On partait gagnant dans la vie toi et moi. J’entendais les cousins dire des “père”, “mère”, et leurs géniteurs leurs rappeler qu’un “bon sang-pur ne met pas les coudes sur la table”. Connerie. Toi et moi, on nous reprochait nos “papa” avec un sourire, on nous demandait de bien nous tenir mais dès que l’invité claquait la porte, on sautait sur le canapé. Nos vieux se sont planté sur notre éducation, elle n’avait rien de traumatisante. Notre mère, Ophelia, rêvait d’enfant et notre père, Elias, clamait ses ambitions pour secrètement désirer un foyer aimant qu’il n’avait pas connu. Des jumeaux pour célébrer une si parfaite union, c’était pas beau ? Hector et Marius, des prénoms forts pour deux héritiers.

Tu te rappelles les leçons du paternel ? Toutes ces simagrées pour qu’arrivé à Poudlard on sache déjà qui était qui histoire de se lier aux bonnes personnes. N’empêche, ça m’a servit de savoir qu’Emily Lestrange était allergique au chocolat. Un p’tit cadeau à noël et un sauvetage dans la foulée, elle m’a mangé dans la main tout le reste de l’année. Oh ça va, je t’entend d’ici me juger, fallait bien que je m’occupe, t’étais pas là. Car oui, t’étais pas là. Le plus prometteur des deux garçons, celui qui avait la finesse d’esprit d’Elias et le don naturel pour la mise en scène d’Ophelia, n’a jamais reçu sa lettre. Cracmol et, quand le mot fut dit, il y eu vraiment une cassure dans notre belle famille. Impertiblement, les étreintes de la mère se firent plus distante, le père cessa de t’inviter à nos leçons.

A Poudlaard, tu me manquais et je culpabilisais d’être là sans toi. Alors je me mis à vivre pour deux, je lis et mets en application tout ce que j’apprends, participais à toutes les rencontres mais ça ne me suffisait pas. Ce n’était pas assez. Alors je fis toutes les conneries imaginables et, déjà que c’était honteux qu’un sang-pur ne soit pas à Serpentard, mais en plus ce même sang-pur fait exploser les chaudrons de ses comparses avec la complicité de sang-mêlé.

Ah ! Le sang ! Tu sais ce que j’en pense, mais cette opinion n’était pas très visible. Notre père nous l’avait bien dit : être proche de ses rivaux, de ses ennemis, a plus d’importance que d’être proche de ses amis. Je passais pour le plus tolérant des sangs-purs alors que je n’avais pour ces nés-moldus et autres sangs impurs que du mépris. On s’est jamais leurré toi et moi, ils sont plus demeurés que nous. Mais les côtoyer me permettait d’en savoir plus sur eux, sur leurs habitudes… et, puis, j’te l’avoue, j’avais pris goût aux provocations. L’apothéose ? Prendre option étude des moldus. Père en fit une syncope mais ça valait le coup. Ah, les années Poudlard… que de souvenirs !

Mais toutes les bonnes choses ont une fin, un jour j’eus mon diplôme et toi un emploi. Alors qu’une merveilleuse carrière t’attendait dans une boutique de Pré-au-Lard, tout ce qu’un cracmol pouvait espérer de mieux en somme, moi j’intégrais le ministère. J’étais doué en magicozoologie et j’avais les nerfs solides et, même si j’aurai pu prétendre à un poste plus “côté”, je me fis un plaisir de rejoindre la Brigade. Je trouvais l’idée amusante, traquer des loups-garou, je ne prenais pas la chose très au sérieux - comme tout ce que j’entreprends, tu m’diras - mais… ouais, j’ai été mordu. Métaphoriquement, s’entend.

J’étais né pour ce boulot. C’était bourré d’adrénaline, je n’enquêtais pas sur des loups-garou, non, je traquais une proie. Chaque affaire était différente et c’était toujours une partie de plaisir. Hélas, comme à chaque fois, je finis par me lasser. La traque était belle mais la fin, toujours la même. A Azkaban, le vilain loup ! Tellement ennuyeux. Alors je me remis à faire comme à l’école : suggérer à mes collègues une fin différente pour ces loups. Il y eut des ratés, assez pour que me tailler une réputation de brigadier “borderline”, mais je finis par me perfectionner. Un, deux, cinq, personnes furent convaincus de s’en prendre à ma proie. Parfois ça ne donnait pas grand chose, parfois ça finissait dans des bagarres appréciables, mais dans tous les cas cela m’amusait. Convaincre les autres du pire était non seulement plus safe pour moi mais c’était aussi plus amusant, c’était un vrai challenge de pousser l’autre à embrasser ses plus viles démons. C’était un autre niveau que mes manigances d’élèves.

