Parfois, je me demandais comment il était possible que Myrna soit mon amie… nous étions si différents… Elle était douce comme un agneau, j’étais un vrai requin. Elle était du genre à prendre le temps de partager des tas de choses en famille, je n’arrivais même pas à dégager un moment pour emmener Marcus à la pêche à la truite. C’était une question d’organisation, sans doute, mais je n’y arrivais tout simplement pas pour l’instant.

Bien sûr, Eli’ serait contente de revoir Myrna et tant qu’on n’abordait pas certains sujets de conversation, tout pouvait très bien se passer. A côté de cela, je savais aussi qu’il me fallait toujours faire bonne figure, éviter de révéler à Myrna des vérités qu’elle ne devait pas connaître. Ce qu’Elianor me pardonnait par amour, jamais mon amie ne pourrait le supporter. Alors, je gardais enfouies en moi tout une série de choses qui m’avaient pourtant déjà valu quelques scènes de ménage.
Cela étant, puisque l’invitation était acceptée, je souris à Mrs O’Malley, avant de la faire tournoyer et atterrir dans mes bras. « On va rattraper un peu tout ce temps perdu… »

Disons que l’occasion de discuter était à saisir et que quand c’était le cas, je n’hésitais jamais. Parler du passé, en partageant un moment agréable, cela me plaisait beaucoup.
Je souris au souvenir de mon amie. Elle avait un an de plus que moi, et avec cette affaire de punition, notre premier bal commun avait donc eu lieu l’année suivante… le premier pour tous deux, mais à l’époque, je n’avais même pas envisagé une seconde de danser avec elle.

« Les préfets n’ont jamais été très humains, si tu veux mon avis… je pense que c’est même un critère pour les choisir, leur manque d’humanité ! » Priver des jeunes filles de leur premier bal, c’était aussi dégueulasse que de forcer un môme à nettoyer un chaudron encrassé au corail avec sa brosse à dents.
Après, elle me parla de ce qui suivit dans sa vie, bien sûr, la famille, les enfants… tout cela était bien beau, mais ça vous forçait à changer vos habitudes. « Les bals de Poudlard… je me souviens de McGonagall et de ses cours de danse d’un autre siècle… C’était difficile de ne pas rigoler du malheureux qui devait faire la démonstration avec elle ! J’avais peur qu’elle me choisisse… » Mais ça n’avait, heureusement, jamais été le cas. « Au début, je voulais juste passer la soirée en charmante compagnie… Avec les copains, on avait tout organisé pour que le bal soit suivi d’une petite fête dans la salle commune…» Mais nous, on avait l’avantage d’avoir un préfet qui faisait partie de notre bande.

Mais je ne m’attardais pas trop sur les détails, préférant écouter Myrna me confier ses inquiétudes… auxquelles je ne pouvais pas faire grand-chose. « Qu’est-ce qui s’est passé ?» J’ignorais cette histoire, mais j’espérais que ce n’était pas une idée de mes comparses. « Les gens ont peur, Myrna… Tout moldu est suspect… Le Blood Circle crée ce climat… »

Je souris à l’hypothèse de mon amie sur le fait qu’elle n’ait jamais été proposée comme candidate au poste de préfète…

« Trop humaine ou trop aimable… » La plupart des élèves qui finissaient préfets avaient un petit côté détestable, après tout, or, Mrs O’Malley n’avait rien de tel. « A moins que les profs n’aient deviné que tu serais plutôt du genre à aider les autres qu’à les punir… et ça ne leur plaisait pas. »

Je n’imaginais pas Myrna dans la peau d’un brave petit soldat obéissant à tous les ordres sans réfléchir. Certainement pas. C’était le genre de femme à vous pousser à remettre en question les éléments que vous teniez pour vrais jusqu’alors… qu’il s’agisse de règles ou d’idéologie, d’ailleurs.

