Si les réceptions de ce genre n’avaient jamais été vraiment mon style de soirée de prédilection, je devais reconnaître, tout de même, que le Conseil d’Administration savait comment recevoir. Le bar était bien fourni, il y avait de la variété dans les différentes boissons. Il y avait même des alcools moldus et étrangers.
Bon, pas d’ouzo, évidemment, mais je ne m’étais pas attendu à trouver ma boisson préférée ici, ce n’était sans doute pas assez commercial… Ou alors c’était encore à cause de cette histoire de loi de l’offre et de la demande… Mais bref, le résultat était le même : je ne pouvais pas avoir cela ici. Cela dit, ce ne serait pas un problème, puisque j’avais quelques bouteilles chez moi.

J’avais pris la décision de rester près de la source, au cas où. Et c’est là qu’un jeune garçon souligna le côté ennuyeux de la soirée. « Il fallait s’y attendre… » Ce genre de soirée, en effet, n’avait pas grand-chose à offrir comme surprise. « Il faut espérer que ça se décoince après les discours politiques. »

Discours qui ne tardèrent pas, d’ailleurs, puisque je pus voir Meredith et son acolyte monter sur la scène pour soutenir le discours par leur présence. Je détaillais du regard les convives. Certains écoutaient attentivement, d’autres semblaient n’être ici que pour boire. Ou manger. En somme, peu importait, car quand on entendait les propos politisés des membres du Conseil… c’était difficile de croire à cette vaste blague. Je vidais mon Martini directement dans mon gosier avant d’en prendre un autre.
Mon jeune compagnon s’éclipsa alors pour aller faire un tour dans la foule et je m’accoudais au comptoir, le suivant du regard. Entre les mangemorts présents, les aurors qui n’étaient pas bien loin et cette ambiance un peu trop « chacun pour soi »… et dans ce genre de contexte, je préférais encore parler à un adolescent solitaire porté sur la bouteille plutôt qu’avoir à faire semblant d’apprécier la compagnie de certaines personnes.

Je vis clairement le jeune garçon parler avec un groupe, dont faisait partie Helios, puis ils revint bientôt, pour me demander ce que j’avais pensé de cette déclamation de conneries.

« Un discours politique. Il n’y a rien de plus barbant. » Et pour la suite de son questionnement, je lui montrais mon verre de plus près. « Un Martini rosso. C’est un vin cuit italien. Plutôt gouleyant… Le rouge et le blanc sont les classiques, mais il y a pas mal de variantes… et de cocktails.»

Je n’allais pas lui donner mon verre, mais puisqu’il semblait s’intéresser aux boissons, il pouvait bien en sentir un peu le parfum. Peut-être que c’était là un futur barman, après tout, en train de se découvrir une véritable vocation. « C’est une boisson incontournable. Il y a même un proverbe qui dit "No Martini, no party". »

A ces mots, je bus quelques gorgées de mon verre, pour ponctuer mes paroles. Si le discours n’avait heureusement pas été bien long, la soirée n’en était pas terminée pour autant.

Spoiler:

Elle ne voulait pas y aller. Alors qu’elle franchit les portes de l’enfer du cabaret où, semble-t-il, la soirée va déjà bon train à entendre le brouhaha ambiant, Nemesys ne peut s’empêcher de se demander ce qu’elle fout là, au lieu d’être avec sa fille… Sans compter que sa nounou aurait sans doute d’avantage profité de la soirée qu’elle, rigide dans sa robe de soie d’un rouge sombre. Boire jusqu’à plus soif, danser jusqu’au bout de la nuit… Très peu pour elle. Ce n’est clairement pas la promesse de petits fours ou de champagne à volonté qui l’a tirée de son cottage, perdu au milieu de nulle part, mais bien le devoir. Il n’y a que ça, dans sa vie, et sa vie, la pauvre petite, broyée dans la vie de sa mère comme elle, par autant de responsabilités. Elle essaie, Nemesys, de faire comprendre à Themis que les paroles tenues sont très importantes, puisque de la capacité à faire ce qu’on dit dépend l’être que l’on devient… Basiquement le contraire de ce que la vie lui apprendra, que les promesses n’engagent que ceux qui y croient… Ou pas.

