout cela n’est que rêverie. Tu ne pourras pas avoir d’enfants tant que ton père sera sur tes traces, hors de question de faire peser cette menace sur eux, et encore faudrait-il que tu aies l’envie d’en avoir, ce qui est la base de tout… Et le fait est que ce n’est nullement le cas pour le moment. Tu as déjà bien assez de mal à t’occuper de toi-même, tu es déjà bien assez déglingué sans imposer ça à un enfant qui n’a rien demandé. Et puis, même sans les traumas, sans tes phobies, ça n’a jamais été une évidence pour toi que tu aurais des enfants de ton sang, tu n’as jamais eu envie de faire quoi que ce soit avec qui que ce soit, et il n’y a guère de chance que ça change, encore plus maintenant. Les arguments s’empilant les uns à la suite des autres pointent une direction toute tracée, ferment toutes les options possibles. Tu ne crois même pas à un vrai avenir pour toi, tu ne sais même pas si tu seras encore en vie à la fin de l’été, aucun enfant n’a de place dans ce schéma. Pauvres gosses.

Abigail approuve tes paroles, difficile de trouver le bon moment pour faire venir un enfant au monde dans l’histoire de l’humanité. C’est assez triste comme constat, l’humain semble ne jamais rien apprendre dans ce domaine, on a beau se promettre que « plus jamais », vingt ou trente ans plus tard à peine, un nouveau conflit est déjà là. Que ce soit chez les moldus ou les sorciers… tu as l’impression que c’est une espèce d’invariant humain et c’est bien dommage.

— Oui… et pourtant nos parents ont choisi, dans la majorité des cas, de nous donner la vie.

Est-ce que tu regrettes d’être né ? Non. Pas vraiment. Tu l’as regretté, enfant. Tu aurais préféré ne pas être venu au monde, si cela voulait dire que le reste de ta famille était heureux et uni, tes parents, ton frère… Ta mère n’a jamais regretté ce qu’elle a fait pour toi, il n’empêche que rien n’a été facile pour elle. Tu chasses ces pensées un peu douloureuses. Tu souris.

— Je ne serais pas capable d’assumer quoi que ce soit et j’ai bien l’intention de ne pas y penser avant un bon moment. Je suis désolé pour vos parents… J’imagine que vous avez déjà essayé de leur faire comprendre ? J’espère qu’ils accepteront de vous laisser tranquille à ce sujet.

Les lignées sont importantes chez les sorciers, surtout chez les sang-pur, mais dans une famille comme les McFusty, avec une telle responsabilité au sujet des dragons, cela a sans doute aussi une importance. C’est un peu le cas dans certaines familles du Blood Circle également, ton père était sur cette ligne-là. L’importance de la transmission, une fois encore, de faire vivre ses idées et de pouvoir perpétuer la mission familiale. Tu t’es échappé du carcan, mais tu vois bien à quel point il pèse sur Robin, par exemple, qui s’éloigne de son père, combien il peut être un poids sur les épaules d’héritiers... et Abigail n’a pas l’air de faire exception.
Même sans mettre une énorme pression, il y a malgré tout la conscience de cet héritage, des attentes des autres, de toute cette histoire dans laquelle on a grandi et que l’on se retrouve à porter. Toi, tu as la chance d’être libre, d’une certaine façon, ta mère a essayé de te dégager au mieux de tous les carcans – et il faut bien avouer que vous aviez pas mal d’autres sujets de préoccupation. Et tu as toujours pu lui parler de tout, elle était la seule – elle est toujours – à te connaître vraiment, à savoir tes doutes, tes craintes. Du moins, ceux qui te traversaient à l’époque. Vous étiez un duo… et elle te manque autant qu’au premier jour. Même si tu n’es pas sûr qu’elle apprécie vraiment ce que tu es devenu, de voir que tu n’as pas été capable de t’en sortir seul ou à peine. Elle t’a donné toutes les armes pour t’en sortir, tu avais Poudlard en prime, et tu as trouvé le moyen de tout gâcher. Tout ce que tu peux encore faire, c’est lui venir en aide à ton tour, dès que Robin aura pu se renseigner – et tu n’en peux plus de ronger ton frein en attendant, mais tu n’as pas d’autre solution, il faut bien que tu saches où ton père la retient, tu ne peux pas te lancer au hasard.
Et s’il lui est arrivé quoi que ce soit… Pour toi-même, tu ne cherches pas la vengeance, mais pour elle, pour tes proches, pour tes amis… tu ne sais pas comment tu réagirais si tu les perdais. Si cette fois la colère et la haine ne prendraient pas le dessus. Le mieux que tu puisses faire, c’est tout donner pour les protéger, continuer de t’entraîner au maximum, au moins pour les sortilèges, parce que les arts martiaux et tout ce qui touche au corps-à-corps est devenu bien trop compliqué. Tu as toujours les gestes, mais tu ne peux pas compter sur tes réactions dans un combat, la panique prend trop vite le dessus et tu n’arrives à rien.

Cependant, la conversation ne s’allège pas et les mots d’Abigail finissent par faire céder tes barrages au point que tu ne contrôles plus rien et que les sanglots prennent le dessus, violents et irrépressibles, retenus depuis bien trop longtemps, comme tout ce qui bouillonne en toi et que tu t’efforces d’ignorer la majorité du temps. Sauf quand les digues cèdent. Abigail t’apporte un paquet de mouchoirs, et tu es plutôt soulagé qu’elle ne tente pas de te réconforter ou de te toucher. C’est déjà bien assez lamentable et pathétique de te répandre ainsi chez elle sans en rajouter. Tu espères qu’elle ne regrette pas trop de t’avoir proposé de venir, elle ne s’attendait sans doute pas à un invité aussi… encombrant et embarrassant. Il te faut plusieurs minutes pour que la crise commence à s’apaiser, le nez plongé dans les mouchoirs, jusqu’à ce que tu arrives à te ressaisir. C’est peut-être salutaire, mais tu es quand même gêné d’avoir craqué ainsi devant elle. Tu te rends compte à quel point tu es dangereusement près du point de rupture, si quelques phrases un peu rudes et surtout trop vraies suffisent pour que tu t’effondres. Tu te maîtrises mieux d’ordinaire, mais tu as l’impression que ces derniers mois n’ont été que chaos, alors qu’il ne s’est rien passé de si particulier. C’est seulement tes cauchemars et tes angoisses, tes insomnies et tes peurs qui reviennent en force et achèvent de saper ton énergie. Et tu ne sais pas comment arrêter de couler, à quoi te raccrocher.

— Non, je ne suis pas plus mal en point que tout à l’heure, vous n’avez rien aggravé. J’imagine qu’il valait mieux que ça sorte même si… le moment était mal choisi.

Ses paroles te font de nouveau réfléchir. Tu es dans la fuite, bien sûr, la fuite de ce qui s’est passé et la fuite ou l’évitement des réactions de tes amis. C’est plus simple de ne pas te confronter à la réalité, de ne pas affronter leurs regards et leurs avis. C’est plus simple de mettre la tête dans le sable et de faire semblant de rien. Pourtant, ça te bouffe comme le reste, ça t’oblige à continuer d’empiler les couches de mensonge, à cacher tous les signes qui montrent que ça ne va pas. Tes cernes atténués par magie pour ne pas ressembler à un panda, les manches longues en permanence pour cacher le désastre sur tes bras, le soulagement de voir venir l’été pour ne pas avoir à réfléchir à une explication sur tes vêtements devenus un poil amples, sur tes soucis avec la nourriture. Maintenant, il n’y a plus personne pour voir si tu manges. Tu as juste à faire bonne figure devant Aiko. Devant Sévastian aussi. Tu l’as évité autant que tu as pu, mais tu ne vas pas pouvoir le fuir éternellement. Mais il est le seul au courant de la précarité de ta situation et il sait aussi bien que toi, si ce n’est plus, que la vie à la rue n’est tendre avec personne. Alors, peut-être qu’il ne se posera pas trop de questions. Et tu es toujours dans la recherche de la fuite et de l’évitement, incapable de considérer en face l’idée de lui parler réellement. Mais tu es bien avec lui, avec eux. Tu ne veux pas que ça change, tu ne veux pas prendre le risque de les perdre.

— C’est plus léger pour tout le monde. Eux parce qu’ils ne savent pas et pour moi parce que… parce que je n’ai pas à gérer leurs réactions face à ça. Je n’arrive pas à m’imaginer en train de leur parler, c’est plus simple de tout éviter et de… fuir. Mais ça ne résout rien, et ça m’oblige à faire encore plus d’efforts pour qu’ils ne se posent pas de question. Ça devient un cercle infernal. Mais…


Tu baisses les yeux vers tes bras, vers les taches de sang qui marbrent ta manche.

— Même ça, ils ne sont pas au courant. Vous êtes la seule.


« Pour réussir à vivre, il faut le vouloir. » Tu évites son regard. Ce qui te fait encore tenir, c’est l’idée d’aider ta mère. Si elle n’était plus là – ton ventre se tord –, qu’est-ce qu’il te resterait ? Tu ne crois pas vraiment que tu réussiras à devenir un Auror. Il y a toujours ces murs avec tes amis. Tu es une fraude et une imposture. Tu tiens parce que tu dois tenir. Alors, apprendre à être toi-même… Ces pensées-là, ça fait un moment qu’elles rôdent, mais tu n’en avais pas vraiment conscience, tu ne leur donnais pas corps. Pour autant, tu n’as pas envie de mourir. Non. Tu te bats depuis bien assez longtemps, renoncer maintenant serait totalement stupide. Tu ne veux pas mourir – tu ne veux pas mourir, et la force de la pensée te frappe, mais tu ne te réjouis pas de vivre non plus, dans un entre-deux grisâtre un peu étrange. Tu souffles :

— Je ne veux pas mourir.

Et ça ne répond pas à ce qu’elle te dit ou juste en creux.

— Je devrais me concentrer un peu plus sur cet apprentissage, me tourner un peu plus vers les autres… Mais on en revient toujours au même problème, n’est-ce pas ? Tant que je ne dis rien, je ne peux pas avancer et eux non plus, je ne peux pas vraiment m’appuyer sur eux. Et je ne peux pas vraiment vivre… Pleinement, je veux dire.


Tu vois bien dans quelle direction elle te pousse, vers quoi elle te porte. Et malgré tes résistances, tu ne rejettes pas tout ce qu’elle te dit. Il va juste falloir que tu prennes le temps d’y réfléchir, de digérer tout ce qu’elle te dit. De décider ce que tu veux vraiment faire. Ses paroles t’aident parce qu’elles t’obligent à faire face à tes propres contradictions, à tout ce qui t’agite. Ça t’oblige aussi à en verbaliser une partie, ce que tu ne fais jamais d’habitude, et pour cela, il faut bien que tu aies conscience de tes pensées au lieu de les laisser voguer sans essayer de regarder ce qu’elles disent vraiment.
Tu as toujours autant de mal à accepter les compliments, mais tu as au moins la présence d’esprit de ne pas les rejeter. Parce que c’est toujours le même problème derrière tout ça, le même problème qu’elle ne cesse de te pointer. Alors, certes, tu ne vas pas te transformer en une nuit, mais tu peux au moins lui épargner tes ressassements. Tu l’as déjà bien assez embêtée. Elle valide en effet que ton état n’a rien de normal et tu hoches la tête. Oui, ça, tu veux bien l’admettre. Et il était peut-être temps que tu le reconnaisses, au lieu de fuir. Tu ne sais faire que ça, fuir. C’est ce qui t’a toujours sauvé. Fuir ton père, fuir le Blood Circle, fuir la vérité, fuir la réalité, fuir tes amis en leur refusant les clefs pour te comprendre. Fuir, fuir, fuir.

— Je refusais de me dire que j’avais le droit d’aller mal, je faisais semblant… C’était encore une fuite. Mais je vais essayer d’aller mieux, réfléchir à tout ce que vous m’avez dit. Je sais que… que j’ai l’air de contredire tout ce que vous dites, mais ça m’aide vraiment beaucoup d’en parler, de mettre des mots sur tout ça.

Quant à tes émotions… il y en a trop et trop que tu n’arrives pas à identifier. Tes angoisses, cette peur permanente, ce sentiment d’alerte qui ne te quitte pas, tes émotions floues et brouillées à ton propre sujet, le voile négatif qui recouvre tout comme si la réalité perdait ses couleurs, comme si même le blanc s’effaçait pour ne laisser que le noir. Et au-dessus de tout ça…

— Je suis fatigué.

C’est peut-être ce qui te résume le plus à cet instant.

— Je suis fatigué. Pas juste physiquement, même si ça joue aussi. Fatigué de tout, et j’ai juste envie qu’on me laisse tranquille, de tout oublier. De ne plus rien ressentir non plus. Il y a trop d’émotions et je n’arrive pas à faire le tri. De l’angoisse, de la peur, et j’en ai marre de ressentir tout ça. Ce n’est pas vraiment une description, tu ajoutes, je ne suis même pas sûr de ce que j’éprouve, c’est juste… trop.

Tu t’arrêtes avant d’en dire trop. Tu t’épanches déjà bien assez et elle est bien trop gentille de prendre tout ce temps pour toi.

— Pardon, je n’arrête pas de vous embêter avec tout ça.


Tout cela ne t’empêche pas pour autant de te battre pour la paix, comme elle l’a dit, et comme le montre ton engagement dans l’Ordre du Phénix. Tu aimerais tellement que la paix revienne entre les moldus et les sorciers, que cette fois les deux mondes parviennent à se comprendre ! Vous n’êtes pas seuls à y croire, c’est le plus important, et viendra un moment où la voix des sorciers qui partagent vos idées pourra se faire entendre, de même que celle des moldus de l’autre côté. Tu refuses de croire que les extrêmes puissent l’emporter. Tant qu’il y aura quelqu’un pour se battre contre eux, ils ne pourront pas gagner. Et il faut rappeler aux gens de bonne volonté qu’ils ne sont pas seuls. Tu hoches la tête devant les paroles d’Abigail, tu es bien d’accord avec elle. Tout espoir n’est pas perdu et tu te raccroches à ça.

La conversation dévie sur les dragons et c’est passionnant d’écouter Abigail en parler. Il est évident que le sujet la passionne et elle semble se ranimer à mesure qu’elle répond à tes questions. C’est une spécialiste, ça se voit et s’entend, et tu as de la chance qu’elle accepte de t’en parler de façon aussi détaillée. Tes connaissances sur les dragons sont au mieux superficielles, les différentes espèces, les plus dangereuses… et ça ne va pas beaucoup plus loin. Les dragons sont plutôt craints dans le monde sorcier et ce ne sont évidemment pas des créatures simples à approcher.
Elle t’explique comment ils soignent les dragons en fonction de ses réactions. Tu ne peux qu’imaginer les difficultés qu’il y a à s’occuper d’une telle créature, aussi indomptable. Sortilèges en dernier recours, tranquillisants sinon… Combien de sorciers sont nécessaires pour passer les défenses d’un dragon ? Ils doivent en outre être entraînés à faire face aux réactions de peur ou de colère du dragon, esquiver ou leur feu ou leurs queues. Rien qui soit de tout repos. C’est impressionnant d’imaginer Abigail, frêle en apparence, se retrouver face à eux et parler pour les apaiser.

Tu l’interroges ensuite sur la façon dont fonctionnent les couples des Noirs des Hébrides. Eux restent fidèles au même partenaire, mais ce n’est pas le cas de toutes les espèces.

— L’environnement influerait de quelle façon selon vous ?

Tu espères qu’elle pourra retrouver cet univers qui la passionne tant, mais sa réponse te fait répondre en hâte :

— Oui, bien sûr, ce n’est pas ce que je voulais dire, je pensais plutôt indépendamment de ce genre de circonstances… Je vous souhaite encore de belles et longues années avec vos parents.

Tu as l’impression de cumuler les maladresses, encore plus lorsqu’elle aborde le sujet de son frère. Tu te sens bien impuissant à l’aider, mais ce n’est pas le genre de blessure qui disparaît en quelques années, plutôt le genre qui reste à vie, mais autour desquelles on apprend à vivre et à se reconstruire. Tu ne peux rien faire d’autre que d’être présent et l’écouter, en espérant que cela lui fasse du bien. Tu ne la connais pas bien, mais après tout ce qu’elle vient de faire pour toi, tu ne peux pas la laisser seule face à sa peine et à son désespoir. Tu regrettes de t’être autant épanché sur tes petits problèmes. Tu ne l’aurais pas fait si tu avais eu davantage de présence d’esprit, mais il est bien trop tard pour revenir en arrière. Alors, tu lui offres ton soutien, ta présence, la possibilité de parler de son frère si elle le souhaite. Même si tu es incapable de parler de tes problèmes, tu sais bien l’importance de la communication… et que tout garder pour soi ne fait qu’amplifier le problème. Tu ne sais pas si elle a des personnes avec qui en parler dans son entourage, la situation doit rester compliquée avec ses parents. Avec ses amis peut-être ? Mais de vos échanges, elle a l’air à peu près aussi solitaire que toi. Alors si elle peut vider un peu ce qu’elle a sur le cœur avec toi… tu es disponible.
Elle se lance, la voix étranglée, esquisse leur relation, la présence de son frère à ses côtés.

