Les choses changeaient à une vitesse pour le moins vertigineuse ces derniers temps. Poudlard avait été une sacrée planque lorsque Théo y réfléchissait. On ne peut pas dire que les élèves donnent particulièrement de fil à retordre. Oh il y en avait bien quelques-uns qui avait un abonnement semainier mais dans la grande majorité, il ne pouvait pas se plaindre, ça avait certainement été le travail le plus calme de sa vie. Néanmoins, loin de se reposer sur cela, il s'était investi pour l'ordre du Phénix, certainement un peu trop puisque les envies de justice, d'aventure et ce besoin d'action n'avaient fait que lui rappeler un passé important pour lui et pour finir, il y avait eu Soledad. Ah elle ne payait pas de mine la petite sorcière, très franchement au premier abord, difficile de se dire qu'elle allait se tenir à son propre engagement, qu'elle ne trouverait pas la tâche trop ardue, les missions trop dangereuses. Et pourtant, jour après jour, séance après séance, elle avait progressé. Est-ce que, sans le savoir, de par son attitude, sa persévérance et ses progrès indéniable, elle n'avait pas été la précurseuse de cette nouvelle vocation. Elle n’avait pas été la plus chanceuse, essuyant les plâtres d’une vocation à ses balbutiements et d’un formateur pas forcément compétent. Ah, ils pouvaient tous la remercier pour sa patience et son entrain, ça avait payé. Etant donné que Soledad n’avait pas fini en charpie à la moindre mission, Merlin soit loué, qu’elle était même devenue une super partenaire, son binôme même, Théo avait plus ou moins accepté de former d’autres personnes, oui même un moldu, chose qu’il n’aurait jamais cru possible mais il faut croire que les gens évoluent… un peu, pas trop quand même faut pas exagérer. Au final, la seule personne qu’il refusait catégoriquement d’entraîner demeurait Alcyone. Enfin ce n’est pas qu’il ne voulait pas en réalité, c’est qu’il se rendait bien compte qu’il n’osait rien lui faire, craignant plus que tout de lui faire mal. C’est sûr, c’était complètement débile, s’il ne fracassait ni sa meilleure amie, ni sa copine, les chances qu’il fasse mal à miss Greengrass était de 0% mais bon, c’était plus fort que lui.  En prime, lorsqu’il avait voulu la dégoûter de l’Ordre du Phénix et des missions, il s’était vautré comme jamais personne avant lui oh il avait bien failli causé leur perte à tous les deux, l’angoisse bonjour… et pas mal de culpabilité.

Fort d’une expérience enrichie par plusieurs personnes motivées et d’une volonté d’être sur le terrain et non pas de soigner tous les élèves malades de Poudlard, sans oublier le fait que ni Alcyone, ni Sélénya n’était sur les bancs de Poudlard pour l’année en cours, Théo avait rejoint les bancs des Aurors. Ah la nouvelle était très mal passée auprès de sa mère, pourtant ça avait bien commencé, lorsqu’il avait dit qu’il arrêtait d’être infirmier à Poudlard, elle avait annoncé avec soulagement, comme s’il lui enlevait une épine du pied enfin et elle avait même souri jusqu’à ce qu’il enchaîne avec le fait qu’il allait reprendre sa carrière d’Auror en main. Oh, étonnamment, plus d’enfin qui tienne, elle avait semblé dépitée, certainement une vieille crainte enfouie à l’idée de perdre son fils et même les paroles pleines d’assurances de Théo à savoir Il ne m’arrivera rien, je serais prudentne l’avaient pas convaincu puisqu’elle l’avait regardé en rétorquant que Sainte Mangouste était rempli de gens prudents, des gens prudents mais blessés… Merci maman pour le soutien et l’optimisme, ça fait toujours plaisir. Même si, en vrai, il la comprenait. Etre prudent, ça ne sauvait pas des vies, tout ne dépendait jamais d’une seule personne et il fallait accepter le fait que petit un, on pouvait être blessé à tout moment ou mort mais c’est tout de suite moins fun à penser petit deux, on ne contrôlait pas tout, même si on était préparé, petit trois, la peur qu’il arrive quelque chose aux autres par notre faute était une crainte avec laquelle tout le monde devait vivre. La peur n’empêchait jamais le danger Sauf pour Alcyone, Alcyone on peut l’empêcher d’être en danger en la gardant dans une tour, entourée dans du papier bulle et il fallait accepter que tout pouvait mal tourner. D’ailleurs, il ne fallait pas forcément se battre pour soi, plutôt pour le collectif.

