« Rends-nous fières Thalia. Montre que la famille Carrow est forte et digne. N’oublie pas de relever la tête. Tu veux attirer les bonnes grâces des bonnes familles. » Oui, oui, oui. Je disais toujours oui sans rechigner, je me disais que c’était ce que je devais faire parce que j’étais encore jeune. Par contre, je me disais que quand mes études allaient être terminées j’allais pouvoir prendre mes propres décisions. Belle erreur. Je ne restais qu’une pauvre jeune sorcière qui ne savait pas se comporter dans le grand monde. Ces idées me répugnaient. Ces foutus puristes avaient tellement des idées arriérées. Ça m’avait pris du temps réaliser tout ça, mais c’était arrivé. Quand la réalisation s’est faite, j’ai perdu pied un moment, mais je me suis reprise en main. C’était la seule bonne chose à faire.

Jusqu’à ce que j’entre à Poudlard, je ne voyais rien de mal dans le style de vie de mes parents. Après tout, c’est tout ce que je connaissais alors c’était la normalité. On me disait que c’était important d’être entouré de sang pur et moi je disais oui. J’assimilais toutes les informations qu’on me donnait, je les analysais minimalement. Cependant, ça a changé lors de ma répartition à Poudlard. J’avais beau avoir ingéré les idées que mes parents voulaient me rentrer dans le crâne, leur ancrage n’avait jamais vraiment réussi. Je me posais trop de questions. Je ne comprenais pas pourquoi il y avait des différences entre moi et les autres. Si mes parents le disaient, c’est que ça devait être vrai. Pourquoi un homme aussi droit que Cyrus Carrow m’aurait menti? J’étais sa fille après tout. Ma sœur semblait bien gérer, alors je faisais comme elle. Si ma petite sœur le pouvait, moi aussi.

Quand je suis entrée en première année, j’ai commencé à me lier à mes compagnons de maison et je me suis rendu compte que le statut du sang ne changeait rien du tout. Il y avait des sang purs complètement cons et il y en avait des très biens, tout comme les mêlés ou bien les nés-moldus. Tout ce que m’avaient dit mes parents m’a semblé encore plus flou à partir de ce moment-là et les apprentissages que j’avais faits à la maison se dégradaient peu à peu. Quel était l’intérêt de faire ces distinctions? Mes parents ne réalisaient peut-être pas la situation, pourquoi pas? Ils avaient peut-être reçu les mêmes informations que moi et y étaient restés sans réfléchir.

Alors lors de mon premier été de retour de Poudlard, j’ai parlé à mes parents de mes compagnons de classe et des amis que je m’étais faits. Je m’attendais franchement à ce qu’ils soient contents pour moi vu que mon intégration s’était bien passée. Je m’étais amèrement trompée. Les noms de famille de mes compagnons n’étaient pas assez connus ou importants pour eux. Ils me posaient des questions sur d’autres étudiants et quand je leur ai dit que je ne les connaissais pas vraiment ou bien que je ne les aimais pas, ça a été la catastrophe. Mais où étaient mes priorités! Est-ce que je me souciais de la famille? Ou bien je me foutais de la solidarité des familles? C’est à ce moment que le déclic s’est fait, quelque chose clochait chez mes parents. Ils n’aimaient pas mes amis alors qu’ils ne les avaient jamais rencontrés. J’ai commencé à m’éloigner d’eux et de leurs idées étroites à ce moment-là. Je ne leur parlais que du strict minimum, tout le temps. Dans ma famille, il n’y avait qu’Hestia à qui je parlais. Il n’y avait qu’elle qui ne jugeait pas et surtout qui comprenait.

Elle semblait partager mes idées de temps en temps. Elle voyait la pertinence de ce que je disais, que le sang ne changeait rien. Je lisais en elle comme dans un livre ouvert. Par contre, elle n’était pas prête à le montrer autant que moi. Elle se gardait une réserve devant les parents et même en classe. Cependant, avec moi ses yeux s’allumaient un peu. Alors tout le long de ma scolarité, j’ai essayé de garder cette flamme allumée en elle. Nous nous couvrions toujours face aux parents. Je la couvrais dans ses expéditions pour trouver des plantes, surtout quand elle finissait par arriver en retard, et elle me couvrait quand je m’entrainais ailleurs. Nous avions toutes les deux nos petits jardins secrets et nous faisions tout pour qu’ils le restent. Nos parents n’auraient pas pu comprendre de toute façon. Ils étaient des reliques d’une autre époque qui n’avait plus lieu d’être. Ils voulaient redorer le nom que nous portions, effacer les erreurs qu’Alecto et Amycus avaient faites. Ils ne s’y prenaient absolument pas de la bonne façon. Je semblais malheureusement être la seule à m’en rendre compte. Ce n’était pas en restant collé à leurs idées puristes que notre nom allait reprendre sa couleur. C’était en les changeant.