— Vous aviez vraiment une très belle relation, c’est précieux comme lien et je comprends votre souffrance…

Il était à Serdaigle, lui aussi. Et il était tout aussi dévoué que sa sœur à la cause des dragons, et des créatures magiques en général. En dehors de leur différence de caractère, ils se ressemblaient beaucoup. Abigail ferme les yeux, tu restes à ses côtés, te doutant des images qu’elle doit voir.
Tu lui proposes le plaid en soutien et elle s’enroule dedans. Tu rapproches les mouchoirs également. Les larmes coulent toujours sur ses joues. Elle aurait préféré mourir à sa place. Tu te redresses et t’animes en parlant :

— Non, Abigail, ne dites pas que vous n’êtes personne. Je comprends que vous auriez préféré que ce soit vous, et je pense que lui préfère que cela lui soit arrivé plutôt qu’à vous. Vous étiez prêts à tout l’un pour l’autre et il ne vous aurait rien reproché de ce qui s’est passé. Vous êtes une belle personne et quelqu’un d’extraordinaire, tout comme l’était votre frère. C’est un honneur de le connaître un peu à travers ce que vous me dites. Vous l’êtes chacun à votre façon, mais vous avez beaucoup à apporter aux autres.

Tu reprends une inspiration.

— Rien que ce que vous avez fait pour moi ce soir montre à quel point vous pouvez aider et soutenir les autres, ça n’a sans doute pas été facile et pourtant vous l’avez fait. Et j’ai bien vu à quel point vous êtes dévouée aux dragons et aux créatures magiques, à la protection de notre monde, à quel point vous êtes pour la paix… Ce à quoi vous aspirez ne vous paraît pas fort, mais cela l’est, je vous assure, encore plus avec tout ce que nous traversons. Vu ce que vous m’avez dit, votre frère serait plus que fier de vous. Vous avez pleinement votre place dans ce monde. J'imagine que c'est compliqué à entendre... mais c'est vrai.

Tu hésites, termines :

— Peut-être pourrez-vous développer certains de ses projets à l’avenir ? Vous serez sans doute la plus fidèle à ce qu’il souhaitait. Et même si la vie vous entraîne sur d’autres chemins, je suis sûr qu’il serait toujours fier de ce que vous faites, parce qu’il vous connaissait mieux que quiconque.

Alors que tu lui proposes un thé pour affronter ce moment, le phénix fait des siennes et envoie voler au sol le contenu de la table basse. Abigail se remet de sa surprise tandis que tu répares les dégâts. Sa réaction reste un mystère et aucune de vos hypothèses n’a l’air plus probante que les autres. L’oiseau ne daigne pas s’expliquer, perché sur son perchoir, et Abigail le rejoint ainsi que Gerard. Tu restes en arrière, incertain de ce que tu dois faire, n’osant rompre le silence. Elle a sans doute besoin de ce temps pour se reprendre, et tu ne comptes pas le briser.

Lorsqu’elle reprend la parole, tu te trouves dépourvu devant ses mots et il te faut un instant pour en percuter le sens.

— Voir des dragons ? Oh ! J’aimerais beaucoup, si c’est possible, si ça ne vous dérange pas, ni eux…


Ce n’est peut-être pas le cas si elle te le propose. Ton cœur accélère brutalement sous le coup de l’excitation et de l’enthousiasme. Voir des dragons… c’est un magnifique cadeau qu’elle t’offre, surtout après la nuit que tu lui as fait passer. Et après tout ce qu’elle t’a appris sur les Noirs des Hébrides, tu es d’autant plus curieux de les apercevoir dans leur milieu naturel, libres et sauvages. La puissance de la nature, comme elle le disait. Cela doit être incomparable.

— Je n’en ai jamais vu en vrai. C’est cela dont vous parliez tout à l’heure, pour me le montrer à l’aube ?


Game of Blood  Ϟ Tous droits réservés


Il arrive que nous trouvions de l'aide là où on ne s'y attend pas [Eirian] - Page 2 21013008104866668 Il arrive que nous trouvions de l'aide là où on ne s'y attend pas [Eirian] - Page 2 M-daille-Eirian

Spoiler:





   
On the run,
falling to the depths

Do you know what it's like when
You wish you were someone else
Who didn't need your help to get by ?
Do you know what it's like
To wanna surrender ?
Revenir en haut Aller en bas
Abigail MacFusty
Abigail MacFusty
Sorcier OP
INRP
Métier : Professeur de Soins aux Créatures Magiques & directrice de la maison Poufsouffle
Messages : 5482
Gallions : 4176
Date d'inscription : 27/11/2020
IRL

Lumos
Je rp en : #cc3333 & lightgrey
Mon allégeance : Ordre du Phénix
Mar 31 Aoû - 21:58
Le sujet des enfants que nous abordons me serre la poitrine comme s'il était pris dans un étau. Je n'étais définitivement pas prête pour cela, et les diverses conversations avec mes parents m'angoissaient rien que d'y songer à nouveau. Il n'y avait pas de bonnes périodes pour tomber enceinte et pour donner la vie. Ni à l'âge de pierre, ni au Moyen-âge, ni à la Renaissance, ni aujourd'hui. Chaque ère avait été assassine, et cela n'avait, effectivement, pas empêché nos parents de nous donner naissance. Nous étions en vie, et en dehors des quelques tracas que cela nous imposait, pouvait-on prétendre être véritablement malheureux ?
Tout le moins me concernant, non, je n'étais pas malheureuse. Certes, j'avais perdu l'amour de ma vie et j'avais perdu mon frère à tout jamais, pourtant, j'avais la force et la sagesse de trouver de la joie dans les moindres petits détails qui se présentaient à moi tous les jours. Aussi, quand bien même j'estimais ma vie moins importante que celles des autres, je n'avais pas envie de mourir pour autant.
C'était sans compter que je me sentais tout à fait capable de m'occuper d'un enfant, après tout, j'étais un professeur dans une matière bien peu évidente, je parvenais à m'occuper de bébés créatures qui sont alors tout aussi incapables qu'un petit être humain, et enfin, j'avais déjà pouponné un peu avec des cousins et des cousines éloignées dans ma famille. J'étais capable, je ne doutais pas à ce point de mes compétences. Le faire de temps en temps, oui. Tous les jours, sans arrêt, à tous les instants, non, beaucoup moins. J'étais une personnalité bien trop libre, et moi qui avais à ce point des problèmes pour gérer mes émotions en société, j'avais très peur de transmettre tous ces défauts qui rendaient une existence difficile, à un être qui n'avait rien demandé.
Libérant un petit sourire amusé aux paroles presque candides du jeune homme, je lui répondais avec une lueur bienveillante dans les prunelles.

- Vous avez bien le temps pour y songer, chaque chose en son temps. Terminez déjà vos études, et essayez de stabiliser votre vie privée. Offrir une vie stable, c'était au moins un minimum, à mon humble avis. Puis je tournais la tête, accoudée au canapé tout en balançant ma jambe croisée sur l'autre. Quant à mes parents, et bien en réalité ils respectent beaucoup ma vie privée et ne souhaitent que mon bonheur. Je crois qu'au-delà de l'héritage, ils sont inquiets de me voir tout le temps seule. C'est quelque chose que je peux comprendre et qui me touche. Je haussais les épaules dans un geste désinvolte. De toute façon il me faut déjà trouver quelqu'un, et là, ce n'est pas gagné, on en revient.

Lueur maligne et complice dans le regard, je regardais le jeune homme du coin de l'œil. Non, vraiment, l'enfant ce ne sera pas pour demain, désolée papa, désolée maman.
Mais il y avait des drames dans toutes les familles, et qui étaient propres à chacun. Eirian semblait porter son fardeau plus lourdement que d'autres sorciers, et j'étais navrée pour lui, néanmoins, après une rapide analyse sans chercher à être indiscrète sur le sujet (que je devinais particulièrement difficile), je me permettais de le secouer avec des paroles peut-être plus rudes que ce que j'aurai souhaité. Bien peu désireuse de faire du mal à qui que ce soit, j'en venais à tout de suite regretter mes paroles et m'excuser pour le mal occasionné. Je m'en voudrais que le jeune homme ressort mal au point de ma demeure alors qu'initialement je ne souhaitais que l'aider… hélas pour être aidé, des fois, il fallait un électrochoc.

- Mais y a-t-il seulement un bon moment ? demandais-je avec une simplicité presque déconcertante. Je savais que lorsqu'on avait la tête dans le guidon, il était difficile de s'imaginer avoir de "meilleurs moments" pour s'entendre dire ses quatre vérités. Néanmoins rassérénée quant à l'état émotionnel du jeune homme que je n'avais pas aggravé malgré moi, je l'écoutais continuer à se confier à moi avec un silence respectueux et religieux. Pourtant, avec un sourire ironique, je faisais claquer ma langue dans ma bouche tout en secouant la tête. Je ne pense pas que vous ayez à devoir gérer leurs réactions. Leurs réactions les regardent que eux et uniquement eux, comme les vôtres. Vous ne pouvez pas porter votre fardeau en plus celui des autres. C'était l'hôpital qui se foutait de la charité. Je continuais. Vous le dites vous-même, ça vous demande davantage d'effort pour maintenir le secret… et ce sont des efforts inutiles puisque la vérité finit toujours par éclater à notre insu.

C'était un fait connu. Les secrets finissaient toujours pas être révélés, surtout lorsqu'ils semblaient être de l'importance de ceux que gardait Eirian. Nous en revenions à ce que l'être humain n'apprenait rien de son histoire. Les secrets les mieux gardés par nos ancêtres étaient aujourd'hui mis à jour dans les livres d'histoires, par les fouilles, la curiosité de certains, par la technologie ou l'archéologie. Il en allait de même pour les secrets des créatures, moi qui avais voué ma vie à essayer de les comprendre. Enfin, c'était aussi le cas dans les diverses guerres que nous étions en train de vivre. Voldemort avec ses Horcrux, et maintenant le Blood Circle avec sa technologie qui visait à nous exterminer.
Et ça ne n'était que les exemples simples et concrets. Ou peut-être étais-je définitivement bien trop naïve pour vivre dans ce monde, et dans ce cas, il vaudrait peut-être mieux que je me perde dans un rêve du miroir de rised.
Cela dit, je restais profondément convaincue que mentir n'était pas la solution, jamais. Surtout lorsqu'on a besoin d'aide comme semblait en avoir besoin mon invité.

- Vous pouvez compter sur moi pour ne rien dire, ce ne sera pas moi qui vais trahir votre confiance.

Je ne souhaitais pas mentir ou alimenter un secret que je n'approuvais guère… toutefois, ce n'était pas ma vie personnelle, cela ne me regardait pas, ou tout le moins, pas totalement. Voilà pourquoi j'avais bien choisi mes mots en précisant au jeune homme que je ne dirais rien, cela dit, je ne lui avais rien promis. Si j'en venais à le voir de plus en plus mal au point et se mettre en danger malgré sa volonté de ne pas vouloir mourir, je me devrais d'agir en conséquence. Mais cela, je le gardais pour moi pour le moment. Quoiqu'il en soit, au maximum, je ne me permettrais pas d'agir sans son consentement.
Tandis qu'il semblait pleinement comprendre à quel point il était enfermé dans un cercle vicieux, à tourner en rond, je me contentais de hocher la tête, approbatrice. S'il ne se tournait pas vers les autres, il ne pourrait ni apprendre ni avancer. C'était, encore une fois, d'une évidence flagrante à faire peur. Cela dit, c'était ironique que je me permette de faire la leçon à ce jeune homme alors que moi-même ne suivais pas la moitié de ce que j'étais en train de dire. Ou alors, c'était peut-être parce que justement je vivais aussi en partie tout cela, que je pouvais me mettre parfaitement à sa place (du haut de mon grand âge), et lui indiquer le meilleur chemin à suivre afin qu'il ne reproduise pas les mêmes erreurs que moi. C'était un peu comme un héritage que je lui confiais là, et je lui souriais avec douceur tandis qu'il semblait essayer de se convaincre de mes paroles.

- Je serai toujours là pour vous aider, sans jugement, comme aujourd'hui. Et n'ayez crainte, vous ne me contredisez pas à ce point… Surtout que je n'ai pas les réponses à tout, je n'ai aucune prétention. Puis, encore une fois, je gardais les lèvres obstinément fermées alors qu'il m'avouait être fatigué. Exténué de ce qui lui arrivait, qu'il voulait simplement tout stopper, tout oublier, faire en sorte que le temps s'arrête. Nous en avions déjà parlé plus tôt, et je ne pouvais qu'être d'accord avec lui, voilà pourquoi les traits de mon visage se mutèrent, plein d'affection et de compréhension. Je ne pouvais pas arrêter le temps pour lui, je n'avais pas ce pouvoir, en revanche je pouvais essayer de faire autre chose. Hé bien mmh… ici vous pourriez. Laisser vos peurs et vos angoisses à l'extérieur de la maison. Vous pouvez vous reposer, physiquement et mentalement. Je ne vous demanderai rien et ne ferai rien qui puisse vous mettre mal à l'aise. Mais souvenez-vous que si un jour, ou une nuit, vous avez véritablement d'une pause, d'un point de suspension, ma porte vous sera toujours ouverte.

Je faisais volontairement fi de ses excuses, car en réalité le jeune homme ne me dérangeait pas plus que ça. Il m'épuisait, certes, mais pas à cause de ses discours, mais tout simplement parce que j'étais bien trop habituée à être seule. C'était donc parfait que je me force à être avec lui, qu'il vienne bousculer mon quotidien, c'était quelque chose qui, même si ça me m'embêtait, me faisait également du bien.

Fort heureusement pour moi (et sûrement que pour lui aussi), la conversation dévie sur les dragons, ayant pour effet de me régénérer, comme l'une de ces batteries moldues qu'on branche à une prise électrique pour qu'elle se recharge.
Épaules détendues, corps moins ramassé sur lui-même, je parlais avec vivacité, convaincue de mes discours que je jugeais toujours le plus censé possible. Non pas que je ne sois pas certaine de ce que je disais, mais parce que j'avais la présence d'esprit de pouvoir changer d'avis si on me prouvait par A plus B que je me trompais. Encore une fois, je n'étais pas infaillible. Toutefois, Eirian n'était pas de ce genre, et il écoutait avec attention ce que j'étais en train de lui partager, bien heureuse d'avoir des retours avec ses questions. Rares étaient les élèves véritablement intéressés par le sujet des dragons. Certes, ils fascinaient, mais simplement parce qu'ils étaient grands, impressionnants de force et forts. L'admiration s'arrêtait bien souvent là parce qu'ensuite, les sorciers se divisaient en trois catégories. La première était ceux qui les craignaient. Pourquoi donc s'en intéresser puisque de toute façon on n’en côtoiera pour ainsi dire jamais ? (les sorciers comme moi y veillaient après tout). La seconde était ceux qui les craignaient, mais qui faisaient face, qui voulaient absolument prouver par tous les moyens qu'ils étaient les plus forts. Ils allaient donc jusqu'à maltraiter l'animal pour asseoir une autorité toute relative. Puis, en troisième, il y avait ceux qui étaient comme moi, qui les respectaient et en étaient totalement fascinés. Bien souvent j'avais été confrontée à la première catégorie, puis de manière plus précise, à la seconde. C'était ce qui avait davantage aiguisé mes sens de méfiance et m'avait aussi dégoûté du genre humain.
Pouvoir ainsi donc parler à cœur ouvert était une occasion rare pour moi, alors je m'en donnais à cœur joie. A la question du jeune homme, je posais mon index sur la longueur de mes lèvres, signe de ma profonde réflexion.

- Ce n'est qu'une théorie pour le moment… mais j'ai cru observer que lorsque l'environnement naturel est moins hospitalier, les dragons sont moins à enclin à aller chercher un nouveau partenaire. Voyez-vous, pour vivre entouré des eaux tumultueuses des Hébrides, le couple s'entraide pour chasser par exemple. On arrive alors à observer que la méthode de chasse, bien que similaire, diffère sensiblement suivant les couples, comme s'ils affinaient leurs propres méthodes de chasse quand ils sont ensemble. Pour le comparer de manière plus simple pour vous donner un autre exemple, nous savons que les orques ont un langage totalement différent entre chaque groupe. Mettez une orque dans un autre groupe que celui où il est né, et il ne pourra survivre que difficilement. J'imagine que dans un environnement plus accueillant, comme pour le Vert Gallois dans les hautes montagnes du Pays de Galles, ils ont moins de difficulté à chasser les boucs et autres proies qui vivent dans les hauteurs. Ils n'ont pas l'environnement contre eux. Le Noir des Hébrides lui doit lutter contre l'océan et le vent. Je pense donc qu'une fois qu'il a peaufiné sa technique avec son ou sa partenaire, le Noir des Hébrides ne se risque pas à changer de partenaire. Bien sûr, pour le moment ce ne sont que mes observations théoriques et ça ne se résume qu'à la chasse. J'ignore s'il pourrait y avoir d'autres contextes… Je penchais la tête en souriant un peu. Mais là on risque de tomber dans de l'anthropomorphisme.

