Les moldus et élèves de Poudlard du forum se sentent cruellement seuls au milieu de tous ces sorciers adultes, alors pensez à les privilégier pour vos personnages
Les lustres de l’université épicent d’une poussière d’or les longs couloirs bardés de mystères. Les pierres ont un gout de légendes à Poudlard, d’indécrottables leçons d’Histoire à chaque nouveau pas. Il y a dans l’air un savant mélange d’intime et de mondain, de noms connus et de corps déliés. C’est étrange se dit-elle, ces différences qu’elle constate au quotidien depuis qu’elle est arrivée : dans la mise, dans le vocabulaire, dans le temps. Par exemple, elle pensait que c’était une fable mais les employés s’arrêtent réellement parfois pour prendre le thé.
C’est pourtant ici, dans ce pays, qu’il s’est réfugié. Si c’est son antre, il faut s’en méfier, se souvient-elle dans un écho lointain. Les hommes sont particuliers en Grande Bretagne, plus silencieux, moins ouvert, les mœurs coincés dans des traditions obsolètes. Attirants aussi, le charme infime et pénétrant. Elle s’imagine qu’il y trouve bon compte, la débauche rutilante sur son corps. Pfff. Athéna observe sous les mèches noisette de ses boucles. Elle n’a pas mis de rose aujourd’hui, s’est faite sobre, solennel presque. L’américaine évolue dans un chuintement léger entre les autres étudiants, la mine sempiternellement brillante, un sourire coquet sur les lèvres.
Elle sait où il est.
Sertie d’une robe courte aux rebords d’un bleu rappelant les galaxies cobalt et janthine, Athéna rajuste dans un geste précieux les pans de sa cape noire, prête à en découdre avec un fiancé qui tient plus du furet que du lion.
Peu importe. Elle le ramènera à la raison bien assez tôt.
Les talons cillent sur le sol tandis qu’elle regarde la multitude de couloirs devant elle. Un monde nouveau s’ouvre sous ses pieds, l’électrique lui vrille les sens, les potentiels infinis. Par ici, par là. Elle ne s’y soustrait pas, la mine limpide, le cœur en sourdine. Elle repense à la voie que l’univers lui trace sous les traits si distingués de l’héritier des Campbell. Une catastrophe en devenir n’est-ce pas, mais c’est sa catastrophe après tout et elle en conçoit un désir ombrageux où le ressentiment grignote et l’agacement éclate. Athéna sourit, des bribes d’audace perlant à l’ivoire de ses dents. Elle fait illusion avec une facilité sage, le minois en trompe l’œil, les manières en subterfuges : elle sait que la confrontation est inévitable mais elle en choisit le lieu et la couleur. C’est sans problème qu’elle le repère enfin, le rire insouciant faisant pétiller ses grands yeux bruns. Crétin, idiot, stupide gnome … La colère affleure à nouveau, délicieuse.
Le bout de la langue apparait en éclair rose entre les dents, la provocation légère quand elle entre à son tour dans la bibliothèque. Tout aux murmures énigmatiques et studieux qui règnent dans la salle, la jeune femme range le désordre des possibilités qu’il ne peut s’empêcher de semer innocemment en elle. Il n’a pas fait attention. Il ne fait jamais attention à elle. Comment lui faire comprendre ? Du satin dans la mise et une dureté irisée au bord des cils glisse sur son visage tandis qu’elle pose son sac sur l’une des tables, puis, elle le suit sans tarder tandis qu’il se faufile entre les énormes rayons de savoir, les doigts pianotant sur les reliures. « Orion. » Fait-elle enfin, sûre de s’être engouffrée à sa suite suffisamment loin – suffisamment seule. Il y a de la curiosité âpre en crépuscule au bord des lèvres, un peu de perfidie sous la soie de sa voix. Pour un peu, elle remuerait son petit nez à la manière d’un rongeur gris. Elle se contente de relever un regard mutin vers l’homme, l’espièglerie teintée de fièvre. Elle a tant l’habitude de ne pas faire cas de ce que l’on peut penser d’elle qu’il est déstabilisant de se tenir malgré tout sous la volonté d’un autre. « Traverser un océan pour vous retrouver, avouez que vous ne me rendez guère les choses faciles. » Le reproche éclipse. Elle ne lui demande pas s’il va bien ou tout autres politesses désuètes. Elle n’en a que faire en réalité. Le velours des doigts s’avance sur l’écusson or et vermeil qu'il porte. Elle effleure, la moue assassine se profilant sans équivoque sur son visage de petite peste. « Gryffondor. Oh Orion… qu’allons-nous faire de vous ? »
La frustration a douceur de miel, la colère celle d’un nectar brûlant la gorge. Elle le boit du regard, tout guindé qu’il s’offre. Comme si elle ne le connaissait pas par cœur, comme si elle ne savait pas voir derrière la soudaine crispation le long de sa mâchoire ou la façon dont il s’astreignait à respirer plus lentement.