Malgré les réticences de sa mère, mais aussi de Sélénya qui n’aimait pas spécialement le métier d’Auror pour l’absence que ça pouvait engendrer, Théo, comme d’habitude n’en avait fait qu’à sa tête. En même temps, c’était un peu sa vie à lui et c’était à lui de la gérer comme il l’entendait, sinon à 50 ans il allait finir par se réveiller aigri et se dire qu’il était passé à côté de ses rêves. C’est ainsi qu’il avait recommencé le métier d’Auror dans un monde qui avait totalement évolué. Ce n’était plus temps les mages noirs qui étaient traqués sans relâche mais le monde semblait s’être focalisé sur les âmes noires, le Blood Circle. Après, peu importe l’ennemi, la véritable tâche était de protéger la population magique… et non magique qui n’avait rien demandé – ça cette partie le motivait étonnamment un peu moins. C’est dans ce contexte, que très rapidement, il avait reçu une lettre d’une demoiselle suicidaire. Non mais déjà, par principe, un Gryffondor c’est suicidaire mais celle-là, elle finissait toujours blessé, franchement, il ne comptait plus le nombre de fois où il l’avait raffistolé. Et pourtant, pas une seconde, il n’avait envisagé le fait de refuser, déjà c’était flatteur de voir que même après des années d’arrêt en temps qu’Auror, quelqu’un voulait être formé par lui. En plus, maintenant, il savait comment former les gens je vous ai dit que Soledad c’était une excellente élève ? il avait donc accepté la présence de Kayla à ses côtés et, on ne peut pas dire que c’était la même Kayla que dans son souvenir, elle était plus calme, non pas que ça soit dérangeant, c’est juste qu’elle semblait peu convaincue d’en être capable par moment, comme anxieuse.

Bon, c’était tout de suite moins crédible comme façon de la percevoir quand elle entrait en scandant qu’elle était prête pour la mission, avec un titre tout nul, chef… Non mais chef, tout de suite et pourquoi pas votre éminence depuis qu’elle y était ? Théo attrapa le café qu’elle lui tendait et prit le temps de boire une gorgée, histoire de mettre un peu de suspens, parce que le suspens c’est toujours plus sympa pour commencer la journée. « Tu es reposée ? Tu es en forme ? Tu es motivée ? Bois ton café, installe-toi, c’est l’instant briefing. » D’un coup de baguette il empila tous les dossiers qui ne les intéressaient pas pour aujourd’hui. Il montra son écriture sur le dossier kaki qu’il avait précédemment dans les mains, écriture qui indiquait Besoin polynectar très mal écrit bien sûr parce qu’étant donné qu’il était le seul à se relire – bon et Kayla maintenant – il se foutait de bien écrire. « Je te propose qu’on fasse le polynectar après la mission parce que c’est long à faire, il faut attendre trois plombes et que les gens vont pas nous attendre 107 ans. On va se pointer à Westfield, officiellement on y va parce que les sorciers veulent montrer à la population qu’on est les gentils, que le Blood Circle sont les méchants, officieusement, je t’avoue que je préfère m’assurer que les Mangemorts, même s’ils sont très gentils en apparence, ne foutent pas le bordel. » Non parce qu’ils étaient spécialistes les loulous de toujours être là où on ne les attendait pas et l’Augurey avait beau prôner les moldus sont nos amis, Théo avait vécu dans une famille pro-mangemort toute son enfance, ça ne passait pas vraiment cette histoire. Il ouvrit le tiroir de son bureau et la lança à Kayla « Bien sûr, officiellement, cette mission ne nous a pas été donné non plus. » Le chef des Aurors n’était pas dupe peut-être, mais pas suicidaire non plus. « Ah et me demande pas comment j’ai récupéré ces cheveux, c’est une histoire longue et pas forcément intéressante. Tout te va ? Tu as des questions ? » anticipant la question la plus importante, il précisa « Oui, on a le temps de finir notre café. »

S’il y a bien un truc que Théo avait toujours détesté dans la vie c’était les briefings, c’était vraiment le truc le plus chiant au monde. Quoi qu’après une courte réflexion, le truc le plus chiant au monde c’était les soirées sangs purs organisées par sa mère. Alors ça, c’était le pire truc, autant quand c’était chez les autres, il pouvait toujours trouver un truc à faire ce jour là et dire qu’il n’était pas disponible, autant quand c’était chez sa mère, impossible de dire cela, ce serait une déclaration de guerre et il ne voulait clairement pas déclarer la guerre à sa mère.  Que Kayla aime les instants briefings, c’était à la fois incompréhensibles parce que ça voulait dire être assis sur une chaise à rien faire si ce n’est écouter et à la fois compréhensible. Les évènements du mois de printemps avaient changé la demoiselle et le fait d’avoir briefing ça voulait dire ne pas bouger, ne pas risquer quoi que ce soit, à moins que le Blood Circle débarque. Ça devait un peu être l’histoire de la vie de Théo que d’être là pour les filles ayant des démêlées avec le Blood Circle. Il n’y avait pas de solutions miracles en vérité, il fallait du temps, du temps pour que l’esprit guérisse et là où Kayla était remarquable, c’est qu’elle s’accrochait à la fille qu’elle était avant. Il aurait été certainement bien plus simple pour elle d’abandonner ce désir d’être Auror, de se dire que ça n’était plus vraiment elle et qu’elle en était actuellement incapable. Loin de se dire cela, elle faisait de son mieux pour réussir, même si bien souvent, dans son regard brillait l’insécurité.