Quand elle entre dans la salle proprement dite de la soirée, elle se dépêche de se glisser sur le côté pour passer inaperçue, plutôt que de rester dans l’entrée comme une idiote. Près de la porte, elle prend le temps de balayer la foule du regard, le visage de marbre, sa bitch resting face parfaitement en place. Nemesys a l’air aussi aimable qu’une porte de prison, même sans tirer la gueule. Murée dans le mutisme, ses yeux perçant parcourent l’assemblée à la recherche de têtes connues. Le fait qu’elle soit en retard est parfait pour ce qu’elle a à faire. Les gens ont déjà commencé à boire, ils sont moins vigilants. Elle repère donc, dans le désordre, Meredith Carrow, l’amie de son frère, et cette lie de sorcier de William Ombrage. Son frère est là également, et Julius est avec lui. Les sourcils de Nemesys se froncent brièvement à la vue d’un maintien qui ne lui dit rien qui vaille… Plusieurs élèves de Poudlard, sur la présence desquels elle s’interroge malgré tout, deux de ses subordonnés… Une belle brochette, beaucoup de monde…

Mais Nemesys n’est pas là pour niaiser, encore moins pour manger et certainement pas pour boire. Elle est discrète, quand elle se déplace dans la foule, passe, en fait, comme un fantôme, chacun étant déjà tout à sa discussion. Elle rejoint son frère et Julius, tournant ostensiblement le dos à l’assemblée pour que, d’aventure, si on venait à regarder dans leur direction, elle puisse conserver un rien de plus son anonymat. « Bonsoir Phobos. Bonsoir Julius. » Elle est sobre, comme toujours, quoique sa voix est légèrement plus douce quand vient le tour du jeune garçon. « C’est un plaisir de vous voir. » Le mot plaisir est sans doute exagéré concernant son frère. « Comment te sens-tu ? » Elle demande, à Julius, soucieuse de savoir comment le jeune homme récupérait de leur… escapade, sachant qu’elle-même, si elle ne gardait aucun stigmate visible grâce aux soins des médicomages, son mental en demeurerait marqué pour longtemps…

• La tenue de Madame
  
• Nemesys arrive, repère un peu tout le monde
  
• Elle se faxe dans la foule pour rejoindre Phobos et Julius, qu’elle salue
  
• Elle demande à Julius comment il se sent
  

Si la présence de certaines personnes m’exaspéraient d’ores et déjà, force m’était de constater que mon instinct n’appréciait que bien peu de voir mon filleul demeurer aussi longtemps près du bar. Helios s’étant acoquiné avec ce bon à rien de Grigori Dimitrov, je supputais que la soirée risquait d’être bien plus longue que prévu. Si au moins j’avais pu compter sur la présence de ma femme ou d’un ami proche, ça aurait facilité les choses, mais les mondanités n’étaient pas trop leur genre et je les comprenais amplement. Je n’attendais qu’une chose : pouvoir faire ce qu’il fallait, histoire qu’on n’ait rien à me reprocher, puis je comptais bel et bien filer à l’anglaise dès qu’une possibilité se présenterait à moi.
Et puis, Tobias et Amber étaient arrivés, eux aussi. Des visages qui m’étaient déjà bien plus sympathiques que ceux des deux pitiponks de service. Les enfants Towsen étaient toujours des jeunes gens agréables à mes yeux.

« Tobias, Amber… » Vu le côté très traditionnel de la soirée, je fis le baisemain à Amber. « Excellente soirée à vous deux également… »