J'eus un large sourire à l'encontre de mon jeune interlocuteur lorsqu'il se confondait en excuses vis-à-vis de mes parents, lui montrant que je n'avais pas mal pris sa remarque et que c'était moi-même, toute seule, qui avait modifié ses propos. Il était clair que mes géniteurs étaient un soutien incontestable dans ma vie, tout comme l'avait été mon grand frère.
Son immense perte, le chagrin que je ressentais durant cette période estivale, la longue nuit passée à discuter de tout et de rien, la perspective de m'endormir et de faire des cauchemars, la fatigue de ne pas réussir à m'endormir, l'épuisement d'avoir autant parlé cette nuit avec quelqu'un, le fait qu'Eirian ce soit confié un peu à moi, tout cela me poussait à me confier à mon tour, à donner un peu en retour, à ouvrir en deux ce cœur déjà fendu et à poser des mots sur un traumatisme si profond que j'avais essayé de le noyer pour ne plus y songer.
Larmes coulant à flots, visage plongé dans mes mains pour masquer ma honte et mon désarroi, j'essayais de trouver du réconfort dans la chaleur relative que m'offrait le plaid ainsi que dans les paroles du jeune homme qui faisait tout ce qu'il pouvait pour me soutenir comme je l'avais fait pour lui. Ce genre de discours, je l'avais déjà entendu maintes et maintes fois à tel point que je ne pouvais même plus le décompter… pourtant, il refusait d'entrer dans mon crâne, comme si ce dernier restait totalement hermétique à toute forme de logique. J'étais sourde et aveugle de la situation, de ce qui avait été, de ce qui aurait pu être, et de ce qui aurait dû être. Comme il le disait si bien, c'était difficile à entendre…

Et sa dernière suggestion fut comme une illumination. Soudainement, je fus aveuglée par une évidence qui me frappa en plein visage. Pourquoi n'y avais-je pas pensé plus tôt ? Accomplir les projets que lui avait commencés. Bien sûr, je n'allais pas me lancer dans une guérilla des sorciers hors la loi avec le traitement et la possession de créatures magiques, mais il y avait tout le reste. Tous les projets dont il m'avait parlé au coin du feu durant nos longues et folles soirées de discussion. Durant nos interminables observations, à attendre un sujet qui ne se décidait pas à coopérer. Kyle avait toujours eu des idées plein la tête, il avait des rouages à la place du cerveau, et je l'avais beaucoup admiré pour cela, moi qui avais une ambition toute simple et relative. Mon frère lui, voyait les choses en grand, et en tant qu'héritier de notre famille, il avait des projets qui auraient pu nous faciliter la vie à tous. Il aurait fait un merveilleux meneur, contrairement à moi.
Dans un sanglot plus petit que les autres, je parvenais à articuler avec difficulté et hésitation.

- Je… vous avez raison. Merci pour vos paroles et votre suggestion.

Tant bien que mal, je lui souriais pour lui montrer que je faisais l'effort de lutter contre ma détresse, et parce que je considérais véritablement, pour la première fois depuis son décès, quelque chose qu'on m'avait dit. Je me rappelais alors de mes propres paroles que j'avais eues à son encontre un peu plus tôt : si c'est arrivé, c'était parce que ça devait arriver. Même si on ne comprend pas immédiatement sa signification.
Je voulais rire avec ironie et pousser une remarque un peu cinglante à mon encontre, mais Grishkin nous interrompit subitement en renversant l'ensemble de la table. Remerciant le jeune homme de rassembler les dégâts après avoir juré, je me dirigeais vers mes oiseaux pour les caresser avec tendresse. Vivre avec des créatures, c'était aussi devoir savoir les aimer malgré les conneries qu'ils pouvaient faire. C'était aussi ce qui était beau et surprenant.
Emportée par un vague à l'âme, et pour combler d'une note plus joyeuse cette nuit difficile, je proposais au jeune étudiant quelque chose que je proposais rarement. Je pouffais de rire à ses paroles.

- Oh ne vous inquiétez pas si nous les dérangeons, ils sauront très bien nous le dire. J'espère que vous avez une tenue ignifugée ?

Je le taquinais évidemment et mon sourire goguenard le prouvait. Je hochais ensuite la tête à sa dernière question avant de m'étirer, étendant les bras au-dessus de ma tête, me hissant la pointe des pieds en lâchant un bâillement du tréfonds de mes tripes.

- Oh. Désolée. Je gardais mes lèvres étirées en un sourire tout en me frottant les yeux comme une petite fille. Il vous faudra simplement suivre mes instructions à la lettre et rester tout proche de moi. Le moindre écart peut être dramatique. Et si vous ne craignez pas la fraicheur du vent des Hébrides, alors, je vous prête une veste et nous pouvons nous mettre en route. L'aube est le moment que je préfère, car ils profitent des rayons du soleil pour faire sécher leurs écailles. C'est un merveilleux moyen de se réveiller je trouve, nous devrions prendre exemple.

Je plaisantais, quoiqu'à moitié seulement. Qui n'apprécierait pas de se réveiller tranquillement sous un bain de soleil chaud et réconfortant ? Moi en tout cas, je savais que c'était quelque chose que j'adorais faire, accompagnée d'une bonne tasse de thé et d'un merveilleux livre. Se contenter d'écouter le son de l'océan qui se fracasse contre les roches des îles, le chant des oiseaux de mer qui s'éveillent. Ça aussi, c'étaient des moments simples qui étaient importants de graver dans sa mémoire, pour pouvoir être capable de retrouver du réconfort à leurs simples évocations. Si nous n'avions pas de lumière autour de nous, alors il fallait s'en créer une.


Never Ending Circles
ANAPHORE


Il arrive que nous trouvions de l'aide là où on ne s'y attend pas [Eirian] - Page 2 CBY7jAc
Il arrive que nous trouvions de l'aide là où on ne s'y attend pas [Eirian] - Page 2 Banniz10

Revelio:

Revenir en haut Aller en bas
Eirian Howl
Eirian Howl
Serdaigle OP
INRP
Métier : 3e année de Protection magique (spé Auror)
Messages : 5388
Gallions : 8613
Date d'inscription : 30/07/2020
IRL

Lumos
Je rp en : #00ccff
Mon allégeance : Ordre du Phénix
Sam 4 Sep - 21:53
Il arrive que nous trouvions de l'aide là où on ne s'y attend pas
« plop »
La période que vous vivez complique encore le sujet des enfants. Abigail ne doit pas être la seule à s’interroger sur la venue au monde d’un enfant en plein conflit – même si cela peut aussi représenter l’espoir de lendemains meilleurs. Tu n’es pas sûr qu’il y ait vraiment eu de bonnes périodes pour naître, les hommes replongent toujours dans les mêmes cycles de violence et de guerre. Ta génération y a au moins échappé dans son enfance, née juste après la fin de la guerre contre Voldemort, mais vous avez à peine atteint l’âge adulte que tout est de nouveau balayé. Tu admets cependant que pour tout le reste, votre époque est sans doute une des meilleures que le monde ait connues en termes de confort, de sécurité, d’hygiène et de médecine.
Mais face à ce choix aujourd’hui… Comment réunir les conditions nécessaires à son bien-être, à sa sécurité ? Comment savoir s’il ne deviendra pas orphelin, s’il n’aura pas à se construire sans l’un de ses parents ou les deux ? Comment assurer ses responsabilités alors que tout peut s’effondrer du jour au lendemain, alors que les enfants sont des victimes privilégiées de ce conflit comme de tous les autres ? À force d’en croiser, à force de voir tout ce que les enfants et adolescents peuvent traverser à cause de la folie des adultes, tu as d’autant plus envie de les préserver – tout en sachant que c’est un vœu pieu, qu’ils seront toujours les premiers atteints. Il y a peu de choses qui te mettent autant en colère que les sévices infligés aux plus jeunes, le rejet de leurs familles, de ceux qui devraient les aimer plus que tout. C’est ancré dans ton histoire personnelle, bien sûr, mais quel adulte ne voudrait pas essayer de les protéger ? Question absurde, stupide. Il y en a trop, beaucoup trop. Tu connais Garnet, tu as aperçu des visages bien trop jeunes à l’Institut, et il y en a tant encore que tu ne connais pas, dont tu n’entendras jamais parler. Si seulement ces conflits idiots pouvaient se régler entre adultes… mais c’est tout aussi idéaliste que le reste. Tu feras tout ce que tu pourras pour aider ceux que tu croiseras, c’est le minimum. Et tu vas continuer d’espérer que le conflit finisse par trouver une issue rapide, même si les affrontements ne cessent de franchir de nouvelles limites.
Cependant, rapportée à toi-même, cette question des enfants te paraît presque irréelle, comme une autre vie. Tu ne sais même pas si tu serais capable de t’en occuper convenablement. Leur donner de l’amour, d’accord, mais ça reste de belles pensées, rien de concret. Tu étais dans les plus jeunes de ton entourage, dans ton enfance, et ensuite tu n’as guère eu l’occasion de côtoyer des bébés. De plus, tu es incapable de t’imaginer dans cinq ans ou dans dix ans, en couple, avec une vie assez stable pour te permettre d’accueillir des enfants. Ce n’est pas toi. Pas encore, peut-être. Ou peut-être jamais, plus vraisemblablement. Ce serait une belle vie, mais est-ce qu’elle est vraiment pour toi ? Tu évites de trop rêver en général, ce n’est pas une bonne idée pour les gens comme toi, tu préfères t’en tenir à la réalité. Même ton envie de devenir Auror, tu préfères la considérer avec recul, comme un possible encore à portée de main, mais qui peut s’effacer à tout moment. Alors, tu les gardes à l’écart, tes rêves, jettes parfois un coup d’œil pour vérifier qu’ils existent toujours et tu refermes la porte. Et sans même parler des circonstances extérieures, il suffit de te regarder, toi, pour savoir que ce n’est clairement pas le moment de penser à ça.
Ce qu’Abigail ne manque pas de souligner et tu lui souris.

— Ce serait déjà pas mal, en effet. Je n’ai nullement l’intention d’imposer le chaos de ma vie privée à un enfant qui n’a rien demandé. Ça restera un non-sujet pour moi tant que je ne pourrai pas lui offrir de bonnes conditions de vie.

Elle détaille un peu plus sa relation avec ses parents, ils ont surtout l’air de se faire du souci pour elle.

— Quel que soit notre âge, ça reste nos parents, ils s’inquiètent toujours pour leurs enfants même s’ils sont grands.


Tu lui souris de nouveau quand elle mentionne qu’il lui faut trouver quelqu’un. Tu lui as dit que tu espérerais pour elle et tu comptes bien le faire.

En attendant, c’est elle qui te secoue un bon coup par ses paroles, en te mettant face à tout ce que tu refoules depuis des mois. Tu craques sans pouvoir t’en empêcher, sans être capable de te retenir face à elle qui en a déjà bien trop vu de toute façon, mais c’est aussi libérateur en un sens. Sans t’interdire vraiment de pleurer, tu refusais de baisser tes barrières par crainte de ne pas arriver à te relever seul. Et tu ne peux pas te permettre de perdre tes moyens, de baisser les bras. Ta mère compte sur toi, il faut que tu maintiennes les apparences jusqu’à ce que tu puisses la retrouver – et même au-delà, parce que tu espères de toutes tes forces que tu pourras continuer tes études, qu’elle ne voudra pas à tout prix quitter le pays. Il y aura des choses compliquées quand tu la retrouveras, surtout pour la mettre à l’abri, et il faudra que tu prépares avec soin ce que tu diras à l’Ordre. Mais ce sera aussi plus simple. Tu ne sais pas si tu lui parleras de tout – non, sans doute pas, elle n’a pas besoin de ça – ni ce qu’elle verra – tu pourras toujours éluder –, mais ton monde retrouvera au moins un peu de stabilité. Ce sera un poids en moins sur tes épaules, un soulagement surtout de la savoir loin de ton père, en sécurité, et tu feras tout pour qu’il ne remette jamais la main sur elle. Mais tous ces plans sur la comète impliquent que tu tiennes la route. Et même si relâcher la pression te fait du bien, tu ne pourras pas le faire trop souvent… À moins de franchir le pas avec tes amis. D’arriver à leur faire pleinement et totalement confiance. Et ça te terrifie, que ce soit pour ton identité ou ce qui te touche plus personnellement. Ça implique de mettre à bas tant de défenses. Tu ne l’as jamais fait. Et tu ne sais pas vraiment lequel des deux est le plus difficile à avouer. Ton identité risque de te faire passer pour un traître en plein conflit. Et le reste… c’est un boulevard vers tes failles les plus importantes. L’un comme l’autre, c’est remettre ta vie entre leurs mains, d’une façon différente que sur le champ de bataille. Et tu n’es pas sûr que ton obsession du contrôle l’accepte. Mais est-ce que tu as encore vraiment le choix ? Est-ce que tu peux continuer de cette façon ?

Un bon moment… Non, tu secoues la tête en l’entendant. C’est comme pour les enfants, il n’y a jamais vraiment de moment propice. C’est sans doute aussi une façon de fuir. Attendre un moment parfait… qui ne viendra jamais puisque ça n’existe certainement pas. Et après tout, tu n’y peux rien si l’occasion ne se crée pas devant toi. Mais… ce ne sont pas des secrets qu’on peut mettre entre les mains de tout le monde. Non que tu les croies plus importants que d’autres, tu ne penses pas que tu vaux mieux que les autres. Mais c’est ta vie et ça fait treize ans que tu as appris à la protéger coûte que coûte, à ne faire confiance à personne d’autre qu’à toi-même et ta mère. Est-ce qu’un autre chemin est possible sans rendre ta situation encore pire ?

— Non, il n’y a sans doute jamais de bon moment. Mais assez égoïstement, je dois avouer que je préfère que ça ait été ici qu’ailleurs…

Même si ça ne se serait sans doute pas produit. Et encore… tu n’en sais rien. Tu es tellement sur les nerfs en ce moment, à cran, que tu aurais peut-être fini par craquer dans d’autres circonstances moins… propices. Là, tu es au chaud, globalement en sécurité, et Abigail n’a pas l’air de vouloir te mettre dehors.
Quant aux réactions de tes amis…

— Mais leurs réactions peuvent aussi être… en quelque sorte un danger pour moi, selon ce qu’ils décident d’en faire. Je veux les protéger, mais je me protège aussi. Mais il va bien falloir que je fasse des choix…

Ce serait plus simple s’ils n’étaient pas tes amis, si vous ne vous étiez pas rapprochés. Tu ne te poserais pas autant de questions. Ils resteraient des inconnus et ce serait évident que tu ne leur parlerais pas. Mais à présent tu tiens sincèrement à eux, tu n’as aucune envie de couper ces liens. Entre tes secrets et leur amitié, qu’est-ce qui compte le plus ? Tu n’es pas sûr d’avoir la réponse à cette question. Mais il va bien falloir que tu la trouves. Tu secoues la tête en entendant les dernières paroles d’Abigail.

— Quand on a fait beaucoup d’efforts dans un sens, c’est difficile de faire marche arrière, ça donne l’impression que tout était inutile… même si ce n’était pas le cas. En tout cas, j’espère bien que ça n’éclatera jamais à mon insu.

