D'un geste las, je joue de la zappette pour ce qu'il me semble être la soixante douzième fois de l'après midi. Les chaînes défilent et la cohérence des différents extraits n'atteint pas toujours mon esprit trop anesthésié par l'alcool. Ange est sortit tôt ce matin et n'a toujours pas regagné la maison, du coup je dois bien admettre que j'ai passé la journée à tourner en rond. Un soupir de lassitude franchit mes lèvres à cette constatation. Clairement, je m'emmerde. J'ai fait la loque depuis mon réveil et j'aurai bien besoin de me divertir un peu. Sur ces bonnes résolutions, je me lève avec quelques difficultés et je traîne les pieds jusqu'au frigo. Je sors une bière, je la décapsule et j'en bois aussitôt de longues gorgées. Mes pas me mènent ensuite jusqu'à la stéréo que j'allume à fond. Un peu de musique ne pourra me faire que gagner en motivation et les premières notes de
Rue d'la Soif se mettent aussitôt à hurler contre les murs du salon.
Tout en continuant de vider le liquide à l'intérieur de la bouteille de verre, je prends la direction de la troisième chambre, celle qui m'a été attribué à mon arrivée. Sur la porte est accrochée une affiche au slogan tape à l’œil
big up le Cornappeur ! qui m'arrache un sourire, chaque fois que je passe devant. Je contourne le lit et je tends la main vers la table de chevet, pour en attraper un petit plateau sur lequel se trouve tout un attirail. Après avoir fini le reste de ma bière, je m'active alors à la préparation d'un rail de coke. Mes mains s'affairent avec une minutie toute particulière à faire prendre forme à une jolie ligne poudreuses. Je me saisis d'un morceau de page de magazine enroulé qui me fait office de paille, je me le fourre dans la narine et je sniffe le tout d'une seule traite. Soupir de satisfaction. J'me dis que la soirée risque de s'avérer plus sympathique que prévu, finalement.
Une vibration tout à fait reconnaissable m'arrache à mes occupations. Je sors mon portable de ma poche pour jeter un coup d’œil à ce nouveau message. Putain Lyraë ... Sérieusement ?! Malgré moi, j'éclate de rire. L'euphorie commence déjà à me gagner, signe que je suis clairement en pleine montée. Et sans doute pas du tout apte à aller m'entraîner. Mais bon,
Madame sait bien que je ne lui refuse rien et je suppose que c'est d'ailleurs bien pour ça qu'elle se permet ce genre d'action à l'improviste. Je prépare un sac de rechange, j'enfile ma veste et mes lunettes de soleil malgré l'heure tardive, prêt à partir. Au moment de sortir, j'en profite quand même pour faire un petit détour par le réfrigérateur, histoire de prendre une bière pour la route. Après tout, on est plus à ça près.
Heureusement qu'il n'y a pas grand monde sur le chemin. Avec tout ce que je me suis enfilé, l'adrénaline a tendance à me faire appuyer un peu trop sur la pédale de l'accélérateur. Du coup, le trajet est plutôt rapide. Je fais crisser les pneus en arrivant à proximité du bâtiment et je manque d'emboutir la voiture située juste derrière, au moment d'effectuer mon créneau. En sortant, je manque de m'éclater la tronche sur le bitume. Ça va être beau, tiens. Mais bon, au moins j'ai une pêche d'enfer ! Je fais claquer la portière, plus par envie que par nécessité d'ailleurs. Puis je me dirige vers l'entrée du QG.
En arrivant à l'intérieur, je salue les quelques personnes présentes d'un
« Salut la compagnie ! » avec peut être un peu trop d'entrain, en vue de la tronche qu'ils tirent. Bon, en même temps faut les comprendre, j'ai plutôt l'habitude de me pointer en tirant la gueule qu'en me ramenant avec un sourire de gros débile. La transition doit pas être évidente pour ces abrutis. De plus en plus perché, je me rend aux vestiaires d'un pas presque sautillant. Au moment de retirer mes lunettes, j'me met à cligner des yeux comme un con face à la lumière trop aveuglante des locaux. Bordel, je vais vraiment, vraiment en chier ce soir. Ma main fouille dans la poche de ma veste à la recherche d'un paquet de Fisherman's à la menthe, j'en sors une pastille que je gobe aussitôt avant de me changer. Vêtu d'un jogging et d'un simple tee-shirt, je dois bien admettre que ces foutus entraînements font partie des rares moments où je suis obligé de ranger ma pudeur au placard. Mais bon, Lyraë a eu plus d'une occasion de voir la multitude de brûlures et de cicatrices qui courent sur ma peau. En plus de ça, je suis tellement défoncé que pour une fois, ça me passerait presque au dessus de la tête.
Quand je rentre dans la salle, la jeune femme arrive à peine. Aussitôt qu'elle ouvre la bouche, la provocation fuse. Je lui souris, amusé. Certaines personnes se seraient pris ma main dans la gueule pour moins que ça. Mais pas elle, je l'apprécie trop et puis en toute honnêteté, je me ferais dérouiller par ses soins en seulement quelques secondes.
« Je t'avoue que j'avais pas spécialement prévu de me faire éclater la gueule, ce soir. » Clairement pas non. J'étais même vachement bien parti pour m'enjailler tout seul dans mon coin.
En m'approchant un peu plus, je m'aperçois qu'elle est bien maquillée, pour une simple séance d'entraînement.
« Et toi alors ? Ton rendez-vous galant se serait-il mal passé ? » A mon tour, je joue la provoc'. Mais je suis tout de même un peu curieux de savoir. Elle est cool Lyraë. Dangereuse mais cool. Ça m’emmerderait un peu pour elle que sa soirée se soit mal passée. Mais pas le temps de tergiverser. Après tout, elle ne m'a pas fait venir jusqu'ici pour une simple discussion entre copines. Je me met en position, je monte ma garde et je tâche de me concentrer autant que me le permet mon état. Les choses sérieuses commencent.
Je tente de l'enchaîner avec un direct du droit et aussitôt derrière, un uppercut de la main gauche pour tenter de la prendre par surprise. Malheureusement pour moi, elle esquive le premier coup et arrête net le second. Trop vivace pour moi la demoiselle. Je recule d'un pas pour reprendre ma posture initiale. J'ai toujours pas les idées très claires et en plus de ça, je commence à avoir la bouche pâteuse. Je sens que je vais avoir franchement du mal à être productif, ce soir. Je respire un grand coup puis je tente de lui donner un fouetté au niveau du flanc. Elle stoppe l'attaque.
« Tu pourrais au moins essayer de me donner l'illusion d'avoir une chance de te foutre un coup ! » je râle, pour la forme. A nouveau, je tente ma chance. Avec cette fois-ci un chassé frontal au niveau des abdos.