Le tonnerre grondait toujours plus intensément, et le petit garçon tremblait de peur sous ses draps, les joues inondées de larmes. Il n’aimait vraiment pas les orages et, du haut de ses cinq ans, était tout à fait tétanisé. Il finit cependant par rassembler tout son courage et se leva, serrant son ours en peluche tout contre son cœur. Il marcha à pas de loups dans le couloir, s’arrêtant net à chaque nouvel éclair, enfouissant son visage dans la fourrure douce de son doudou. Finalement, il arriva devant la chambre de ses parents, poussa la porte, et courut jusqu’au lit, se faufilant sous la couette.

« Ne crains rien mon petit renard, ce n’est qu’un orage… » lui parvint la voix endormie de sa mère.

Pour toute réponse, il se serra tout contre elle, les yeux résolument clos. Une main fine vint alors se poser sur son crâne, caressant doucement ses cheveux.
« Il existe une créature magique très rare, qu’on appelle l’Oiseau-Tonnerre. Quand il se sent menacé, pourchassé, il crée dans son sillage orages et tempêtes, pour dissuader ses attaquants. Alors, chaque fois que tu as peur de l’orage, dis-toi qu’il s’agit simplement d’un Oiseau-Tonnerre qui vole au-dessus de nos têtes et cherche à se protéger. »
En écoutant l’histoire de sa mère, le petit garçon avait arrêté de pleurer, et la regardait à présent avec des yeux émerveillés. Il adorait quand elle se mettait à lui parler de créatures fantastiques, il avait l’impression qu’elle savait tout à leur sujet et cela le calmait instantanément.

« Alors… Si l’orage gronde, c’est que l’Oiseau-Tonnerre a pu se cacher ? Il est libre ?
-Bien sûr mon chéri. »

Il hocha légèrement la tête, satisfait. S’il y avait une personne en qui il avait toute confiance, c’était bien elle.

« Dors, petit Atticus. Demain tout ira mieux. »

Il ferma les yeux et se lova tout contre elle, sa respiration se faisant bientôt plus lente. Elle avait raison. Elle avait toujours raison…


Après le décès de sa mère, il fut décidé que Levi quitterait La Nouvelle-Orléans, ville dans laquelle il était né et avait grandi, pour rejoindre New-York, où son père travaillait en tant qu’Auror pour le MACUSA. Il n’y passerait que quelques mois, le temps d’intégrer Ilvermorny, où il passerait le plus clair de son temps. Si le deuil était une épreuve bien difficile pour n’importe qui, cela le fût d’autant plus pour le jeune sorcier, qu’on arrachait à ses racines après l’avoir privé de sa mère, pour l’enfermer dans un appartement sans réel accès à l’extérieur, avec pour seule compagnie l’elfe de maison qui s’était occupé de lui depuis sa naissance. Il aimait beaucoup Kaly, et elle lui offrit toute la compassion et l’écoute dont il avait besoin, mais il se mura dans un mutisme profond, incapable de fonctionner maintenant que la personne qui comptait le plus à ses yeux avait disparu. Il passait tout son temps à lire, des bestiaires principalement, à dessiner ou peindre les créatures qu’il rêvait de voir un jour, et à fixer le plafond blanc, se remémorant tous les instants qu’il avait passés avec sa mère…
Son entrée à Ilvermorny fut un peu mouvementée. De par son ascendance et son nom de famille, il fut la cible de très nombreux regards appuyés et de messes basses, alors même qu’il n’avait pas encore été réparti. Finalement, trois statues s’animèrent face à lui, celles du Thunderbird, du Horned Serpent, et du Puckwoodgenie. Il ne réfléchit pas bien longtemps et se dirigea vers la première, se remémorant cette nuit d’orage, la dernière durant laquelle il avait été terrifié par les éclairs. Puis vint le moment de la cérémonie de la baguette et il fut alors certain qu’il avait fait le bon choix, puisque celle qui le choisit était composée d’une plume d’Oiseau-tonnerre. Il n’aurait pas pu en être plus fier.
Dès les premiers instants, le jeune sorcier fut fasciné par la métamorphose. Sa mère était une sorcière très douée dans ce domaine et, selon les dires de ses professeurs, il suivait très bien son chemin. Mais son acharnement dans cette matière avait en réalité un but bien précis. Quand il était petit, et jusqu’à ses huit ans environ, il se souvenait avoir vu sa mère se transformer en animal, en un joli renard roux, plus précisément, d’où le surnom qu’elle lui donnait. Malheureusement, la maladie progressant, elle fut peu à peu incapable d’exercer ce pouvoir, et il ne revit plus jamais la renarde qu’il aimait tant. Elle était extrêmement douée, et il voulait lui ressembler en tous points. Dès sa deuxième année, il commença donc à rassembler tous les ouvrages qui lui seraient nécessaires pour accomplir une telle transformation, passant toutes ses soirées et une partie de ses nuits à prendre des notes, et à en apprendre le plus possible. Un jour, il serait lui aussi un animagus, il en était certain.
Les années passant, Levi affina son goût pour la métamorphose, mais trouva une vraie passion dans l’étude des créatures magiques. Il développa aussi un intérêt certain pour les potions, mais resta parmi les plus mauvais élèves de sa classe en défense contre les forces du mal… A plusieurs reprises, son père le réprimanda à ce sujet, lui hurlant que ce n’était pas normal de ne se passionner que pour des matières futiles et de délaisser la partie la plus importante de la magie. Désireux de plaire au seul parent qu’il lui restait, le jeune sorcier fit donc de nombreux efforts, mais ne parvint jamais que parmi les élèves moyens. Cela suffirait…
C’est finalement arrivé en Septième Année, après des années de travail, des mois et des mois de préparation et l’attente insupportable d’un orage qui ne venait pas, que Levi parvint à compléter toutes les étapes censées faire de lui un animagus. La transformation fut longue, douloureuse, et très solitaire, puisqu’il n’avait mentionné son projet à personne. Il crut devenir fou tant la douleur était atroce, mais il conserva son calme, sachant bien que la moindre action de sa part pouvait être extrêmement dangereuse. Finalement, il prit à son tour la forme d’un renard, et son cœur explosa de joie. Il avait réussi, il s’était hissé au niveau de sa mère. Et la forme de son animagus ne faisait que renforcer cette impression qu’elle avait toujours veillé sur lui depuis l’au-delà, comme elle le lui avait promis. Il choisit de ne pas déclarer ce pouvoir, gardant cet atout dans sa manche pour obtenir un peu de liberté lorsque bon lui semblerait.
Lorsqu’il fut diplômé, il décida de prendre une année sabbatique pour partir sur les traces de Newt Scamander, Magizoologiste qu’il admirait profondément. Il dut cependant, avant de partir, promettre à son père qu’il accepterait l’emploi convenable qu’il lui trouverait d’ici son retour. L’année passa à une vitesse folle, et Levi parcourut la plupart des pays du monde. Il fit des rencontres incroyables, observa des créatures qui lui étaient jusqu’alors inconnues, admira des paysages à couper le souffle… Puis revint brutalement à la réalité à son retour aux Etats-Unis, où il dut endosser un rôle d’assistant administratif pour un service quelconque du MACUSA. Il y passa les pires mois de sa vie, ayant chaque jour l’impression qu’on tentait de l’enterrer un peu plus. Il se démena donc pour trouver quelque chose qui lui conviendrait mieux, et fut engagé en tant qu’enseignant de Soins aux Créatures Magiques à Ilvermorny, sous le regard dédaigneux de son père.