Sinon, tu as tout intérêt à détaler vite et loin avant que le Ministère te mette la main dessus. Tu as déjà eu beaucoup de chance sur le terrain, de ne pas te retrouver directement face à ton père ou ton frère. Mais trahiraient-ils ton identité s’ils ne sont pas sûrs de te mettre la main dessus ? Ton père veut se charger de ton cas lui-même, que tu te retrouves coincé par les sorciers ne lui apporterait rien et risquerait au contraire de le priver du plaisir de sa vengeance. Tu déglutis nerveusement. Où que tu regardes, ta situation ressemble à une gigantesque impasse. Avec ce que te dit Abigail, il devient de plus en plus évident que tu vas devoir tenter de nouveaux chemins, explorer de nouvelles voies. Ça te tord le ventre.
Et si elle a raison en disant que tout secret finit par être dévoilé, tu préfères encore que la vérité vienne de toi, parce que sinon, il n’y a guère de chance qu’on te donne la possibilité de t’expliquer. Pas avec le contexte actuel. Paradoxalement, ton agression reste le moins dangereux à aborder, et ça te ferait presque rire jaune parce que c’est ce qui a achevé de te démolir. Tout ceci est à mille lieues des préceptes avec lesquels tu as grandi, des règles de survie inculquées par ta mère, gravées au fond de toi, qui gouvernent toutes tes actions. Est-ce qu’il est temps de les abandonner ? Ce n’est pas très glorieux pour toi de penser que le premier réflexe de tes amis va être de te trahir et de t’abandonner. Mais ton père l’a bien fait, lui, te rappelle une voix insidieuse, dès qu’il a su, dès qu’il a vu…. Tu n’as jamais oublié son regard, ni ses mots, ni son expression.
Quand tu évoques à demi-mot les blessures de tes bras, Abigail te dit que tu peux compter sur elle, elle ne te trahira pas. Tu as envie de la croire. Mais au fond tu n’en sais rien. Tu feras comme d’habitude, rester sur tes gardes, attendre de voir si quelque chose change autour de toi, anticiper. Sévastian n’a rien dit alors qu’il est le seul au courant de la précarité de ta situation et qu’il sait bien que ça n’a rien de normal. Peut-être qu’elle non plus ne dira rien. Tu ne peux que croiser les doigts.

— Merci.


Tu admets que ta situation tourne au cercle vicieux et Abigail approuve. Est-ce qu’elle dirait la même chose si elle savait le genre de secret que tu caches ? Une partie, oui, sûrement, mais l’autre ? Mais évidemment tu ne peux rien préciser et tu es de toute façon assez grand pour prendre tes propres décisions et les assumer. Et vu à quel point ta zone de confort – plus confortable que le reste du moins – est devenue instable… Tes incertitudes vont t’achever, et ça rend les choses encore pires. C’est le même genre d’appréhension qu’on a avant d’arracher un pansement ou d’aller chez le dentiste. On avance, on recule, on fait du surplace, on transforme des taupinières en montagne, et finalement le jour J, on se rend compte que ce n’est pas si terrible. Douloureux, certes. Compliqué, assurément. Mais avec une nette amélioration des choses, sans aucun doute.

— Je n’attends pas vraiment de réponse… enfin, un peu, mais c’est plus un réflexe puéril qu’autre chose. Je sais que c’est à moi de les trouver… ou de les refuser. Mais l’un comme l’autre, ce sera en toute connaissance de cause. Et ça aide de voir comment l’alternative se pose, les mots que vous mettez dessus… Ce n’est pas une discussion que j’ai déjà eue. Ça clarifie les choses.

Tu précises tes émotions. La fatigue, la lassitude surtout. Tu lui en as déjà parlé, mais même après cette nuit, c’est encore ce qui domine, l’épuisement et l’impression de te noyer. Et qu’il serait plus simple de te laisser couler – pas pour mourir, non, juste pour repousser encore tout ce qui te hante, tirer un voile dessus, mettre un black-out sur ton esprit. Arrêter de réfléchir, de penser même. Ne plus rien ressentir. Juste le vide et le calme. Elle te réinvite chez elle pour le jour où ça ira de nouveau mal. Tu ne sais pas si tu le feras. Tu as refusé les propositions de Sévastian. En dehors de lui, elle est la seule chez qui tu es allé, la seule « vraie » maison où tu as mis les pieds ces dernières années ; tu n’as fait qu’osciller entre les extrêmes, entre la rue et Poudlard. La pensée est un peu dérangeante et perturbante.
Des mains tendues, il n’y en a pas eu beaucoup, surtout parce que tu t’acharnes à ne rien montrer, à faire comme si de rien n’était, tu continues de parler de ta famille aux autres, de dépeindre leur vie tranquille, le fait que bien sûr, tu rentres chez eux pour les vacances ou après le boulot. Une façade qui se craquelle un peu, mais que tu maintiens à tout prix, parce que tu n’as aucune idée de comment réagir face à la gentillesse et à la bienveillance des autres. Une fois de plus, tu ne peux que mesurer à quel point tes réflexes et tes pensées sont éloignés de ceux des autres.

— Merci beaucoup. Je m’en rappellerai si j’ai besoin, un jour.

Tu ne peux pas répondre autre chose sans être insultant. Surtout qu’une fois de plus, le problème, c’est toi et pas elle. Tu aimerais te débarrasser de toutes ces angoisses et toutes ces peurs qui te collent à la peau, comme une deuxième enveloppe poisseuse, huileuse. Te libérer de toute cette gangue. Tu n’espères pas redevenir celui que tu étais avant, mais au moins quelqu’un différent de ce que tu es maintenant, un peu moins cassé, un peu moins fragilisé.

La conversation s’allège en déviant vers les dragons, ce qui est un peu paradoxal compte-tenu du poids de ces charmantes créatures. Mais cela te change clairement les idées. Abigail est passionnante à écouter et elle dispense volontiers son savoir – même si tes questions doivent lui paraître bien basiques. Mais le sujet t’intéresse et tu dois bien avouer que tu n’y connais pas grand-chose au-delà de la surface, rapidement vue en cours ou lors de tes explorations dans la bibliothèque de Poudlard. La façon dont chaque espèce s’adapte à son environnement et à quel celui-ci influe sur leurs comportements est fascinante. Tu demandes des précisions sur les liens entre vie de couple et environnement, Abigail réfléchit quelques instants avant de te répondre.
Selon elle, un environnement inhospitalier favorise le fait de garder le même partenaire, les dragons ont l’habitude de s’entraider, alors que c’est moins le cas dans des environnements plus favorables. Tu ignorais aussi que les orques développaient un langage par groupe, ce qui rend compliquée l’intégration de nouveaux venus. Comme des humains qui se retrouvent dans un pays dont ils ne parlent pas la langue – sans vouloir faire d’anthropomorphisme primaire. C’est d’ailleurs la crainte d’Abigail.

— C’est très intéressant comme théorie, et effectivement ça paraît logique, entre guillemets, que ce soit plus simple de faire face à l’environnement de cette façon. Sans vouloir tomber dans l’anthropomorphisme non plus.

Abigail ne te tient pas rigueur de tes propos sur ses parents tandis que tu t’excuses. Mais la conversation sur sa famille devient douloureuse lorsque vous en venez au sujet de son frère. C’est à son tour d’évoquer son propre traumatisme et tu te sens un peu ridicule avec tes secrets et tes angoisses à côté de ce qu’elle traverse. Tu t’efforces de la soutenir autant que tu peux, sans être certain que tes paroles l’atteignent. Elle accepte cependant de te parler un peu plus de lui, de donner vie au portrait que tu as vu. Tu te doutes bien que tu ne lui dis rien de nouveau sur le sujet et tu ne cherches pas vraiment à faire dans l’originalité, ça ne changera rien – il faut laisser le temps faire son œuvre. Tout ce que tu peux faire, c’est lui montrer ton soutien. Tu as l’impression que vous vous y entendez tous les deux pour vous enfermer dans le déni, même face aux paroles sensées, mais c’est humain. C’est plus facile de s’enfermer que d’avancer, certains pas demandent des efforts immenses.
Ce n’est qu’à la fin cependant, lorsque tu évoques l’idée qu’elle puisse poursuivre l’œuvre de son frère – sans savoir comment ce sera reçu, c’est peut-être prématuré ou à l’opposé de ses envies – que tu as l’impression que tes mots l’atteignent vraiment pour la première fois. Est-ce qu’elle ne l’avait jamais envisagé ? Elle te remercie et tu lui souris avec compassion, heureux qu’elle ait l’air de trouver une nouvelle lumière au milieu de la noirceur qui l’entoure.

Le phénix semble décider que vous avez suffisamment discuté et renverse la table. Tu remets un peu d’ordre tandis qu’Abigail rejoint ses oiseaux et les caresse. Tu regrettes presque que Nox n’ait pas été avec toi, mais il doit vivre sa meilleure vie de petit hibou dans les campagnes autour de Londres, même si elles sont sans doute moins attrayantes que les montagnes sauvages d’Ecosse. Pour une fois, il n’a pas eu besoin de venir te tenir compagnie. Mais ton attention est très vite détournée lorsqu’Abigail te propose d’aller voir des dragons. L’excitation chasse une partie de la fatigue de la nuit et de tes soucis. Voir des dragons de près, pour de vrai… Tu n’en as jamais eu l’occasion. Tu hésites cependant, presque incapable d’accepter qu’elle te fasse réellement cette proposition, comme si c’était destiné à quelqu’un d’autre. Absurde. Elle te répond en plaisantant et tu souris à ton tour, tout en secouant la tête. Non, pas de tenue ignifugée sur toi.
Elle bâille profondément et tu ne peux t’empêcher de l’imiter dans ce réflexe pratiquement irrépressible. Tu ne veux pas imaginer la journée qui va venir à la librairie, mais au moins tu peux compter sur tes nerfs : ils ne te laisseront pas d’endormir dans un endroit où on risque de te surprendre. Et ça te donne l’espoir de faire une nuit correcte.

Abigail redevient sérieuse pour ses mises en garde.

— Je ferai tout ce que vous direz.


Ton ton est sérieux et tu es pleinement concentré, ce n’est pas le genre de choses avec lequel tu plaisantes, tu as parfaitement conscience que c’est dangereux et que c’est toi qui seras un intrus sur le territoire des dragons, pas l’inverse. Et tu as aussi l’habitude d’obéir sans discuter dans les situations dangereuses lorsque l’autre est bien plus compétent que toi. Les ordres de ta mère ne souffraient aucune contestation. Ça a parfois fait la différence entre la vie et la mort quand tu étais plus jeune.

— Je ne crains pas le froid. Et je suis bien d’accord, profiter tranquillement du soleil levant, des premiers rayons de chaleur, c’est idéal… les dragons ont la belle vie ici !

Tu te tiens prêt à la suivre, impatient de découvrir les dragons, et de voir aussi la nature s’éveiller. Un lever de soleil sur une île comme celle-ci, avec la mer tout autour, ça doit être fabuleux. Et tu as hâte de le vivre.


Game of Blood  Ϟ Tous droits réservés


Il arrive que nous trouvions de l'aide là où on ne s'y attend pas [Eirian] - Page 2 21013008104866668 Il arrive que nous trouvions de l'aide là où on ne s'y attend pas [Eirian] - Page 2 M-daille-Eirian

Spoiler:





   
On the run,
falling to the depths

Do you know what it's like when
You wish you were someone else
Who didn't need your help to get by ?
Do you know what it's like
To wanna surrender ?
Revenir en haut Aller en bas
Abigail MacFusty
Abigail MacFusty
Sorcier OP
INRP
Métier : Professeur de Soins aux Créatures Magiques & directrice de la maison Poufsouffle
Messages : 5482
Gallions : 4176
Date d'inscription : 27/11/2020
IRL

Lumos
Je rp en : #cc3333 & lightgrey
Mon allégeance : Ordre du Phénix
Sam 11 Sep - 22:38
Attendre le bon moment était quelque chose d'extrêmement difficile, car ce bon moment était fugace, voire totalement inexistant, en fait. Attendre le bon moment pour avoir des enfants ? Je suis née en plein durant le conflit contre Voldemort. Attendre le bon moment pour craquer devant quelqu'un ? Ce sont les nerfs qui lâchent. Attendre le bon moment pour avouer ses sentiments ? Grâce à la drogue, l'alcool ou une quelconque autre source pour engendrer une once de courage ? Le bon moment pour sauter sur sa proie, la tuer et la manger.
Le temps était inaccessible, et propice à chaque être vivant, dans le fond. Les animaux n'avaient pas la même durée de vie que nous, la nature non plus, quand bien même elle se pliait au gré des saisons. Il n'y avait que l'Homme qui était parvenu à se mettre sur un pied d'entente (au moins un, miracle) pour convenir d'une année commune et pour s'entendre sur un potentiel temps qui passe, au rythme des cycles solaires et lunaires. Ainsi, à partir d'une chose aussi intangible que le temps, était-il donc seulement possible d'avoir un moment, un instant, qui soit le "bon" ? Cela me paraissait si énigmatique, lointain, cosmique, que je préférais garder cette réflexion pour moi, me sentant à bout de force pour entamer un nouveau sujet fait de nouvelles suppositions farfelues. Quand bien même mes échanges avec le jeune garçon étaient particulièrement enrichissants, mon état physique et mental ne me permettait plus la résistance que j'avais habituellement.
Prendre le temps était quelque chose d'encore bien différent. Prendre le temps d'écouter son interlocuteur, prendre le temps d'essayer de le comprendre et prendre le temps de l'aider. Prendre le temps d'aimer quelqu'un, et prendre le temps de torturer quelqu'un d'autre. Tout cela sur cette échelle mondiale que nous avons constituée en tant qu'Être qui se croit tout puissant et au-dessus des lois puisque c'est nous qui les façonnons, ces lois.
Avec cette douceur qui m'était propre, je souriais, pleine de bienveillance au jeune homme tandis qu'il me confiait préférer avoir craqué ici plutôt qu'ailleurs. Dans un sens, j'étais flattée, sans trop que je sache véritablement pourquoi cela dit.

- C'est un risque à prendre en effet… Mais c'est un risque que nous courrons tous dès lors que nous posons notre confiance en quelqu'un et que nous décidons de nous dévoiler, ne serait-ce qu'un peu. Il n'y a que les véritables amis qui savent où frapper que ça fasse mal. Alors… en effet, vous avez le choix. Le choix de vous protéger, de tout garder pour vous au risque de perdre votre santé, tant physique que mentale… ou vous avez le choix de vous soulager, et de vous reposer sur quelqu'un qui puisse prendre le temps d'accueillir ce que vous voudriez bien lui confier. Je relevais un peu les yeux au plafond. Mais je peux aussi comprendre que, une fois une direction prise durant des années, il est difficile de s'en écarter… cela donne un sentiment d'échec comme vous dites… mais mmh, pourquoi ne pas plutôt voir cela comme un nouveau départ plutôt ? Avec ce bagage dans votre sac à dos, vous serez armés pour ces nouveaux changements… comme un train qui change de destination.

J'élargissais sensiblement mes lippes, revenant sur la métaphore du train et des rails que nous avions eue plus tôt. La vie était faite de choix, et nous étions tous confrontés un jour ou l'autre face à des décisions plus ou moins décisives. J'avais la sensation qu'Eirian était entre deux voies, hésitant à sauter dans la lumière, ou à reculer et rester obstinément dans l'ombre. Une ombre qui, apparemment, ne cessait de grandir et qui risquait de l'envahir totalement s'il ne se décidait pas assez vite. Évidemment, je serai présente pour l'aider si cela devait arriver un jour, mais j'espérais au plus profond de moi que cela n'arrive jamais. Revenir de ce genre d'endroit, ça laisse des traces, et sans les avoir vues dans leurs totalités, j'étais persuadée qu'Eirian en avait déjà bien assez ainsi.
Oui, mais voilà, la confiance était quelque chose qui se construisait avec des actes, et non pas uniquement des paroles. Bien naïfs étaient ceux qui pensaient que la confiance se posait avec de merveilleux mots, mais qu'aucune preuve ne suivent derrière. En réalité, c'était quelque chose qui me débectait, moi qui avait fait confiance de nombreuses fois lors de mon enfance, et qui avait été trahie une multitude de fois.
Bien sûr, tout ce vécu n'avait rien de dramatique, comme les situations en question, mais, moi qui étais une personne si sensible, à être heurtée si facilement, je m'en souvenais à l'instar de traumatisme encré dans mon sang. Au diable ceux qui parlaient, mais qui n'agissaient pas.
Voilà pourquoi ma forme animagus était celle d'un chien de garde aux oreilles droites et à l'allure fière. Parce que c'était ce que j'étais au fond de moi depuis ma plus tendre enfance : une amie fidèle, gardienne de ces trésors qu'étaient mes proches, bergère de leurs secrets qu'aucun loup ne saurait m'extirper.
C'était ce qui me permettait d'affirmer avec autant de certitude que ce qui se passait ce soir entre le jeune Serdaigle et moi serait bien gardé. Non seulement ce n'était pas ma vie privée qui était la plus impactée dans l'histoire, mais tout simplement parce que j'étais ce réceptacle sur lequel n'importe qui pouvait s'appuyer pour se reposer. William aussi avait pu en bénéficier alors qu'il était un Mangemort. Je n'avais aucun apriori envers personne, mais ce n'était pas pour autant que j'étais idiote et naïve, ça n'avait strictement rien à voir et beaucoup trop de gens confondaient encore. Il n'y avait là derrière aucune mauvaise intention, aucun réflexe d'en apprendre plus sur quelqu'un comme une personne dépravée. Non, j'étais juste tournée vers les autres, aimable, gentille et bienveillante… comme si cela me permettait de combler un vide immense.

