C'était diiiiimanche ! J'avais éjecté le dernier client. Avec le sourire bien sûr et en me retenant de brailler un « On feeeeeerme! ». Dehors bon sang, je recevais mes copines. J'avais rangé mon bar et renvoyé mes employés après qu'ils m'eurent aidé à faire un brin de ménage, évidemment. Je n'étais pas certaine d'avoir envie de jouer les Cendrillons demain et puis si ça se trouve, je ne serais même pas en état de le faire. Bref j'avais installé une table, baissé les stores et j'avais aussi pris le temps de reremplir mon bocal de sucreries derrière le comptoir. Je pense que j'étais la plus fidèle cliente de chez Honeydukes, sans conteste. 

Et là maintenant j'attendais. Quand j'avais envoyé Archie, cette saloperie de hibou, distribuer mes invitations, je ne m'attendais pas à un non. Qui refusait une soirée entre copines ? Personne ! Oui j'avais un peu imposé la date et l'heure, mais si j'avais commencé à faire des concertations on y serait encore l'année prochaine. Donc pouf dimanche soirée poker. Je n'étais pas spécialement experte en la matière, mais le bluff, ça me connaissait bien. Et puis bon, on n'allait pas jouer aux petits chevaux non plus... Je n'étais pas très club lecture et un atelier crêpes, ça aurait plutôt viré au chantier nucléaire, oui même avec trois copines pour me surveiller... 
Parlons-en de mes copines. J'avais invité Livia bien sûr, c'était ma meilleure amie. Vous imaginez faire une soirée et ne pas inviter votre meilleure amie ? Ha ben si vous ne tenez pas à ce que votre vie vire au drame après, je ne vous le conseille pas. Nous étions amies depuis Poudlard, et pour moi elle était la preuve que l'amitié résiste à tout. Nous avions passé douze ans dans le silence le plus complet par ma faute et lorsque nous nous étions retrouvées, elle était passée au-delà de ça. Depuis je n'avais pas refait la même erreur, même si je continuais à lui cacher la vraie raison de mon départ après Poudlard. 
Ella, je l'avais rencontrée dans un bar où je travaillais en Pologne. À l'époque, elle était encore Auror et disons qu'on avait eu la riche idée de se lancer dans un action-vérité après la fermeture du bar. Ce qui s'est passé en Pologne reste en Pologne n'est-ce pas ? Bref, j'avoue que quand j'étais revenue voir Livia un soir il y a environ deux ans, je ne m'étais franchement pas attendue à la recroiser. Small world. Elle avait laissé tomber sa carrière d'Auror pour devenir prof. quel courage ! Au lieu de courir après les méchants sorciers, elle courait après des ados rebelles. À mon avis, c'était tout aussi sportif. Du coup on avait gardé contact. Par contre, j'avais vraiment un truc important à lui dire, genre un truc vraiment capital, mais impossible de m'en rappeler. Peut-être que ce n'était pas si important ?
Crystal ? Bah c'était pour la parité capillaire, après ça aurait fait trop de blondes dans le groupe quoi. Naaaaaaaan je déconne. Je l'avais rencontrée cet été, quand j'avais repris les Trois Balais. Bon au départ elle m'avait prise pour ma mère et sur le coup. Euh... vous le prendriez comment si on vous confondait avec votre mère ? Oui ben voilà exactement, cette tête là mi-horrifiée mi-perplexe, c'était la mienne il y a trois mois. Passé ce moment gênant, Crystal c'était une chouette fille. Elle m'avait refait un peu ma garde-robe et moi je lui avais fait découvrir quelques spécialités. De fil en aiguille - visez le jeu de mots pour une styliste haha - on avait bien sympathisé. 

Voilà on avait fait le tour de mes invitées et si une seule essayait de se défiler, ça allait chauffer. Ça ne me dérangeait pas de débarquer chez Gaichiffon ou à Poudlard et d'aller chercher mes potes par les cheveux pour ramener leurs fesses ici. 
Ella fut la première à arriver. Sa bouteille, oh ! Mais pour qui elle me prenait.

- Siiii, je l'ai juste mise de côté parce que par ici, c'est pas facile à trouver ton truc suédois.