Parmi le brouhaha de l’assemblée, je me sentais comme agressé par tout ce bruit disparate, c’était franchement désagréable et quelque peu gênant, aussi, lorsque le silence se fit au moment de l’entrée de l’Augurey et de Potter, pour le discours officiel, j’en ressentis un fameux soulagement. Je donnai alors mon bras à Meredith, pour rejoindre la scène en sa compagnie et me montrer galant. Etant plus grand que les autres personnes sur scène, je me plaçais derrière ma cavalière, avec l’idée, aussi, de ne certainement pas me mettre en avant plus que nécessaire.
Et même si le discours avait été écrit en collégialité lors d’une réunion, je n’allais pas prendre la parole. Je connaissais ce discours, j’en avais travaillé chaque phrase avec les autres, aussi profitais-je de ce moment pour observer un peu plus attentivement l’assemblée, sans lâcher la taille de Meredith.
Mon regard repéra Julius, évidemment, qui semblait tout à fait disposé à se faire remarquer… Et quand il vint près d’Helios et les autres, je songeai que mon filleul n’était clairement pas dans son état habituel. Il allait falloir remettre les pendules à l’heure avec lui…
Mais je vis bientôt la cheffe des aurors, cette chère Nemesys, rejoindre Juju. Cette femme faisait partie des collègues que je n’appréciais guère au Ministère et quelque chose me gênait dans le fait de la voir aussi proche de mon filleul. Allait-elle essayer de l’endoctriner ?
Il me semblait de plus en plus urgent de pouvoir rejoindre Juju et d’être là pour lui. Avec ou sans sa marraine, cela n’avait plus vraiment d’importance.
Le discours me semblait terriblement long, dans ce contexte, et quand il fut terminé, je me penchais vers Meredith, non sans l’effleurer au passage, pour lui murmurer quelques mots : « Je vais finir par rentrer avec Julius, je pense… »

Je ne voulais pas que mon petit bonhomme se fasse remarquer de façon négative, sachant pertinemment ce qu'en penserait Rodolphus... Et si Meredith ne m'accompagnait pas dans ma démarche, tant pis, j'interviendrais seul.

Spoiler:

Cette réception me semblait longue… terriblement longue… j’étais convaincu que faire les gorges de Samaria, à pieds, sans équipement ni magie et sans boisson, cela m’aurait semblé plus facile et plus rapide. Et pourtant, il y avait une fameuse descente à faire avant d’arriver au fond de la gorge… mais par la suite, c’était une véritable balade de santé… En tout cas, c’était d’une de mes balades favorites. Moins d’une journée de marche, la plage au bout du trajet… et ce petit bar-restaurant que j’appréciais et où, après le traditionnel jus d’oranges fraichement pressée de la sortie des gorges, j’aimais aller m’installer en terrasse pour manger un bon steak d’espadon, à n’importe quelle heure. Agia Roumeli était l’une de mes plages préférées, pour cela… et puis, il fallait garder à l’esprit, aussi, que cet endroit était moins prisé des touristes, puisque certains ne s’imaginaient pas faire la randonnée des gorges…

J’aurais donné beaucoup pour pouvoir être là-bas, en ce moment. En Crète, au cœur de ma patrie, de mon berceau… Mais j’étais ici, dans la grisaille du quotidien britannique. Il était clair, aussi, que ces derniers temps, j’avais du mal à trouver de la joie dans quoi que ce soit. Je n’avais pas beaucoup de possibilités d’être heureux, en réalité, et les occasions étaient bien rares pour moi de me réjouir. Et puis… quand je vis ma sœur venir auprès du jeune garçon et moi. Je n’avais pas très envie de passer la soirée avec Nemesys, parce que cela voulait dire que j’allais devoir à la fois faire bonne figure et rester ici un peu plus longuement que ce que je pensais au départ.

« Nemesys. » Je n’ajoutais rien de plus, je ne voulais pas faire semblant d’être heureux de la voir, alors que ce n’était pas le cas. D’ailleurs, elle s’intéressait plus à mon jeune comparse. Tant mieux.

Je finis mon verre de martini, après avoir laissé le garçon dénommé Julius en respirer l’odeur, puis je fis signe au barman de m’en servir un autre. Mais comme le jeune Julius parlait d’aller prendre l’air, je me sentis plus que partant pour cette idée. « Excellente idée ! »

Prendre l’air et partir loin de cet endroit. Ce serait sans doute bien plus agréable que de rester ici, dans cette foule. Je pris le martini que me tendait le serveur, le reniflai, puis je le portai à mes lèvres.

« Nemesys, tu comptes rester ici ou tu nous accompagnes ? » Être là, c’était terriblement ennuyeux et je voulais quitter ce lieu, je voulais voir autre chose et entendre autre chose. Si le discours était terminé à présent, cela ne signifiait pas que nous allions être libérés pour autant. Pas assez rapidement… ou en tout cas, pas à mes yeux. Au regard de ce qui se passait ici, la proposition du jeune adolescent me semblait être réellement la meilleure idée possible pour terminer au mieux cette soirée.
Je regardai ma sœur durant quelques secondes, puis j’avalai mon verre d’une traite. Je ne savais pas où cette décision allait nous mener, mais ce serait très certainement bien mieux que de rester ici à attendre que se passe je ne savais quoi.

