Un bal masqué… ce n’était pas la première fois que ce genre d’événement était organisé, mais c’était sans doute l’une des premières fois de ma vie que ma femme n’était pas à mes côtés pour une telle occasion. Avec elle, nous avions l’habitude d’enflammer la piste de danse en nous adonnant à des tangos et à des rocks endiablés… Mais Elianor était en voyage, auprès de sa famille, et je n’avais pu l’accompagner, pour des raisons professionnelles.
Mais le travail n’empêchait pas l’amusement, alors, j’étais allé frapper à la porte du bureau de Myrna plus tôt dans la journée, pour lui demander ce qu’elle avait prévu pour la soirée… Et, tel un farfadet facétieux, je lui avais lancé l’idée de nous rendre, elle et moi, au bal masqué, histoire de nous changer les idées de tout ce qui s’était passé ces derniers temps… j’avais même sorti l’argument ultime : j’étais prêt à lui offrir tout le jus de pomme qu’elle pouvait souhaiter.

J’avais envie de sortir, ces temps-ci, et une sortie avec mon amie, cela me manquait un peu, ces derniers temps, sans doute parce que la période était trop troublée pour penser à ce genre de choses… mais il n’était pas très bon pour le moral de rester enfermés dans un quotidien pareil. A ce rythme-là, on aurait tout aussi bien pu aller se coucher directement dans un cercueil pour gagner du temps.

Au final, je n’avais pas dû insister bien longtemps, et Mrs O’Malley avait accepté mon invitation au bal. Sur le moment, je m’étais senti comme à l’époque de Poudlard, quand j’avais quinze ans et que j’avais invité une fille pour le bal de Noël. C’était mémorable. En tout cas, j’en gardais un souvenir impérissable.

Mais cette fois, je n’avais plus quinze ans. Et ce n’était pas un crush que j’invitais, mais l’une de mes meilleures amies, depuis toujours.
Un bal masqué… Il y avait bien longtemps que je n’avais pas porté de tenue pour ce genre de soirée, alors, chez moi, j’avais dû faire quelques fouilles, pour mettre la main sur une sombre tenue encapuchonnée. En modifiant un peu mon teint pour le rendre plus blafard et en fonçant mes yeux, allongeant mes cheveux et laissant pousser une légère barbe, je me regardai dans le miroir. Ce n’était pas exceptionnel, mais je ne tenais pas non plus à faire les choses en grand… J’embarquai également un masque avec moi, pour le cas où, parce qu’un bal masqué sans masque, c’est comme la mer sans les vagues.

Avant de partir de chez moi, j’envoyais un hibou à ma femme, pour prendre de ses nouvelles et lui dire que je participais au bal avec Myrna, ce soir. Elie connaissait Myrna depuis longtemps, je savais bien qu’elle ne verrait aucun inconvénient à ce que nous y allions ensemble.

Et puis voilà, j’étais prêt, alors je transplanai pour me rendre auprès du lac de Ullswater, là où Mrs O’Malley allait me rejoindre d’un instant à l’autre.

J’observai un instant les lieux. Une décoration qui avait dû demander bon nombre d’efforts, tout à la fois fine et grandiose. Je repérai bien vite les boissons et je fus rassuré d’y voir le jus de pomme tant apprécié par mon amie.
J’eus un sourire. J’espérais réellement passer une agréable soirée, en bonne compagnie. De quoi se changer les idées et prendre du bon temps, en toute simplicité.

« Deux jus de pommes. » Je comptais bien présenter directement à Myrna sa boisson favorite, et pour l’occasion, j’en prendrais un aussi.

Un bal masqué. Un classique, pensai-je, tandis que j’enfilai ma longue robe de soirée. Même si je n’avais pas de cavalier pour la soirée, j’étais curieuse d’y assister pour comprendre un peu plus les coutumes de ce pays. Ce n’était pas la première fois que j’assistais à ce genre de soirée, même si d’habitude, mon frère n’était pas loin pour m’observer. Je ne m’étais pas risquée à savoir s’il y participait, ainsi, j’ignorais s’il serait présent. Mais la chance était de mon côté, ce n’était pas n’importe quel bal, celui-ci était masqué. J’osais espérer que mon masque suffirait pour passer incognito et ne pas craindre de potentielles conséquences. Mon masque était une arborescence de petites branches feuillues s’enroulant sur elle-même et formant des formes géométriques arrondies. Il camouflait une partie de mon nez et faisait ressortir mes yeux vert clair. Quelques bourgeons du masque avaient éclos pour dévoiler des fleurs blanches au niveau de ma chevelure lissée pour l'occasion et coiffée en chignon stylisé. Apposant les derniers petits détails à ma tenue avec ma baguette, je m’observais du coin de l’oeil dans le miroir et admirais avec un air satisfait mon travail.