Crystal entra à son tour. Et de deux ! Yeah ! J'étais aussi surexcitée que le soir de mon premier cambriolage. 

- Helloooo ! 

Bon la bouteille de Miss Bjornsson. Je grimpai sur le côté du comptoir pour atteindre les étagères du haut. Oui un « accio » aurait sans doute était moins acrobatique, mais qui allait entretenir ma silhouette avec toutes les sucreries que j'engloutissais ? Si dans un futur cambriolage, je restais coincée en passant une fenêtre, j'aurais l'air fine - Je m'épate toute seule de mes jeux de mots pourris...-  Je n'avais pas trop envie que le gros titre de mon arrestation soit « La célèbre cambrioleuse trahie par ses fesses ». Bref hop on attrapait la bouteille et c'était tout bon. Elle faisait quoi Liv ? Fallait quand même pas que j'aille à Poudlard, que je grimpe sept étages pour lui faire bouffer son télescope ?

Et voilàààà ! La dernière était arrivée. Ma Liv savait se faire désirer. En retard comme les stars. Pour une prof d'astronomie en même temps, les « stars » ça la connaissait... Comment ça elle s'était perdue en route ? C'est toujours tout droit de Poudlard à Pré-au-Lard, comment qu'elle avait fait son compte ? Et en plus elle me ruinait mon animation ! Non, mais ! Venez les filles, on buvait un peu et puis on allait jouer à la marelle devant le bar ! La dernière debout gagnait ! Comment ça notre réputation ? Ha oui c'est vrai. 

- Mais depuis le temps, tu n'as pas eu l'occasion de t'entraîner ? Protestai-je

Ella proposa alors de lui apprendre, tandis que je ramenai mes autres trésors du comptoir. Ha bah oui... Je savais ce que buvait ma pote suédoise, la bouteille ne suffirait pas pour nous quatre, et puis au moins on aurait du choix. Je m'installai entre Livia et Crystal et constatai qu'on ne m'avait pas attendue pour commencer à entamer la bouteille. Bien, les copines, bien ! On fêtait un truc et je n'étais pas au courant ? 

- Comme tu veux, oui ce sera sans doute le plus simple, répondis-je à Ella

Et une nouvelle rasade pour une blonde, un cul sec pour une brune. Bon c'était quoi ce concours de cul sec ? Ça va je n'étais pas la dernière des andouilles, non plus. Parce que là niveau ambiance, je n'avais pas trop l'impression qu'on allait passer la soirée copines de l'année. 

- Bon les filles, on enterre quelqu'un ce soir ou vous avez prévu de voir laquelle de nous est encore capable de faire de la corde à sauter sur le bar après dix verres ?

Non parce que bon, j'avais prévu franches parties de rigolades, papotages, accessoirement jouer au poker, boire évidemment, mais peut-être pas descendre toutes les bouteilles dans la demi-heure. Autant me le dire tout de suite si je devais préparer un éloge funèbre, parce que je n'étais franchement pas douée pour les discours et je détestais les enterrements. Oui bon personne n'aimait les enterrements, je sais. 

- Bon après si vous avez un cadavre roulé dans un tapis quelque part, aucun problème, je prends ma pelle et on y va, je serais une tooombe ! fis-je en m'esclaffant.

Ha bah il fallait bien quelqu'un pour détendre l'atmosphère, sinon dans cinq minutes on passait en mode réunion des dépressives anonymes. On était dimanche, en plus ! Elles avaient fait quoi de leur week-end pour que je pète dix fois plus la forme qu'elles ? Je me servis un verre que je pris le temps de déguster, moi. 

- Bon quoi de neuf à Poudlard ? Et les affaires Crystal ? Je t'ai envoyé une cliente la dernière fois d'ailleurs.

Ben oui, on n'allait pas se regarder dans le blanc des yeux pendant toute la soirée. On pouvait quand même jouer en racontant les derniers potins, non ? Avec tout ce que j'entendais derrière mon bar, j'avais de quoi alimenter plusieurs soirées, mais là en l'occurrence c'était les histoires de mes amies que je voulais entendre. Bon en espérant qu'aucune ne me replonge ma soirée dans une ambiance post-apocalyptique. Allez on faisait risette à tata Maggie et on jouait cette fichue partie de poker. 