Spoiler:

Une fois le discours terminé, j’avais envie de pouvoir analyser les différentes réactions, les diverses expressions qui s’étaient peintes sur les visages... j’avais donné la main à Meredith pour la laisser descendre après moi, comme le voulait la bienséance en pareille circonstance, et je lui avais fait part de mon intention.
Soirée du nouvel an ou pas, je n’appréciais que bien peu l’atmosphère qui régnait ce soir.

Nous avions travaillé depuis quelque temps déjà pour que tout soit parfaitement au point pour ce soir et il me semblait assez évident que quelque chose n’allait pas. Était-ce le fait que tant de jeunes gens aient répondu présents qui plombait l’atmosphère ?
En tous cas, je ne me sentais pas très à l’aise. Les applaudissements d’après le discours m’avaient paru un peu trop polis et frileux, comme si personne ne croyait que le Conseil d’Administration puisse jouer un rôle décisif dans l’avenir de notre monde. Nous étions pourtant bel et bien décidés à ne pas réitérer les erreurs passées...

« Meredith, j’aimerais connaître ton sentiment par rapport à tout ceci...» Il était important que nous puissions échanger, elle et moi, sur le sujet. J’avais besoin de son avis. « Pour ma part, je ne vais plus attendre bien longtemps. Je ne suis pas venu pour faire tapisserie et il semblerait que personne ici ne soit décidé à jouer le jeu. »

Je lui avais parlé à voix basse puis, comme pour souligner mon intention de quitter les lieux, je me calais une cigarette entre les lèvres, excellent prétexte pour sortir.
Je songeai déjà à emmener mon filleul en dehors de ce panier de crabes. Le pauvre petit semblait s’être réfugié dans l’alcool tant cette soirée était un fiasco à ses yeux. Je le comprenais, cela dit, puisque, sans avoir ce rapport à l’alcool, je pensais la même chose...

Je me dirigeai donc vers la sortie, non sans saluer poliment jeunes et moins jeunes convives, par pure politesse, avec parfois un sourire sincère adressé à des connaissances, comme Rose et les fils O'Malley, par exemple, ou l’ami de Meredith qui semblait veiller sur Julius...

« Pardon... Excusez-moi...» Moi qui n’aimais pas trop la foule, la fendre ainsi pour atteindre la sortie me conféra une bien mauvaise impression. Et, une fois dehors, je ne fus pas certain de pénétrer à nouveau là-dedans.
La fraîcheur extérieure me ferait du bien et me permettrait de me remettre les idées en place.

Je comprenais bien pourquoi mon épouse et mes enfants n’avaient pas voulu venir ce soir. A croire qu’Elianor savait, au fond, que ce genre de soirée n’allait pas me plaire. J’étais là par obligation et je m’emmerdais comme un rat mort, voilà la vérité.
Nous n’avions fait qu’une brève apparition sur scène, mais les murmures de l’assemblée ne trompaient pas. Et si des handicapés sociaux comme ce Grigori Dimitrov étaient présents, c’était bien la preuve que l’assistance était tombée bien bas. Un sang-pur, certes, mais la pureté n’avait jamais été gage d’intelligence ni de savoir-vivre. Lui et Helios formaient la paire, très clairement.

M’appuyant contre le muret, j’allumai ma cigarette et je pensais à mon épouse. Que faisait-elle à cette heure-ci ? J’espérais que ce n’était pas trop tendu entre elle et Septima... car ces derniers temps, l’ambiance n’était pas au beau fixe entre elles...

Spoiler:

Si ce n’était pas toujours la folle entente entre mon frère et moi, je pouvais être sûr que dans un environnement comme celui-ci, nous pouvions tous les deux nous comporter comme des adultes. D’ailleurs, la partenaire de Sean arrivait à le canaliser quand il était vraiment de mauvais poil… je ne voulais pas chercher les ennuis, aussi avais-je plutôt fait preuve d’une certaine politesse à son égard, mais sans aller le voir de trop près.
Au bar, donc, je pris un autre jus de pommes, après avoir salué Soledad et ses deux amies. Et, déjà, l’une des deux comparses de la Mexicaine me demandait qui j’étais… Elle avait l’air d’avoir une sacrée assurance… à côté d’elle, je devais faire pâle figure. Mais ce fut Soledad qui prit les devants, en me présentant. Elle m’ôtait là une épine du pied car, entre nous, je ne savais pas comment je devais me présenter aux amies de la sorcière…