Tout au long de ma scolarité, mes notes ont été excellentes, mais je ne rendais pas mes parents fiers. Hestia réussissait plus de ce côté. Pour Cyrus, je parlais trop fort, mes idées n’allaient pas dans le bon sens, mais il semblait croire que j’allais éventuellement rentrer dans les rangs. Après avoir terminé ma septième année, il s’est rendu compte que ça n’arriverait pas. Nous étions tous les quatre à table alors que l’été commençait et mes parents parlaient joyeusement de mon avenir sans se soucier de mon avis. Mon père avait quelques idées de fiancés pour moi et ma mère rêvait du jour de mon mariage. J’allais rendre la famille tellement fière. Pour ma part, je fixais mon assiette et réfléchissais lourdement. J’essayais de calmer ma respiration, rester impassible alors qu’ils parlaient en me considérant comme un joli bibelot. Et puis, mon cousin Faust était passé à la maison il n'y a pas longtemps et je l'ai entendu parler de sa femme de façon horrible. Elle était morte, tout le monde était courant et nous trouvions cela tous terrible. Mais lui, il ne semblait pas triste, il semblait trop bien géré la situation. Jusqu'à cette conversation, je le trouvais seulement froid. Là, il m'avait fait peur. Il s'était occupé du problème qu'il disait, tout avait été réglé et il pouvait continuer de faire ce qu'il avait à faire sans qu'il y ait de soucis...J'avais de la difficulté à y croire et cela pesait fort dans la balance. S'il lui avait fait ça à elle, qu'est-ce qu'il me ferait à moi. Je n'avais pas de vraies preuves, mais pour moi c'était assez. La suite, vous la savez, je suis partie. J’ai ramassé l’essentiel et j’ai passé la porte sans me retourner. Mon premier arrêt a été à Gringotts, j’ai vidé mon coffre et ensuite je suis allée me trouver une chambre pour la nuit pour me faire un plan de match.

Rien ne m’attendait. Les portes du monde s’ouvraient à moi. Pas de fiancé, pas de parents et un diplôme en poche, je pouvais faire ce que je voulais. Voyager était mon option la plus intéressante. C’est comme ça que je suis arrivée en Grèce quelques mois plus tard. J’avais voyagé un peu, m’imprégnant du monde qui m’entourait. J’avais envoyé deux hiboux à ma sœur, mais je n’avais jamais eu de réponse de sa part. Je me disais qu’ils avaient peut-être de la difficulté à me trouver alors je ne m’inquiétais pas trop. J’allais avoir de ses nouvelles un jour, elle allait me dire qu’elle comprenait, que j’avais bien fait de partir... n’est-ce pas? C’était l’esprit léger que je visitais la Grèce. J’allais où mes pas me menaient et, malheureusement, ils m’ont trahie.

Un soir, je me promenais au bord de la mer et je me suis mise à entendre un chant. Je ne comprenais pas vraiment d'où ça venait considérant que je me pensais seule et il n'y avait personne sur l'eau. J’étais clairement insouciante et c’est mon manque de jugement qui m’a menée où j’en suis aujourd’hui. Je ne sais pas ce qui m'a pris, je me suis avancée dans l'Eau, je savais que c'était là que je devais aller. C'est avec assurance que je me suis retrouvée à l'eau. La voix se faisait plus forte alors que je m'enfonçait. Le contraste entre l'air et l'eau était infime, elle était chaude et invitante. Alors que j'étais complètement immergée, j'ai vu une silhouette arriver vers moi à la nage. Elle était magnifique, les cheveux dorés en oréoles autour de sa tête, des traits fins et un sourire carnassier qui ne m'effrayait tout de même pas.  Elle m'a embrassée, le plus naturellement du monde et j'en ai apprécié la force. Jusqu'à ce que je ressente la douleur. Elle m'avait mordue et le sort en avait été scellé. Je pensais m'étouffer, l'eau s'est engouffrée dans ma gorge alors que la créature face à moi m'observaist, curieuse. J'ai saisi ma gorge alors que mes poumons me brûlaient. Ma peau se déchirait au cou, l'eau me brûlait. Mes jambes se sont fondues l'une dans l'autre et ont pris une couleur bleue très foncée, près du noir. La panique m'a saisie en comprenant ce qui arrivait. Je n'allais pas mourir, j'allais changer à jamais. Allais-je devoir rester sous l'eau jusqu'à la fin de mes jours. Je ne marchais plus, je nageais, sur place. La créature qui m'avait changée, la sirène, m'a prise par la main et m'a emmené au loin pour me montrer d'où elle venait, mais je ne faisais pas attention. Je la suivais en pensant à mon avenir. Qu'est-ce que j'allais devenir ? Comprenant clairement que je me foutais de ce qui se passait autour de moi, elle m'a ramenée près du rivage, pointant devant elle. Ensuite, elle est partie. La nuit étant complètement tombée, j'ai sorti la tête de l'eau pour vérifier que personne ne puisse me voir. Que se passerait-il ? J'avais une queue, je ne pouvais pas retourner sur terre. Le ciel était complètement noir, sans nuage et je me suis décidée. Personne ne verrait l'humiliation de toute façon. Je me avancée vers le rivage et arrivée complètement hors de l'eau après m'être trainée au sec, mes jambes ont repris leur forme normal. Je me retrouvais à moitié nue, mais je semblais à nouveau normale. Je suis allée ramasser une vieille serviette égarée pour m'en envelopper et retourner à l'auberge où je résidais depuis quelques jours.