Fin prête, je pris avec moi un sac vert clair, de la même couleur de ma robe et je me préparais à transplaner. Le lieu de cet événement était le lac où je passais la plupart de mes journées et j’avais pu observer depuis quelques jours une atmosphère électrique. Petit à petit, l’endroit s’était métamorphosé, dévoilant une salle immense et un extérieur chic. Quelques pas, je fus déjà sur les lieux et j’observais le changement. Mes yeux brillaient d’émerveillement, tandis que j’entrais dans la salle et que la mélodie résonnait dans ma tête. Je restais quelques instants subjugué avant de me servir un verre de champagne. Un tel événement méritait une boisson raffinée et c’est ainsi que je me baladais avec une flûte à la main. Le monde remplissait peu à peu les lieux alors que je me dirigeais vers l’extérieur. L’odeur des fleurs estivales émerveilla mes sens alors que mes yeux observaient les couples arrivés. Une part de moi était nostalgique et j’enviais ses personnes ayant trouvé ce sentiment si puissant qu’est l’amour. Je ne l’avais connu qu’une seule fois lors de ma troisième année et je pouvais encore sentir cette sensation agréable d’être au côté de cette personne. Seulement, ce rêve avait rapidement cessé, laissant place à une blessure béante et un triste surnom. Jamais, je n’avais pu goûter à nouveau les lèvres d’un homme. Jamais, je n’avais pris le risque d’être à l’origine d’une nouvelle malédiction.

Non loin de moi, deux jeunes discutaient, ils devaient avoir mon âge. Or, au moment où je les observais, la jeune femme perdit l’équilibre. Avec mes réflexes félins acquis à force de balades nocturnes, je la rattrapais à temps avec douceur et j’esquissais un sourire à son encontre. “Vous allez bien ?” L’une de mes mains restait par précaution au niveau de son bras. “C’était moins une. Dis-je avec un petit rire charmant. Le lieu n’a pas été conçu pour faciliter la vie des femmes en escarpin...” Je me sentais concernée, portant moi-même des escarpins hauts en guise de chaussures. Puis, poursuivant d’une manière plus polie, je me présentais à la jeune femme, tout en adressant un regard amical au garçon l’accompagnant. “Je m’appelle Ielena, enchantée.”

J’aimais beaucoup les sorties avec des amis, cela me permettait bien souvent de passer de bons moments, sans avoir à se prendre la tête, et sans avoir à réfléchir à dix mille choses en même temps...
Non, vraiment, une soirée détente, c’était ce qu’il fallait. Et comme tout était toujours mieux à deux, inviter Myrna était la meilleure idée qui m’avait traversé l’esprit.

Depuis le temps qu’on se connaissait, elle et moi, c’était comme si c’était naturel pour moi d’avoir pensé à elle pour ce soir. Un bal masqué, ça ne pouvait qu’être une belle occasion de passer une bonne soirée entre amis.

J’étais arrivé le premier sur les lieux et j’avais pris les devants en commandant deux jus de pommes. Et Mrs O’Malley avait fini par me rejoindre, m’abordant avec détachement, comme elle seule pouvait le faire.

« Myrna ! Ça me fait plaisir que tu sois là !» Vu qu’elle m’avait reconnu immédiatement, je supposais que ma tenue devait être bien pourrie... en tout cas, rien qui puisse me faire passer incognito.
J’embrassais mon amie.

« Tu as fait fort, ta robe est superbe ! » J’étais habitué à aider ma femme à choisir entre telle ou telle tenue, alors j’étais tout à fait capable de reconnaître lorsqu’une tenue était bien choisie... et bien portée.

Je tendis l’un des deux verres de jus à ma comparse et fis tinter nos verres l’un contre l’autre.

« Je ne te garantis pas de rester au jus de pomme toute la soirée...» Je pris une première gorgée de mon verre et je regardais un peu autour de nous.
Nous étions sans aucun doute les personnes les plus âgées ici présentes, mais je comptais bien m’amuser, comme le faisaient tous les jeunes gens qui étaient là également.

« J’espère que tu es en forme, j’ai bien l’intention de te faire danser ce soir !»

Je ne savais pas si mon amie était aussi motivée que moi pour le tango et le rock, mais j’espérais bien pouvoir enflammer la piste en faisant tournoyer Myrna au rythme de la musique...