« Enchanté, Ludivine et Maxime ! Vous formez une belle équipe, toutes les trois ! »

En fait, si j’avais été un peu plus sûr de moi, si j’avais été quelqu’un d’autre, peut-être que j’aurais pu être du genre à essayer de draguer un peu… mais j’avais bien trop de respect pour la féminité et je trouvais que la drague avait quelque chose d’assez surfait.
Maxime s’éloigna rapidement, après avoir subtilisé le verre de Soledad, ce que je ne manquais pas de remarquais.

« Tu veux un autre verre ? Et vous, Ludivine ? »

Je ne savais pas trop si je devais tutoyer ou vouvoyer les amies de Soledad, à vrai dire. Rien que cela, ça me posait pas mal de questions.
Et comme le discours commençait, j’écoutais d’une oreille attentive le programme de ce fameux Conseil d’Administration. Il y avait quelque chose à la fois de merveilleux et d’étonnant dans cette alliance… mais il était difficile de prédire l’avenir de tout ceci… En effet, la divination n’avait jamais été un de mes talents.

« Pour ma part… je trouve que c’est une belle tentative d’unir la population… Et puis, la présence des deux partis est contrebalancée par la neutralité du cinquième élément… » Qu’il s’agisse de l’Augurey ou de Potter, au fond, tous deux s’étaient adjoint deux représentants de leurs causes respectives… et le sorcier neutre qui venait en plus dans tout cela devait jouer un rôle essentiel dans pas mal de prises de décisions.

« Quand je vois comment Meredith Carrow gère l’université et quand je sais que ma mère est amie depuis bien longtemps avec Ombrage, je me dis qu’il doit y avoir du bon dans tout cela. »

Je n’étais pas certain que tout le monde allait partager ce point de vue, mais il était clair que les sujets politiques pouvaient toujours diviser. J’en étais conscient, mais c’était un sujet d’actualité et si ce n’était pas le moment de le faire, alors je ne savais pas quand se présenterait une occasion d’en discuter.

« Qu’en pensez-vous ? » Etant plutôt neutre, j’avais tendance à voir le positif des deux côtés, tout comme le négatif. Et mon côté plein d’espérance pour un monde meilleur ne pouvait s’empêcher d’imaginer que ce Conseil pourrait vraiment changer les choses. Je vis William quitter la salle et je lui rendis son sourire.

Sans aucune surprise, l’accueil de Phobos est glacial… N’importe. Nemesys n’est venue le saluer que par politesse, et aurait sans doute feint de ne pas le voir sans la présence de Julius à ses côtés. Julius dont les salutations ont l’air… Enivrées. Elle est entraînée, Nemesys, et la couleur du liquide dans son verre ne laisse aucune place à l’imagination. Elle fronce les sourcils, visiblement extrêmement contrariée. Avec la délicatesse de celle qui n’y touche pas, sans brusquerie, elle vient prendre le verre des mains de Julius, et le repose sur le plateau d’un serveur ayant eu la bonne idée de passer par-là. « Tu aurais moins chaud si tu buvais d’avantage d’eau. » Elle assène, péremptoire. Elle sait, pour les avoir vus, que son parrain et sa marraine sont présents. Ne voient-ils dont aucun mal à ce qu’un garçon de son âge s’enivre ?? Qui a jamais dit « Non ! » à ce garçon ? Qui l’a jamais élevé ? La colère, viscérale, qui couve en Nemesys comme un dragon veillant sur son or, la fait sensiblement pâlir. Un sceau d’eau froide vient d’être versé sur le sommet de son crâne, achevant d’éveiller totalement ses sens. « Il faut que nous ayons une conversation, jeune homme. » Elle sermonne Julius. Impossible pour une femme comme elle de laisser l’adolescent s’en tirer à si bon compte. Bien sûr, elle le connaît, et par conséquent, ne compte pas lui crier dessus… Mais elle le sait aussi très intelligent, et donc a besoin de comprendre pourquoi ce jeune garçon a besoin de boire… Et craint que leur… escapade, dans les geôles du Blood Circle très récente ne l’ait bien trop profondément ébranlé.