La danser… oui, j’étais sûrement un des rares types de ma génération à trouver que cet art était particulièrement beau, tant il développait une osmose du corps et de l’esprit… C’était magique, cette communion des corps au rythme de la musique… J’adorais cela. « J’ai dansé, j’ai bu et la soirée s’est terminée d’une manière qu’il vaut mieux ne pas trop ébruiter… Tu te souviens de la petite Mary-Line Nott ? Certaines personnes ont le don de vous faire fondre. J’ai fini avec elle, ce soir-là… »

Ce n’était pas le plus glorieux de mes souvenirs, mais le fait était là. Et si nous avons fait des choses pas très scolaires, je gardais de cette fille le souvenir d’un moment tendre, presque avec un ange, mais elle était si jeune…

Quant au drame que vivait Myrna, au sein de sa famille, à vrai dire, j’avais un peu de mal à me mettre à sa place. Et tandis que nous dansions, j’essayais de m’imaginer la scène. Déjà, la fille de Myrna… Pas de pouvoirs à cause de son moldu de père, mais en soi, elle n’y pouvait rien. J’aurais aimé, parfois, être un tout petit lutin pour aller voir comment ça se passait. « Et on sait qui est ce sorcier ? » Difficile pour moi de prendre le parti des moldus, ce n’était même pas envisageable, à part sous imperium. « Tes enfants, ils n’ont rien ? » Face à un sorcier qui a perdu la boule, on pouvait s’attendre à tout, alors, je préférais poser la question pour ne pas découvrir cela plus tard.

Je serrais Myrna contre moi, comme pour un câlin, pour cette danse, ayant un peu délaissé le tango pour un rapprochement opportun en ces circonstances. « J’ai l’impression que le Blood Circle fait tourner des têtes un peu partout… Je ne sais pas ce qui se passe avec les frontières entre les deux mondes, mais rien ne va plus… » J’avais volontairement éludé la question concernant le fait de vouloir se battre contre ceux qui ne nous acceptaient pas, je ne voulais pas me fâcher avec Myrna. Surtout pas.

C’était une simple danse, un trio et pourtant, cela virait limite à la catastrophe. Les regards échangeaient n’indiquaient rien de bon alors que je venais de me rendre compte de l’identité d’une des victimes : Aidan. C’était étrange de le recroiser sous sa forme humaine et de marquer autant de distance. Je ne laissais pour autant rien paraître, affichant une mine conscrite et écoutant ma camarade s’excuser à nouveau. Seulement, la jeune femme avait perdu de son énergie en prononçant ses mots et je me demandais bien pourquoi. J’avais la mauvaise impression d’être au centre d’une histoire incommensurable. Devais-je pour autant être étonnée ? Pas vraiment, juste que le fait d’être nouvelle dans cette communauté expliquait pourquoi je n’étais pas au courant de toutes les rumeurs. Or, la surprise ne prenait pas fin alors que je mentionnai le fait de faire attention la prochaine fois. Je n’avais nulle envie de reproduire l’expérience ou pire, d’être au milieu d’une situation dégénérant. Mais Nymphéa n’en avait pas fini et salua la compagne d’Aidan. Elise ? La même Elise qui avait été ma camarade d’épreuves ? Mes yeux se fixèrent sur la jeune femme et en faisant un peu plus attention, je pus reconnaître certains traits caractéristiques malgré son masque. Je fis un simple hochement de tête à son encontre, n’ayant pas réellement envie de m’éterniser davantage sur cette scène. Je n’étais pas dupe, je percevais de la tension dans l’air.

Seulement, l’interrogatoire n’était pas fini et Nymphéa se rendit compte des familiarités entre moi et Aidan. Sa question fut en rapport avec lui et si je le connaissais. Je hochais simplement la tête alors qu’Aidan confirma et annonça son départ. Effectivement, c’était le bon moment, les gens autour de nous commençaient à s’intéresser un peu trop à notre histoire et cela me rendait mal à l’aise. Ainsi, j’attendis que le russe s’éloigne avec sa dulcinée, avant de préciser. « Nous avons été dans la même école, à Durmstrang et… Et c’est un ami proche de mon cousin, Dimka. » Que pouvais-je dire d’autres ? En dehors des escapades, nous agissions comme de simple connaissance sous nos formes respectives. Chacun pensant que son secret était bien gardé. Je pris une grande inspiration, avant de sourire à nouveau et de reprendre la main de Nymphéa et de Kun. « On continue ? » Le slow était enfin fini et la musique était une mélodie plus entraînante. J’essayais de guider mes deux partenaires de la meilleure des manières, même si je n’étais pas réellement habituée à danser en trinôme. Danser avait des bienfaits et sur le coup, j’oubliais le petit incident et me concentrant exclusivement au rythme de la musique. J’affichais une mine lumineuse, souriante et mettant de côté mes petits soucis.