« Tu vas avoir trente-cinq ans cette année, et ta vie ne ressemble toujours à rien. »

La famille Fontaine était réunie autour du dîner de Noël et, bien évidemment, Levi recevait les commentaires méprisants de son père. C’était le cas à chaque fois qu’ils se voyaient, d’où son absence à la plupart des réunions familiales. Le professeur se sentait bien plus épanoui depuis qu’il enseignait sa matière favorite, ce qui lui laissait également le temps, durant l’été, de voyager autant qu’il le pouvait pour explorer des pays qu’il n’avait encore jamais vus.

« Non mais vraiment ! Professeur… On n’a pas idée… Qu’est-ce que tu comptes faire maintenant ? Il te faut un travail plus sérieux. »

Il ne l’avait jamais vraiment aimé, n’ayant finalement pas eu le temps de le connaître plus que cela, puisqu’il n’était jamais présent. Mais à présent qu’il comprenait le mépris que son géniteur avait pour lui, qu’il comprenait que l’amour qu’il avait pu lui porter lorsqu’il était enfant s’était évanoui à la mort de sa mère, quand tous deux avaient perdu cette part de joie qui les animait… A présent, il savait que sa place n’était pas ici. Il avait postulé à Poudlard, école britannique dans laquelle sa mère avait été étudiante, pour un poste très similaire au sien, mais surtout très éloigné de ce pays dans lequel son nom de famille était bien trop connu, bien trop attendu. Il avait longuement réfléchi à tout cela, aux implications, aux conséquences, mais sa décision était prise. Aussi s’essuya-t-il la bouche, replia soigneusement sa serviette, puis fixa son regard dans celui de son père.

« Je pars. Et je ne reviendrai pas. Jamais. Prétends que ton fils est mort, puisque je prétendrai être orphelin. Après tout, je le suis depuis qu’elle nous a quittés. Ainsi je ne te décevrai plus, père. Merlin m’en soit témoin. »

Il avala la fin de son verre de vin, se leva, et quitta la pièce sans un mot ni un regard de plus pour cette famille qui n’avait jamais été la sienne et ne le serait plus.