A la proposition que fait le Serdaigle enivré, proposition soutenue par son frère, Nemesys jette à ce dernier un regard incrédule. « Je viens. Mais avant que tu ne danses jusqu’au bout de la nuit Julius, toi et moi devons parler. » Elle pose, avec la fermeté de quelqu’un qui n’en a strictement rien à faire de casser l’ambiance. Elle est comme ça, Nemesys. Elle dit les choses, sans doute au pire moment, mais elle refuse de se croiser les bras pendant qu’une scène surréaliste a lieu sous ses yeux. Not under my watch, comme diraient certains. Elle, elle n’a pas de verre, et n’en prend pas. Elle n’est absolument pas venue pour ça, et c’est visiblement toujours contrariée qu’elle suit le jeune homme et son frère vers l’extérieur. Elle n’est venue que pour rester dans cette salle et être prête à répondre à la moindre tentative agressive du Blood Circle. En place et lieu, elle se retrouve à devoir materner un enfant duquel on lui a refusé l’adoption, sous la complaisance de ses tuteurs… Nemesys enrage, non pas de devoir s’occuper de Julius, mais de la tournure de cette soirée qui aurait eu une toute autre tête si elle avait pu être proactive, et qu’on l’avait laissée faire ce qu’elle voulait.

Le trio à l’air libre, l’Auror laisse au serdaigle quelques secondes de répit pour lui permettre de respirer l’air frais, et de reprendre une contenance… Mais elle ne laisse ni à lui, ni à Phobos, l’occasion de digresser. Elle attaque. « Julius… Qu’est-ce qui t’arrive ? » Dans sa voix, autant de colère que d’inquiétude, un ton qu’il a déjà pu l’entendre employer pour réprimander Themis quand elle veut jouer avec des choses qui pourraient la blesser. Nemesys est sorcière, Auror, femme… Elle est toute ses choses, mais elle est surtout une mère. Le bleu de ses yeux perçants sondant le jeune homme, il y a beaucoup de choses qui se bousculent à ses lèvres, qui menacent de sortir, mais elle les retient toutes… Le temps de laisser à Julius la possibilité de s’exprimer.

• Nemesys est très contrariée de la pratique de la saoulimancie par Julius
  
• Elle suit Julius et Phobos à l’extérieur
  
• Elle est dans les cordes pour commencer à sermonner Julius

Ma sœur était une rabat-joie. Ce n’était pas nouveau, mais bon sang, elle plaçait la barre assez haut pour n’être jamais égalée dans ce domaine. Parfois, je plaignais la petite Thémis... pauvre enfant, avoir une mère pareille, cela ne devait pas être drôle tous les jours.
Je commençais presque à avoir une forme de sympathie pour le jeune adolescent qui était à mes côtés, qui découvrait toute une gamme d’alcools sans doute pour la première fois... et voilà que ma petite sœur débarquait et décidait de ce qui était bon pour ce gosse.

Le discours avait pris fin et les conversations reprenaient, certaines abordant des sujets politisés, d’autres faisant fi du discours du Conseil d’Administration... La population sorcière présente à cette soirée n'était visiblement absolument pas concernée par l'avenir du monde. C'était assez dingue, vu la moyenne d'âge des gens présents... Qui, plus que les jeunes, pouvait être concerné par l'avenir, après tout ?
À vrai dire, je n’aurais pour rien au monde voulu la place de Meredith Carrow ou de William Ombrage. Le côté public de leur poste actuel allait à coup sûr les mettre tous les deux en difficulté, à plusieurs niveaux, car entre les journaleux qui allaient agir comme des paparazzis, leur ôtant ainsi toute vie privée, les gens qui allaient les juger et leur tourner le dos, il y avait de fortes chances que ces deux-là finissent par se retrouver bien plus seuls qu’ils ne le croient… Afficher ses idées, c’est se mettre d’emblée des gens à dos. Et, si je ne les connaissais pas dans la sphère privée, peut-être bien que j’aurais pu moi aussi les juger, mais j’avais plutôt l’impression de comprendre ce qui pouvait les motiver et qui allait, au bout d’un moment, les dégoûter de la politique.

