1er mai 2020
Fête du travail

Je ne savais pas pourquoi on devait fêter le travail. Après tout, le travail n’était pas un loisir. Ce n’était pas amusant de travailler.

Je sais. Je ne devais pas penser comme cela, car je voyais tous les jours des gens heureux ne forçant même pas leur sourire dans la rue. Des professeurs de classe à l’école primaire heureux de revoir leurs élèves, des ingénieurs fiers d’améliorer la vie de toutes et tous, des acteurs de théâtre jouant les spectateurs mémorisant leurs scènes pour se les rappeler encore et encore. Moi ? Moi, j’étais avocat. En quelques sortes, ce n’était pas un sot métier. J’aidais la population lorsqu’une injustice avait lieu. Je me forçais un petit sourire à cette pensée.

Blasé, je me laissais tomber sur le lit. J’étais encore habillé alors que mon regard regarda l’heure sur ma montre au cadran serti d’or, cadeau de mon père, à mon poignet gauche : 22 h : 00. Lentement, je me déchaussais et ramena mes jambes vers mon torse tourné vers la fenêtre. Je n’avais pas encore fermé entièrement le rideau et donc les lumières montrant l’activité nocturne de Londres me renvoyaient dans les yeux. Ce fut une grosse journée productive au cabinet, mais j’était fatigué. Si fatigué mentalement.

Fronçant les sourcils avec un petit soupir sarcastique, je savais ce qui me rendait si exténué en ce moment. Parfois, j’avais même envie de pleurer. Parfois, j’avais même envie de hurler. Pourtant, je ne faisais ni l’un ni l’autre. Je n’en étais incapable. Puis, je ne pouvais pas me le permettre. J’étais le digne et puissant héritier de George Kane. Dans quelques jours, sur ordre de celui-ci, je vais aux États-Unis pour rencontrer les membres dirigeants de « La ligues de fidèles de Salem ».

J’avais peur. J’avais peur de devenir ce monstre que mon père souhaitait pour moi. En réalité, ce n’était pas être un monstre. Je serais alors parfait. J’étais parfait maintenant. J’avais réussi. Malheureusement, cela ne me donnait aucun plaisir. Je l’avais fait alors ça devait me remplir de fierté, de joie. Enfin, je l’avais fait ! Pourtant, je n’avais que culpabilité, rancœur et peur en moi. Las, j’étais las de cette vie. Cette vie qui allait m’engloutir, faire de moi un être vil et sans empathie aucune. J’en avais si peur.

Moi qui avais peur de tuer et … Et …

Dans un geste brusque, je me redressais amenant ma tête entre mes jambes. Je me forçais à prendre de grandes inspirations. Pendant de longues minutes qui me furent bénéfiques, je ne pensais plus qu’à ma respiration. Puis, je me levais pour laisser ma veste sur le lit. Lentement, je me débarrassais aussi de ma chemise. J’allais, ensuite, à la fenêtre donnant sur la rue quatre étages plus bas. Le coude contre le cadre de la fenêtre, je regardais en bas. Je souriais à la vue d’une élégante jeune femme blonde promenant un magnifique labrador. Un instant, je pensais à me rhabiller et descendre pour aller lui parler.

Finalement, je me rendais compte de ne pas du tout en avoir envie. Je me détournais donc de la fenêtre, mon regard se posant machinalement sur le revolver argenté posé contre une table de chevet de mon lit. Tel un homme ivre, plutôt un homme fatigué, je retournais au lit et m’assoie lourdement sur le bord observant l’arme fatidique.

- Fut un temps que je rêvais à t’utiliser correctement, toi.

Murmurais-je d’une voix rauque avant de me coucher à nouveau sur le lit. J’avais envie de boire de l’eau, mais mon corps refusait de bouger. Machinalement, j’attrapais mon téléphone d’une main et pianota sur Spotify. Là, je tombais sur « Imagine » de John Lennon.

Alors, spontanément, j’appuyais sur jouer. Cela faisait longtemps que je ne l’avais pas entendu cette chanson, mais elle me fit du bien jusqu’à m’endormir.