Elle ne l’a jamais connu que comme ça avec elle, drapé d’effroi, les jambes amorçant une fuite calibrée ou encore le rire trop grand et moqueur, les mœurs délirantes durant les fêtes de Livermony. Elle ne connait de lui que sa surface la moins reluisante et la moins appétissante.
Autant dire qu’elle le connait mieux que personne.
Il a de jolis cheveux se dit-elle doctement, un soupçon de ressentiment amer au bord des cils. Ce qu’elle veut c’est le bonheur de sa famille, l’éclat de l’ambition qui fait frissonner leurs membres et si pour ça elle doit épouser Orion Campbell, elle sacrifie volontiers ses aspirations plus sentimentales sur l’autel des grandeurs. « Tutututu… n’inversons pas les rôles ici, Orion. Ceci est ma question ne croyez-vous pas ? » Elle se fend d’un petit sourire qui se veut angélique. « Vous ne m’avez pas vraiment demandé ce que je ferai cette année. Un bon fiancé l’aurait fait mais je crois que nous nous accorderons vous et moi à l’idée que bon, vous ne l’êtes décidément pas. » Ni fiancé non plus. Elle s’abstient de le dire pourtant, roule l’affront sur sa langue comme un poison inévitable. « Vous avez décidé de me donner le mauvais rôle, je me trompe ? Pauvre Orion.» L’ivoire se découvre, l’ironie limpide au bout des quenottes. Pauvre Orion. Toujours la victime. Avec ses jolis vêtements, ses études payées par ses parents et son appartement probablement bien pourvu.
Pauvre petit Orion. Sa famille est si méchante avec lui.
« On contrôle ce que l’on veut bien se donner la peine de contrôler. Je pensais que vous le saviez. » Elle lui refuse dans une obstination légère, un sourire railleur au coin des yeux, le tutoiement afin de mieux graver une distance dont il est le seul responsable après tout. Elle le lui signifie de façon net qu’elle n’a que faire de son affection ou de son bon vouloir. Il a toujours été trop gâté de toute manière. Elle veut du respect et sa main. Ce n’est pas si compliqué, non ? Il était épuisant à se montrer récalcitrant comme ça !
Elle le préfère agité se rend-t-elle compte, que cette mascarade de froideur. « Cessez votre manège avant que l’envie de vous gifler me prenne trop au dépourvu. » murmure-t-elle les joues colorés du rose des défaites à venir. Elle lui en veut subitement, de l’obliger à venir jusqu’ici, de la contraindre à lui rappeler à ses devoirs. Ce n’est pas ce que font les fiancées d’ordinaire, elles nagent en plein bonheur, s’occupent à choisir des robes, à scintiller en société, à agiter leurs doigts serties de diamant…
Elle aurait aimé elle aussi avoir quelques semaines de gloire, quelques jours…
Athéna se redresse, le visage se lève, plein d’un défi souterrain. Il est charmant quand il ne parle pas. Il est d’une famille prestigieuse. Il faut savoir faire des concessions. Si ce n’est pour elle alors pour ses parents. Lui évidemment, c’est un homme, il n’est pas habitué à en faire. Il pense que tout est à sa guise et le sera toujours. Puisqu’il ne veut pas, au diable les conséquences pour tout le monde autour, n’est-ce pas ? Elle est injuste - bien sûr qu’elle l’est. Elle ne sait pas ce qu’il s’est joué derrière les hautes portes en marbre des Campbell, ce qu’il se joue encore. Elle ne devine pas les tourments et les mauvais traitements. Il ne lui en a jamais parlé.
Le gouffre s’étend entre eux, fait de ténèbres et de non-dits, la boue trop lourde pour leurs corps trop jeunes.
« Le thé est divin par ici et j'ai pu faire quelques boutiques, je vous remercie pour l'escapade, mais nous rentrons Orion. New York, San Diego… comme vous préférez. Mais nous rentrons. » Il y a de la maladresse dans son ordre, une accès de fierté qui tremble. Peu importe. Elle serre les poings le long de sa robe et le dévore d’un regard sans équivoque.