Ha c'était parti ! Enfin, j'avais l'impression de ne plus être coincée dans un abattoir pour Hippogriffes. C'était pas compliqué de sourire ! Je ne sais pas, je ne les avais pas invitées à aller voir une pièce de théâtre ultra chiante qui racontait la vie d'une tarentule asthmatique. Comment ça, Livia n'avait pas le temps ?

- M'enfin vous faites quoi en salle des profs ? Vous n'avez qu'à organiser ça entre deux cours ! Tu demandes au vieux Grigou, tu dis au barbu blouse blanche de poser ses fesses cinq minutes, et hop avec Ella partie de poker! Tu vas voir dans trois mois t'es une pro.

Respect les profs, mais si c'était ça votre vie, vous ne vendiez pas du rêve. Courir après les élèves, non merci. Corriger des copies, pouh la la... pa-ssio-nnant. Ha oui non, mais je n'aurais jamais pu faire prof, la bonne blague... ça n’avait pas changé, ça n’avait pas changé... Il y avait plein de nouveaux profs cette année côté université, plein de nouveaux élèves etc etc... 
Quoi ? Je ne comptais pas enterrer ma meilleure pote aujourd'hui. À la rigueur Grigou... Bref je repoussai la bouteille de whisky vers Ella, et tendis un truc plus supportable pour le palais de Livia. Bon par contre, ce n'était pas parce que c'était moins fort, qu'il fallait boire plus et vite. C'était traître ce machin... 
Et finalement, Crystal avait bien vu la cliente que je lui avais envoyée. Ha ben tant mieux si je pouvais contribuer au business de mes voisins.

- Ha ben je comprends mieux où elle claque son argent, parce que moi à part me commander un thé sans sucre et sans plantes – de l'eau chaude quoi – elle ne remplit pas vraiment mon tiroir-caisse.

Bon quoi miser ? Ben des Gallions pardi ! Ou alors celle qui perdait, organisait la prochaine soirée. Voilà voilà. Les cartes défilèrent alors, tantôt de bons jeux, tantôt la victoire au bluff, et tantôt la défaite écrasante. Les verres défilaient aussi et je ne faisais pas vraiment attention ni à ma consommation ni à celles de mes copines. On était grandes non ? Chacun pouvait se gérer. Et comme tout le monde ne vivait pas trop loin, je ne m'inquiétais pas. J'aurais dû être plus attentive. Vu l'ambiance de début de soirée, ça aurait dû me mettre la puce à l'oreille. Mais non j'arrivais encore à être surprise devant les larmes d'Ella. Bon à moins d'avoir le quotient intellectuel d'une dragée surprise de l'autre Bertie, c'était évident que ce n'était pas le jeu qui la mettait dans cet état. Je reposai lentement mon verre, un peu décontenancée et jetai un œil à mes voisines. J'avais loupé un truc ou quoi ? Oh si c'était ça, nous avions toutes loupé un truc. Et quel truc ! Comment ça elle avait failli être maman ? Je crois que je compris à peu près au même moment que Crystal. Je jetai un œil inquiet à Livia qui avait vécu la même chose quelques années plus tôt, avant de reporter mon attention sur ma voisine d'en face. Ok, dis un truc Mag, n'importe quoi, mais ne la laisse pas comme ça. Je n'étais pas du genre à laisser tomber mes amies alors qu'elles étaient en larmes :

- Ella, je suis tellement désolée pour toi...

J'étais un peu à côté de la plaque. Je ne savais même pas qu'Ella avait eu un mec, encore moins que ça avait pu être sérieux au point d'en venir à fonder une famille. Il faut dire qu'avant de me réinstaller ici, je croisais Livia une fois toutes les trente-six du mois et Ella encore moins. Me moquant bien de la partie de cartes en cours, j'avançai mes mains vers les siennes dans le but de les saisir pour la réconforter.