- Vous voyez ? Parler aide à clarifier les choses. Tâchez d'y repenser, de repenser à ce que vous ressentez présentement, cette espèce de… de soulagement, lorsque vous serez en présence de vos amis, que la situation sera lourde et que vous oscillerez entre la tentation de tout garder pour vous par des craintes peut-être infondées ou celle de vous confier ne serait-ce qu'un tout petit peu. Je penchais un peu la tête dans sa direction tandis qu'il me remerciait pour rajouter, avec un sourire goguenard dans l'intention de détendre un peu l'atmosphère. En vérité, j'espère que vous ne reviendrez pas. Lueur malicieuse dans le regard, je laissais au jeune homme un instant de doute avant de préciser le fond de ma pensée. Car cela voudrait dire que votre situation ne se sera pas vraiment améliorée. Si vous ne revenez pas… c'est que quelque chose a évolué dans le bon sens. Et c'est tout ce que je souhaite pour vous, que vous puissiez avancer, que vous puissiez marcher en direction de votre paix intérieure.

Car les tourments de la vie et de l'esprit, je ne connaissais que trop bien et je devais composer avec à tout instant, et par composer, c'était à peine un euphémisme puisque je pouvais littéralement (haha) me perdre dans la musique lorsque le besoin était trop éclatant.
Si je pouvais paraître à l'aise ce soir en la présence du jeune homme, je n'en restais pas moins stressée et mal à l'aise de l'avoir chez moi, dans mon havre de paix, dans ce lieu où tout me ressemblait et me rassemblait. C'était mon nid, mon coin, mon église, ma religion, et peu pouvaient se targuer d'avoir mis les pieds ici en toute connaissance de cause. Pas même Harper en mesurait la pleine profondeur, et elle ne le fera sans doute jamais, elle était bien trop superficielle. Ma famille me connaissait déjà, et avait conscience que cet intérieur était totalement à l'image de mon esprit. Étrange, à la fois troublé et à part, mais serein et calme, mais aussi passionné et vrai.
Eirian était donc le seul aujourd'hui, qui pouvait se targuer d'être entré chez moi alors que nous ne nous connaissions pas davantage. Une nouvelle affirmation que ce chien était là, et qu'il avait le souhait de protéger les brebis égarées. Une preuve de ma bonne foi à vouloir l'aider. Des agissements, et non pas uniquement des mots.

La conversation dévie sur ce que je connais le mieux, et ce que je fais de mieux : la dragonologie. Sujet bienvenue puisque cela me permet de soulager toutes les tensions accumulées jusque-là avec la présence de l'étudiant chez moi. Je me perds, j'évoque ma passion, je suis concentrée, je suis véritablement moi-même. Ces questions sont accueillies sans jugement aucun, avec un intérêt tout particulier, parce que, dès que ça touche aux dragons, je prends.
Je lui explique, lui fais part de mes théories, de mes doutes, de mes observations. Quand bien même il aurait tout oublié le lendemain matin, ça n'avait pas d'importance présentement à mes yeux puisque je lui transmettais ce qui me passionnait vraiment.
Souriant à sa remarque, je cessais mes explications lorsqu'il n'y eut pas de relance de mon invité, parce que même si j'étais habituée lorsque je parlais de dragonologie, je savais mieux que personne me temporiser sur ce sujet, bien consciente que cela pouvait vite devenir lassant pour mes interlocuteurs.
Puis il y a cette crise, la perte de Kyle, étroitement liée aux grands sauriens qui n'ont pas perdu de leurs superbes à mes yeux. Cela arrive, de temps en temps, que nous trouvions de l'aide là où l'on s'y attend le moins. Eirian venait de m'éclairer sur un point, quelque chose que je n'avais jamais envisagé… les projets de mon frère… peut-être pourrais-je convenablement faire honneur à sa mémoire en essayant de les travailler comme il l'aurait souhaité.
C'était un héritage qu'il m'avait laissé là, et que j'avais totalement oublié.

Oui, un héritage, un autre en plus du mien, auquel je devais faire honneur. En plus de celui qui me demandait de reprendre les affaires familiales, de fonder une famille et de continuer notre lignée de purs passionnés en dragonologie.
J'allais commencer ce matin, à l'aurore. Car transmettre une vibration, une note, une passion aussi puissante, c'était comme passer un flambeau. C'était bien là le dernier geste de confiance ultime que je pouvais avoir pour Eirian. Non pas qu'il me voit uniquement comme une simple professeure de Soins Aux Créatures Magiques, mais comme une sorcière pleine de ressource, qui vit de dangerosités, mais qui fait face, qui se faufile, marcheuse de silence et d'ombre, gardienne des secrets. Car même les dragons ont leurs secrets, ceux dont je suis témoin et que je ne révèle pas au monde entier, pour les préserver.
Parce que je les aime d'un amour inconditionnel. Ils m'ont pris un frère, mais je ne cesse de leur donner ma vie. Parce que je ne peux pas faire autrement.
Une fois l'attention de l'élève tout acquise, je lui souris et, baguette dans son rangement, je me dirige vers la porte d'entrée pour ouvrir ma penderie et en sortir deux vestes à l'allure simple, comme de simples et bêtes protections de pluie. Nul doute qu'elles étaient bien plus que cela. Je tendais l'une d'elle au jeune homme.

- Celle-ci doit être à votre taille, elle est trop grande pour moi, mais je la garde quand même, au cas où. Elle me couvre mieux quand il pleut. Je souriais, totalement décontractée, timidité envolée, pleinement consciente de ce que j'étais en train de faire, parfaitement assurée et maitresse de mes moyens. La véritable moi. Ouvrant la porte, je me tournais vers le sorcier tandis que l'air frais du matin s'engouffrait dans ma petite maison, semblant réveiller alors tout et tout le monde. Mes oiseaux s'agitèrent, mes parchemins s'envolèrent à nouveau, mes plantes frémirent. Vous pouvez laisser votre sac ici, il vous encombrera plus qu'autre chose… et il ne bougera pas d'un iota, je vous en donne ma parole.

Lui adressant un sourire rassurant, je m'engouffrais à l'extérieur et disparaissais de son champ de vision. Il avait le choix. Il avait toujours eu le choix. Rester ou partir. Me suivre ou ne pas me suivre. M'obéir ou non. Je m'adaptais et m'adapterais toujours.


Never Ending Circles
ANAPHORE


Il arrive que nous trouvions de l'aide là où on ne s'y attend pas [Eirian] - Page 2 CBY7jAc
Il arrive que nous trouvions de l'aide là où on ne s'y attend pas [Eirian] - Page 2 Banniz10

Revelio:

Revenir en haut Aller en bas
Eirian Howl
Eirian Howl
Serdaigle OP
INRP
Métier : 3e année de Protection magique (spé Auror)
Messages : 5388
Gallions : 8613
Date d'inscription : 30/07/2020
IRL

Lumos
Je rp en : #00ccff
Mon allégeance : Ordre du Phénix
Lun 13 Sep - 22:13
Il arrive que nous trouvions de l'aide là où on ne s'y attend pas
« plop »
L’attente du bon moment mais aussi de la bonne personne ressemble à une fuite, à un évitement, parce qu’au fond, tu sais bien que le premier n’arrivera jamais et tu te refuses à faire le dernier pas pour la deuxième. Il y a des personnes à qui tu confierais ta vie sans hésiter sur le terrain, comme Kayla ou Sean, et pourtant, tu es incapable de leur parler de ta vie privée, d’évoquer les raisons de tes attitudes parfois bizarres. Tu sais que ça interpelle, tu as vu les questions dans le regard de ton amie, même si elle ne les a jamais posées, même si elle n’a jamais cherché à fouiller dans ta vie et que tu lui en es reconnaissant – mais si elle avait été du genre à le faire, tu ne serais sans doute pas ami avec elle. Quant à Sean… il est Auror et membre de l’Ordre du Phénix par-dessus le marché, tu imagines sans mal sa réaction face à quelqu’un qui vient du Blood Circle. Il y a Sévastian aussi, le seul qui sache dans quelles conditions tu vis quand tu n’es pas à Poudlard, qui a accepté de ne rien dire et qui s’y tient depuis lors, même si tu as eu du mal à le croire au début. Mais les mois passent et il continue de se taire. Pourtant, à lui non plus, tu n’as jamais dit « pourquoi » et « comment », alors qu’il t’a confié une partie de son histoire. Toujours tu recules, tu te dis que ce n’est pas le bon moment, tu ne veux pas gâcher la discussion en cours. Et surtout tu ne veux pas que leurs regards changent comme a changé celui de ton père une fois qu’il a vu tes pouvoirs. La haine, le rejet – tu les as vus dans ses yeux ce jour-là, tu n’as jamais oublié. Tu redoutes de revivre le même abandon, la même colère. Que tu comprendrais pourtant, après avoir passé tant de mois, tant d’années à leur mentir, à tous. Ils te côtoient sans avoir aucune idée de qui tu es vraiment. Mais ta situation actuelle n’est guère enviable non plus, tu sais reconnaître un mur quand tu fonces dedans. Seulement, tu ne t’es pas encore décidé à changer de direction, avec l’espoir peut-être que ce mur soit moins dur qu’il n’en a l’air ou moins dur que celui qui t’attend si tu parles. À moins que ce ne soit l’inverse ?
Quoi qu’il en soit, tu vas devoir prendre une décision. Réfléchir à tout ce que t’a dit Abigail, le digérer, voir ce que tu en fais. Voir si tu acceptes de changer de voie, d’oublier un peu ces réflexes et ces préceptes qui guident ta vie depuis treize ans. Abigail te sourit tandis que tu lui avoues que tu es plutôt soulagé d’avoir craqué chez elle plutôt qu’ailleurs. Tu n’aurais pas voulu que ça t’arrive une nuit, seul, dans l’un de ces vieux immeubles. Tu t’es déjà infligé bien assez de dégâts comme ça. Et face à tes amis, tu n’aurais jamais craqué. C’est peut-être parce qu’elle est plus distante, pas tout à fait une inconnue, mais pas non plus une amie, quoique votre lien ait changé au cours de cette nuit. Assez proche pour que tu acceptes d’entrouvrir la porte, assez loin pour que son regard ne fasse pas trop mal dans l’hypothèse où ça se passerait mal – ce qui n’a pas été le cas, et tu en es soulagé.

« Confiance ». Tout tourne autour de cela, de ce mot que tu n’arrives pas à comprendre au-delà de la réalité pragmatique et concrète du terrain. Tu peux te fier sans hésiter à un compagnon d’arme, mais pas transposer cela dans la vie quotidienne. Tu crois certes davantage aux actes qu’aux paroles, mais tes amis t’ont déjà prouvé qu’ils étaient fiables à plusieurs reprises. C’est un de tes stupides blocages, cette forteresse verrouillée dont tu t’entoures et dont tu n’as jamais baissé le pont. Abigail pose clairement l’alternative. Soit tu continues d’aller mal, soit tu acceptes de parler parce que ça t’offre une voie de sortie, une nouvelle possibilité. Tu aimerais tellement qu’elle ait raison ! Pouvoir déposer un peu ce que tu portes, le partager avec quelqu’un (bonjour le cadeau), recevoir du soutien.
Un nouveau départ… Oui. Peut-être. Un nouveau virage, un changement d’orientation, vers un chemin qui serait moins une impasse. Tu as envie d’y croire. Tu tords les doigts.

— J’imagine que je n’ai pas envie qu’ils sachent où frapper, parce que ce serait bien plus douloureux venant d’eux. Mais… Ils n’utiliseraient pas certaines choses contre moi.

De cela, tu es sûr. C’est juste toi, le problème, une fois de plus. Elise attend tes confidences depuis trois ans, Kayla pourrait t’écouter elle aussi. Du moins, tu le penses. Tu souris faiblement.

— J’ai l’impression de dresser un portrait horrible d’eux, alors que ce sont des personnes que j’apprécie énormément. Il faut juste que j’arrive à me dévoiler un peu plus… Je sais que certains écouteraient.

Tu as l’impression de couler depuis des mois sans arriver à remonter vers la surface. Est-ce que tu pourrais enfin toucher le fond et arriver à donner l’impulsion pour repartir en sens inverse ? Tu as envie que ce soit possible, tu n’en peux plus de ce brouillard perpétuel, d’avoir la tête sans parvenir à reprendre ta respiration. Préserver tes secrets te demande une énergie que tu as de moins en moins. Tu es plutôt content que l’été t’éloigne de l’école, même si tu apprécierais avoir un toit, tu vois moins les autres. C’est plus facile de jouer la comédie devant des inconnus, même si tu fais attention devant Aiko.

— J’aime bien cette image de nouveau départ. Ça ne veut pas forcément dire que tout ce qui précède était une erreur ou un échec, c’est juste… différent. Une nouvelle possibilité à essayer.

Tu as l’impression de te trouver à la croisée des chemins – et c’est certainement le cas. Tu as bien conscience que ta situation est tout sauf brillante. Si tu tardes encore davantage à redresser la barre, tu es quasi sûr qu’il sera trop tard, que tu auras franchi une sorte de point de non-retour. Tu t’efforces de tenir seul depuis trois ans, mais le fait est que tu n’y arrives pas, que tu n’y arrives plus, que tes souvenirs, tes angoisses et tes peurs deviennent bien trop lourds à porter. Et si laisser de plus en plus souvent le sang en emporter une partie te soulage, ce n’est pas une solution. C’est comme un shoot de drogue, l’illusion que ça va mieux, avant que la réalité ne reprenne ses droits. Ça ne peut pas être ta seule réponse.
Peut-être que tu peux laisser passer l’été. Voir si tu t’en sors jusqu’à la rentrée. Et une fois de nouveau en sécurité à Poudlard, tu pourras réfléchir à saisir une occasion ou à la provoquer. L’idée du délai te rassure un peu – parce qu’une fois de plus, ça repousse l’échéance, ça te permet de l’enterrer au fond de toi et de ne plus y penser. Ce n’est pas tout à fait vrai. Cette conversation va te hanter encore un moment.
Tu dois leur faire confiance. Croire qu’ils ne te trahiront pas. Sévastian n’a jamais trahi ce qu’il a découvert sur toi, même une fois au courant que tu étais un sorcier et que ça rendait les choses encore plus étranges. Kayla a toujours respecté tes limites, n’a jamais forcé le contact dès qu’elle a compris que tu ne le supportais pas. Alors qu’elle est tactile avec ses amis en général, elle a toujours contrôlé ses gestes avec toi. Elise t’interroge certes, mais elle ne s’offusque pas de ton silence. Tu dois te sortir des verrous construits au fil des ans. Ils t’ont protégé, continueront de le faire, parce qu’évidemment, tu ne diras pas tout ni à tout le monde, mais tu peux en relâcher certains. Abigail non plus ne trahira pas ce que tu lui as dit, ni ce qu’elle a vu. Tu la crois à ce sujet. Et elle te redonne de l’espoir, un espoir que tu ne peux pas ignorer. Tu n’as jamais vraiment cru qu’on te croirait ou qu’on t’écouterait, mais elle t’a montré que ça pouvait être possible.

Tu souris quand elle reprend tes propres constats. Oui, parler fait du bien. Il y a tant de choses dont tu n’avais pas réellement conscience parce que tu essaies de tout enfouir. Mais elles reviennent d’une autre façon et finissent par te submerger. Tu hoches la tête.

— C’est vrai, oui, ça m’a fait du bien d’échanger comme nous l’avons fait. Ça m’aide à mieux comprendre ce que je ressens. Je… je pense que je ne leur dirai pas tout, mais je vais essayer de leur confier certaines choses.


Le dire ne t’engage pas vraiment, tu en as bien conscience. Il va falloir que tu arrives à transcrire cela en actes.
Tandis que tu la remercies pour son invitation à revenir, elle te sourit en ajoutant qu’elle espère que tu ne reviendras pas. Une seconde, tu restes pris au dépourvu, te demandant si tu as bien entendu, ton esprit déjà sur le point de sauter à la conclusion que tu l’as plus dérangée qu’autre chose, lorsque tu saisis le double sens de la phrase. Double sens qu’elle ne tarde pas à préciser, et le soulagement revient. Tu souris à ton tour.

— Je vois ce que vous voulez dire. Effectivement, il vaudrait mieux que ces circonstances ne se renouvellent pas.


La rencontre d’aujourd’hui était providentielle, exactement le havre dont tu avais besoin pour quelques heures et pour arriver à repartir. Tu espères que tu tiendras l’été. Un peu moins de deux mois. Tu peux le faire.

— Merci, j’espère trouver cette paix… ou du moins réussir à m’en rapprocher un peu, à trouver le bon chemin vers elle. Vous m’avez donné beaucoup de pistes, j’ai de quoi réfléchir pour un moment.


Son accueil a été tant physique que psychologique et tu lui en es reconnaissant. Tu es encore loin d’avoir démêlé l’imbroglio de tes sentiments, mais tu vois clairement ce qui s’offre à toi. Le tout est de te décider.