Faire que des petites missions, ça n’aurait pas eu grand intérêt. Certes, il y aurait eu un effet pansement bien plus rapide mais elle n’aurait en rien été préparé au monde d’après ses études. Mieux valait-il, galérer un bon coup, être dépassé et manquer d’y passer, plutôt que d’avoir une Auror diplômée qui ne valait pas un clou et qui mettrait tout le monde en danger. Elle était en forme aujourd’hui, en voilà une bonne nouvelle parce qu’ils allaient partir en mission ! Bon, il dirait bien que normalement, ça ne devait pas être trop dangereux mais la dernière fois qu’il avait songé cela, ils avaient fini à l’hôpital avec Alcyone, donc le mieux c’était de ne rien dire du tout, ils verraient en temps et en heure.

Parler de Polynectar donnait visiblement à Kayla des envies de communiquer et il la regarda, essayant, difficilement de ne pas rire. La palme d’or du nombre de chaudrons explosés eh bah ça en disait long mais un record est un record et si vraiment ils ne s’en sortaient pas, ils seraient les premiers Aurors à balancer des chaudrons à un rien d’exploser sur leurs ennemis, il n’y a pas de petite victoire après tout. « Je crois que je vais investir dans des chaudrons, j’adore aider les petits commerçants à s’en sortir, ça tombe bien. » Elle faisait une bonne assistante pour découper les ingrédients « Crois moi Kayla, tu feras bien plus que de découper les ingrédients. » S’il fallait, ils feraient moins de missions histoire de rendre redoutable dans l’art de confectionner des potions, la petite Gryffondor. Il lui lança un regard amusé lorsqu’elle parla des histoires longues qui serait plus intéressantes que ce que l’auteur voulait bien le dire. « Sauf que moi, ce que je veux, c’est que tu restes éveillée. Si mon histoire soporifique te fait dormir sur le bureau et que je dois faire le travail tout seul, ça va vite m’embêter. » Au moins, elle n’avait pas perdu de sa curiosité et c’était une très bonne chose. « Pour être tout à fait sincère avec toi, je ne suis sûr de rien mais il semblerait qu’ils prédisent une attaque. Lorsque l’on met des Mangemorts avec des Moldus, ça fait rarement bon ménage. » Il aurait bien dit lorsqu’on met des sorciers avec des moldus mais, il y a des propos qu’il valait mieux ne pas tenir en présence de n’importe qui, même si Kayla ne devait pas adorer les moldus en ce moment.

Se faire passer pour un couple ? Si l’idée l’amusa quelque peu, il est vrai, pas sûr que roucouler comme deux amoureux les aideraient à se concentrer, autant ne pas se rajouter de difficultés. « On va éviter de se faire passer pour un couple et des représentants. » Il réfléchit quelques instants, ils pouvaient se faire passer pour des amis mais il avait une meilleure idée. « On va se faire passer pour des frères et sœurs. » Il n’y avait rien de mieux que des frères et sœurs pour passer inaperçu, quoi qu’ils fassent, ça pouvait paraître crédible. En revanche, il y avait un détail à prendre en compte, un détail des plus importants « Interdiction de discuter si je donne des ordres. » Oui, sœur ou pas sœur, c’était non négociable, il avait déjà une sœur qui n’écoutait rien mais surtout pour laquelle, il était prêt à toutes les folies. Mieux valait-il être sûr qu’elle écouterait avant d’y aller.

Une fois le café terminé et après avoir répondu aux questions de mademoiselle Kayla, ils burent chacun leur potion. Est-ce qu’un jour il s’habituerait à voir quelqu’un d’autres que lui dans la glace, rien était moins sûr. Il se tourna vers sa cadette, penchant la tête en faisant cela. Bon, ils n’étaient pas sur les ressemblances les plus évidentes de l’année mais bon ça devrait faire le taff malgré tout. Avant de transplaner sur les lieux, Théo préféra prendre toutes les précautions « Si on avait la poisse et qu’on tombait sur le Blood Circle. » C’était déjà arrivé avec Alcyone, autant ne pas faire l’autruche et faire semblant que ça ne pouvait arriver. « Et que psychologiquement, tu n’es pas prête à aller au front contre le Blood Circle, ça ne fait pas de toi quelqu’un de faible Kayla. Transplane si tu sens que c’est trop ou si tu ne peux pas transplaner, reste incognito, mets toi dans un coin. Ce n’est pas grave et il vaut mieux que ça se passe ainsi plutôt que tu partes au combat et que tu te rendes compte en plein combat que tu ne peux pas. Tu n’es pas pressée, prends le temps de guérir parfaitement, c’est le principal et ce sera moins dangereux pour nous si tu es sûr de toi. » Parce qu’il était impensable qu’il ne garde pas un œil sur elle quoi qu’il advienne. Il préférait autant éviter d’avoir à tout stopper pour revenir l’aider. Cela étant dit, il lui tendit la main pour qu’ils se rendent sur place. Que l’aventure commence !