Dans la vie, on ne savait jamais trop à quel moment tout pouvait basculer. Elle ne nous prévenait jamais cette garce. Elle nous enlevait des êtres chers quand on s'y attendait le moins et elle nous confrontait à nos erreurs absolument quand nous n'étions pas préparés. Ce soir était un de ces soirs où celle-ci avait décidé de me faire payer l'une de mes erreurs passées. Et non, je n'avais absolument pas prévu la scène qui allait suivre. 

J'observai Livia proposer son soutien à Ella. Bien sûr qu'elle serait la plus à même de comprendre ce qu'Ella traversait, et le fait qu'elle propose son aide me rassura. Je savais que cette douleur-là ne la quitterait jamais, mais si elle pouvait partager son expérience avec la Suédoise, alors je savais aussi qu'elle ne replongerait pas comme lorsque je l'avais retrouvée il y a six ans. Cependant mon sourire compatissant s'effaça de mes lèvres lorsqu'Ella bondit à mon approche. J'eus alors l'impression de passer dans une autre dimension. Chacun de ses mots me percuta avec la force d'un hippogriffe en furie. Je me liquéfiais sur place, encaissant ses paroles avec douleur. Les couleurs quittèrent mon visage, mon regard désemparé la suivit tandis qu'elle s'éloignait et je priai pour que tout ça ne soit qu'une hallucination. Un délire fumeux de mon esprit dû à l'alcool, bien que je sache ne pas avoir dépassé les limites. Je n'arrivais pas à intégrer ses paroles, je les refoulais refusant de croire qu'elle avait pu me faire ça. Mais la Suédoise n'en avait pas fini et elle poursuivit son réquisitoire contre moi. 

Oh non je ne rêvais pas. Mes doigts se serrèrent, et je n'osai plus regarder rien ni personne. Les mots restaient coincés dans ma gorge. Avait-elle la moindre idée de ce que j'avais vécu il y a seize ans ? Quand j'aurais dû être heureuse de porter la vie alors que je souffrais seule et perdue. Quand j'aurais dû me réjouir d'un des plus grands bonheurs de la vie et que je songeais à quel point j'étais pitoyable, coupable d'être une si mauvaise personne pour un être qui n'avait rien demandé. Avait-elle la moindre idée de ce que j'avais enduré lorsque j'avais dû prendre ce qui était pour moi la pire décision de toute ma vie ? 

Les mots de Crystal me parvinrent alors que je ne me remettais toujours pas de ceux d'Ella. Elle ne savait pas pour moi. Non bien sûr, personne ne savait à part Ella. Je ne me serais certainement pas vantée de ce que j'avais fait. Ella savait juste parce que je lui avais dit lors de ce stupide jeu en Pologne. A l'époque je m'étais juste dit que je ne risquais pas grand-chose à lui avouer ça et que je ne la reverrais sans doute jamais. Je n'avais jamais eu l'impression qu'elle m'avait jugée cette fois-là pour mon erreur et nous n'en avions jamais reparlé quand on s'était retrouvée. Le monde était petit et je l'avais pourtant bien parcouru. J'essayai de comprendre comment j'avais pu devenir le défouloir de mon amie. J'avais beau comprendre qu'elle avait mal pour ce qui lui était arrivé, j'avais beau savoir que l'alcool n'y était pas pour rien non plus, je lui en voulais. Je lui en voulais de me descendre publiquement avec ce pan de ma vie qui me rongeait depuis seize ans et je lui en voulais surtout parce que j'allais devoir affronter une autre de mes erreurs et que je n'étais pas prête à le faire. Car depuis tout ce temps, je n'avais jamais rien dit à ma meilleure amie. Je n'avais jamais trouvé les mots, ni le bon moment pour lui avouer ce qui m'était arrivé. Pas lorsque nous nous étions retrouvées et qu'elle devait affronter la perte de son propre enfant, pas lors de mes petites visites à droite à gauche, jamais parce que je n'avais jamais trouvé le courage de lui en parler. Et là à cet instant, je n'avais même pas le courage de tourner mon regard vers Livia. Je ne voulais pas y lire l'incompréhension ou la déception. Moi qui me réjouissais de cette soirée, j'avais juste envie de tout effacer, j'avais juste envie de ne pas avoir eu cette idée et j'avais juste envie que tout le monde parte.