Il y eu le coup de trop. Tu as entendus parler de cette histoire un million de fois mais je recommence, tant pis. Nous avions arrêté 3 loups-garou, ils étaient prévu qu’ils soient transféré. J’étais accoudé dans un bar au fin fond de l’Afrique du Sud, à m’enfiler leur meilleur alcool, quand j’entendis des sorciers parler de “saccages” dans la ville avec une certaine véhémence. Un verre offert, un autre, les langues se délient et les esprits sont propices à accepter ce que je leur suggère. Ce fut presque trop facile de les convaincre d’attaquer du centre pénitentiaire pour se venger de ces fauteurs de troubles avant le transfert vers la prison. J’étais au première loge pour apprécier le spectacle… et c’est là que je l’ai rencontré.  Eurydice.

Une femme qui s’échappe de prison, qui me met à sa botte avec un sortilège impardonnable, une criminelle qui m’oblige au pire pour la sortir d’affaire… j’déconne, elle m’a obligé à rien mais elle y a cru. J’ai aimé la conviction dans son regard, l’absence d’hésitation à lancer ce impero, cela promettait un jeu nouveau alors j'ai joué à l'ensorcelé. Je ne fus pas déçu ! J’avais trouvé ma moitié. Mon âme jumelle. Séparé, nous n’étions que des sorciers, une jeune femme en colère et un homme inconséquent, on avait un penchant pour le pire, pour une profonde perversité mais ce n’était qu’un penchant. Ensemble, le pire ressortait et, inévitablement, nous basculâmes ensemble dans l’infâme. C’est difficile à expliquer, Hector, mais à ses côtés je me sentais vivant. On transformait chacune de nos actions en un jeu malsain et, un peu plus à chaque fois, je me sentais perdre l’humanité dont j’étais doté. A force de jouer avec la vie d’autrui, on finit par en oublier que l’entourage  est autre chose qu’un jouet.

Quoi qu’il en soit une enquête eu lieu sur l’attaque de la prison, je ne fus pas arrêté faute de preuves mais ma réputation, ajouté à de fortes suspicions, me fis transférer à l’association d’aide des familles de loup-garou du Ministère. Je ne tenus qu’une journée à écouter ces pleurnichards geindre que le monde ne les acceptaient pas telles qu’ils étaient. Pauvres chéris, pauvres loup-garou bien comme il faut. Mouais. Fallait vraiment être naïf pour y croire. Nouvelle vie. Je démissionne, direction une nouvelle aventure, avec toi cette fois. Tu ne pouvais laisser ton pauvre frère sans le sou ! Je te rejoins à Pré-au-Lard, dans la boutique Derviche et Bang. Tu m'avais aidé à avoir un job à mi-temps et c'était parfait. Les souvenirs qu'on s'est fait ! Une bien belle aventure qui pris fin à nos trente ans quand Eurydice eut une idée de génie.

Une agence matrimoniale, une arnaque bien ficelée aussi drôle que lucrative que je montais avec Eurydice. Étrangement, ça n’a pas plu à ma famille. Même toi, tu as trouvé que je devenais ridicule. Ça n’avait pas d’importance car c’était amusant et, ça marchait tellement, que j’ouvris nos services aux sorciers. Ils se moquaient mais ils furent quand même présent pour trouver l’amour de leur vie ! Ou un gosse pour épouser le leur, au choix.

J’aurai pu me calmer, ne garder ma nature de chasseur que pour servir les intérêts d’Eurydice mais l’Augurey nous appela et, comme les autres, les Bulstrode répondirent à l’appel. Nous ignorions alors qui se cachait derrière les Carrow mais cela n’avait pas d’importance, on ne demandait pas “pour qui” mais “quand”. Sauf que nous essuyâmes le mépris de nos comparses. Notre père fut humilié, comment osait-il se présenter alors qu’il avait un cracmol à demeure ? Alors que son fils avait été bafoué au ministère ? Alors qu’il côtoyait des moldus ? Qu’il vivait même avec l’une d’elle ?! La porte fut claquée et l’ordre sans appel : prouvez votre allégeance, ou vous serez comme ces traîtres à leur sang.

On partait gagnant dans la vie. Tu aimais ce boulot ingrat de vendeur, tu y avais même trouvé l’amour. Ma vie était folle comme je l’avais toujours aspiré, boulimique d’expérience que j’étais, épanouie dans mon indéfinissable relation avec Eurydice. Nous, nous avions notre bonheur mais nos parents ne pouvaient en dire de même. Un jour, il fallu faire un choix. Nous ou eux. Pendant trente ans ils nous avaient choisi, ils décidèrent pour la première fois d’être égoïste et ce fut au prix de ta vie. Comme tant d’autres cracmols tu fus offert à l’Augurey. Tu fus torturé par nos propres parents puis abandonné, car tu n’avais plus de cris à pousser. Il n’y eut pas de corps à enterrer, les photos furent brûlées, la pensine vidée de toi. Ils t’avaient tué deux fois, de corps et dans notre histoire.

Tu n’es pas un sang impur. Tu as le savoir, l’esprit éclairé, des sorciers bien élevé. Tu n’as rien à voir avec ces moldus ou ces sangs-de-bourbe… et quant aux traîtres à leur sang, à mes yeux ce qu’ils t’ont fait les rend tout aussi abjecte qu’eux. Eurydice veut la destruction des sorciers, ne t’inquiète pas, en haut de la liste il y a les noms de ceux qui ont précipité ta fin.