D’ailleurs, pourquoi William prenait-il aussi rapidement la direction de la sortie, une fois le discours terminé ? Ce n’était pas vraiment le genre d’attitude que l’on attendait qu’un politicien qui vient d’accéder au pouvoir… Et Meredith qui le suivait aussitôt…

J’aurais bien laissé les choses aller comme cela, mais ma cadette nous poussa à sortir également, pour commencer à sermonner Julius. « Mais laisse-le faire ses propres expériences ! » A la voir réagir comme ça, on aurait pu croire qu’elle n’avait jamais été jeune, la vertueuse de service. « Comment veux-tu qu’il apprenne des choses si tu ne le laisses pas essayer ? »

A être trop rigide avec les jeunes, on les muselait pour qu’ils se révoltent mieux. C’était connu, pourtant. « On voit bien que tu n’as jamais eu à t’occuper d’adolescents ! »

Contrairement à moi, bien sûr. Mais je n’avais pas envie de me battre avec elle. Surtout que, vu sa place de cheffe des aurors, elle serait bien capable de faire appel à l’un de ses chiens de garde écervelés pour me remettre à ma place si tout cela allait trop loin à son goût.
Je reportais mon regard sur Mrs Carrow et son cavalier. Ils avaient visiblement besoin d’air, eux aussi.

Une fois que j’étais sorti, il n’avait pas fallu longtemps pour que Meredith me suive et me rejoigne. Comme si elle avait senti à quel point cette atmosphère me mettait mal à l’aise. Il y avait tellement de choses que j’aurais préféré faire plutôt que de devoir aller sur cette scène montrer patte blanche à tout ce petit monde…
Non, vraiment, très peu pour moi. Quand on avait plusieurs rôles à tenir, ce n’était pas possible de tous les assumer en même temps. Et cela commençait d’ores et déjà à mettre mes nerfs à l’épreuve. Mais ce n’était ni le lieu ni le moment pour dire ce que je pensais vraiment. Il était important de faire bonne figure, alors, sortir pour allumer une cigarette de l’herboriste, ça m’avait semblé être la chose à faire.
J’avais à peine allumé la mienne, que mon amie me rejoignit dehors et me fit passer à la fouille corporelle pour me prendre une cigarette, avant de me lancer ce genre de phrases dont elle avait le secret.

« Tu sais que je ne peux rien te refuser… » J’allumai donc la sienne, avant de me décaler un peu pour lui laisser de la place à côté de moi. « Désolé, je ne supporte pas cette ambiance. »

Trop de monde, trop de bruit, trop de… tout. Et pas assez de temps pour mener à bien les autres tâches qui m’incombaient. Ce soir, ma place aurait pu être auprès de ma femme… ou auprès de mes enfants… ou de mon filleul… Au lieu de cela, ces obligations mondaines et chronophages me poussaient à délaisser le reste, les choses vraiment importantes.

« Tout ça va me rendre fou, Meredith… Je ne sais pas si je vais tenir le coup comme ça. » Mieux valait sans doute lui dire la vérité d’emblée, même si ce fut à ce moment-là que Julius sortit, accompagné de Phobos et de l’auror en cheffe. J’eus un soupir de lassitude tout en rejetant la fumée.

« Tu vois, on ne peut même pas être là pour Juju… Et entre Phobos et sa sœur, ça a l’air tellement joyeux… L’année commence bien ! » Je pris la main de Mrs Carrow, comme un geste automatique. A vrai dire, j’avais besoin d’un contact et la texture de sa peau avait le don de me rasséréner quand c’était nécessaire. Au moins, commencer la nouvelle année en compagnie de Meredith, c’était bien mieux que de la commencer en courant après des membres du Blood Circle, même si c’était très certainement ce qui allait nous occuper sous peu.

Je tirais une autre bouffée sur ma cigarette et je plongeai les yeux dans ceux de ma belle amie. « J’ai l’impression que nous sommes les seuls sorciers à penser que le Conseil peut vraiment servir à quelque chose. Tu as remarqué le peu d’applaudissements, j’imagine ? On va droit dans le mur. » Et elle et moi, nous nous étions embarqués dans cette galère, sans penser un seul instant à ce que cela allait vraiment pouvoir changer pour nos vies. Nous avions beau y croire… si nous étions les seuls, cela ne pourrait pas fonctionner. La population sorcière n’était toujours des plus subtiles, mais il ne fallait pas non plus prendre les gens pour des cons.