L'instinct avait pris le dessus, mais rendue enfermée dans ma chambre, je me suis laissée aller à la panique. J’allais être dans la merde pour le restant de mes jours. Je me suis affalée dans mon lit en larme. Allais-je être coincée comme des lycans à me changer à la pleine lune ? Un regard par la fenêtre m'a permi de comprendre que ce ne serait pas le cas, ce n'était pas la pleine lune. J'allais avoir la paix de ce côté. Je me suis endormie en réfléchissant beaucoup trop. Le lendemain je suis restée enfermée à essayer de voir si quelque chose allait changer, mais rien n'est arrivé. Avec le temps, je me suis rassurée en me disant que c'était peut-être seulement du poison qui m'avait fait halluciner. Jusq'à la nuit, rien ne s'est produit alors je me suis dis que ça devait être ça, une hallucination, rien de plus. La journée suivante, j'ai décidé d'aller à la mer nager...mauvaise idée. La transformation s'est fait aussitôt que j'ai été à l'eau. J'ai alors compris, réellement. Je ne pourrais plus jamais nager sans nageoires. Je suis ressortie de l'eau à l'abris des regards et je suis repartie à ma chambre ramasser mes choses. Je devais partir. J'ai vagabondé pendant un bon moment avant de me rendre compte que je me sentais de plus en plus faible, j'étais malade et je ne savais pas ce que j'avais. J'ai essayé un paquet de remède magique sans avoir aucun résultat concluant. Le temps passait et rien ne s'améliorait. Un soir, alors que je me trouvais près de la mer Baltique, j'ai décidé de me mettre à l'eau pour réfléchir. Peut-être qu'une baignade pourrait me remettre les idées en place. Était-ce l'instinct qui m'avait poussée jusque là ? Je n'en savais rien, mais ça m'a probablement sauvé la vie. Aussitôt enfouie dans les flots, j'ai sentie mes forces commencer à me revenir. J'étais donc obligée de me baigner pour vivre. Il pouvait y avoir pire comme problème, je crois...

Ainsi, j’ai pu repartir sur la route. Je bossais à gauche et à droite pour gagner ma pitance et pouvoir avoir un toit de temps en temps. Le temps passait et je n’avais toujours pas de nouvelles de ma sœur, et ça commençait franchement à m’inquiéter. Je pensais qu’elle comprendrait mes motivations, ce que j’avais fait et qu’elle me pardonnerait mon départ. Mais je commençais à penser de plus en plus qu’elle était en colère. J’étais déçue, certes, mais je ne pouvais pas me retenir. Je devais penser à mon futur aussi. Mon temps à voyager un peu partout, à rencontrer des sorciers inconnus et surtout mon nouvel état m’ont permis de mieux me connaitre, de savoir ce que je voulais et qui j’étais et qui je voulais être. Je voulais défendre les pauvres, les incompris et les gens qui en avaient vraiment besoin. Avec mon nouvel état, je comprenais que ça pouvait franchement être difficile de vivre avec ça, on veut le cacher pour ne pas être discriminer. Ce n'est pas normal. Personne ne veut l'être. Je ne le voulais pas, moi, et je devais tout de même vivre avec. C'est ce que je voulais faire. En mars de l'année dernière, j'ai entendu ce qui se passait chez moi, les mangemorts, les conneries recommençaient. Connaissant le pedigrée de ma famille, j'étais convaincue qu'ils étaient mêlés à tout ça. Je ne pouvais pas rester les bras croisés et attendre au loin que tout passe. J'avais perdu assez de temps, je devais reprendre mon sérieux.

Je voulais faire une différence et surtout me distancier de la symbolique autour du nom Carrow. J’avais quitté ma famille depuis deux ans quand j’étais convaincue que je pouvais faire une différence. C’était ma chance de pouvoir atteindre mes objectifs et surtout de pouvoir revoir ma sœur. Je suis donc revenue m’installer au Royaume-Uni le temps de me réinscrire à l'école et d’y retourner. J'allais pouvoir revoir Hestia, m'expliquer et montrer aux autres que les Carrow n'étaient pas que les deux clowns qui se sont occupés de Poudlard il y a de ça une vingtaine d'année. J'avais donc repris les cours l'automne dernier et j'ai repris contact contact avec ma soeur, sans les retrouvailles larmoyantes que j'espérais. Le temps arrangerait peut-être les choses. Certaines, mais pas toutes.