Me penchant près de l’oreille de Mrs O’Malley, je lui murmurais quelques mots :

« Merci d’avoir accepté de venir avec moi... » En vérité, sans Myrna, je pense que je serais juste resté chez moi, peut-être que j’aurais bu comme un trou avant de tomber endormi dans le canapé du living de chez nous, celui en cuir de dragon, et j’aurais fini par me réveiller, seul, avec juste l’envie de me rendormir mais dans notre lit, cette fois. A moins que la solitude ne m’aurait poussé à sortir dans la nuit, en quête de l’une ou l’autre personne avec qui m’amuser... mais je détestais tacher mes vêtements avec le sang des moldus.

Je savais bien que je ne pouvais pas parler de tout cela à Myrna, elle n’aurait jamais pu accepter ce genre de choses, ne serait-ce que pour le simple fait que ma violence envers les moldus était une activité que je ne pouvais pas partager avec tout le monde.

Ce soir, j’avais opté pour une atmosphère bon enfant, le genre de soirée où il n’y aurait, en théorie, ni sang, ni violence, ni moldus... je songeais que pour l’instant, je pouvais me satisfaire de cette ambiance un peu plus saine et sereine que celle de mes soirées habituelles. Je savais bien que passer du temps avec Myrna faisait ressortir des aspects de moi-même qui ne surgissaient pas par eux-mêmes en n’importe quelles circonstances... c’était un peu comme si cette femme avait le don de me rendre plus doux, moins brutal, bref, des meilleurs côtés de ma personnalité.
Nous n’étions pas amis pour rien, mais je devais reconnaître que je me sentais, en quelque sorte, heureux d’être ici avec elle, pour toute une série de raisons qu’il m’était impossible d’énumérer.

À côté de la jeune femme, son compagnon avait réagi lui-aussi à sa chute et avait voulu lui porter secours. Malheureusement pour lui, j’étais plus rapide et il posa la même question que moi à la jeune maladroite. Après tout, il serait bien dommage qu’elle se soit foulée la cheville en cette si belle soirée. Elle me remercia tout en précisant les inconvénients d’être une femme. Un tel événement nécessitait qu’on porte une longue robe avec de hauts talons, ce qui était relativement embêtant pour se mouvoir et éviter d’être dans l’embarras. De mon côté, j’avais pris l’habitude de ce genre d’accoutrement, prenant même goût à être vêtue de la sorte, me sentant comme une petite princesse. Elle mentionna sa tentation de se rendre au lac du fait de sa vue imprenable, d’ici. Nymphéa, c’est ainsi qu’elle présenta, tout en me dévisageant. Je lui souris à mon tour, mais son ami s’adressa en une langue étrangère et à sa réaction, je sus qu’il ne s’agissait pas de compliments. Néanmoins, il finit par s’introduire, lui aussi. En lançant un regard l’un à l’autre, je vis un air de ressemblance et je supposais qu’il devait être de la même famille, voir peut-être même frère et sœur.

Nymphéa répondit à Kun, en usant cette fois-ci d’un dialecte qui m’était connue. Je ris à sa remarque, même s’il serait dommage d’abîmer une si jolie robe. Seulement, elle termina sa phrase avec deux mots étranges : Hakuna Matata. Qu’est-ce que c’était, une expression, un dicton ? Sur le moment, j’étais perplexe et cela n’empêcha pas la jeune femme de chantonner doucement la suite des paroles. Peut-être que c’était une musique connue en Angleterre, pensai-je. Or, elle se tourna vers moi, se plaignant d’avoir cette musique dans la tête depuis le début de la matinée et demandait à moi et à Kun si on connaissait le Roi Lion. Dans sa bouche, cela semblait évident de connaître cette chanson et sur le coup, je me sentais un peu idiote. « Je ne connais pas… Devrais-je ? » Autant avouer la vérité, j’avais envie d’en savoir plus sur cette chansonnette et ce titre. « Hakuu..na Matata ? » répétai-je plus bas, en prononçant les syllabes une à une et accrochant sur la deuxième.

Heureusement pour moi, l’attention de la jeune femme était volatile et se porta sur le lac. Je plissais les yeux, par curiosité et effectivement, il semblait bien avoir une barque et des personnes dedans. Sa question me fit sourire, tout en répliquant. « Personnellement, je n’ai pas envie de m’aventurer là-bas… Cela doit avoir un côté romantique, non ? » Je n’avais rien trouvé d’autres à ajouter, comme si j’étais une experte dans le domaine. Mon regard se dirigea vers la piste de dance à l’intérieur où des couples virevoltaient sur la mélodie jouée. « C’est beau à observer ! Certains semblent doués à se mouvoir au rythme de la musique. C’est votre cas ? » Je lançais un regard à Nymphéa et Kun. « Enfin, j’espère que tu ne t’es pas faite mal toute à l’heure, car danser avec une cheville douloureuse… C’est embêtant. »

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