De nombreuses émotions me traversaient en cet instant. Ma douleur et ma rancœur face aux reproches d'Ella, la honte vis-à-vis de Crystal, mais surtout la peur. J'étais angoissée à l'idée d'affronter ce qui allait suivre et je n'étais pas préparée. J'avais déjà abandonné Livia une fois à cause de mes erreurs et lorsque je l'avais retrouvée il y a six ans, je me souvenais déjà très bien ne pas en avoir mené large. Elle m'avait pardonnée, m'avait prouvé que l'amitié résistait même au temps qui passe, que l'amitié la vraie pouvait résister à tout. A tout ? Peut-être pas... Je lui avais toujours caché la vraie raison de ma disparition et peut-être avais-je un peu espéré ne jamais avoir besoin de lui dire. En six ans, c'était ce que j'avais fini par me dire. Que je n'avais pas besoin de nous faire du mal et qu'on pouvait continuer comme ça notre amitié. La vérité c'était que j'avais eu peur. J'avais eu peur qu'elle me juge, parce que je n'étais clairement pas fière de ce que j'avais fait. J'avais eu peur que cela brise l'image qu'elle avait de moi. Je n'étais clairement pas un modèle et elle savait l'électron libre que j'étais. Mais ça ? Est-ce qu'elle pouvait l'accepter ? Je ne savais pas. Ce que je savais, c'était qu'elle n'accepterait pas que je lui aie menti pendant tout ce temps.

En entendant mon nom, j'avais retenu mon souffle. J'étais mal. Non seulement elle apprenait ce que j'avais fait, mais en plus, elle l'apprenait de la pire manière qui soit. Au détour d'une soirée virant à la catastrophe. Est-ce que c'était vrai ? Sans la regarder, j'avais hoché la tête doucement. Le ton de sa voix me déchirait le cœur. C'était la descente aux enfers. Qu'allais-je bien pouvoir lui répondre ? J'étais submergée d'angoisse. La situation m'échappait. Je m'étais souvent retrouvée dans des situations périlleuses, jouant avec ma vie, mais là j'avais l'impression que c'était bien pire. Il n'y avait pas d'adrénaline exaltante, juste un stress et un désespoir contre lesquels je ne pouvais pas lutter. Ses mains claquèrent et je fermai les yeux, me mordant la lèvre.
Oh si, voilà bien toutes les excuses que j'aurais pu lui sortir. Bien sûr qu'elle aurait encaissé la nouvelle, peut-être pas dès mon retour, mais après oui. C'était surtout moi qui n'avais pu me résoudre à encaisser son regard par rapport à ce que j'avais fait. Maintenant c'était trop tard, j'étais mise au pied du mur et je n'avais plus le choix. J'étais incapable de stopper sa colère et ses mots me firent encore plus de mal que ceux d'Ella. Elle se sentait trahie et son jugement à elle, je ne pouvais pas le supporter.

- Livia, s'il te plaît... articulai-je difficilement.

Mais quoi ? Oui j'avais abandonné mon enfant. Est-ce qu'elle pourrait me comprendre un jour ? Cela semblait si mal parti. Les derniers mots de Livia m'empêchèrent de la retenir. J'avais merdé et je réalisai tout à coup que j'avais peut-être perdu ma meilleure amie. Une boule se forma dans ma gorge et je retins mes larmes. Ne valait-il pas mieux ne pas être mère plutôt qu'une mauvaise mère ? Une question qu'Ella n'aurait pas à ressasser. J'en oubliais presque sa douleur et la laissai repartir. Je relevai la tête vers Crystal qui me proposait son aide.

- C'est gentil, mais ça va aller.

Ce n'était sans doute pas la soirée à laquelle elle s'attendait. Ça allait me passer l'envie d'organiser des soirées copines pendant un bon bout de temps. Est-ce que ça allait aller ? Ce soir, j'allais laisser mes larmes couler derrière les stores baissés. Demain les habitués trouveraient porte close. Un petit écriteau informerait de la fermeture des Trois Balais pour deux jours. Mes employés auraient à leur réveil une lettre leur informant d'un petit congé bonus. Et moi ? Moi je serais loin à fuir comme d'habitude mes problèmes, à les noyer dans plusieurs verres et à me perdre dans mes travers.