The past is never where you think you left it
19 mai 2020 | White Thestral | Après-midi
Le bar était presque désert. En même temps un mardi en milieu d’après-midi, cela n’avait rien d’étonnant. Théodora était debout au fond du bar et avait réquisitionné deux tables. Elle y avait installé de grands tableaux sur parchemin qui ne cessaient de se modifier à mesure que la jeune femme leur en donnait l’ordre. Jetant de temps en temps des coups d’œil pour suivre l’avancement de la prise en compte de ses remarques, elle lisait d’une voix lasse la liste interminable de boissons données gratuitement aux membres de la Cosa Nostra. Certes, elle avait régulièrement elle-même profité de ce traitement de faveur mais certains grands gaillards avaient une descente très impressionnante. Une simple limonade grenadine l’accompagnait aujourd’hui. Pour manier des chiffres, mieux valait avoir les idées claires. Surtout depuis le retour d’Italie du boss.
Son bureau au garage aurait pu être plus pratique mais le faire au White Thestral lui permettait d’éviter de se déplacer avec tous les comptes du bar. Bien que peu de personnes s’en doutent, tous ces nombres contenaient de nombreuses informations sensibles, encore plus quand une mafia était en activité derrière. Alors en milieu de journée, quand le bar était vide, elle en profitait pour avancer dans ses affaires. Après une année à ce poste de comptable, Théodora était comblée. Elle avait réussi à se faire une place parmi la famille, à grand renfort de sourires enjôleurs et de travail bien fait. Elle commençait à avoir ses petites habitudes et dès qu’elle passait la porte du bar, il y avait toujours quelqu’un pour la saluer. Tout allait bien, dans le meilleur du monde.
Justement, un des grands gaillards qui vidaient les caisses par sa descente monumentale venait dans sa direction. Les manches relevées de la jeune femme laissaient voir son tatouage, la rose et le serpent. Précédemment appuyée sur la table, elle se redressa à son approche. « Théodora, t’as demandé à me voir ? » Les yeux bleus glacials de celle-ci se posèrent alors sur Tom qui l’interpellait, un bon mètre quatre-vingt-dix pour cent kilos. Malgré leurs différences évidentes de carrures, Dora n’allait pas hésiter une seconde à remettre les pendules à l’heure. « Tom… Effectivement. J’ai ici des notes de frais de toi et tes gars pour les dernières livraisons de bières. » Tom releva le menton et croisa les bras dans un signe de défiance. « Et alors ? » Théodora sortit les papiers et les parcourut un à un. « Que vous vous fassiez des déjeuners dignes de la Reine aux frais des Zabini passe encore, après tout faut que vous mangiez… » Elle s’arrêta sur une note en particulier, griffonné à la va-vite. « Mais que vous me fassiez passer de la coke pour un club sandwich, là ça m’énerve déjà un peu plus. » Elle lui déposa le papier devant lui tout en le fixant, attendant patiemment une explication ou une réaction. « Écoute Dora, on s’est peut-être mélangé dans le ticket, évidemment que celui-ci on aurait pas dû te le donner… » Les plus baraqués étaient toujours ceux qui craquaient les premiers. Elle soupira et retourna à ses notes, en rédigeant deux trois mots sur un parchemin. « Je te passe à toi et tes gars cette histoire… Mais uniquement pour cette fois Tom. Vous paierez vos boissons au bar jusqu’à avoir remboursé ce que vous devez. » Elle posa, agacée la plume et tendit alors le montant dont ils devaient s’acquitter. « Mais essayez encore une seule fois un coup comme ça, et c’est avec Luca Zabini que vous irez vous expliquer. C’est compris ? » Le ton de sa voix ne laissait pas vraiment de place à la discussion. Tom souffla de mépris tout en attrapant le papier mais ne se décida pas réattaquer. « C’est compris. » Un sourire cordial apparut sur les lèvres de la jeune femme. « Et je considère que tes gars sont sous ta responsabilité Tom. Ils merdent, tu sautes aussi. » La mâchoire de l’homme se serra de colère. Théodora sentait arriver les limites de son contrôle de soi. Elle mit donc fin à leur entretien. « Merci beaucoup de t’être déplacé. On a fini. » Il fit volte-face sans même un au revoir.
Bon, cette réunion-ci c’était plutôt bien passé. Elle espérait vraiment qu’il s’y tiendrait. Ils étaient tous une famille et parfois, certains faisaient des conneries. Alors quand ce n’était pas trop grave, comme 80£ de cocaïne, Dora laissait une petite chance à ceux qui merdaient. Elle épongeait un peu les petits couacs pour éviter que tous ne remontent à Luca, même si cela voulait parfois signifier de se mettre à dos pour un temps ceux qu’elle protégeait. Elle soupira et, d’un coup de baguette, reprit le fil de ses comptes. Même si la magie l’aidait bien, Théodora devait quand même s’y plonger et vérifier chaque ligne. Un travail long et fastidieux mais qui avait le mérite de ne pas laisser la place aux erreurs. Car tout était lié et que le moindre point ou la moindre virgule pouvait drastiquement changer le cours de ses comptes. Reprenant une gorgée de son diabolo grenadine, la jeune femme nota ensuite plusieurs chiffres.
Elyssa Rosier & Théodora Haig