La conversation s’envole vers des terres plus légères métaphoriquement parlant, et tu te réjouis qu’Abigail te parle de sa passion. Tu as presque l’impression de te retrouver face à une personne différente tant elle est plus vive qu’avant. Elle ne rejette pas tes questions bien qu’elles doivent lui paraître bien naïves, et tu prends mentalement note de tout ce qu’elle te dit. Tu es un peu moins une éponge qu’autrefois où tu te gorgeais de toutes les connaissances qui te tombaient sous la main, mais tout ou presque t’intéresse, et tu ne perds jamais une occasion d’en apprendre un peu plus. Tu doutes d’oublier ce qu’elle te dit, vos conversations de cette nuit garderont une teinte particulière dans ta mémoire, protégées par la bulle de paix qu’elle t’a offerte. Tu as bien conscience que ce n’est qu’un premier défrichement sur les dragons, mais c’est déjà très enrichissant et tu comprends la passion qui l’anime.

Tu t’efforces de la soutenir à propos de son frère et lorsque tu émets l’idée qu’elle pourrait reprendre à son compte les projets de celui-ci, tu as l’impression de la toucher. Tu espères avoir pu lui rendre un peu de ce qu’elle t’a donné, lui ouvrir un nouveau chemin à elle aussi. Tu es certain qu’elle les portera mieux que personne d’autre, elle était celle qui était la plus proche du jeune homme et ils se comprenaient.

Les dragons ne sont jamais bien loin et tandis que les premiers rayons du soleil déchirent le voile nocturne, Abigail te propose de te montrer des dragons. L’excitation et la fébrilité s’emparent de toi, mais tu restes sérieux. C’est un honneur qu’elle te fait, tu ne l’ignores pas, vu ce qu’elle t’a dit sur les dragons et les créatures magiques, c’est un signe de confiance aussi, et tu n’entends surtout pas la décevoir. Tu comptes bien lui obéir au doigt et à l’œil. Elle range sa baguette, tu hésites mais gardes la tienne, la glissant simplement dans ta ceinture.
Près de l’entrée, elle sort deux vestes. Certainement des tenues protectrices pour approcher les dragons. La même passion anime toujours Abigail, révélant cette autre facette d’elle. Tu prends celle qu’elle te tend.

— Elle devrait très bien aller !


Tu es bien plus grand qu’elle, mais tu restes fin, te donnant une allure de gringalet qui peut être trompeuse. Tu enfiles le vêtement qui te va correctement. Elle ouvre la porte et une bouffée d’air marin s’engouffre dans la maison. Tu inspires à pleins poumons, retrouvant les sensations que tu avais éprouvées la veille en arrivant, te rappelant que tu es sur une île et que cet endroit est merveilleux. Elle évoque ton sac que tu comptais prendre. Tu n’aimes pas le laisser derrière toi, il contient tout ce que tu possèdes. Mais vous êtes seuls sur cette île – les seuls êtres humains en tout cas. Et elle a l’air de comprendre l’importance qu’il a pour toi. Tu hoches la tête.

— Je vous crois.

Elle est déjà dehors. Tu jettes un dernier coup d’œil sur ton sac et à la maison, puis tu la rejoins en hâte, fouillant le paysage du regard, décidé à profiter jusqu’à la dernière minute de ce séjour. Tes sentiments doivent se lire sur ton visage. Une fois de plus, tu te dis que ça doit être un bonheur de vivre dans cet endroit, même aussi reculé. Une île, la terre sauvage, la mer tout autour. Des dragons. C’est tellement à l’opposé de Londres et de son agitation grouillante.

— C’est si beau avec le soleil qui se lève…


Game of Blood  Ϟ Tous droits réservés


Il arrive que nous trouvions de l'aide là où on ne s'y attend pas [Eirian] - Page 2 21013008104866668 Il arrive que nous trouvions de l'aide là où on ne s'y attend pas [Eirian] - Page 2 M-daille-Eirian

Spoiler:





   
On the run,
falling to the depths

Do you know what it's like when
You wish you were someone else
Who didn't need your help to get by ?
Do you know what it's like
To wanna surrender ?
Revenir en haut Aller en bas
Abigail MacFusty
Abigail MacFusty
Sorcier OP
INRP
Métier : Professeur de Soins aux Créatures Magiques & directrice de la maison Poufsouffle
Messages : 5482
Gallions : 4176
Date d'inscription : 27/11/2020
IRL

Lumos
Je rp en : #cc3333 & lightgrey
Mon allégeance : Ordre du Phénix
Lun 20 Sep - 21:54
La conversation semble enfin s'alléger alors que le jeune garçon ploie enfin sous mes divers stratagèmes pour le faire changer d'avis. Ouf, ce ne fut pas une mince affaire, mais apparemment, il était moins fermé à la possibilité de se confier à autrui, car je le voyais bien depuis l'après-midi de la veille, il avait besoin d'aide. Quand bien même il ne pouvait se confier à moi pour de nombreuses raisons que je ne souhaitais plus énumérer, car je l'avais fait trop de fois durant cette rencontre, il ne devait pas rester ainsi seul et prostré à continuer à se mutiler pour aider son esprit à se concentrer sur une douleur différente. Ça, ça n'était plus tolérable, et j'espérais au fond de moi qu'une personne davantage proche de lui que moi ait pu aussi le lui dire, afin de le protéger. Car même si nos amis étaient ceux qui savaient où nous frapper pour mieux nous blesser, c'était aussi eux les meilleurs gardiens de nos jardins secrets. Il y avait toujours le double tranchant, toujours le revers de la médaille, mais lorsqu'il était possible de vivre en une parfaite symbiose avec quelqu'un, alors l'expérience devenait tout à fait fantastique. C'était quelque chose qui me manquait terriblement aujourd'hui puisque je n'avais plus mon frère ni Harper pour combler ce vide. Condamnée à la nuit et à la solitude, car j'avais perdu toutes mes chances.

- Vous ne dressez rien d'horrible je vous assure, ni envers vos proches ni envers vous. Dis-je avec une certaine bienveillance pour le rasséréner. Je ne me fiais que rarement aux dires des autres, je préférais me faire ma propre opinion sur les individus que je croisais. Les lippes ne firent que s'étendre davantage alors qu'il accéda enfin à l'idée de voir le changement non pas comme un échec, mais comme un nouveau départ. Après tout, s'il avait vécu toutes les épreuves qu'il avait dû traverser jusque-là, c'était peut-être bien pour le faire arriver à cette croisée de chemin. Observant les flammes dans l'âtre de ma cheminée, je laissais le jeune homme me répondre et arriver à ses propres conclusions, ne pouvant m'empêcher de rire avec candeur à ses remerciements. Tâchez… de réfléchir avec votre cœur davantage qu'avec votre tête… enfin, en ce qui concerne vos amis et vos confidences.

Les conversations dérivent, les cœurs chavirent tout comme les larmes et les tremblements. Mais dans cet état d'inconstance émotionnelle dans laquelle nous étions plongés tous les deux, il y avait une chose qui ne changeait pas, c'était la présence des dragons qui vivaient autour de mon île et même dans l'ensemble de mon archipel natal. Ils avaient la majesté qu'il nous manquait présentement, et la curiosité de l'étudiant ainsi que notre soirée de confidences m'inspira l'idée de le prendre avec moi pour mes visites matinales. C'était une habitude chez moi, comme un fermier serait habitué à aller voir ses moutons ou ses vaches. La seule différence était que là, mes sujets ils les mangeaient, les moutons et les vaches.
L'entraînant hors de la maison, je laissais la fraicheur de l'aurore s'engouffrer dans mes cheveux et revigorer mon corps frêle, malade et fatigué. Pour autant, je restais vive et alerte, car si je m'étais sentie diminuée, jamais je n'aurais fait cette proposition à Eirian. Hors de question de le mettre en danger surtout pas sur mon propre terrain. Mon île était simple, sans arbre, uniquement parsemé d'herbe et de quelques rochers. L'île voisine était plus grande et l'on pouvait deviner des habitations moldues, si tenté qu'elles soient encore habitées, car aucune fumée ne se dégageait des cheminées. Laissant le jeune homme me rattraper, je me dirigeais sans crainte au bord de la falaise, là où le vent s'engouffrait avec une telle force qu'il creusait la roche, accompagné des vagues furieuses qui se déversaient sur l'île comme si elles souhaitaient la pousser. De nombreux oiseaux avaient fait leurs nids ici, sur la roche escarpée et toujours humide.
La remarque de l'étudiant me tira un nouveau sourire.

- C'est vrai… ça fait plus de trente ans que je ne me lasse pas de ce paysage.

Pensive un instant, les yeux plongés dans l'horizon, je me délectais quelques secondes de la vue, cet océan qui s'étendait à nos pieds, agités contre l'île, mais calme au loin. Le ciel, encore sombre au-dessus de nos têtes, s'illuminait lentement de dorures au loin, là où l'immense étendue d'eau disparaissait tant elle était loin. Il n'y avait aucun nuage, et la lune, derrière nous, avait entamé depuis longtemps sa longue chute, pour mieux rebondir et remonter ce soir, dans quelques heures.
Après un instant, je tournais mon visage en direction d'Eirian et levais ma main dans sa direction, lui indiquant que nous étions sur le départ. Encore une fois, je lui laissais le choix, me prendre la main et se laisser guider pour transplaner, ou rester ici.
Le voyant hésiter un peu, le devinant mal à l'aise, je lui laissais tout le temps dont il avait besoin, et lorsqu'enfin je sentais ses doigts tenir mon bras par dessus ma veste, je nous fis transplaner immédiatement afin que le contact soit le plus court possible. Aussitôt l'atterrissage produit, je le sentais me lâcher et s'écarter un peu tandis que moi-même avais déjà rapproché mon bras et avais amorcé un mouvement de recul. Bien que j'aie deviné qu'il était mal à l'aise avec les contacts physiques, il en allait de même pour moi, il était donc préférable de ne pas insister.

L'île sur laquelle je nous avais fait venir était bien plus grande que la mienne, et bien qu'elle soit également au milieu de l'océan, le paysage était drastiquement différent du lieu que nous venions de quitter.
Ici, tout n'était que roche, l'herbe semblait avoir du mal à pousser, et les rares vaillants buissons encore debout étaient pour la plupart calcinés. Une forte odeur de cendres et de soufre se dégageait dans l'air, et alors que cela put soulever bien des cœurs, moi, j'inspirais profondément, me délectant de l'ambiance environnante. Ici, j'étais dans mon élément, et ce fut sans tarder que j'indiquais à Eirian de ne faire aucun bruit, l'index barrant mes lèvres scellées.
D'un geste du menton, je l'invitais à me suivre, nous faisant marcher sur une roche semblant avoir vécu certains événements. Ce n'était pas le vent ni l'océan comme c'était le cas chez moi. Non, ici il y avait des éclats de pierre éparpillés çà et là et certaines parois qui se dressaient au-dessus de nous semblaient avoir subi de nombreuses lacérations.
Malgré le décor presque apocalyptique, je restais parfaitement détendue, ne cherchant pas particulièrement à me camoufler et à trouver des cachettes. Cette île, je la connaissais comme ma poche, et je savais parfaitement où se trouvaient les individus que nous cherchions. Quand bien même l'endroit semblait subir de nombreux passages, cela ne semblait guère m'inquiéter davantage.

Jetant des regards à Eirian pour m'assurer de son état, je nous faisais grimper durant de longues minutes, comme si nous étions en train de gravir une longue montagne dont nous ne pouvions pas voir le sommet à cause des nombreux rochers qui barraient notre vue. Chacun de mes pas était précis, silencieux, je me faufilais sur les chemins sinueux avec une agilité presque déconcertante lorsqu'on était trop habitué à me voir timide et maladroite. Oui, mais voilà, ici j'étais moi, entièrement. En ces lieux résidait ma véritable essence, ce pour quoi j'étais née. Ici, c'était tout ce qui me faisait vivre, qui faisait battre mon corps et me permettait d'avoir de l'oxygène dans mes poumons. Les dragons… c'était tout ce qui me restait dans ma vie.
Sans amis, au frère perdu à jamais, au cœur si blessé qu'il ne laisse plus place à l'amour.

Arrivée à un point apparemment stratégique, je me baissais enfin jusqu'à poser un genou à terre, faisant signe de la main à Eirian de me rejoindre. Devant nous, le paysage se dégageait enfin, mais il fallait encore avaler les derniers mètres qui nous séparaient du paroxysme.
Accroupie, avançant avec la discrétion d'un félin, je me rendais jusqu'au point culminant puis m'allongeait tout à fait sur la pierre. Fait peut-être surprenant pour l'étudiant, cette dernière n'était pas froide comme on aurait pu s'y attendre. Une fois le bord atteint, je laissais le vent s'engouffrer dans mes cheveux et me caresser doucement le visage. Nous étions sous le vent, un élément d'une importance de taille pour n'importe quelle traque. Le soleil sur notre droite se levait avec lenteur, illuminant petit à petit le cratère qui s'ouvrait devant nous. Une sorte de canyon de roche dévalait la pente que nous venions de gravir avec Eirian, servant apparemment de nombreux passages puisque la pierre semblait polie à divers endroits.

À quelques centaines de mètres en contre-bas, l'ouverture d'une grotte commença à recevoir la chaleureuse lumière de l'astre solaire, et un long grondement guttural se fit entendre. Si beaucoup pouvait se pisser littéralement dessus rien qu'en entendant ce bruit, moi, petite sorcière d'un mètre cinquante, malade, menue et chétive, je souriais.
Ramenant mes mains sous mon menton, je semblais m'installer, jetant un œil attentif à Eirian en lui indiquant de ne pas quitter la grotte du regard.
L'attente pouvait paraître longue la première fois, voire interminable, mais il apparut enfin. Un Noir des Hébrides colossal long de plusieurs mètres, peut-être une petite dizaine à première vue. Sa tête gigantesque, sa nuque et toute son échine étaient parsemées de rangées de pointes courtes, mais semblant aussi tranchantes que des lames de rasoir. Lentement, l'individu sorti de l'entrée de la grotte, ses yeux d'un violet sombre étincelant plissés comme s'il était ébloui par le soleil. Sa sortie semblait interminable tant sa longueur était impressionnante, et il se révéla enfin complètement lorsqu'il ramena sa queue à l'extrémité en forme de pointe jusqu'à ses pattes antérieures. Ses écailles noires semblaient rugueuses, mais extrêmement robustes.
Une fois l'individu tout à fait sorti de sa caverne, il ouvrit la bouche et lâcha un son étrange, mais qui pouvait s'apparenter à un long bâillement. Les muscles de ses pattes et de son dos étaient saillants, et ses longues ailes à la peau fine repliées sur son dos semblèrent frémir. Un long silence s'installa durant des secondes qui paraissaient durer des heures, en réalité, jusqu'à ce que la lumière du soleil soit assez haute sur la façade qui surplombait l'entrée de la grotte.
Là, l'individu fit volte-face, se ramassa sur lui-même et bondit lourdement contre la paroi, déployant ses ailes noires évoquant celles que possédaient les chauves-souris. Pattes puissantes enfoncées dans la roche, ses griffes laissèrent de longs sillons, faisant tomber quelques petits gravas à terre, ce qui raisonna dans la cavité. Férocement accroché, le dragon trouva ses appuis, posa sa tête contre la pierre et referma ses paupières, laissant ses ailes ouvertes et collées contre la falaise. Seule sa queue trainait encore devant l'entrée de la caverne. Un long soupir traversa sa gorge puissante, laissant entendre sa poche à feu frémir dans le tréfonds de son estomac à l'instar du bourdonnement de la lave en fusion. Les premiers rayons du soleil qui croissaient lentement dans le ciel réchauffaient les écailles et la peau du grand saurien qui semblait se délecter de cet instant de silence matinal pour faire bronzette. Les nombreuses tuiles noires parcourant le corps du dragon se mirent d'ailleurs à scintiller sous la lumière du jour, révélant d'énigmatiques reflets violacés.

Tout sourire, car j'étais véritablement enchantée de le voir en si bonne santé, je ressemblais à une gamine devant le plus grand cadeau de Noël posé au pied du sapin. Je n'en restais pas moins professionnelle, et gardais toujours un œil attentif sur l'élève de la maison Serdaigle. Ce fut uniquement lorsque le chant des oiseaux s'éleva autour de nous que je penchais ma tête dans la direction d'Eirian pour lui chuchoter.

- Ce mâle est l'un de nos doyens. Il mesure neuf mètres et vit ici depuis des années. La femelle est sûrement encore à l'intérieur en train de veiller sur les œufs. Je lui jetais un regard taquin. C'est mieux que dans les livres de Poudlard n'est-ce pas ?


Never Ending Circles
ANAPHORE


Il arrive que nous trouvions de l'aide là où on ne s'y attend pas [Eirian] - Page 2 CBY7jAc
Il arrive que nous trouvions de l'aide là où on ne s'y attend pas [Eirian] - Page 2 Banniz10

Revelio:

Revenir en haut Aller en bas
Eirian Howl
Eirian Howl
Serdaigle OP
INRP
Métier : 3e année de Protection magique (spé Auror)
Messages : 5388
Gallions : 8613
Date d'inscription : 30/07/2020
IRL

Lumos
Je rp en : #00ccff
Mon allégeance : Ordre du Phénix
Jeu 23 Sep - 21:04
Il arrive que nous trouvions de l'aide là où on ne s'y attend pas
« plop »
Les paroles d’Abigail commencent à se frayer un chemin dans ton esprit, tu es moins réfractaire à l’idée d’en parler aux autres – enfin, de réfléchir à en parler à tes amis. C’est tellement à l’opposé de tout ce que tu as fait jusqu’à présent. Mais tu restes assez lucide pour savoir que tu vas droit dans le mur, que tes cauchemars et tes angoisses sont en train de prendre le dessus de manière inexplicable. Tu cumules les nuits sans repos, la nourriture te dégoûte de nouveau, on n’est qu’au début de l’été et tu es déjà épuisé à la perspective des deux mois que tu vas devoir traverser. Et la seule solution que tu as, c’est marquer encore et encore tes bras où s’alignent les cicatrices, noyer tes angoisses dans le sang, trouver un dérivatif en créant une autre douleur, une que tu contrôles de bout en bout, qui te rend un peu de maîtrise sur ta vie, tout en te déchargeant du tourbillon noir dans ta tête – pas longtemps à chaque fois, mais assez pour tenir encore un peu plus. Tu n’as pas envie de mourir, mais… la vie ressemble à un ensemble d’impasses et tu ne sais plus quoi essayer pour t’en sortir. Sauf à tenter le nouveau chemin qu’Abigail te propose. Il n’est pas dépourvu d’écueils évidemment (mais qu’est-ce qui n’en a pas ?). Tu n’as jamais rien dit, rien avoué, et sans parler du contenu même de tes aveux, tu ignores complètement comment tes amis vont réagir au fait que tu leur as menti pendant si longtemps. Peut-être qu’ils peuvent comprendre, cependant. Mais ces réponses à ces questions, tu ne les auras qu’en leur parlant ou en essayant d’amener la conversation vers ces sujets. Tu auras beau t’interroger des milliers de fois, tu ne pourras pas totalement anticiper sur la réalité, ni être certain de ce qui te produira. Et pour un maniaque du contrôle comme toi, ça ajoute encore à l’angoisse. L’idée d’éparpiller des morceaux de ta vie entre les mains d’autrui reste difficile ; c’est autant d’armes que tu mets entre leurs mains. Mais imaginer Kayla, qui a toujours respecté tes limites, ou Elise, qui te soutient depuis la septième année, retourner cela contre toi… c’est absurde. Tu as du mal à faire la part entre l’irrationalité et la réalité, avec le « ne fais confiance à personne » de ta mère qui résonne avec toujours autant de force.
Abigail te rassure quant au portait que tu dresses de tes amis. Tu as l’impression de les présenter comme indignes de confiance, alors que ce n’est absolument pas le cas. Ça te soulage. Le fait de voir cela comme un nouveau départ te plaît aussi. Elle te conseille de réfléchir davantage avec ton cœur qu’avec ta tête, et tu comprends l’idée. Au fond, les obstacles ne viennent pas tant des autres que de toi, de ce rejet que tu refuses de voir chez eux comme tu l’as vu chez ton père il y a si longtemps.

— Je vais essayer de faire ça.

La nuit a été éprouvante pour tous les deux, vous êtes revenus sur vos blessures et sur vos failles, sur les chemins que vous pouvez tracer à partir de là. Tu as encore beaucoup de route à faire tout en restant lucide sur ta situation. Tout peut basculer du jour au lendemain. Peut-être que tu n’auras jamais ces conversations avec tes amis. Peut-être que tu seras mort avant la fin de l’été et qu’ils ne sauront jamais qui tu étais vraiment.
Tu espères aider Abigail à son tour, sans doute pas autant qu’elle t’a aidé, mais lui apporter au moins un peu de réconfort, même si seul le temps pourra véritablement quelque chose.

Les dragons allègent la conversation et tu te passionnes pour ce qu’elle t’explique. Tu ne connais que la surface à leur sujet et c’est plus qu’intéressant de parler avec une spécialiste. Tu sens tout l’amour qu’elle éprouve pour eux, toute la passion qui l’anime, tout son enthousiasme. Elle te propose de l’accompagner dans sa visite matinale aux majestueuses créatures et tu acceptes, le cœur battant. Tu n’en as jamais vu en vrai. Et là, ce sera en liberté, dans leur milieu naturel… ça va être merveilleux.
Laissant à regret ton sac derrière toi, tu la suis hors de la maison, retrouvant avec plaisir le paysage traversé la veille au soir alors que la pluie commençait. Cette fois, les premiers rayons du soleil dorent la roche et éclairent les herbes. C’est rude, c’est sauvage, et ce doit être une joie particulière et sans cesse renouvelée d’habiter dans un tel cadre. Tu observes tout ce que tu peux, te gorges des senteurs maritimes, repousses l’idée que tu seras bientôt de retour à Londres, au milieu du béton et du bitume – mais il y a le week-end de randonnée que Sévastian a réussi à t’arracher qui se profile, et ce sera un plaisir là aussi même si tu devras multiplier les précautions pour qu’il ne se rende compte de rien. Tu as toujours aimé te retrouver dans la nature, tu faisais parfois des randonnées avec ta mère plus jeune et c’est en général perdu en pleine campagne ou en forêt que tu te sentais le plus en sécurité, certain que personne ne pourrait jamais vous retrouver. Cette impression t’est restée et tu te sens toujours plus détendu en plein air.
Tu suis Abigail jusqu’au bord de la falaise, le vent hurlant à vos oreilles. En bas, les vagues s’écrasent inlassablement contre la roche dans un grondement sourd. Depuis combien de temps n’avais-tu pas vu la mer ? Un frisson te traverse devant toute cette beauté et cette puissance. C’est indescriptible, et tu pourrais rester des heures là à observer le ressac inlassablement, les oiseaux qui crient et volent au-dessus de vous, le vent qui s’engouffre dans tes boucles, tout ce spectacle qu’on oublie trop souvent. Tu souffles :

— Comment pourrait-on s’en lasser ?


Il faudrait n’avoir aucune sensibilité pour cela – même si tu conçois que tous les types de paysage ne parlent pas à tout le monde. La mer s’étend à perte de vue et tu la fouilles du regard, admirant l’horizon où elle se confond avec le ciel clair du matin, le soleil qui joue avec l’écume. Tu inspires à pleins poumons comme si ça pouvait te décrasser de l’intérieur.

Au bout d’un instant, Abigail se tourne vers toi et te tend la main. Tu comprends d’un coup que vous allez devoir transplaner ailleurs – tu ne peux t’empêcher de jeter un coup d’œil en direction de la maison, mais vous êtes seuls, seuls au monde, seuls êtres humains à des kilomètres à la ronde, tes affaires ne craignent rien. Une dernière inspiration, puis, malgré ton malaise et ta répulsion incontrôlable, tu poses les doigts sur la veste d’Abigail, serrant juste assez pour ne pas lâcher au moment de la secousse. Vous transplanez directement et dès que tu sens de nouveau la terre ferme sous tes pieds, tu la lâches et recules aussitôt, recréant ta bulle d’espace personnel. Elle a ramené son bras vers elle aussi ; aucun de vous deux n’a l’air à l’aise avec les contacts, comme tu l’as vu au cours de la nuit.
Ce qui te fait prendre conscience du changement avant même que tu regardes autour de toi, c’est l’odeur de cendre et de soufre qui règne partout, très lourde, et tu luttes contre une nausée, soulagé d’un coup de n’avoir rien mangé depuis… un bon moment. Tu pivotes pour prendre la mesure de ce nouveau lieu, poser tes premiers repères. C’est une île de nouveau, évidemment, bien plus grande cependant que celle d’Abigail. Le changement d’ambiance est tout de suite perceptible. Chez elle, c’était rude et âpre, mais l’herbe poussait, il y avait des buissons. Ici, la végétation souffre et les buissons ont surtout l’air d’avoir servi de support pour un feu.
Abigail pose un doigt sur ses lèvres et tu hoches la tête en silence. Pas de bruit, c’est compris. Dans une atmosphère de fin du monde, tu la suis à travers les roches éclatées d’une façon qui ne doit rien à l’érosion, ce que te confirment les griffures dans certaines parois, comme autant de lacérations. Tout respire le danger ici, et tu restes en alerte, sur le qui-vive, prêt à réagir. Pas de doute, il y a bien des dragons dans les parages.
Malgré sa demande de silence, Abigail ne se cache pas particulièrement et tu calques ton attitude sur la sienne. Elle avance sans hésiter, vers l’endroit où doivent s’abriter les dragons. Le chemin devient bientôt pentu. Tu tiens le rythme, mais clairement tu ne devras pas trop tarder à mettre la main sur des gâteaux ou du jus de fruit après votre retour. Sur le chemin de la librairie, tu n’auras pas de mal à trouver une boulangerie ou un magasin quelconque.
Tu avances dans les pas de la jeune femme, qui te paraît bien plus assurée qu’à Londres, où elle se tenait pratiquement recroquevillée sur son banc. Ici, elle est alerte et vive, avançant d’un pas sûr sur les roches. Pour un peu, tu aurais l’impression qu’il s’agit de quelqu’un d’autre, comme lorsqu’elle s’animait pour parler des dragons. Elle est chez elle ici, dans son environnement. Tu ne sais pas pourquoi elle est venue à Poudlard, pourquoi elle a renoncé à rester aussi près de ceux qu’elle aime tant, mais ce sont des questions que tu ne poseras pas.

Arrivés à destination, Abigail met un genou à terre et tu l’imites, te plaçant à ses côtés, curieux et le cœur battant. Tu avances accroupi comme elle jusqu’au sommet de la falaise et t’étend sur la pierre à côté d’elle. Une pierre que tu t’attendais à trouver humide et glacée, mais qui ne l’est pas. Réchauffée par les dragons dans les parages ? L’excitation s’empare de toi, mais tu ne laisses rien paraître, attentif à copier le moindre geste de la sorcière. Le vent te fouette les cheveux – vent de face, bien sûr, pour que les dragons ne sentent pas votre présence.
Le soleil continue de se lever et ses rayons tombent dans le cratère devant vous. À certains endroits, la pierre semble avoir été polie comme par de multiples passages. Ton regard saute de droite à gauche, à la recherche des animaux fabuleux. Un trait de lumière frôle une grotte et comme si c’était un signal un grondement sourd résonne, tu as l’impression de vibrer avec. Ton cœur accélère, dans un mélange d’excitation et d’appréhension ; une part de toi a terriblement conscience du danger, que ce sont des dragons qui sont juste là, et l’autre s’en remet totalement à Abigail pour gérer la situation. Si elle vous a emmenés là, c’est que c’est un endroit sûr.

Tu croises son regard, elle te fait signe de ne pas quitter la grotte du retard. Tu hoches la tête, reportes ton attention dessus. Patienter ne te dérange pas, ça ne fait que rendre le moment plus intense, croître ton anticipation. Tu l’as déjà fait souvent, et tu ne doutes pas que tu auras encore à le faire si tu deviens Auror.
Enfin, au bout d’un long moment, un dragon commence à apparaître. Frémissant d’excitation, n’osant croire à ta chance, à ce que tu vois, tu ne le quittes pas du regard. C’est un Noir des Hébrides, immense. Ses pointes se détachent sur sa tête, sa nuque et son dos en rangées redoutablement aiguisées. Wow, wow, wow. Tu t’attardes sur ses écailles, sur son museau et ses yeux violets saisissants, sur tous les détails que tu peux saisir, avant de l’admirer dans son ensemble. Majestueux, puissant, sauvage, la nature à l’état brut. Tu te sens petit, si petit devant lui – et un poil soulagé d’être hors de sa vue.
Il prend son temps pour sortir de la grotte et tu le dévores des yeux, l’étudiant à mesure qu’il s’avance, ses pattes aux griffes courtes pour mieux escalader, son dos, ses ailes fines et courtes aussi pour gagner en réactivité. Sa queue en pointe apparaît enfin. Tu retrouves tous les détails anatomiques donnés par Abigail, Inconscient d’être observé, il ouvre la gueule et… bâille. C’est si anodin et si universel que ça te tire un sourire. Visiblement, dragon ou humain, tout le monde a les mêmes réflexes au réveil.
D’un coup, il bondit contre la paroi, comme une chauve-souris géante. Ses griffes lacèrent la roche – et tu n’imagines même pas la puissance qu’il faut pour arriver à un tel résultat alors que cela ne semble pas lui demander tant d’efforts. Ses ailes d’une envergure impressionnante se déploient. Alors que tu t’attendais à le voir grimper jusqu’au sommet, il s’étale le long de la falaise, comme pour profiter de la chaleur du soleil.
Il souffle et un grondement étrange émane de lui, pas un cri qu’il pousse mais quelque chose qui semble venir de l’intérieur. Fasciné, les yeux grands ouverts pour ne rien perdre de la vue sublime, tu le détailles encore et encore inlassablement. Il est si beau et le soleil fait briller ses écailles avec le même éclat que son regard.

Ce n’est que lorsqu’Abigail se penche vers toi, que tu perçois sa présence toute proche, que tu reviens à la réalité dans un long frémissement comme si tu t’éveillais d’un rêve merveilleux. Et au fond de toi tu n’es pas complètement sûr de ne pas être en train de rêver. C’est trop beau pour être vrai, et tu as du mal à croire que tu es vraiment là, sur cette île, en train d’observer un dragon sauvage dans son rituel du matin. Un dragon ! Tu lui réponds, la voix vibrante d’excitation :

— C’est mille fois mieux que dans les livres ! C’est… je n’ai pas de mots… Il est magnifique ! J’ai du mal à croire qu’il est vraiment là, que ce n’est pas un rêve ou une illusion. Merci de m’avoir emmené !

Tu reportes ton attention sur le dragon.

— Alors, les petits naissent pendant l’été ?

Game of Blood  Ϟ Tous droits réservés


Il arrive que nous trouvions de l'aide là où on ne s'y attend pas [Eirian] - Page 2 21013008104866668 Il arrive que nous trouvions de l'aide là où on ne s'y attend pas [Eirian] - Page 2 M-daille-Eirian

Spoiler:





   
On the run,
falling to the depths

Do you know what it's like when
You wish you were someone else
Who didn't need your help to get by ?
Do you know what it's like
To wanna surrender ?
Revenir en haut Aller en bas
Abigail MacFusty
Abigail MacFusty
Sorcier OP
INRP
Métier : Professeur de Soins aux Créatures Magiques & directrice de la maison Poufsouffle
Messages : 5482
Gallions : 4176
Date d'inscription : 27/11/2020
IRL

Lumos
Je rp en : #cc3333 & lightgrey
Mon allégeance : Ordre du Phénix
Ven 24 Sep - 23:09
Les yeux collés sur le spécimen devant nous, je l'analysais sous toutes ses coutures. Bien qu'il soit âgé, il était toujours vif, élégant, avec une prestance majestueuse et extrêmement imposante. Il avait engendré de nombreux dragonnets dans les Hébrides, et le clan MacFusty suivait de près la reproduction de sa descendance afin de garder une variété de sang de qualité. Cependant, nous laissions la nature faire, au maximum, nous n'intervenions pas dans la reproduction ni dans les rencontres. C'était des dragons sauvages, et il y en avait bien assez dans l'archipel pour que cela ne soit pour le moment pas inquiétant. Présentement, tout ce qui comptait à mes yeux c'était la pleine santé de ce sujet, et j'étais heureuse et fière de constater que c'était le cas. Certes, il avait gagné de nouvelles cicatrices sur la cuisse antérieure gauche, mais elle semblait avoir convenablement cicatrisé. Il fallait dire que ce mâle avait trouvé une île de choix pour ses nids et qu'elle était souvent convoitée par ses congénères. Aussi, de jeunes dragons essayaient de le défier afin de récupérer la femelle avec laquelle il faisait ses œufs. En somme, cela n'avait rien de surprenant, et voilà pourquoi je ne m'affolais absolument pas en constatant tout cela.
Du coin de l'œil, je regardais également Eirian qui était, apparemment, bouche bée devant le spectacle que je venais de lui offrir. C'était que, on ne voyait pas des dragons tous les jours au lever du soleil, même dans un monde magie, même en étant un sorcier accompli. C'était même quelque chose qui sortait de l'ordinaire, sauf lorsqu'on était dragonologiste et qu'on les côtoyait jour après jour. Par Merlin, que cela me manquait.
Pourquoi avais-je arrêté ?
Je détournais mon attention sur le grand dragon, toujours collé contre sa falaise, les ailes écartées, profitant des rayons du soleil pour se réchauffer et se sécher. Les nuits dans les grottes pouvaient être froides, mais surtout très humides, alors, avant de prendre son envol, il fallait se délester d'un maximum de poids. L'eau était lourde. Enfin, le dragon restait un lézard géant, il avait donc besoin de la chaleur de l'astre solaire pour se sentir bien et en pleine possession de ses moyens.
Pourquoi avais-je arrêté ?
Les dragons étaient ma passion depuis ma naissance, j'étais née sous le nom des MacFusty, une fierté que je ne voulais surtout pas laisser derrière moi, et ce, même si j'en venais à me marier un jour. J'étais totalement moi lorsque j'étais en présence des dragons, je les aimais, je travaillais pour eux depuis de nombreuses années, je faisais des recherches étranges (ou révolutionnaires) pour que les sorciers puissent les comprendre davantage, et donc, mieux les respecter. Il suffisait de l'exploitation de créatures magiques, choses que je trouvais intolérables, dans le monde magique ou non. Élément étrange venant de moi qui malgré cela n'était pas végétarienne.
Pourquoi avais-je arrêté ? Peut-être à cause des nombreuses contrariétés qui me constituaient. Peut-être étais-je en désaccord avec moi-même.
Ou peut-être…

Je glissais une œillade au garçon qui m'accompagnait tandis qu'il me répondait avec une voix trahissant l'excitation qu'il ressentait d'être ici. Ses cheveux bouclés étaient à présent hirsutes et ébouriffés. Sa carrure était devenue plus carrée, et ses yeux… ce regard.
Clignant des yeux, les véritables traits d'Eirian furent à nouveau visibles, et, camouflant mon trouble, j'esquissais un sourire amusé devant l'entrain du jeune homme. Si j'avais été moi-même en venant ici, lui s'était également "éveillé" en apercevant le cracheur de feu.

- Chut, chut, il va vous entendre. Je retins un gloussement amusé tout en regardant la magnifique créature, répondant à la question en chuchotant. Oui, la reproduction a lieu en général à la fin de l'été, et les œufs sont pondus durant l'hiver ou au début du printemps. L'éclosion suit à la fin du printemps ou durant l'été. Tout dépend de quand a eu lieu la reproduction et de la condition du nid dans la grotte. Il y a beaucoup d'aspects à prendre en compte. L'humidité, la chaleur, l'ensoleillement, s'il y en a… La plupart des jeunes couples n'arrivent pas à avoir de petits les premières années, le temps qu'ils apprennent.

Gardant une nouvelle fois le silence, je me détournais vers le dragon pour ne jamais cesser de me délecter de la vue qu'il nous offrait, jusqu'à ce que, dans un grognement, il bande une nouvelle fois ses muscles pour se hisser jusqu'au sommet de la falaise donnant sur sa caverne. Là, fier comme un roi sur son trône, il leva la tête et huma l'air profondément, attentif, les ailes courbées, mais pas totalement repliées sur son dos. Sa longue queue en pointe pendait dans le vide, et les pics formés sur son dos étaient hérissés, signe qu'il était parfaitement en éveil, attentif à son entourage… et apparemment quelque chose le contrariait, puisqu'il cherchait quelque chose du regard. Quelque chose qui devait sans nul doute être…
Les pupilles violettes finirent par se fixer dans notre direction.
Nous.
Constatant cela, je me plaquais à la roche pour m'étaler de tout mon long. La joue collée à la roche, j'invitais Eirian à faire de même avant de murmurer d'une voix presque inaudible.

- Surtout… ne… bougez… pas.

Gardant toujours le grand saurien dans mon champ de vision, j'attendais le moment où il détournera son attention de nous. Un temps qui semblait interminable… Pendant combien de temps le dragon essayait-il de détecter notre présence ? Une minute ? Une heure ? Je ne saurais dire, mais c'était le cœur palpitant que j'attendais qu'il se détourne. Cette adrénaline dans mes veines, j'adorais cette sensation, j'adorais ressentir ça, j'adorais être sur le qui-vive, prête à intervenir au moindre micro signaux qu'il allait envoyer. Après tout, le grand mâle ne faisait que son devoir. Il avait l'expérience, il était sur son île et il avait une famille à protéger. Il était donc particulièrement attentif, bien plus que lors des périodes sans dragonnets.
Après une attente interminable, le sujet finit enfin par grogner, comme mécontent. Il écarta une nouvelle fois ses ailes et, profitant de la hauteur, se laissa tomber dans le vide pour prendre son envol. Ses griffes s'agrippèrent à la roche sur notre droite, celle possédant ce fameux canyon déjà abimé par les nombreux passages de la créature fantastique, puis, y ayant pris appui, il s'envola définitivement pour aller tournoyer plus loin. Me redressant lentement et avec prudence, je regardais Eirian.

- Il serait plus sage pour nous de rentrer. Il nous a sentis, il va faire le tour des lieux pour nous trouver.

Restant accroupie, j'entamais ma descente, prudente, et, passant à côté d'un rocher, je ramassais quelque chose dans la pénombre. Une fois assez éloigné, je nous permettais enfin de nous redresser sur nos jambes pour aller nous trouver un endroit tranquille pour nous permettre de transplaner à nouveau chez moi.
Le vent frais de mon île revint nous frapper, l'ambiance poste apocalyptique derrière nous, je soupirais, bienheureuse d'avoir eu l'occasion, ce matin, de voir un dragon en compagnie de quelqu'un. Observant mes quatre moutons et mon Sombral en train de brouter, je souriais, apaisée tout en regardant une nouvelle fois le jeune homme.

- Ce fut court, mais intense, n'est-ce pas ? Des fois on voudrait y passer des heures, mais ça ne se déroule pas comme on le souhaite. Je haussais les épaules. C'est comme ça avec les créatures. Je fouillais dans ma poche et lui tendait ce que je venais de ramasser : une écaille noire qui renvoyait la lumière dans des reflets violacés. Tenez, un petit souvenir.



Never Ending Circles
ANAPHORE


Il arrive que nous trouvions de l'aide là où on ne s'y attend pas [Eirian] - Page 2 CBY7jAc
Il arrive que nous trouvions de l'aide là où on ne s'y attend pas [Eirian] - Page 2 Banniz10

Revelio:

Revenir en haut Aller en bas
Eirian Howl
Eirian Howl
Serdaigle OP
INRP
Métier : 3e année de Protection magique (spé Auror)
Messages : 5388
Gallions : 8613
Date d'inscription : 30/07/2020
IRL

Lumos
Je rp en : #00ccff
Mon allégeance : Ordre du Phénix
Jeu 30 Sep - 15:50
Il arrive que nous trouvions de l'aide là où on ne s'y attend pas
« plop »
À l’époque de ta troisième année, tu as beaucoup hésité à prendre les Soins aux créatures magiques auxquelles tu t’intéressais et que, enfance moldue oblige, tu n’avais jamais eu l’occasion d’approcher et de côtoyer. Pour la plupart, tu n’en connaissais que les reproductions dans les livres. Poudlard et sa forêt ont comblé quelques lacunes, mais pas assez à ton goût. Finalement, c’est la raison qui l’a emporté : tu as préféré diversifier tes connaissances des diverses pratiques magiques en optant pour l’arithmancie et l’étude des runes, qui pouvaient toujours te donner des armes supplémentaires pour t’en sortir – quoique, avoir un hippogriffe à portée de main se serait avéré bien utile aussi. Tu en as gardé un petit regret au cœur. Qui se volatilise devant le spectacle incroyable que tu as sous les yeux. Tu es à peu près sûr que même à Poudlard et même avec Abigail comme professeur, on n’approche pas à ce point les dragons.
Tu as toujours du mal à croire ce que tu vois, comme si cette nuit et ce matin levant n’étaient qu’un long rêve – étrangement cohérent et réaliste pour un songe, surtout sur une telle durée. Abigail, son île, celle-ci maintenant, le dragon qui se dresse devant vous, encore pris dans les brumes du sommeil… Mais ce qui te rappelle que ce n’en est pas un, c’est que tu ne dors pas assez pour rêver aussi longtemps et, surtout, ce sont des cauchemars qui peuplent tes nuits, pas ce genre de vision. Cela fait longtemps que tu ne t’es pas senti aussi excité et vivant, oui, c’est le mot, comme si quelque chose s’était soudain ranimé en toi. Tes pensées s’échappent une seconde vers la randonnée prévue avec Sévastian dans les prochaines semaines, où vous aurez l’occasion de voir le même genre de paysages, les dragons en moins. Même si tu as hésité, après avoir passé des semaines et des semaines à l’éviter de crainte qu’il ne remarque tes changements, il y a des chances que ça te fasse du bien, une nouvelle immersion en pleine nature loin du monde et de tes problèmes.
Allongé à côté d’Abigail, tu ne quittes pas des yeux l’immense dragon noir aux reflets violets qui étend ses ailes le long de la falaise, ignorant qu’on l’observe. Tu as toujours bien conscience de la présence de la sorcière à proximité, mais c’est sur l’animal que tu te focalises, décidé à ne pas perdre une miette de ce spectacle. Tu avais beau connaître ses dimensions générales, ce n’est pas la même chose de l’avoir directement sous les yeux, de prendre sa mesure par rapport à la hauteur de la falaise, de prendre conscience de l’amplitude de ses ailes même si elle est plus limitée que d’autre espèces. Il profite pleinement du soleil dont tu sens les rayons commencer à te chauffer le dos. L’île en elle-même, les paysages sauvages des Hébrides, la mer, le vent qui souffle autour de toi et ébouriffe tes cheveux ainsi que la beauté du lever du soleil auraient pu suffire à ton bonheur. Mais le dragon amène cela à un niveau bien supérieur. Il se prélasse contre la roche, semblable à un lézard géant. Il a l’air de mener une belle vie de dragon.

Tu réponds à Abigail avec excitation tout en veillant à garder le même niveau de voix qu’elle. Hors de question que le dragon se rende compte de votre présence par ta faute, et tu ne doutes pas qu’il prendrait mal de découvrir deux intrus sur son territoire, surtout avec des œufs impliqués et s’il est dans un moment plus vulnérable. Il a sans doute besoin du soleil pour recharger ses batteries et gagner en énergie, ce n’est pas le meilleur moment pour le contrarier. Abigail te regarde d’un air étrange que tu ne comprends pas vraiment, mais elle retrouve rapidement sa mine habituelle et te sourit. En l’entendant, tu esquisses une moue d’excuse, désolé, tandis qu’elle répond à ta question. La naissance des petits ne va pas de soi, étant donné le nombre de paramètres qui entrent en jeu, et les jeunes parents ne réussissent pas forcément tout de suite. Même en naissant durant l’été, cela leur laisse le temps de grandir et de se fortifier avant l’arrivée de la saison froide – leur pompe à chaleur interne doit bien aider. Même si les plus jeunes ne crachent pas de feu, le système est déjà là… Les questions reviennent en foule, mais tu l’as déjà bien assez embêtée, et ces recherches-là, tu peux les faire par toi-même, une fois de retour à Poudlard ou en furetant dans les rayons d’Aiko pendant tes moments de pause. Tu hoches la tête, signe que tu as bien écouté ses explications, puis elle revient vers le dragon et tu l’imites. Tu n’as pas l’intention de perdre la moindre seconde de ce spectacle, tu veux te souvenir des moindres détails, graver chaque instant dans ta tête, comme chaque instant de cette nuit et chaque mot d’Abigail se sont inscrits en toi.

Un grognement résonne, puis il bande ses muscles pour se hisser en haut de la falaise. Tu admires ses mouvements, la force et la puissance qu’il dégage. Tu pourrais le regarder toute la journée. Il se concentre sur son environnement, les pics de son dos redressés. Simplement parce qu’il a fini sa routine matinale ou parce qu’il est en alerte ? Tu jettes un coup d’œil à Abigail avant de revenir au dragon. Il tourne la tête de part et d’autre. Sur le point de partir en chasse peut-être… Et un petit frisson désagréable te souffle que vous devez représenter des proies parfaites pour lui. Il se tourne vers vous.
Un mouvement à côté de toi. Abigail essaie de se fondre dans la roche, tu l’imites aussitôt. Son murmure te parvient ; tu ne lui réponds pas, tu te contentes d’obéir pour montrer que tu as bien compris et tu t’attaches à ne pas bouger d’un poil, le cœur battant, collé de tout ton long contre la roche tiède. Ta respiration reste maîtrisée, fluide. Tu as déjà attendu comme ça, pendant des moments qui ressemblaient à des heures, caché, tapi dans l’ombre, le temps que ta mère s’assure que vos poursuivants vous avaient perdu – ou achevant de les mettre hors d’état de nuire. Calme, mais sur le qui-vive, l’adrénaline courant dans tes veines, prêt à fuir au moindre signal, à la moindre alerte. Ça t’est déjà arrivé l’été aussi, lorsque d’autres approchaient de ton refuge de la nuit. Des sensations que tu aimes tout en les appréhendant parce qu’elles te rappellent à quel point tu es vivant à cet instant, et à quel point tu te tiens sur le fil. Tu aimes le danger, ça fait partie de toi, même si tu peines à y faire face maintenant, tu avais oublié à quel point tu te sens presque bien dans ces moments, tes angoisses et ta vigilance enfin focalisées sur quelque chose de concret, de réel. Tes battements de cœur résonnent à tes oreilles, et tu restes concentré, attentif au moindre geste d’Abigail, prêt à l’imiter. C’est presque drôle, cette tension dans un tel cadre, avec le soleil qui te chauffe le dos et le vent qui joue dans tes cheveux – même si pour le coup tu apprécierais qu’il le fasse un peu moins. Mais évidemment, la silhouette noire massive dans ton champ de vision, la roche éclatée et l’odeur de soufre et de cendre ne te font pas oublier là où tu te trouves.

Enfin, au bout d’un long moment, pendant lequel tu t’emploies à rester détendu pour ne pas t’ankyloser et rester prêt à réagir, un nouveau grognement résonne. Du coin de l’œil, tu le vois écarter ses ailes, plonger dans le vide, reprendre appui sur la roche à peu de distance avant de décoller une nouvelle fois et pour de bon. Abigail commence à se redresser et tu l’imites, veillant à rester à sa hauteur. Tu es bien plus grand qu’elle. Tu hoches la tête à ses paroles.

— Je vous suis.

Accroupi, tu t’engages dans la descente à sa suite en prenant soin de ne pas faire rouler de pierre et en restant le plus bas possible. À bonne distance, Abigail se redresse, te tend le bras pour transplaner de nouveau. Tu mesures à quel point c’est stupides d’autant appréhender de la toucher, même à travers sa veste, de rester si près d’elle, alors que tu peux attendre sans sourciller qu’un dragon de presque dix mètres et de plusieurs tonnes renonce à faire de toi son petit déjeuner.

Tu retrouves bientôt le cadre plus apaisé de l’île d’Abigail, inspire à pleins poumons l’air iodé avec l’impression que l’odeur de soufre et de cendre s’accroche à tes vêtements. Ses moutons et son Sombral ont l’air sereins, ça te change de la puissance du dragon, du net danger qui émanait de lui.
Tu souris.

— Très intense ! J’y serais resté des heures, mais c’était vraiment merveilleux, merci beaucoup de m’avoir emmené !

Ce souvenir va compter parmi tes meilleurs. Elle sort alors une écaille de dragon, noire, aux reflets violets pour te la tendre.

— Oh !

Profondément touché, tu la prends, la fais jouer doucement dans la lumière du soleil. Elle est magnifique.

— Merci !

Tu la garderas précieusement.

L’heure commence à tourner, il va bientôt falloir que tu regagnes Londres et la librairie d’Aiko pour ta journée de travail. Malgré la nuit blanche, la fatigue reste maintenue à distance par ce lever de soleil fabuleux, l’excitation et l’adrénaline que tu ressens encore.
Tu ne tardes pas à regagner sa maison pour lui rendre sa veste, récupérer ton sac qui n’a évidemment pas bougé d’un poil et saluer le phénix et son hibou. Tu espères que ces souvenirs-là réussiront un peu à éloigner les cauchemars, et, plus important, elle t’a fourni de quoi cogiter pendant un bon moment.


Game of Blood  Ϟ Tous droits réservés


Il arrive que nous trouvions de l'aide là où on ne s'y attend pas [Eirian] - Page 2 21013008104866668 Il arrive que nous trouvions de l'aide là où on ne s'y attend pas [Eirian] - Page 2 M-daille-Eirian

Spoiler:





   
On the run,
falling to the depths

Do you know what it's like when
You wish you were someone else
Who didn't need your help to get by ?
Do you know what it's like
To wanna surrender ?
Revenir en haut Aller en bas
Contenu sponsorisé
INRP
IRL
Revenir en haut Aller en bas
Il arrive que nous trouvions de l'aide là où on ne s'y attend pas [Eirian]
Sauter vers:
Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Game of Blood :: Three Broomsticks :: Pensine :: Les RPs-